«Le témoin le plus extraordinaire que nous ayons est Ibn Fadhlan, un ambassadeur du califat de Bagdad qui rapporte en grand détail la mort d'un chef rus (suédois sans doute) qui s'est produite sur le bord de la Volga en 922: ce témoignage, qui a tous les traits d'un véritable "reportage", est tellement important ici que nous allons en donner [...] la traduction de Marius Canard.» (R. Boyer, Les Vikings. Histoire, mythes, dictionnaire, Paris, Robert Laffont, 2008) De ce «reportage» arabe reproduit par R. Boyer, nous présentons ci-dessous quelques extraits qui révèlent comment les Vikings reconstruisent dans leurs pratiques du deuil* et elusr rites funéraires la hiérarchie établie entre les classes sociales et les relations hommes-femmes, maîtres-esclaves de leur société, comme ils reconduisent, dans l'Au-delà, leurs coutumes vestimentaires et culinaires d'ici-bas. Beaucoup d'importance est accordée aux choses matérielles et à la sexualité
Extraits
On disait que, relativement à leurs principaux personnages, en cas de mort, ils font certaines choses dont la moindre est l'incinération*. Je désirais en avoir une connaissance certaine et ne pus l'avoir, jusqu'au jour où j'appris la mort d'un homme considérable d'entre eux. Ils le placèrent dans sa tombe, qu'ils recouvrirent d'un toit, et l'y laissèrent pendant dix jours, en attendant qu'ils eussent terminé de lui couper et de lui coudre des vêtements.
Si le mort est un homme pauvre, ils lui construisent un petit bateau dans lequel ils le placent et qu'ils brûlent. S'il s'agit d'un homme riche, ils rassemblent sa fortune et en font trois parts, une pour sa famille, une pour lui couper des vêtements et une autre pour lui préparer le nabidh [de la bière] qu'ils boivent nuit et jour au point que parfois l'un d'entre eux meurt la coupe à la main.
[...]
Quand un grand personnage meurt, les gens de sa famille disent à ses filles-esclaves et ses jeunes garçons-esclaves: «Qui d'entre vous mourra avec lui?» L'un (l'une) dit: «Moi». Une fois qu'il (qu'elle) a dit cela, la chose devient obligatoire et il est impossible de revenir là-dessus. S'il (elle) voulait revenir sur sa décision, on ne le (la) laisserait pas faire. La plupart du temps, ce sont les filles-esclaves qui font cela.
Une fois que «l'une d'elles dit: «Moi», on la confie à deux jeunes filles qui veillent sur elle et qui la suivent partout où elle va, au point que parfois elles lui lavent les pieds de leurs propres mains.
[...]
Quand on arriva le jour où l'homme devait être incinéré* et la fille avec lui, j'allai au fleuve sur lequel se trouvait son bateau. Je vis qu'on avait tiré le bateau sur la rive, qu'on avait planté quatre poteaux de bois khadank et autre bois, et que, autour de ces poteaux, on avait disposé de grands échafaudages de bois. Ensuite, on tira le bateau jusqu'à ce qu'il fut placé sur cette construction de bois.
Puis, ils apportèrent un lit, le placèrent sur le bateau et le couvrirent de matelas et de coussins en brocart grec. Ensuite vint une vieille femme qu'ils appellent l'Ange de la Mort*, et elle étendit sur le lit les garnitures. C'est elle qui est chargée de coudre et d'arranger tout cela et c'est elle qui tue les filles-esclaves. Je vis que c'était une vieille luronne, corpulente, au visage sévère.
[...]
Ils lui [au mort] mirent des pantalons, des chaussons, des bottes, une tunique, et un caftan de brocart avec des butons en or. Ils le coiffèrent d'un bonnet de brocart couvert de fourrure de martre, [...] Puis, ils lui apportèrent du pain, de la viande et des oignons qu'ils placèrent devant lui. Puis, ils lui amenèrent un chien...»
Texte intégral
«Arabes (sources) sur les Vikings» dans R. Boyer, Les Vikings, Histoire, mythes, dictionnaire, Paris, Robert Laffont, 2008, p. 303-309.
On disait que, relativement à leurs principaux personnages, en cas de mort, ils font certaines choses dont la moindre est l'incinération*. Je désirais en avoir une connaissance certaine et ne pus l'avoir, jusqu'au jour où j'appris la mort d'un homme considérable d'entre eux. Ils le placèrent dans sa tombe, qu'ils recouvrirent d'un toit, et l'y laissèrent pendant dix jours, en attendant qu'ils eussent terminé de lui couper et de lui coudre des vêtements.
Si le mort est un homme pauvre, ils lui construisent un petit bateau dans lequel ils le placent et qu'ils brûlent. S'il s'agit d'un homme riche, ils rassemblent sa fortune et en font trois parts, une pour sa famille, une pour lui couper des vêtements et une autre pour lui préparer le nabidh [de la bière] qu'ils boivent nuit et jour au point que parfois l'un d'entre eux meurt la coupe à la main.
[...]
Quand un grand personnage meurt, les gens de sa famille disent à ses filles-esclaves et ses jeunes garçons-esclaves: «Qui d'entre vous mourra avec lui?» L'un (l'une) dit: «Moi». Une fois qu'il (qu'elle) a dit cela, la chose devient obligatoire et il est impossible de revenir là-dessus. S'il (elle) voulait revenir sur sa décision, on ne le (la) laisserait pas faire. La plupart du temps, ce sont les filles-esclaves qui font cela.
Une fois que «l'une d'elles dit: «Moi», on la confie à deux jeunes filles qui veillent sur elle et qui la suivent partout où elle va, au point que parfois elles lui lavent les pieds de leurs propres mains.
[...]
Quand on arriva le jour où l'homme devait être incinéré* et la fille avec lui, j'allai au fleuve sur lequel se trouvait son bateau. Je vis qu'on avait tiré le bateau sur la rive, qu'on avait planté quatre poteaux de bois khadank et autre bois, et que, autour de ces poteaux, on avait disposé de grands échafaudages de bois. Ensuite, on tira le bateau jusqu'à ce qu'il fut placé sur cette construction de bois.
Puis, ils apportèrent un lit, le placèrent sur le bateau et le couvrirent de matelas et de coussins en brocart grec. Ensuite vint une vieille femme qu'ils appellent l'Ange de la Mort*, et elle étendit sur le lit les garnitures. C'est elle qui est chargée de coudre et d'arranger tout cela et c'est elle qui tue les filles-esclaves. Je vis que c'était une vieille luronne, corpulente, au visage sévère.
[...]
Ils lui [au mort] mirent des pantalons, des chaussons, des bottes, une tunique, et un caftan de brocart avec des butons en or. Ils le coiffèrent d'un bonnet de brocart couvert de fourrure de martre, [...] Puis, ils lui apportèrent du pain, de la viande et des oignons qu'ils placèrent devant lui. Puis, ils lui amenèrent un chien...»
Texte intégral
«Arabes (sources) sur les Vikings» dans R. Boyer, Les Vikings, Histoire, mythes, dictionnaire, Paris, Robert Laffont, 2008, p. 303-309.