Dans les pages que l'auteure consacre à «l'animal, le plus autrui des autrui», se révèle «solidaire de la dénonciation de certains traitements infligés aux animaux», plus particulièrement dans les abattoirs. Dans son éthique de la vulnérabilité, elle insiste sur l'urgence de développer chez les humains une sensibilité à la douleur des bêtes menées aux abattoirs. Celles-ci savent, mieux que nous le pensons, ce qui les attend. Elles ont le sens de l'observation, elles sont témoins de ce qui arrive à leurs congénères, elles anticipent leur destin. Il est urgent de développer nos aptitudes à l'empathie et à la compassion*.
Comme le fait remarquer Jean-Marie Coetzee ( Elisabeth Costello, Paris, Le Seuil, 2004) les animaux d'élevage sont traités comme des prisonniers* de guerre*. Or, dans les abattoirs, tout est fait pour que l'homme oublie que l'animal est un être sensible. Tout est fait pour empêcher la moindre identification. L'homme traite l'animal comme un objet abstrait de spéculation et comme une chose qui, n'ayant pas droit au moindre respect, sera massacrée devant les yeux de ses congénères qui verront sa carcasse suspendue au-dessus de leurs têtes quand leur tour sera venu. L'existence des abattoirs montre que l'homme, malgré les déclarations sur le traitement des prisonniers de guerre, est prêt à faire à ses semblables ce que les nazis ont fait aux détenus des camps de concentration. Il suffit qu'il cesse de les voir comme siens pour qu'il s'autorise les pires horreurs. Ainsi, ce n'est pas tant la nourriture carnée qui est en cause que la manière dont nous tuons les animaux. C'est pourquoi Elias Canetti (Le territoire de l'homme, Paris, Albin, 1981) a raison de parler de «l'horreur de l'abattoir sur quoi tout est fondé.»
L'incapacité à se mettre à la place de la bête tuée et à éprouver un minimum de pitié est en cause dans la manière méthodique et hygiénique dont on organise, loin des yeux des consommateurs, le massacre des bêtes. Ceux qui travaillent dans des abattoirs ont certainement besoin de s'endurcir et de se protéger contre ce que la pitié pour les bêtes aurait de paralysant dans l'exercice de leur profession. Il n'est pas question de jeter l'opprobre sur une corporation dans la mesure où cette institution renvoie à la responsabilité collective, c'est-à-dire à chacun d'entre nous. Le problème est que cette insensibilité, acceptée. enseignée, rendue nécessaire par l'existence des abattoirs, développe une indifférence à l'autre qui va bien au-delà de la simple cruauté envers les bêtes. Cette indifférence nous habitue au pire. Elle rend également impossible le mouvement d'empathie qui est nécessaire pour que l'on puisse se porter au secours de l'autre, «fût-il un peu chameau», comme dit Lévinas.
L'incapacité à se mettre à la place de la bête tuée et à éprouver un minimum de pitié est en cause dans la manière méthodique et hygiénique dont on organise, loin des yeux des consommateurs, le massacre des bêtes. Ceux qui travaillent dans des abattoirs ont certainement besoin de s'endurcir et de se protéger contre ce que la pitié pour les bêtes aurait de paralysant dans l'exercice de leur profession. Il n'est pas question de jeter l'opprobre sur une corporation dans la mesure où cette institution renvoie à la responsabilité collective, c'est-à-dire à chacun d'entre nous. Le problème est que cette insensibilité, acceptée. enseignée, rendue nécessaire par l'existence des abattoirs, développe une indifférence à l'autre qui va bien au-delà de la simple cruauté envers les bêtes. Cette indifférence nous habitue au pire. Elle rend également impossible le mouvement d'empathie qui est nécessaire pour que l'on puisse se porter au secours de l'autre, «fût-il un peu chameau», comme dit Lévinas.