La norme pour les vieux chevaux, c’est l’euthanasie.. La clémence de la norme dans le cas du chien s'explique par le fait qu’il s’agit d’un animal de compagnie qui ne cesse pas de remplir sa fonction même quand il est handicapé. Des normes semblables à l'égard du vieux cheval s'appliquent-elles aussi aux plus faibles parmi les humains?
Au moment où je faisais une étude sur la notion de capital social et sur celle, voisine de raison instrumentale, j’ai croisé à l’occasion d’une promenade, une adolescente à cheval. Son père la suivait, mais à pied. Tout autour, la neige, épurée et omniprésente d’un lendemain de tempête en campagne, ajoutait je ne sais quelle solennité à la scène. Je me suis rapproché du trio, pour constater que l’adolescente était secouée par les larmes. Elle montait son cheval pour la dernière fois. Il était vieux, malade, l’heure de l’euthanasie avait sonné pour lui. Elle le menait chez un voisin qui ferait discrètement le nécessaire. La bête en avait-elle le pressentiment? Elle hennissait à la mort… Et les chevaux du centre d’équitation voisin se sont rassemblés près de la clôture, comme pour lui faire leurs adieux. Ce qui me rappela cette histoire que raconte Plutarque*dans la Vie de Caton*: «Le peuple d'Athènes, après avoir bâti l'Hécatompédon, renvoya toutes les bêtes de charge qui avaient travaillé à la construction de cet édifice, et les laissa paître en liberté tout le reste de leur vie. Un de ces animaux vint un jour, de lui-même , se présenter au travail ; il se mit à la tête des bêtes de somme qui traînaient des chariots à la citadelle, et , marchant devant elles, semblait les exhorter et les animer à l’ouvrage. Les Athéniens ordonnèrent, par un décret, que cet animal serait nourri jusqu'à sa mort aux dépens du public.»
Dans notre coin de pays, la norme pour les vieux chevaux, c’est l’euthanasie. Pour les chiens la norme est différente. Le nôtre m’accompagnait dans ma promenade, mais sur trois pattes seulement, un accident l’ayant privé de la quatrième. Nous n’avons même pas songé à le faire euthanasier et nos voisins, qui l’aiment aussi, ont approuvé notre choix. Notre attachement pour lui n’a fait que croître depuis et tout indique que la réciproque est vraie.
On pourrait expliquer la clémence de la norme dans le cas du chien par le fait qu’il s’agit d’un animal de compagnie qui ne cesse pas de remplir sa fonction quand il est handicapé, tandis qu’un cheval qu’on ne peut ni monter, ni atteler vaut moins que sa viande
Il existe des normes semblables entre êtres humains. Malheur aux sociétés où elles sont la loi ultime, c’est peut-être le sort du cheval et non celui du chien qui y attendra les plus faibles. On pousse insensiblement les sociétés dans cette direction chaque fois que l’on réduit les rapports sociaux à des moyens en vue d’une fin autre : la santé, la richesse, le bonheur, la démocratie. Vue sous cet angle, le règne de la raison instrumentale, manifeste dans la théorie du capital social est extrêmement dangereuse. Il est presque inévitable qu’elle ait pour effet de durcir les rapports humains partout où elle n’a pas comme contrepoids soit une philosophie, soit une religion qui subordonne les normes sociales au respect absolu de la dignité de l’être humain.
Dans notre coin de pays, la norme pour les vieux chevaux, c’est l’euthanasie. Pour les chiens la norme est différente. Le nôtre m’accompagnait dans ma promenade, mais sur trois pattes seulement, un accident l’ayant privé de la quatrième. Nous n’avons même pas songé à le faire euthanasier et nos voisins, qui l’aiment aussi, ont approuvé notre choix. Notre attachement pour lui n’a fait que croître depuis et tout indique que la réciproque est vraie.
On pourrait expliquer la clémence de la norme dans le cas du chien par le fait qu’il s’agit d’un animal de compagnie qui ne cesse pas de remplir sa fonction quand il est handicapé, tandis qu’un cheval qu’on ne peut ni monter, ni atteler vaut moins que sa viande
Il existe des normes semblables entre êtres humains. Malheur aux sociétés où elles sont la loi ultime, c’est peut-être le sort du cheval et non celui du chien qui y attendra les plus faibles. On pousse insensiblement les sociétés dans cette direction chaque fois que l’on réduit les rapports sociaux à des moyens en vue d’une fin autre : la santé, la richesse, le bonheur, la démocratie. Vue sous cet angle, le règne de la raison instrumentale, manifeste dans la théorie du capital social est extrêmement dangereuse. Il est presque inévitable qu’elle ait pour effet de durcir les rapports humains partout où elle n’a pas comme contrepoids soit une philosophie, soit une religion qui subordonne les normes sociales au respect absolu de la dignité de l’être humain.