«L’extraordinaire actualité du thème animal signe un souci nouveau, en Occident, à l’endroit des frontières incertaines entre les deux genres au sein des vivants, et surtout de leurs relations mutuelles: il s’agit moins d’un thème que d’une question, d’ordre à la fois scientifique, moral, philosophique.»
La littérature n’est pas de reste, c’est le moins qu’on puisse dire, puisqu’elle devient le lieu où ces questions se posent avec une acuité inédite dans certaines œuvres majeures – celle en particulier de l’écrivain d’Afrique du Sud J.-M. Coetzee, prix Nobel de littérature, qui suscite une masse croissante de lectures critiques et de débats. Plus, la littérature en tant que telle apparaît, aux yeux des philosophes, comme l’archive d’un précieux savoir sur l’animal et sa parenté avec l’homme : la pensée littéraire, par sa curiosité de l’autre et ses capacités d’attention et d’identification empathique, semble avoir exploré avant tout autre savoir le lien vital qui enchaîne les destins des humains et des animaux, lien qu’auraient renié des siècles de pratiques utilitaristes* et sacrificielles* – à l’horizon desquelles surgit un spectre effrayant: celui d’une disparition de l’espèce animale, ou d’une altération fondamentale du rapport entre les hommes et les animaux, qui menacerait l’humanité à son tour.»
Exemples de cette empathie de la littérature à l'égard des animaux au seuil du xxe siècle :
«La Lettre de Lord Chandos de l’autrichien Hugo von Hofmannsthal*, où un jeune lord anglais fictif, autrefois poète et rhétoricien, avoue à Francis Bacon*, son ami philosophe, que, privé du pouvoir de la parole et du concept, traversé de visions d’apocalypse, il n’aspire qu’à vivre tel l’orateur Crassus, muet d’amour devant sa murène;
les "personnages" animaux des nouvelles de Kafka*, Joséphine la souris, cantatrice disgraciée par son public, Rotpeter le singe savant qui raconte son étrange aventure d’animal humanisé à un parterre de savants ; enfin la 8e élégie de Duino de Rilke*, véritable hymne à l’oiseau, "animal libre", "sauvé pour toujours", "petite créature" restée "dans le sein", dont le "regard vers l’avant" voit " l’Ouvert", et dont le vol plein d’une "peur de soi-même" inspire une «infinie douceur" et une "lourde mélancolie"».
«L’animal et l’humain: un mythe contemporain, entre science, littérature et philosophie» par Catherine Coquio, professeur de Littérature comparée à l’université Paris VIII. Membre de l’équipe «Littérature et Histoire». Présidente d’Aircrige. Éditrice de Parler des camps, L’Histoire trouée, L’Enfant et le génocide, Co-organisatrice du colloque «Pourquoi l’animal ? » à la MSH de Poitiers en février 2010 (à paraître aux PUR).
Texte intégral:
http://presence-litterature.cndp.fr/dossiers-thematiques/lanimal-dans-la-litterature/lanimal-et-lhumain.html
Exemples de cette empathie de la littérature à l'égard des animaux au seuil du xxe siècle :
«La Lettre de Lord Chandos de l’autrichien Hugo von Hofmannsthal*, où un jeune lord anglais fictif, autrefois poète et rhétoricien, avoue à Francis Bacon*, son ami philosophe, que, privé du pouvoir de la parole et du concept, traversé de visions d’apocalypse, il n’aspire qu’à vivre tel l’orateur Crassus, muet d’amour devant sa murène;
les "personnages" animaux des nouvelles de Kafka*, Joséphine la souris, cantatrice disgraciée par son public, Rotpeter le singe savant qui raconte son étrange aventure d’animal humanisé à un parterre de savants ; enfin la 8e élégie de Duino de Rilke*, véritable hymne à l’oiseau, "animal libre", "sauvé pour toujours", "petite créature" restée "dans le sein", dont le "regard vers l’avant" voit " l’Ouvert", et dont le vol plein d’une "peur de soi-même" inspire une «infinie douceur" et une "lourde mélancolie"».
«L’animal et l’humain: un mythe contemporain, entre science, littérature et philosophie» par Catherine Coquio, professeur de Littérature comparée à l’université Paris VIII. Membre de l’équipe «Littérature et Histoire». Présidente d’Aircrige. Éditrice de Parler des camps, L’Histoire trouée, L’Enfant et le génocide, Co-organisatrice du colloque «Pourquoi l’animal ? » à la MSH de Poitiers en février 2010 (à paraître aux PUR).
Texte intégral:
http://presence-litterature.cndp.fr/dossiers-thematiques/lanimal-dans-la-litterature/lanimal-et-lhumain.html