Afin d'alimenter ou stimuler une discussion réflexive sur les enjeux éthiques de l'euthanasie et du suicide assisté*, il nous paraît utile d'analyser les limites du droit à partir de la notion du tort, proposée par Jean-François Lyotard (1924-1998) dans Le Différend (1984) et le principe de précaution, largement mis de l'avant par les experts et les intervenants en lien avec les risques associés à la légalisation de l'euthanasie.
Dans Le Différend, Jean-François Lyotard, écrit: «Le plaignant porte sa plainte devant le tribunal, le prévenu argumente de façon à montrer l'inanité de l'accusation. Il y a litige. J'aimerais appeler différend le cas où le plaignant est dépouillé des moyens d'argumenter et devient de ce fait une victime (...) . Un cas de différend entre deux parties a lieu quand le «règlement» du conflit qui les oppose se fait dans l'idiome de l'une d'elles alors que le tort dont l'autre souffre ne se signifie pas dans cet idiome.» Lyotard indique un problème de langage qui pourrait être résolu par l'invention d'un langage commun.
Autrement dit, le «tort» est «la part de souffrance de la victime qui ne trouve pas à s'exprimer devant un tribunal.» (Xavier de la Vega, «Lyotard. La fin des grands récits» dans Cinq siècles de pensée française, ouvrage coordonné par Nicolas Journet, Sciences Humaines, 2010, p. 146-148) Le tort de la victime ou, plus exactement, le tort subi par la victime, c'est qu'il n'a pas su s'exprimer dans son langage. Il n'avait pas les mots pour dire sa pensée. Il a nettement le sentiment qu'il n'a pas été entendu, parce qu'il disait ou ce qu'il tentait de dire n'avait aucune place et n'avait aucun sens dans le discours de la partie adverse. Son jargon n'avait aucun écho dans l'idéologie, la rhétorique ou le paradigme du système juridique (le droit), du monde médical ou même de l'opinion publique, le bon sens ou le sens commun.
Dans le débat qui s'est engagé au Québec et plus particulièrement dans les audiences publiques de la Commission parlementaire sur le mourir dans la dignité, les positions opposées divisent grosso modo la population en deux clans, capables de se parler et de comprendre mutuellement leurs discours. Les uns - des malades atteints d'une maladie mortelle, leur famille, des médecins et des infirmières, une majorité de la population - sont pour la légalisation de l'euthanasie et, dans une moindre proportion, en faveur de l'assistance au suicide, pour des raisons que nous expliquerons ci-dessous. Les autres - des intervenants et des bénéficiaires de soins palliatifs, des associations des handicapés et leurs membres, des experts en droit et en éthique - sont contre. Ceux qui sont pour posent généralement des conditions très strictes parmi lesquelles la limitation de la pratique euthanasique à des personnes dont la douleur - physique et morale - ne peut pas être soulagée adéquatement. La plupart de ces propositions opposées s'entendent pourtant sur l'importance et la nécessité des pratiques du soulagement de la douleur dans le cadre plus global des soins palliatifs ou non.
On serait tenté de dire que ces divers groupes, malgré leur opposition, parlent le même langage et utilisent les mêmes idiomes, logent dans le m^me univers paradigmatique. La Commission parlementaire a tenu à définir les termes comme «euthanasie», «suicide assisté», «soins palliatifs», «meurtre par compassion», «acharnement thérapeutique», «refus ou abandon d'un traitement», etc. de sorte que tous ceux qui participent, de l'une ou l'autre façon, aux audiences se comprennent en utilisant le même langage et en donnant la même signification aux termes. S'il y a un différend - et je crois qu'il existe dans notre société - , il est plus profond et les parties opposées sont inconciliables. Il se situe au plan philosophique et anthropologique. Ce qui est en jeu, c'est la vision du monde, le sens de la vie et de la mort, la perception de la personne humaine. L'un groupe va perdre et l'autre va gagner, si je me peux m'exprimer ainsi en termes de jeu ou de combat, car la co-existence de deux discours et de deux pratiques opposés et appuyés sur des idéologies opposées rend impossible un compromis.
Certaines ententes sont acquises: l'opposition à l'acharnement thérapeutique, le respect de la dignité de la personne, la compassion. Au plan des valeurs en jeu, des attitudes et des sentiments manifestés,on observe des affinités et des complicités. Différence inconciliable : religion (enseignement de l'Église - - la foi personnelle liée à la vie comme sacrée -
le commandement tu ne tueras point - cet interdit peut être partagé par lles défenseurs de la laïcité.
Autrement dit, le «tort» est «la part de souffrance de la victime qui ne trouve pas à s'exprimer devant un tribunal.» (Xavier de la Vega, «Lyotard. La fin des grands récits» dans Cinq siècles de pensée française, ouvrage coordonné par Nicolas Journet, Sciences Humaines, 2010, p. 146-148) Le tort de la victime ou, plus exactement, le tort subi par la victime, c'est qu'il n'a pas su s'exprimer dans son langage. Il n'avait pas les mots pour dire sa pensée. Il a nettement le sentiment qu'il n'a pas été entendu, parce qu'il disait ou ce qu'il tentait de dire n'avait aucune place et n'avait aucun sens dans le discours de la partie adverse. Son jargon n'avait aucun écho dans l'idéologie, la rhétorique ou le paradigme du système juridique (le droit), du monde médical ou même de l'opinion publique, le bon sens ou le sens commun.
Dans le débat qui s'est engagé au Québec et plus particulièrement dans les audiences publiques de la Commission parlementaire sur le mourir dans la dignité, les positions opposées divisent grosso modo la population en deux clans, capables de se parler et de comprendre mutuellement leurs discours. Les uns - des malades atteints d'une maladie mortelle, leur famille, des médecins et des infirmières, une majorité de la population - sont pour la légalisation de l'euthanasie et, dans une moindre proportion, en faveur de l'assistance au suicide, pour des raisons que nous expliquerons ci-dessous. Les autres - des intervenants et des bénéficiaires de soins palliatifs, des associations des handicapés et leurs membres, des experts en droit et en éthique - sont contre. Ceux qui sont pour posent généralement des conditions très strictes parmi lesquelles la limitation de la pratique euthanasique à des personnes dont la douleur - physique et morale - ne peut pas être soulagée adéquatement. La plupart de ces propositions opposées s'entendent pourtant sur l'importance et la nécessité des pratiques du soulagement de la douleur dans le cadre plus global des soins palliatifs ou non.
On serait tenté de dire que ces divers groupes, malgré leur opposition, parlent le même langage et utilisent les mêmes idiomes, logent dans le m^me univers paradigmatique. La Commission parlementaire a tenu à définir les termes comme «euthanasie», «suicide assisté», «soins palliatifs», «meurtre par compassion», «acharnement thérapeutique», «refus ou abandon d'un traitement», etc. de sorte que tous ceux qui participent, de l'une ou l'autre façon, aux audiences se comprennent en utilisant le même langage et en donnant la même signification aux termes. S'il y a un différend - et je crois qu'il existe dans notre société - , il est plus profond et les parties opposées sont inconciliables. Il se situe au plan philosophique et anthropologique. Ce qui est en jeu, c'est la vision du monde, le sens de la vie et de la mort, la perception de la personne humaine. L'un groupe va perdre et l'autre va gagner, si je me peux m'exprimer ainsi en termes de jeu ou de combat, car la co-existence de deux discours et de deux pratiques opposés et appuyés sur des idéologies opposées rend impossible un compromis.
Certaines ententes sont acquises: l'opposition à l'acharnement thérapeutique, le respect de la dignité de la personne, la compassion. Au plan des valeurs en jeu, des attitudes et des sentiments manifestés,on observe des affinités et des complicités. Différence inconciliable : religion (enseignement de l'Église - - la foi personnelle liée à la vie comme sacrée -
le commandement tu ne tueras point - cet interdit peut être partagé par lles défenseurs de la laïcité.