Le sous-titre de ce document fut: «Débats actuels sur l'euthanasie». Nous étions en 1992. Près de vingt années ont passé. La thématique, la problématique et le langage du débat ont évolué depuis ce temps. Pourtant, le texte me semble avoir gardé son actualité et peut encore servir en 2010 à l'occasion des audiences publiques de la Commission sur «le mourir dans la dignité». Veuillez toutefois observer qu'en l'année où l'article fut publié dans Frontières (hiver 1992, p. 28-32) la légalisation de l'euthanasie n'avait pas encore été adoptée ni aux Pays-Bas* ni en Belgique*. Cet article a été légèrement modifié en septembre 2010 sans pourtant sans supprimer les événements d'actualité auxquels l'article originel fait référence qui appartiennent au passé, mais demeurent des «lieux de mémoire*» à respecter.
Vient de paraître en français Exit final (1), conçu comme un guide qui renseigne le public et les professionnels de la santé sur les techniques susceptibles de produire une «mort digne» et sur les conditions les plus favorables dans lesquelles les personnes, désireuses de mourir, pourront se donner la mort. La préface de l'édition française est de la plume de l'astrophysicien québécois Hubert Reeves, qui nous rappelle que si «la mort est un épisode normal de la nature» et si les fleurs «meurent en douceur», il n'y a aucune garantie que «cela se passe bien» chez les humains. Trop souvent, on feint d'ignorer la mort des humains en tant que «réalité difficile». Réalité difficile, parce que les humains sont capables de reconnaître la mort en tant que mort, c'est-à-dire en tant que fin et rupture. Mais réalité devenue encore plus difficile, à cause des nouvelles technologies capables de prolonger contre le cours normal de la nature une vie, même si elle n'a plus de sens? C'est pourquoi Reeves applaudit à l'effort de plusieurs personnes qui «ont osé sortir de la clandestinité la possibilité d'un recours à l'euthanasie* quand la mort est prochaine, que les souffrances sont intolérables ou que la détérioration du corps rend la vie dégradante.» (2)
Dès la première page de ce guide, on est averti que «cet ouvrage présuppose que le lecteur reconnaît et accepte le principe moral selon lequel un malade en fin de vie «a le droit de décider de mettre volontairement un terme à ses souffrances». (3) Un peu plus loin, on lit «Si vous croyez que Dieu est le seul maître de votre destin, ne poursuivez pas votre lecture. Cherchez plutôt la meilleure façon d'atténuer vos souffrances et prenez les dispositions nécessaires pour être accueilli dans un hospice.» (4)
Or, la réalité concrète n'est pas aussi simple. En effet, dans le dernier sondage publié dans La Presse (5) 80 % des Québécois sont d'avis que les médecins devraient être autorisés à mettre fin à la vie d'un patient incurable si celui-ci en fait la demande formelle par écrit. Parmi ces 80 % se trouvent des croyants et des médecins chrétiens qui réclament, autant que des non croyants - et par ceux-ci il y en a sûrement qui sont contre -, une législation plus ouverte leur permettant en des circonstances précises, et selon des conditions clairement établies, la pratique de l'euthanasie*.
Notre propos n'est pas tant de présenter une étude originale sur l'euthanasie que de faire le point sur les diverses discussions qui ont lieu en milieu québécois sur cette question. (6) Pour ce faire, nous voulons d'abord clarifier certains termes, car il y a souvent de la confusion dans la compréhension des pratiques existantes. Ensuite, nous nous proposons de distinguer entre les divers niveaux du problème, car la question des soins aux personnes atteintes de maladie mortelle ne peut pas être abordée de la même façon sur le plan juridique, éthique ou philosophique. Finalement, nous aimerions poser quelques interrogations fondamentales sur l'existence en rapport avec la question de l'euthanasie. L'ensemble de la présentation aura pour but d'introduire les lectrices et les lecteurs à une participation aux débats actuels qui les concernent en tant que citoyens, intervenants ou bénéficiaires des services de la santé.
1. LES PRATIQUES
Il est opportun de présenter la terminologie contemporaine en contexte québécois. Ainsi, par euthanasie*, on entend un acte délibéré, destiné à abréger la vie d'une personne atteinte d'une maladie mortelle, pratiqué de façon à entraîner une mort douce et posé par un médecin selon l'art de sa profession ou exceptionnellement par une infirmière ou par un proche selon des indications médicales. L'euthanasie volontaire est faite à la demande explicite, écrite ou verbale, du malade, tandis que l'euthanasie non volontaire est pratiquée sur des personnes qui ne sont pas ou ne sont plus en mesure de manifester leur volonté, par exemple, sur des personnes dans un coma prolongé et irréversible ou sur des enfants en bas âge dont la qualité de la survie est sévèrement hypothéquée.
L'abstention d'un traitement thérapeutique est la décision de ne pas entreprendre ou de cesser un traitement thérapeutique que l'on estime médicalement non pertinent et qui prolongerait la vie ou les douleurs du malade, sans espoir de guérison ni d'amélioration sensible de son état. Commencer ou poursuivre ce genre de traitement constituerait un acharnement thérapeutique, c'est-à-dire des soins inappropriés ou excessifs par rapport aux résultats que l'on peut en obtenir.
Le refus de traitement est la requête d'une personne de ne pas entreprendre ou d'interrompre un traitement qu'elle ne supporte plus et dont elle ne perçoit plus l'utilité. Le cas le plus récent est celui de Nancy B*, jeune femme, souffrant du syndrome de Guillain-Barré. Depuis deux ans et demi, cette femme est étendue, immobile dans un lit d'hôpital où elle vit grâce à un respirateur artificiel. Nancy B* a déposé en Cour Supérieure une requête en injonction réclamant que l'on autorise le débranchement des appareils qui la maintiennent en vie. La Cour vient d'accorder cette autorisation, dans la mesure où la requérante persiste dans sa résolution et à condition que la procédure technique respecte la dignité de la personne humaine.
Le suicide est un acte produisant la mort, posé par la personne sur elle-même en sachant que son geste entraînera cet effet. Le suicide et l'euthanasie sont tous deux des morts volontaires. Par ailleurs, dans le cas du suicide, la personne se tue elle-même, même si elle est assistée dans son geste, tandis que lors d'une euthanasie, la personne est tuée. Le suicidaire peut se supprimer d'une manière physiquement violente, par exemple par une arme, tandis que l'euthanasie est, par définition*, un geste physiquement non violent. La personne qui se suicide peut ne pas être malade et accomplir son geste pour des raisons d'ordre psychologique ou moral.
Le suicide assisté* est l'assistance accordée par une personne à une autre qui se prive elle-même de la vie. Par exemple, elle peut offrir à cette dernière des conditions propices à l'accomplissement de son geste ou lui procurer des moyens de se supprimer, par exemple des médicaments. (7)
Il. ASPECTS JURIDIQUES
L'euthanasie ne figure pas dans la loi comme une infraction distincte de celle de l'homicide. Par conséquent, la loi continue de traiter l'euthanasie comme un homicide, même si la jurisprudence nous apprend qu'au Québec on n'a pas l'habitude d'intenter des poursuites contre un médecin qui aurait agi par compassion* et selon l'art de sa profession. lI en va de même de l'assistance au suicide qui, malgré le fait que le suicide a été décriminalisé, demeure, aux termes de la loi, un délit.
En ce qui concerne l'abstention d'un traitement, on ne peut accuser de négligence criminelle un médecin qui n'introduit pas ou qui cesse des traitements thérapeutiques estimés non appropriés ou excessifs. Par ailleurs, selon le code civil, un malade a le droit de refuser un traitement même contre l'avis de son médecin: «Nul ne peut être soumis sans son consentement à des soins quelle qu'en soit la nature, qu'il s'agisse d'examens, de prélèvements, de traitement ou de toute autre intervention.» (8) Par contre, selon le droit criminel canadien, «Quiconque entreprend d'accomplir un acte est légalement tenu de l'accomplir, sauf excuse légitime, si l'omission de le faire met ou risque de mettre en danger la vie d'autrui ... » et «Chacun est légalement tenu, dans un cas d'urgence, de porter secours à toute personne dont la vie ou la santé est gravement menacée ... ».(9) Par exemple, dans le cas de Nancy B., la requête légitime d'une personne en pleine possession de ses facultés intellectuelles se heurte à la question soulevée devant la Cour: le médecin commet-elle un homicide en débranchant le respirateur de sa patiente, même si l'on sait que ce geste mettra non seulement la vie en danger, mais aura la mort comme résultat?
Le testament biologique est un document daté et signé par une personne adulte, saine d'esprit, bien portante ou malade, dans lequel celle-ci fait connaître sa volonté au sujet des soins ou des traitements qu'elle désire recevoir ou non quand, gravement malade, elle ne serait plus en mesure de manifester ses choix. Au Québec, le soussigné demande que l'on ne le maintienne pas en vie par des moyens artificiels et disproportionnés, que des médicaments appropriés lui soient donnés afin de soulager efficacement ses douleurs, même si ceux· ci devaient hâter l'instant de sa mort Le testament biologique cherche surtout à prévenir toutes les formes d'acharnement thérapeutique. En d'autres pays, notamment en France et en Belgique, les associations pour le droit de mourir dans la dignité proposent un testament de vie où le soussigné peut demander également ~ que l'on pratique sur lui l'euthanasie dite active. A l'heure actuelle, le testament biologique n'a pas de valeur légale. La présence ou l'absence d'un tel document laisse au médecin traitant l'entière responsabilité de ses décisions. Cependant, un document signé et réitéré peut constituer une indication éthique très appréciable pour l'équipe médicale et pour la famille. Il faudrait pourtant éviter que la pratique médicale ne pénalise les personnes qui n'ont pas signé de testament* biologique. (10)
Aujourd'hui, en de nombreux pays, les associations pour le droit de mourir dans la dignité, appuyées par une opinion publique favorable, se déclarent en faveur de la légalisation de l'euthanasie si elle est pratiquée pour des raisons humanitaires. Aux Pays- Bas, contrairement à ce que l'on pense, l' euthanasie n'est pas légalisée, mais il existe dans certains hôpitaux un protocole qui autorise l'euthanasie sur l'avis de deux médecins, lorsque la demande du malade est volontaire et libre, explicite et constante, lorsque la maladie est irréversible, lorsque la douleur physique ou la souffrance morale sont éprouvées par le malade comme insupportables et lorsque l'on ne dispose pas d'autres solutions raisonnables pour améliorer l'état du malade.
III. ASPECTS ÉTHIQUES
Les arguments invoqués couramment en faveur de l'euthanasie sont: le principe du respect de la dignité de la personne; le droit à l'autonomie*, à l'autodétermination et à la libre disposition de son corps; le droit* à la mort, expression maladroite par laquelle on veut signifier le droit à une fin de vie décente et qui fait donc partie du droit à la vie; l'absence de la qualité de la vie, liée principalement à l'inconfort physique et psychologique; la compassion*, sentiment qui porte un médecin à éviter chez son patient une agonie douloureuse.
Parmi les raisons que certains malades apportent eux-mêmes à leur demande d'euthanasie, on retrouve: la volonté d'être délivrés de leurs souffrances, de mourir en pleine lucidité et de s'approprier leur propre mort; le refus d'être encore plus longtemps un fardeau pour leur famille et la société, la conviction que les ressources financières, technologiques et humaines serviraient mieux aux soins médicaux de personnes dont la promesse de vie est plus grande.
Les arguments courants contre l'euthanasie sont: le caractère sacré de la vie; le droit à la vie et à l'intégrité de la personne; le principe de bienfaisance selon lequel le médecin doit tout faire pour guérir le malade et, si la maladie est devenue irréversible, veiller à contrôler la douleur et remédier aux inconforts du malade; la crédibilité de la profession médicale par l'entremise de laquelle la société s'engage à protéger la vie de ses citoyens, notamment les plus faibles et les plus vulnérables; la pente glissante par laquelle l'euthanasie volontaire conduirait peu à peu à l'euthanasie non volontaire et à la suppression des humains socialement non désirables et non conformes à la norme sociale. L'euthanasie serait la porte ouverte à d'autres délits et entraînerait une baisse générale de l'estime de la vie.
Les arguments pour et contre l'euthanasie ont en commun: le respect de la personne humaine; la compassion par laquelle on cherche le soulagement de la douleur et une mort décente; une opposition ferme à l'acharnement thérapeutique. Ceux qui s'opposent à l'euthanasie optent pour le contrôle de la douleur et les soins palliatifs*. Ce qui nous étonne dans leurs discours, c'est qu'ils insistent tellement sur le contrôle de la douleur physique et qu'ils semblent faire si peu de cas des souffrances morales ou psychologiques. On dit, par exemple, que l'euthanasie n'est pas nécessaire, parce que l'on parvient à contrôler presque toute douleur. Mais qu' en est-il des peines et des inquiétudes qui ravagent le coeur et peuvent parfois devenir insurmontables, quand elles sont liées à la perte de l'estime de soi et à la prise de conscience d'une lente dégradation de ses facultés?
De plus, entre l'interruption d'un traitement qui a comme résultat une mort indirecte et l'euthanasie qui a pour effet une mort directe, la frontière est difficile à tracer. Il en est de même de la frontière entre le contrôle ou le soulagement de la douleur qui peut avoir pour effet d'abréger la vie et l'euthanasie qui la provoque directement. Même si ces interventions peuvent se distinguer au plan des intentions, du point de vue de l'acte médical ou de la législation actuelle, elles ne sont pas différentes si l'on regarde le résultat escompté qui est le même, c'est -à-dire la mort.
C'est pourquoi personnellement, nous n'opposons pas les soins palliatifs et l'interruption d'un traitement à l'euthanasie, comme si, en choisissant la première option, il faudrait exclure la seconde. Nous croyons qu'il est préférable de penser l'intervention médicale dans son évolution en termes d'actes appropriés à l'état du malade. Dans cette perspective, on traite le malade aussi longtemps qu'il y a un espoir légitime de guérison ou d'amélioration sensible de son état, on se limite au contrôle de la douleur et aux soins palliatifs quand le traitement thérapeutique devient non pertinent et on pratique l'euthanasie, quand le malade considère que les soins ne parviennent plus à lui procurer une existence satisfaisante. Quand une personne estime que le prolongement de sa vie n'a plus de sens et quand elle n'en finit pas de mourir, le fait d'accélérer ou de provoquer la mort devrait être apprécié comme un geste approprié à la situation donnée dans la mesure où ce choix est fait avec prudence et l'acte, accompli dans la déférence pour la personne qui en a exprimé le désir.
Il ne faudrait pas, cependant, commettre une discrimination à l'égard des personnes non compétentes qui ne sont plus aptes à exprimer leur volonté. Afin de ne pas instaurer une forme d'inégalité d'accès à une mort digne et douce, nous estimons que l'euthanasie peut être un acte approprié à leur situation, non seulement quand les personnes en question ont signé un testament de fin de vie, un mandat ou une procuration, mais aussi en l'absence de ces documents, quand on constate que leur capacité de reconnaissance d'autrui et de communication sont irréversiblement compromises.
Afin d'appuyer et d'examiner de manière critique notre position, nous nous proposons de poursuivre notre réflexion au-delà des aspects juridiques et éthiques en nous posant des interrogations fondamentales relatives au caractère mortel de la vie humaine.
IV. INTERROGATIONS EXISTENTIELLES
À un moment donné de notre existence, nous faisons l'expérience de notre mortalité et nous nous éprouvons comme des vivants entourés par la mort. En effet, la vie ne va pas sans la mort, comme la lumière ne va pas sans l'ombre ni le jour sans la nuit. La mort est la face cachée de la vie, toujours présente et inéluctable. Elle n'est pas seulement la destination ultime vers laquelle nous cheminons tous plus ou moins lentement, mais elle est aussi une réalité de tous les jours, car elle est la limite qui caractérise l'être humain dès sa naissance. Elle est la finitude* de notre être et le signe de notre inachèvement. Nous vivons et mourons inachevés. (11)
Le fait que je m'éprouve mortel et que je me sais limité et inachevé, me rend vulnérable et fragile. Seul, je ne puis supporter cette conscience aiguë du caractère mortel de mon être. Je ressens donc un besoin très fort de secours au milieu de ma détresse. L'expérience fondamentale de la mort me met donc sur la voie qui mène vers la découverte de la présence d'autrui. Les autres m'apparaissent comme des êtres à qui je puis faire appel dans mon isolement. Mais, tandis que j'attends d'eux qu'ils me viennent en aide, je m'aperçois qu'eux, à leur tour, sont des êtres partageant avec moi le même destin mortel et attendent de moi que je leur apporte secours. En découvrant qu'ils ont des responsabilités à mon égard, je me rends compte que j'ai des responsabilités à leur égard. Désormais, je puis vivre sur la terre et assumer mon destin, car, à travers l'expérience du caractère mortel de mon être, je fais l'apprentissage de la proximité d'autrui et de la convivialité. Dans cette perspective, l'éthique est l'art de reconnaître autrui comme celui avec qui je suis engagé dans une responsabilité réciproque afin de penser ensemble notre séjour sur la terre.
1. la relation malade-médecin
La maladie, surtout si elle grave et irréversible est une des manifestations les plus poignantes de notre être mortel. Les douleurs du corps et de l'âme qui l'accompagnent créent chez le malade une anxiété qui ne peut être résolue que par la proximité d'autrui. C'est donc à l'intérieur des soins de la santé et au sein de la relation malade-médecin que peut se jouer à plein la convivialité humaine et la responsabilité partagée.
Il est vrai que le médecin peut se réfugier à l'intérieur de sa compétence et ses devoirs médicaux, tandis que le malade peut se cantonner à l'intérieur de sa maladie et de ses droits. Ce sont alors deux solitudes qui s' installent dans leur silence et dans leur unité achevée, close sur elle-même, deux voies parallèles qui ne se rencontrent jamais. Dans une éthique de la convivialité, par contre, les décisions sont prises avec l'autre. Dans le respect des différences, le médecin et l'équipe des soignants établissent avec le malade et la famille un lieu de communication où des points de vue opposées peuvent concourir. Les relations médecin-patient sont alors le lieu où l'on cherche conjointement un terrain d'entente satisfaisant pour la profession médicale et pour le malade. Les intérêts de la profession et du malade sont traités non pas comme des unités abstraites, des solitudes closes sur elles-mêmes, mais comme des unités inachevées, ouvertes sur une altérité qui, tout en étant différente, leur est complémentaire.
2. le bien et le mal
Dans ce partage des responsabilités, assumées dans la convivialité, les acteurs - les soignants et les bénéficiaires - doivent choisir ce qui est bien et éviter ce qui est mal. Ceci nous porte à faire une réflexion sur l'ambiguïté de toute action humaine, car dans le bien que nous faisons, il n'y a pas que du bien et dans le mal que nous faisons, il n'y a pas que du mal. Ainsi, on peut dire que tuer est un mal, mais dans ce mal peut parfois se glisser un bien, car tuer ou se tuer peut signifier délivrer quelqu'un des souffrances devenues insupportables. Soigner est un bien, mais dans ce bien peut s'infiltrer du mal, lorsque ces soins deviennent inappropriés par rapport à l'état physique ou mental, les choix personnels, la biographie, le profil psychosocial ou les convictions religieuses de l'individu que l'on soigne.
En termes éthiques, la vie n'est pas synonyme de bien ni la mort synonyme de mal. En effet, on peut bien vivre ou mal vivre, bien mourir ou mal mourir. La vie est un bien dans la mesure où celle-ci permet de séjourner sur la terre en convivialité avec les autres vivants, en les reconnaissant et en étant reconnu par eux. Ainsi, quand une personne estime qu'elle n'est plus apte à considérer sa vie comme un bien ni pour elle-même ni pour son entourage, lorsqu'elle ne parvient plus ni par ses propres ressources ni par les ressources de la médecine ou de ses proches à mettre son être à l'abri, pourquoi l'euthanasie ou le suicide assisté ne pourraient~ils pas constituer des gestes responsables, appropriés à la situation?
3. la bonne mort
Si la vie n'est pas toujours un bien, la mort n'est pas toujours un mal. La mentalité contemporaine éprouve beaucoup de malaise à l'égard de la mort. Fascinées par le mythe de l'a-mortalité*, la science et la technologie cherchent à reculer toujours davantage les frontières de la mort. En médecine, il n'y a pas de fin aux nouvelles découvertes et expérimentations. Il arrive malheureusement trop souvent que l'on fait sur les humains des interventions qui n'auraient jamais dû être entreprises, en vertu même de la convivialité, car elles n'ont pas permis à leurs bénéficiaires de séjourner avec une relative satisfaction parmi les êtres et les choses.
Toujours du point de vue éthique, une bonne mort n'est pas nécessairement une mort digne et douce, propre et belle, libre et volontaire. Je puis mourir mal dans mon lit, entouré des bons soins de mon entourage, si je meurs indifférent et insensible àl' existence d'autrui, comme je puis mourir bien une «male mort» (Rabelais) à Vukovar ou à Dubrovnik parmi les bombes, si je n'ai pas renoncé à mes responsabilités nées de la convivialité. L'ethos contemporain a tendance à faire de la mort une réussite et un accomplissement. Nous voulons en faire un petit chef d'oeuvre ou une apothéose. Nous rêvons d'une vie qui parviendra à sa plénitude: vivre notre propre mort dans la dignité, lucide et consciente. Or, nous ne devrions pas perdre de vue l'inachèvement qui caractérise aussi bien notre vie que notre mort. C'est pourquoi j'éprouve une certaine gêne à réclamer le droit à une mort douce, digne et volontaire lorsqu'au même moment, dans la guerre du Golfe, en Yougoslavie, au Liban, au Togo ou ailleurs les gens meurent par milliers d'une mort violente et obscène. II ne faudrait pas trop vouloir embellir ou apprivoiser la mort, ni lui enlever son caractère tragique, sa laideur et son scandale, car elle est rupture et séparation, elle demeure révoltante, même si l'on parvient à la reconnaître comme une réalité incontournable. Cela n'empêche pas qu'elle puisse être bonne, du point de vue éthique, pour celui qui jusqu'à la fin de sa vie a pu se mouvoir dans la proximité d'autrui et et la responsabilité partagée.
4. l'ethos contemporain et la vie
Dans la mentalité contemporaine, la qualité de la vie est associée au confort physique de sorte que tout ce qui provoque de la douleur et de l'incommodité est jugé très négativement. Or, sans s'adonner à un dolorisme malsain, il ne faudrait pas sous-estimer la capacité de souffrance de certaines personnes qui puisent dans leurs doulems physiques et morales une source de connaissance et d'ouverture au monde. En vertu même de la convivialité, nous devons faire tout ce qui est possible pour diminuer ou supprimer les souffrances d'autrui. Mais s'il se trouvait quelqu'un dont le mal physique ou affectif ne l'empêche pas de séjourner parmi les êtres et les choses avec une certaine satisfaction ni de mettre son être à l'abri, notre proximité responsable devrait le respecter. C'est pourquoi la compassion, tout en étant un sentiment noble qui convient à une éthique née de la convivialité, demeure pourtant une réalité chargée de trop d'émotivité. Ce ne sont pas nos sentiments subjectifs de proche ou d'intervenant qui doivent nous guider, mais ceux du mourant lui-même. Il ne faudrait pas que des critères subjectifs l'emportent là où il s'agit de discerner avec justesse le degré d'intensité des désirs et des sentiments de la personne proche de la mort et de les respecter dans nos décisions ou attitudes.
On peut se demander quel est le respect de nos contemporains à l'égard de leur propre vie? Lorsque l'on observe nos habitudes collectives de vie, on peut se demander si la vie et la santé sont, dans la mentalité actuelle, des valeurs aussi premières que les discours semblent le suggérer. Après avoir pris trop de poids, on prend bien soin de son cholestérol et le souci pour l'hygiène est presque maladif. Mais la conduite automobile sur les routes semble inspirée d'un mépris de la vie. Il en est ainsi de la violence dans les sports, sans parler des comportements suicidaires liés à la consommation excessive d'alcool* ou de drogue*. Nous séjournons avec violence parmi les êtres et les choses. Nous vivons dangereusement. C'est pourquoi, là où nous mettons si peu notre être à l'abri, il peut paraître étrange que tout-à-coup la société attache une si grande importance à la vie d'un individu responsable qui demande à mourir, là où tant de morts irresponsables ont lieu tous les jours.
Du même souffle, on peut se demander quel est le respect des contemporains à l'égard de la vie d'autrui. Dans certains milieux, on craint que l'autorisation de la pratique de l'euthanasie n'entraîne une estime amoindrie de la vie. Tant de guerres* mondiales et civiles, tant de répressions sanglantes et de génocides ont pourtant marqué l'histoire, Les campagnes d'extermination ne datent pas d'aujourd'hui et tous les pays pacifiques qui produisent et vendent des armes concourent généreusement à l'anéantissement des peuples. La seule guerre du Golfe a provoqué plus de cent mille morts. N'avons-nous pas assisté passivement à cette guerre soi-disant «propre» - le siècle des morts propres! - n'avons-nous secrètement applaudi ou rationnellement justifié ce mépris collectif de la vie? La contradiction nous connaît: on se bat pour la survie d'une jeune fille qui demande à mourir et on demeure indifférent au sang innocent de milliers de gens qui veulent vivre. Admettons que ce qui se passe près de nous, nous émeut davantage, mais toutes les guerres ne sont-elles pas des suicides ou des homicides collectifs - morts non appropriées -imposés par des intérêts financières et privées?
Finalement, nous ne devons pas esquiver une question délicate: combien une collectivité comme la nôtre accepte-t- elle de dépenser pour sauver une vie humaine? Toutes les vies humaines ont-elles le même prix pour une collectivité? La vie de François Marcellus, ce noir abattu par la police, a-t-elle à nos yeux le même prix que celle de Nancy B.? On peut se demander dans quelle mesure l'accès universel aux soins de la santé n'est pas un camouflage idéologique afin de cacher une réalité tout autre: nous ne sommes pas égaux devant la mort ! Et nous ne pourrons pas l'être, que nous le voulions ou non. À travers tout un ensemble de décisions politiques, de procédures de répartition des ressources financières, technologiques et humaines, la société est contrainte à choisir ceux qu'elle protège contre la mort et ceux qu'elle laisse mourir.
NOTES
1. Derek Humphrey, Exit Final. Pour une mort dans la dignité, Montréal, Les Editions Le Jour, 1991. En 1981, le même écrivain, co-fondateur de la Hemlock Society, avait publié, à compte d'auteur, un premier ouvrage Let me die before I wake où il justifiait le recours à l'euthanasie. Aucune maison d'édition de ce temps n'avait voulu publier cet ouvrage. Force est de constater aujourd'hui le chemin parcouru, depuis dix ans, dans l'opinion publique.
2. Ibid, p. 13.
3. Une jeune femme de Longueuil aurait été trouvée morte en présence d'un exemplaire en anglais de ce livre, ouvert au chapitre V traitant du cyanure. Or, l' auteur met ses lecteurs en garde contre l'ingestion de cyanure sous quelque forme que ce soit, car celle-ci «peut provoquer une mort extrêmement douloureuse, violente en réalité.» (Ibid., p. 59).
4. Ibid., p. 26.
5. La Presse, 7 novembre 1991, p. A 7.
6. Frontières, vol.3, n°1, est consacré à l'euthanasie et traite les aspects juridiques et éthiques de la question. On y trouve également une revue, faite par É. Volant, de la littérature éthique, canadienne, américaine et européenne, des vingt dernières années sur le sujet. Ce survol de la littérature nous a permis de présenter ci-dessus la synthèse des diverses positions pour et contre l'euthanasie.
7. Ainsi en 1990, dans l'état de l'Oregon, le Dr Kevorkian a aidé une femme de 54 ans, sportive accomplie, atteinte de la maladie d'Alzheimer, à se suicider à l' aide d'un appareil de sa propre conception. Il fut acquitté, mais, en 1991, il récidiva, cette fois-ci en aidant deux femmes à s'enlever la vie dont une (58 ans) avait subi plusieurs opérations au bassin et l'autre (43 ans) souffrait de sclérose multiple, maladie irréversible. Dans aucun des deux cas, la mort pouvait être considérée comme proche.
8. Art. 9 de la loi sur la santé et art. 19 du code civil.
9. Art. 199 du code criminel canadien.
10. Au Québec, d'autres personnes préfèrent signer, à l'intérieur d'une clause d'inaptitude, une procuration par laquelle elles nomment un mandataire et autorise celui-ci, dans l'éventualité où elles deviendraient inaptes à prendre soin d'elles-mêmes, de refuser qu'elles soient maintenues en vie par des médicaments, des techniques ou de moyens artificiels ou disproportionnés. Cette procuration autorise le mandataire d'exiger aussi que leur soient administrés tout médicament susceptible d'abréger leurs souffrances ou leur état d'inconscience, même s'il devait hâter le moment de leur mort. Au plan légal, cette procuration liera le mandataire, qui a signé devant témoin, mais n'est qu'une indication éthique pour le médecin.
11 .É. Volant, «Ethos, demeure pour la vie mortelle», Religiologiques, n°3 (automne 1991), p.157-182; W. Marx, ls there a measure on. earth? Foundations for a nonmetaphysical Ethics, Chicago, London, The University of Chicago Press, 1987 et Ethos und Lebenswelt. Mitleidenkönnen ais Mass, Hamburg, Felix Meiner Verlag, 1986.
12. J. Freyssinet, «Combien une collectivité doit-elle dépenser pour sauver une vie humaine?», Lumière et vie, janvier-mars 1979, p. 37-45.
Dès la première page de ce guide, on est averti que «cet ouvrage présuppose que le lecteur reconnaît et accepte le principe moral selon lequel un malade en fin de vie «a le droit de décider de mettre volontairement un terme à ses souffrances». (3) Un peu plus loin, on lit «Si vous croyez que Dieu est le seul maître de votre destin, ne poursuivez pas votre lecture. Cherchez plutôt la meilleure façon d'atténuer vos souffrances et prenez les dispositions nécessaires pour être accueilli dans un hospice.» (4)
Or, la réalité concrète n'est pas aussi simple. En effet, dans le dernier sondage publié dans La Presse (5) 80 % des Québécois sont d'avis que les médecins devraient être autorisés à mettre fin à la vie d'un patient incurable si celui-ci en fait la demande formelle par écrit. Parmi ces 80 % se trouvent des croyants et des médecins chrétiens qui réclament, autant que des non croyants - et par ceux-ci il y en a sûrement qui sont contre -, une législation plus ouverte leur permettant en des circonstances précises, et selon des conditions clairement établies, la pratique de l'euthanasie*.
Notre propos n'est pas tant de présenter une étude originale sur l'euthanasie que de faire le point sur les diverses discussions qui ont lieu en milieu québécois sur cette question. (6) Pour ce faire, nous voulons d'abord clarifier certains termes, car il y a souvent de la confusion dans la compréhension des pratiques existantes. Ensuite, nous nous proposons de distinguer entre les divers niveaux du problème, car la question des soins aux personnes atteintes de maladie mortelle ne peut pas être abordée de la même façon sur le plan juridique, éthique ou philosophique. Finalement, nous aimerions poser quelques interrogations fondamentales sur l'existence en rapport avec la question de l'euthanasie. L'ensemble de la présentation aura pour but d'introduire les lectrices et les lecteurs à une participation aux débats actuels qui les concernent en tant que citoyens, intervenants ou bénéficiaires des services de la santé.
1. LES PRATIQUES
Il est opportun de présenter la terminologie contemporaine en contexte québécois. Ainsi, par euthanasie*, on entend un acte délibéré, destiné à abréger la vie d'une personne atteinte d'une maladie mortelle, pratiqué de façon à entraîner une mort douce et posé par un médecin selon l'art de sa profession ou exceptionnellement par une infirmière ou par un proche selon des indications médicales. L'euthanasie volontaire est faite à la demande explicite, écrite ou verbale, du malade, tandis que l'euthanasie non volontaire est pratiquée sur des personnes qui ne sont pas ou ne sont plus en mesure de manifester leur volonté, par exemple, sur des personnes dans un coma prolongé et irréversible ou sur des enfants en bas âge dont la qualité de la survie est sévèrement hypothéquée.
L'abstention d'un traitement thérapeutique est la décision de ne pas entreprendre ou de cesser un traitement thérapeutique que l'on estime médicalement non pertinent et qui prolongerait la vie ou les douleurs du malade, sans espoir de guérison ni d'amélioration sensible de son état. Commencer ou poursuivre ce genre de traitement constituerait un acharnement thérapeutique, c'est-à-dire des soins inappropriés ou excessifs par rapport aux résultats que l'on peut en obtenir.
Le refus de traitement est la requête d'une personne de ne pas entreprendre ou d'interrompre un traitement qu'elle ne supporte plus et dont elle ne perçoit plus l'utilité. Le cas le plus récent est celui de Nancy B*, jeune femme, souffrant du syndrome de Guillain-Barré. Depuis deux ans et demi, cette femme est étendue, immobile dans un lit d'hôpital où elle vit grâce à un respirateur artificiel. Nancy B* a déposé en Cour Supérieure une requête en injonction réclamant que l'on autorise le débranchement des appareils qui la maintiennent en vie. La Cour vient d'accorder cette autorisation, dans la mesure où la requérante persiste dans sa résolution et à condition que la procédure technique respecte la dignité de la personne humaine.
Le suicide est un acte produisant la mort, posé par la personne sur elle-même en sachant que son geste entraînera cet effet. Le suicide et l'euthanasie sont tous deux des morts volontaires. Par ailleurs, dans le cas du suicide, la personne se tue elle-même, même si elle est assistée dans son geste, tandis que lors d'une euthanasie, la personne est tuée. Le suicidaire peut se supprimer d'une manière physiquement violente, par exemple par une arme, tandis que l'euthanasie est, par définition*, un geste physiquement non violent. La personne qui se suicide peut ne pas être malade et accomplir son geste pour des raisons d'ordre psychologique ou moral.
Le suicide assisté* est l'assistance accordée par une personne à une autre qui se prive elle-même de la vie. Par exemple, elle peut offrir à cette dernière des conditions propices à l'accomplissement de son geste ou lui procurer des moyens de se supprimer, par exemple des médicaments. (7)
Il. ASPECTS JURIDIQUES
L'euthanasie ne figure pas dans la loi comme une infraction distincte de celle de l'homicide. Par conséquent, la loi continue de traiter l'euthanasie comme un homicide, même si la jurisprudence nous apprend qu'au Québec on n'a pas l'habitude d'intenter des poursuites contre un médecin qui aurait agi par compassion* et selon l'art de sa profession. lI en va de même de l'assistance au suicide qui, malgré le fait que le suicide a été décriminalisé, demeure, aux termes de la loi, un délit.
En ce qui concerne l'abstention d'un traitement, on ne peut accuser de négligence criminelle un médecin qui n'introduit pas ou qui cesse des traitements thérapeutiques estimés non appropriés ou excessifs. Par ailleurs, selon le code civil, un malade a le droit de refuser un traitement même contre l'avis de son médecin: «Nul ne peut être soumis sans son consentement à des soins quelle qu'en soit la nature, qu'il s'agisse d'examens, de prélèvements, de traitement ou de toute autre intervention.» (8) Par contre, selon le droit criminel canadien, «Quiconque entreprend d'accomplir un acte est légalement tenu de l'accomplir, sauf excuse légitime, si l'omission de le faire met ou risque de mettre en danger la vie d'autrui ... » et «Chacun est légalement tenu, dans un cas d'urgence, de porter secours à toute personne dont la vie ou la santé est gravement menacée ... ».(9) Par exemple, dans le cas de Nancy B., la requête légitime d'une personne en pleine possession de ses facultés intellectuelles se heurte à la question soulevée devant la Cour: le médecin commet-elle un homicide en débranchant le respirateur de sa patiente, même si l'on sait que ce geste mettra non seulement la vie en danger, mais aura la mort comme résultat?
Le testament biologique est un document daté et signé par une personne adulte, saine d'esprit, bien portante ou malade, dans lequel celle-ci fait connaître sa volonté au sujet des soins ou des traitements qu'elle désire recevoir ou non quand, gravement malade, elle ne serait plus en mesure de manifester ses choix. Au Québec, le soussigné demande que l'on ne le maintienne pas en vie par des moyens artificiels et disproportionnés, que des médicaments appropriés lui soient donnés afin de soulager efficacement ses douleurs, même si ceux· ci devaient hâter l'instant de sa mort Le testament biologique cherche surtout à prévenir toutes les formes d'acharnement thérapeutique. En d'autres pays, notamment en France et en Belgique, les associations pour le droit de mourir dans la dignité proposent un testament de vie où le soussigné peut demander également ~ que l'on pratique sur lui l'euthanasie dite active. A l'heure actuelle, le testament biologique n'a pas de valeur légale. La présence ou l'absence d'un tel document laisse au médecin traitant l'entière responsabilité de ses décisions. Cependant, un document signé et réitéré peut constituer une indication éthique très appréciable pour l'équipe médicale et pour la famille. Il faudrait pourtant éviter que la pratique médicale ne pénalise les personnes qui n'ont pas signé de testament* biologique. (10)
Aujourd'hui, en de nombreux pays, les associations pour le droit de mourir dans la dignité, appuyées par une opinion publique favorable, se déclarent en faveur de la légalisation de l'euthanasie si elle est pratiquée pour des raisons humanitaires. Aux Pays- Bas, contrairement à ce que l'on pense, l' euthanasie n'est pas légalisée, mais il existe dans certains hôpitaux un protocole qui autorise l'euthanasie sur l'avis de deux médecins, lorsque la demande du malade est volontaire et libre, explicite et constante, lorsque la maladie est irréversible, lorsque la douleur physique ou la souffrance morale sont éprouvées par le malade comme insupportables et lorsque l'on ne dispose pas d'autres solutions raisonnables pour améliorer l'état du malade.
III. ASPECTS ÉTHIQUES
Les arguments invoqués couramment en faveur de l'euthanasie sont: le principe du respect de la dignité de la personne; le droit à l'autonomie*, à l'autodétermination et à la libre disposition de son corps; le droit* à la mort, expression maladroite par laquelle on veut signifier le droit à une fin de vie décente et qui fait donc partie du droit à la vie; l'absence de la qualité de la vie, liée principalement à l'inconfort physique et psychologique; la compassion*, sentiment qui porte un médecin à éviter chez son patient une agonie douloureuse.
Parmi les raisons que certains malades apportent eux-mêmes à leur demande d'euthanasie, on retrouve: la volonté d'être délivrés de leurs souffrances, de mourir en pleine lucidité et de s'approprier leur propre mort; le refus d'être encore plus longtemps un fardeau pour leur famille et la société, la conviction que les ressources financières, technologiques et humaines serviraient mieux aux soins médicaux de personnes dont la promesse de vie est plus grande.
Les arguments courants contre l'euthanasie sont: le caractère sacré de la vie; le droit à la vie et à l'intégrité de la personne; le principe de bienfaisance selon lequel le médecin doit tout faire pour guérir le malade et, si la maladie est devenue irréversible, veiller à contrôler la douleur et remédier aux inconforts du malade; la crédibilité de la profession médicale par l'entremise de laquelle la société s'engage à protéger la vie de ses citoyens, notamment les plus faibles et les plus vulnérables; la pente glissante par laquelle l'euthanasie volontaire conduirait peu à peu à l'euthanasie non volontaire et à la suppression des humains socialement non désirables et non conformes à la norme sociale. L'euthanasie serait la porte ouverte à d'autres délits et entraînerait une baisse générale de l'estime de la vie.
Les arguments pour et contre l'euthanasie ont en commun: le respect de la personne humaine; la compassion par laquelle on cherche le soulagement de la douleur et une mort décente; une opposition ferme à l'acharnement thérapeutique. Ceux qui s'opposent à l'euthanasie optent pour le contrôle de la douleur et les soins palliatifs*. Ce qui nous étonne dans leurs discours, c'est qu'ils insistent tellement sur le contrôle de la douleur physique et qu'ils semblent faire si peu de cas des souffrances morales ou psychologiques. On dit, par exemple, que l'euthanasie n'est pas nécessaire, parce que l'on parvient à contrôler presque toute douleur. Mais qu' en est-il des peines et des inquiétudes qui ravagent le coeur et peuvent parfois devenir insurmontables, quand elles sont liées à la perte de l'estime de soi et à la prise de conscience d'une lente dégradation de ses facultés?
De plus, entre l'interruption d'un traitement qui a comme résultat une mort indirecte et l'euthanasie qui a pour effet une mort directe, la frontière est difficile à tracer. Il en est de même de la frontière entre le contrôle ou le soulagement de la douleur qui peut avoir pour effet d'abréger la vie et l'euthanasie qui la provoque directement. Même si ces interventions peuvent se distinguer au plan des intentions, du point de vue de l'acte médical ou de la législation actuelle, elles ne sont pas différentes si l'on regarde le résultat escompté qui est le même, c'est -à-dire la mort.
C'est pourquoi personnellement, nous n'opposons pas les soins palliatifs et l'interruption d'un traitement à l'euthanasie, comme si, en choisissant la première option, il faudrait exclure la seconde. Nous croyons qu'il est préférable de penser l'intervention médicale dans son évolution en termes d'actes appropriés à l'état du malade. Dans cette perspective, on traite le malade aussi longtemps qu'il y a un espoir légitime de guérison ou d'amélioration sensible de son état, on se limite au contrôle de la douleur et aux soins palliatifs quand le traitement thérapeutique devient non pertinent et on pratique l'euthanasie, quand le malade considère que les soins ne parviennent plus à lui procurer une existence satisfaisante. Quand une personne estime que le prolongement de sa vie n'a plus de sens et quand elle n'en finit pas de mourir, le fait d'accélérer ou de provoquer la mort devrait être apprécié comme un geste approprié à la situation donnée dans la mesure où ce choix est fait avec prudence et l'acte, accompli dans la déférence pour la personne qui en a exprimé le désir.
Il ne faudrait pas, cependant, commettre une discrimination à l'égard des personnes non compétentes qui ne sont plus aptes à exprimer leur volonté. Afin de ne pas instaurer une forme d'inégalité d'accès à une mort digne et douce, nous estimons que l'euthanasie peut être un acte approprié à leur situation, non seulement quand les personnes en question ont signé un testament de fin de vie, un mandat ou une procuration, mais aussi en l'absence de ces documents, quand on constate que leur capacité de reconnaissance d'autrui et de communication sont irréversiblement compromises.
Afin d'appuyer et d'examiner de manière critique notre position, nous nous proposons de poursuivre notre réflexion au-delà des aspects juridiques et éthiques en nous posant des interrogations fondamentales relatives au caractère mortel de la vie humaine.
IV. INTERROGATIONS EXISTENTIELLES
À un moment donné de notre existence, nous faisons l'expérience de notre mortalité et nous nous éprouvons comme des vivants entourés par la mort. En effet, la vie ne va pas sans la mort, comme la lumière ne va pas sans l'ombre ni le jour sans la nuit. La mort est la face cachée de la vie, toujours présente et inéluctable. Elle n'est pas seulement la destination ultime vers laquelle nous cheminons tous plus ou moins lentement, mais elle est aussi une réalité de tous les jours, car elle est la limite qui caractérise l'être humain dès sa naissance. Elle est la finitude* de notre être et le signe de notre inachèvement. Nous vivons et mourons inachevés. (11)
Le fait que je m'éprouve mortel et que je me sais limité et inachevé, me rend vulnérable et fragile. Seul, je ne puis supporter cette conscience aiguë du caractère mortel de mon être. Je ressens donc un besoin très fort de secours au milieu de ma détresse. L'expérience fondamentale de la mort me met donc sur la voie qui mène vers la découverte de la présence d'autrui. Les autres m'apparaissent comme des êtres à qui je puis faire appel dans mon isolement. Mais, tandis que j'attends d'eux qu'ils me viennent en aide, je m'aperçois qu'eux, à leur tour, sont des êtres partageant avec moi le même destin mortel et attendent de moi que je leur apporte secours. En découvrant qu'ils ont des responsabilités à mon égard, je me rends compte que j'ai des responsabilités à leur égard. Désormais, je puis vivre sur la terre et assumer mon destin, car, à travers l'expérience du caractère mortel de mon être, je fais l'apprentissage de la proximité d'autrui et de la convivialité. Dans cette perspective, l'éthique est l'art de reconnaître autrui comme celui avec qui je suis engagé dans une responsabilité réciproque afin de penser ensemble notre séjour sur la terre.
1. la relation malade-médecin
La maladie, surtout si elle grave et irréversible est une des manifestations les plus poignantes de notre être mortel. Les douleurs du corps et de l'âme qui l'accompagnent créent chez le malade une anxiété qui ne peut être résolue que par la proximité d'autrui. C'est donc à l'intérieur des soins de la santé et au sein de la relation malade-médecin que peut se jouer à plein la convivialité humaine et la responsabilité partagée.
Il est vrai que le médecin peut se réfugier à l'intérieur de sa compétence et ses devoirs médicaux, tandis que le malade peut se cantonner à l'intérieur de sa maladie et de ses droits. Ce sont alors deux solitudes qui s' installent dans leur silence et dans leur unité achevée, close sur elle-même, deux voies parallèles qui ne se rencontrent jamais. Dans une éthique de la convivialité, par contre, les décisions sont prises avec l'autre. Dans le respect des différences, le médecin et l'équipe des soignants établissent avec le malade et la famille un lieu de communication où des points de vue opposées peuvent concourir. Les relations médecin-patient sont alors le lieu où l'on cherche conjointement un terrain d'entente satisfaisant pour la profession médicale et pour le malade. Les intérêts de la profession et du malade sont traités non pas comme des unités abstraites, des solitudes closes sur elles-mêmes, mais comme des unités inachevées, ouvertes sur une altérité qui, tout en étant différente, leur est complémentaire.
2. le bien et le mal
Dans ce partage des responsabilités, assumées dans la convivialité, les acteurs - les soignants et les bénéficiaires - doivent choisir ce qui est bien et éviter ce qui est mal. Ceci nous porte à faire une réflexion sur l'ambiguïté de toute action humaine, car dans le bien que nous faisons, il n'y a pas que du bien et dans le mal que nous faisons, il n'y a pas que du mal. Ainsi, on peut dire que tuer est un mal, mais dans ce mal peut parfois se glisser un bien, car tuer ou se tuer peut signifier délivrer quelqu'un des souffrances devenues insupportables. Soigner est un bien, mais dans ce bien peut s'infiltrer du mal, lorsque ces soins deviennent inappropriés par rapport à l'état physique ou mental, les choix personnels, la biographie, le profil psychosocial ou les convictions religieuses de l'individu que l'on soigne.
En termes éthiques, la vie n'est pas synonyme de bien ni la mort synonyme de mal. En effet, on peut bien vivre ou mal vivre, bien mourir ou mal mourir. La vie est un bien dans la mesure où celle-ci permet de séjourner sur la terre en convivialité avec les autres vivants, en les reconnaissant et en étant reconnu par eux. Ainsi, quand une personne estime qu'elle n'est plus apte à considérer sa vie comme un bien ni pour elle-même ni pour son entourage, lorsqu'elle ne parvient plus ni par ses propres ressources ni par les ressources de la médecine ou de ses proches à mettre son être à l'abri, pourquoi l'euthanasie ou le suicide assisté ne pourraient~ils pas constituer des gestes responsables, appropriés à la situation?
3. la bonne mort
Si la vie n'est pas toujours un bien, la mort n'est pas toujours un mal. La mentalité contemporaine éprouve beaucoup de malaise à l'égard de la mort. Fascinées par le mythe de l'a-mortalité*, la science et la technologie cherchent à reculer toujours davantage les frontières de la mort. En médecine, il n'y a pas de fin aux nouvelles découvertes et expérimentations. Il arrive malheureusement trop souvent que l'on fait sur les humains des interventions qui n'auraient jamais dû être entreprises, en vertu même de la convivialité, car elles n'ont pas permis à leurs bénéficiaires de séjourner avec une relative satisfaction parmi les êtres et les choses.
Toujours du point de vue éthique, une bonne mort n'est pas nécessairement une mort digne et douce, propre et belle, libre et volontaire. Je puis mourir mal dans mon lit, entouré des bons soins de mon entourage, si je meurs indifférent et insensible àl' existence d'autrui, comme je puis mourir bien une «male mort» (Rabelais) à Vukovar ou à Dubrovnik parmi les bombes, si je n'ai pas renoncé à mes responsabilités nées de la convivialité. L'ethos contemporain a tendance à faire de la mort une réussite et un accomplissement. Nous voulons en faire un petit chef d'oeuvre ou une apothéose. Nous rêvons d'une vie qui parviendra à sa plénitude: vivre notre propre mort dans la dignité, lucide et consciente. Or, nous ne devrions pas perdre de vue l'inachèvement qui caractérise aussi bien notre vie que notre mort. C'est pourquoi j'éprouve une certaine gêne à réclamer le droit à une mort douce, digne et volontaire lorsqu'au même moment, dans la guerre du Golfe, en Yougoslavie, au Liban, au Togo ou ailleurs les gens meurent par milliers d'une mort violente et obscène. II ne faudrait pas trop vouloir embellir ou apprivoiser la mort, ni lui enlever son caractère tragique, sa laideur et son scandale, car elle est rupture et séparation, elle demeure révoltante, même si l'on parvient à la reconnaître comme une réalité incontournable. Cela n'empêche pas qu'elle puisse être bonne, du point de vue éthique, pour celui qui jusqu'à la fin de sa vie a pu se mouvoir dans la proximité d'autrui et et la responsabilité partagée.
4. l'ethos contemporain et la vie
Dans la mentalité contemporaine, la qualité de la vie est associée au confort physique de sorte que tout ce qui provoque de la douleur et de l'incommodité est jugé très négativement. Or, sans s'adonner à un dolorisme malsain, il ne faudrait pas sous-estimer la capacité de souffrance de certaines personnes qui puisent dans leurs doulems physiques et morales une source de connaissance et d'ouverture au monde. En vertu même de la convivialité, nous devons faire tout ce qui est possible pour diminuer ou supprimer les souffrances d'autrui. Mais s'il se trouvait quelqu'un dont le mal physique ou affectif ne l'empêche pas de séjourner parmi les êtres et les choses avec une certaine satisfaction ni de mettre son être à l'abri, notre proximité responsable devrait le respecter. C'est pourquoi la compassion, tout en étant un sentiment noble qui convient à une éthique née de la convivialité, demeure pourtant une réalité chargée de trop d'émotivité. Ce ne sont pas nos sentiments subjectifs de proche ou d'intervenant qui doivent nous guider, mais ceux du mourant lui-même. Il ne faudrait pas que des critères subjectifs l'emportent là où il s'agit de discerner avec justesse le degré d'intensité des désirs et des sentiments de la personne proche de la mort et de les respecter dans nos décisions ou attitudes.
On peut se demander quel est le respect de nos contemporains à l'égard de leur propre vie? Lorsque l'on observe nos habitudes collectives de vie, on peut se demander si la vie et la santé sont, dans la mentalité actuelle, des valeurs aussi premières que les discours semblent le suggérer. Après avoir pris trop de poids, on prend bien soin de son cholestérol et le souci pour l'hygiène est presque maladif. Mais la conduite automobile sur les routes semble inspirée d'un mépris de la vie. Il en est ainsi de la violence dans les sports, sans parler des comportements suicidaires liés à la consommation excessive d'alcool* ou de drogue*. Nous séjournons avec violence parmi les êtres et les choses. Nous vivons dangereusement. C'est pourquoi, là où nous mettons si peu notre être à l'abri, il peut paraître étrange que tout-à-coup la société attache une si grande importance à la vie d'un individu responsable qui demande à mourir, là où tant de morts irresponsables ont lieu tous les jours.
Du même souffle, on peut se demander quel est le respect des contemporains à l'égard de la vie d'autrui. Dans certains milieux, on craint que l'autorisation de la pratique de l'euthanasie n'entraîne une estime amoindrie de la vie. Tant de guerres* mondiales et civiles, tant de répressions sanglantes et de génocides ont pourtant marqué l'histoire, Les campagnes d'extermination ne datent pas d'aujourd'hui et tous les pays pacifiques qui produisent et vendent des armes concourent généreusement à l'anéantissement des peuples. La seule guerre du Golfe a provoqué plus de cent mille morts. N'avons-nous pas assisté passivement à cette guerre soi-disant «propre» - le siècle des morts propres! - n'avons-nous secrètement applaudi ou rationnellement justifié ce mépris collectif de la vie? La contradiction nous connaît: on se bat pour la survie d'une jeune fille qui demande à mourir et on demeure indifférent au sang innocent de milliers de gens qui veulent vivre. Admettons que ce qui se passe près de nous, nous émeut davantage, mais toutes les guerres ne sont-elles pas des suicides ou des homicides collectifs - morts non appropriées -imposés par des intérêts financières et privées?
Finalement, nous ne devons pas esquiver une question délicate: combien une collectivité comme la nôtre accepte-t- elle de dépenser pour sauver une vie humaine? Toutes les vies humaines ont-elles le même prix pour une collectivité? La vie de François Marcellus, ce noir abattu par la police, a-t-elle à nos yeux le même prix que celle de Nancy B.? On peut se demander dans quelle mesure l'accès universel aux soins de la santé n'est pas un camouflage idéologique afin de cacher une réalité tout autre: nous ne sommes pas égaux devant la mort ! Et nous ne pourrons pas l'être, que nous le voulions ou non. À travers tout un ensemble de décisions politiques, de procédures de répartition des ressources financières, technologiques et humaines, la société est contrainte à choisir ceux qu'elle protège contre la mort et ceux qu'elle laisse mourir.
NOTES
1. Derek Humphrey, Exit Final. Pour une mort dans la dignité, Montréal, Les Editions Le Jour, 1991. En 1981, le même écrivain, co-fondateur de la Hemlock Society, avait publié, à compte d'auteur, un premier ouvrage Let me die before I wake où il justifiait le recours à l'euthanasie. Aucune maison d'édition de ce temps n'avait voulu publier cet ouvrage. Force est de constater aujourd'hui le chemin parcouru, depuis dix ans, dans l'opinion publique.
2. Ibid, p. 13.
3. Une jeune femme de Longueuil aurait été trouvée morte en présence d'un exemplaire en anglais de ce livre, ouvert au chapitre V traitant du cyanure. Or, l' auteur met ses lecteurs en garde contre l'ingestion de cyanure sous quelque forme que ce soit, car celle-ci «peut provoquer une mort extrêmement douloureuse, violente en réalité.» (Ibid., p. 59).
4. Ibid., p. 26.
5. La Presse, 7 novembre 1991, p. A 7.
6. Frontières, vol.3, n°1, est consacré à l'euthanasie et traite les aspects juridiques et éthiques de la question. On y trouve également une revue, faite par É. Volant, de la littérature éthique, canadienne, américaine et européenne, des vingt dernières années sur le sujet. Ce survol de la littérature nous a permis de présenter ci-dessus la synthèse des diverses positions pour et contre l'euthanasie.
7. Ainsi en 1990, dans l'état de l'Oregon, le Dr Kevorkian a aidé une femme de 54 ans, sportive accomplie, atteinte de la maladie d'Alzheimer, à se suicider à l' aide d'un appareil de sa propre conception. Il fut acquitté, mais, en 1991, il récidiva, cette fois-ci en aidant deux femmes à s'enlever la vie dont une (58 ans) avait subi plusieurs opérations au bassin et l'autre (43 ans) souffrait de sclérose multiple, maladie irréversible. Dans aucun des deux cas, la mort pouvait être considérée comme proche.
8. Art. 9 de la loi sur la santé et art. 19 du code civil.
9. Art. 199 du code criminel canadien.
10. Au Québec, d'autres personnes préfèrent signer, à l'intérieur d'une clause d'inaptitude, une procuration par laquelle elles nomment un mandataire et autorise celui-ci, dans l'éventualité où elles deviendraient inaptes à prendre soin d'elles-mêmes, de refuser qu'elles soient maintenues en vie par des médicaments, des techniques ou de moyens artificiels ou disproportionnés. Cette procuration autorise le mandataire d'exiger aussi que leur soient administrés tout médicament susceptible d'abréger leurs souffrances ou leur état d'inconscience, même s'il devait hâter le moment de leur mort. Au plan légal, cette procuration liera le mandataire, qui a signé devant témoin, mais n'est qu'une indication éthique pour le médecin.
11 .É. Volant, «Ethos, demeure pour la vie mortelle», Religiologiques, n°3 (automne 1991), p.157-182; W. Marx, ls there a measure on. earth? Foundations for a nonmetaphysical Ethics, Chicago, London, The University of Chicago Press, 1987 et Ethos und Lebenswelt. Mitleidenkönnen ais Mass, Hamburg, Felix Meiner Verlag, 1986.
12. J. Freyssinet, «Combien une collectivité doit-elle dépenser pour sauver une vie humaine?», Lumière et vie, janvier-mars 1979, p. 37-45.