L'Encyclopédie sur la mort


Euthanasie volontaire

Jacques Pohier

Plus nous découvrons la complexité de la vie, et plus celle-ci nous étonne et nous émerveille. Malgré toutes les découvertes et les connaissances que les humains acquièrent , elle demeure un mystère. Or, l'euthanasie n'est pas un choix entre la vie et la mort, elle est un choix entre deux façons de mourir.

Même si plusieurs ont bien conscience qu'il ne s'agit pas tant d'ajouter quantitativement de la vie à la vie (donc de faire durer la vie le plus longtemps possible) que d'ajouter qualitativement de la vie à la vie (faire qu'une vie éventuellement moins prolongée soit meilleure), beaucoup ont presque le réflexe de s'accrocher à la moindre parcelle de vie, pour eux-mêmes et pour autrui, étant entendu que (paraît-il) tant qu'il y a de la vie il y a de l'espoir.

Sur fond de cette exaltation de la vie jusqu'à la moindre parcelle, l'euthanasie volontaire apparaîtrait comme procédant d'une surestimation indue des droits des êtres humains sur leur propre vie et leur propre mort, surestimation qui serait non seulement présomptueuse et dangereuse pour la personne concernée mais surtout très dangereuse et mortifère pour«Ia-vie» elle-même puisqu'elle méconnaîtrait ce qu'il faut bien appeler une primauté de Ia vie sur les vivants.

Pourtant, cette problématique n'est-pas pertinente en ce qui concerne la question de l'euthanasie volontaire. Voilà maintenant plus de vingt-cinq ans que j'étudie cette question. J'ai écrit en 1973, alors que j'étais encore un théologien patenté et reconnu, mon premier article sur la compatibilité de l'euthanasie volontaire avec la foi chrétienne, article qui fut publié en 1974 dans l'importante revue internationale de théologie Concilium, qui paraît en sept langues (31). J'en ai publié un autre en 1978, toujours dans la même discipline et dans la même ligne, mais dans une revue française de théologie, Lumière et Vie (32) De 1984 à 1995, j'ai été en contact permanent avec ce problème en travaillant à plein temps pour l'ADMD*; depuis 1990, j'ai des contacts réguliers avec la Fédération mondiale des trente-six associations analogues, et je suis récemment devenu membre du bureau de cette Fédération mondiale.

Eh bien, il m'aura fallu tout ce temps, toute cette réflexion, tous ces contacts, avant que finisse par m'apparaître une évidence que je crois n'avoir jamais entendu formuler, du moins de cette façon: l'euthanasie volontaire n'est pas un choix entre la vie et la mort ni un choix de la mort contre la vie, elle est un choix entre deux façons de mourir.

Car la mort est déjà là : non pas seulement parce que, dès qu'il y a vie, la mort est inscrite dans le programme dont elle est une étape, mais de façon bien plus précise et concrète. Quand le cancer, le Sida ou autres maladies graves sont là, quand la grande vieillesse est là, le choix n'est plus entre la vie et la mort mais entre deux façons de mourir. Et puisque la mort fait partie de la vie, c'est aussi un dilemme entre deux façons de vivre: humainement, puisqu'on y prend en charge sa mort avec sa liberté et sa responsabilité; mourir sans recourir à une euthanasie volontaire en est une autre, puisqu'on y prend sa mort en charge - bien qu'autrement - avec sa liberté* et sa responsabilité.
Date de création:-1-11-30 | Date de modification:-1-11-30

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