Thomas More et l'éducation

Keith Watson

Sir Thomas More (1478-1535)

par Keith Watson (1)

Sir Thomas More - ou plus exactement saint Thomas More, puisqu'il a été béatifié par l'Église catholique en 1886 et canonisé en 1935 - a été présenté tour à tour comme «la figure la plus séduisante du début du XVIe siècle» (2), «la voix de la conscience», de la première Réforme anglaise (3) et «l'une des trois plus grandes figures de la Renaissance anglaise» (4). Savant, juriste, théologien, homme d'État et finalement martyr, son influence s'est moins exercée sur l'évolution de la Réforme en Angleterre que sur la création d'un genre littéraire particulier: la description futuriste d'une société idéale. Le titre de son oeuvre la plus célèbre, L'utopie, a fini par devenir un mot de la langue courante; et «utopique» se dit souvent d'un projet idéaliste dont la réalisation serait très souhaitable, mais qui est complètement irréaliste et impraticable. Dans le domaine de la théorie politique, les libéraux comme les socialistes attribuent à Thomas More la paternité de quelques-unes de leurs idées. Il y avait même au Kremlin une pièce qui portait son nom, parce qu'il avait apparemment fait du communisme son idéal politique (5).

Thomas More est né durant une période extrêmement troublée de l'histoire politique et sociale de l'Angleterre. La maison d'York fut renversée en 1485 par Henri Tudor, fondateur d'une nouvelle et terrible dynastie qui allait marquer profondément non seulement les relations entre l'Église et l'État, et par conséquent l'évolution de la démocratie parlementaire en Angleterre et au pays de Galles, mais aussi et surtout le mouvement de la Réforme en Angleterre. On a généralement gardé de Thomas More l'image d'un penseur politique et d'un adversaire des tentatives d'Henri VIII pour remplacer le pape à la tête de l'Église d'Angleterre. Aussi sa contribution à la réflexion pédagogique dans l'Angleterre et dans l'Europe du XVIe siècle est-elle souvent méconnue. Notre intention, dans ce portrait, est de rétablir l'équilibre et de montrer que More était autant un visionnaire clairvoyant qu'un critique de la société de son temps.

Le contexte historique et politique de la vie de More

Pour comprendre l'importance et la stature de Thomas More, et pourquoi il demeure aujourd'hui encore vénéré comme un être d'un courage et d'une intégrité exceptionnels, il faut connaître un peu le contexte historique et politique dans lequel il a vécu. Pendant une grande partie du XVe siècle, l'Angleterre a été plongée dans l'agitation politique par la guerre que les maisons d'York et de Lancaster, soutenues chacune par une fraction de la noblesse, se sont livrées pour l'obtention de la suprématie politique. Henri IV (1399-1413) déposa le roi Richard II et devint le premier souverain de la dynastie des Lancastres. Son fils Henri V (1413-1422), immortalisé par Shakespeare dans la pièce de ce nom, vainquit les Français à la bataille d'Azincourt (1415) et fut désigné comme régent et héritier du royaume de France. Malheureusement son fils Henri VI (1422-1461) était plus attiré par la religion et l'ascétisme que par les luttes politiques et militaires. Il fonda le collège d'Eton et le King's College à Cambridge, mais son oeuvre politique est moins prestigieuse. Il ne put conserver ses possessions françaises et finit par perdre la guerre des Deux-Roses (6), laissant le trône à Edouard IV d'York (1461-1483). Le fils de celui-ci, Edouard V, fut nommé roi, mais la couronne lui fut ravie par son oncle Richard, duc d'York, qui devint Richard III (1483-1485). Cependant, la position de l'usurpateur était loin d'être assurée, notamment en raison de l'incertitude qui entourait le sort des jeunes princes, Edouard V et son frère Richard (7). En 1485, lorsque Richard III fut vaincu à la bataille de Bosworth par Henri Tudor (Henri VII, 1485-1509), dont le titre à la couronne n'était guère mieux établi, une ère nouvelle s'ouvrit dans l'Histoire de l'Angleterre. Henri VII affermit sa position en éliminant sans pitié ses rivaux potentiels, en signant d'astucieux traités avec les pays voisins et en réduisant les dépenses de l'État. Son fils Henri VIII (1509-1545) consolida la puissance des Tudors par des alliances matrimoniales et autres traités et par la suppression impitoyable de toute critique, mais il entreprit aussi plusieurs guerres à l'étranger, qui grevèrent lourdement le trésor public. Il en résultait une forte inflation et une agitation sociale considérable, et le Parlement se voyait périodiquement demander de lever des impôts supplémentaires. Henri avait épousé en 1509 Catherine d'Aragon, veuve de son frère aîné Arthur. La reine était, hélas, incapable de lui donner le fils dont il avait désespérément besoin pour assurer sa succession par les mâles (8). Ne pouvant faire prononcer le divorce par le pape, qui considérait comme adultère son union avec la veuve de son frère (Lévitique, XX, 10), Henri VIII entra en conflit avec l'Église de Rome. Son secrétaire, Thomas Cromwell (1485-1540), lui suggéra un moyen de sortir de cette impasse: si Henri pouvait prendre la place du pape à la tête de l'Église d'Angleterre, il lui serait facile de s'accorder à lui-même le divorce. C'est ce qui fut décrété par l'Acte de suprématie de 1531.

D'autres lois allaient engager la réforme de l'Église d'Angleterre, qui s'achèvera sous le règne d'une des filles d'Henri VIII, Elisabeth Ire (1558-1603). C'est le divorce du roi et sa prétention au titre de chef suprême de l'Église qui sont à l'origine de son conflit avec Thomas More, et qui ont conduit celui-ci à l'échafaud en 1535. L'exécution de More n'a cependant pas eu directement pour motif sa position religieuse, mais la trahison. Refuser de reconnaître l'Acte de suprématie constituait en effet un crime de haute trahison, comme Henri VIII s'efforcera plus tard de le prouver au pape et à l'empereur Charles Quint qui, selon le gendre de More, William Roper, aurait dit à l'ambassadeur d'Angleterre à la Cour des Habsbourgs, sir Thomas Elyot: «My lord ambassadeur, nous apprenons que le roi votre maître a mis à mort son fidèle serviteur et très sage conseiller sir Thomas More. Sur quoi sir Thomas Elyot répondit qu'«il ne savait rien de cela».
«Eh bien! lui dit l'empereur, ce n'est que trop vrai, et nous dirons que, si nous avions été le maître d'un tel serviteur, des actes duquel nous-mêmes n'avons pas laissé d'avoir depuis mainte année une expérience qui n'est pas mince, nous eussions plutôt perdu la plus belle ville de nos domaines qu'un si digne conseiller.» (9) On mesure à quel point de nombreux dirigeants désapprouvaient la corruption de l'Église au début du XVIe siècle, quand on voit qu'Henri VIII fut capable de faire voter tant de lois anticléricales dans les années 1530 et 1540, et notamment de supprimer les grands monastères et les grandes fondations religieuses. La corruption du clergé avait soulevé beaucoup de critiques: on reprochait aux clercs d'avoir des maîtresses, d'exploiter les pauvres et les fidèles trop crédules, de dispenser un enseignement morne et stérile. Ces critiques étaient notamment formulées par des hommes comme Érasme (1466-1536) (10) et Thomas More. Cependant, si ces deux auteurs réclamaient une réforme de l'Église, ils ne voulaient pas rompre avec l'Église catholique comme Luther en Allemagne ou Zwingli en Suisse. Ils voulaient la réformer de l'intérieur. More craignait que les excès de Luther ne conduisent à un soulèvement populaire et à la guerre civile. Bien qu'il fût un homme de la Renaissance, curieux d'idées nouvelles, et qu'il se réjouit des perspectives nouvelles ouvertes par l'étude des auteurs classiques grecs et latins, il restait à bien des égards foncièrement attaché à la conception traditionnelle du pouvoir spirituel et même du pouvoir politique. Mais c'était avant tout un homme de la plus haute intégrité.

La vie de Thomas More

Thomas More est né à Londres le 6 février 1478. Son père, John More (mort en 1530), était homme de loi; certains biographes ont supposé qu'il était magistrat, mais il est plus probable qu'il exerçait la profession d'avoué. Il a sans aucun doute influencé les idées de son fils en matière juridique. Thomas a étudié à l'école Saint Anthony, alors la meilleure de Londres, avant d'être envoyé, à l'âge d'environ 12 ans, chez le cardinal John Morton, archevêque de Cantorbéry et Grand chancelier d'Angleterre. De toute évidence, More a profondément subi l'influence de Morton, dont il fera l'éloge dans son Histoire du roi Richard III et, indirectement, dans L'Utopie.

En 1492, Morton envoya le jeune More au Cantorbery College (aujourd'hui Christ Church College) à Oxford, pour y étudier le droit. More fut à Oxford l'élève de Linacre (1460-1524), alors un des principaux représentants de la Renaissance, à la fois humaniste, précepteur du prince Arthur (le fils aîné d'Henri VII) et médecin: il fondera plus tard (1578) le Collège royal de médecine et en deviendra le premier président. Linacre, qui donnera son nom à l'un des collèges d'Oxford, enseigna le grec et le latin à More et à son condisciple Érasme, leur insufflant son enthousiasme pour ce qu'on appelait à cette époque le New Learning [Le nouveau savoir] et qu'on appellera plus
tard la Renaissance, leur communiquant son vaste appétit de savoir qui embrassait les humanités, les lettres classiques, la poésie et la musique. John Colet (1467-1519) donnait également des cours à Oxford. Il avait fait siennes un grand nombre d'idées nouvelles, mais c'est surtout par ses écrits théologiques et ses sermons qu'il a influencé More. Il dénonçait les abus de l'Église et attaquait la conception scolastique de l'enseignement de saint Paul, cherchant à instaurer une nouvelle forme d'érudition biblique fondée sur la connaissance des textes grecs originaux.

De retour d'Oxford, More acheva ses études de droit dans les Inns of Court de Londres, d'abord à New Inn, puis à Lincoln's Inn, avant d'être nommé «chargé d'enseignement »à Furnival's Inn. Il montrait sans aucun doute une vive intelligence des questions juridiques, car il était très recherché et paraissait manifestement destiné à de plus hauts emplois. Pendant quelque temps, il envisagea d'entrer dans les ordres. De 1501 à 1504, il vécut «en prière et dévotion» avec les moines de la chartreuse de Londres. C'est là qu'il commença à porter un cilice par esprit de pénitence. Il ne l'enleva que trente ans plus tard, à la veille de son exécution! D'après Érasme, More quitta la chartreuse et renonça à sa vocation religieuse parce qu'il aimait mieux être «un chaste époux qu'un prêtre impur», et parce qu'il était amoureux. Cotterill (11) ajoute deux autres raisons: la vie ecclésiastique n'offrait aux yeux de More qu'une caricature grossière du christianisme; et (deuxième raison) Pic de la Mirandole, qu'il admirait beaucoup, avait lui aussi refusé de se faire moine.

Quel que fût le véritable motif de sa décision - et il peut y en avoir eu plusieurs -, More courtisa puis épousa en 1504 Jane Colt de Netherhall, dans le Sussex (12). Au cours des cinq années suivantes, elle lui donna quatre enfants, trois filles et un fils. More avait une préférence pour sa fille aînée, Margaret; c'est d'ailleurs grâce à son mari, William Roper, et à La vie de Sir Thomas More qu'il publia en 1553, que nous disposons d'informations si précises sur la personnalité et la carrière de More. Après la mort de sa première femme en 1511, voyant que ses enfants avaient encore besoin d'une mère, il se remaria bientôt avec une veuve, Alice Middleton, de sept ans son aînée. Malgré son caractère irascible et sa langue acérée, elle s'avéra une excellente mère pour les enfants et protégea la famille, cette institution à laquelle More accordait tant de valeur. Il semble en fait, d'après le tableau brossé dans ses lettres par Érasme, que More ait connu une vie de famille extrêmement heureuse, que non seulement il se plaisait en compagnie de ses enfants, mais qu'il s'efforça de développer leurs facultés intellectuelles (13). Dans une lettre à sa fille Margaret, qui l'embrassa juste avant son exécution et qui conserva la tête coupée de son père jusqu'à sa propre mort, il écrivait: «Je t'assure que plutôt que de vous laisser grandir dans l'ignorance et l'oisiveté, je sacrifierais tout et dirais adieu aux affaires afin de m'occuper de mes enfants - dont aucun ne m'est plus cher que toi, ma fille bien-aimée (14)».

More fut à beaucoup d'égards un homme remarquable: non seulement parce que sa vie publique et professionnelle lui apporta de profondes satisfactions, non seulement parce qu'au milieu de ses obligations publiques il fut un extraordinaire écrivain de langue latine et de langue anglaise, mais parce qu'il sut préserver sa vie familiale et mettre en pratique dans son «académie» (c'est-à-dire dans sa propre maison) un grand nombre de ses idées pédagogiques. À cause de cet enchevêtrement des aspects publics et privés de sa vie, il est parfois difficile de faire abstraction des postes officiels qu'il a occupés, pour découvrir le véritable caractère et les idées personnelles de Thomas More. Il n'est pas non plus toujours facile de le distinguer d'Érasme, le plus illustre écrivain européen du début du XVIe siècle. Ils se lièrent solidement d'amitié vers 1499, et Érasme rendit souvent visite à More au cours des vingt années suivantes. Ainsi, en 1506, ils traduisirent ensemble des oeuvres de Lucien, dont le Dialogue des morts a certainement inspiré L'utopie. En 1509, alors qu'il séjournait chez More, Érasme composa son célèbre Éloge de la folie (Encomium moriae); et en 1518 il publia les poèmes latins de son ami parce que, dit-il, «l'unique génie de l'Angleterre» n'avait pas le temps de les publier lui-même, et encore moins d'écrire toutes les oeuvres de création qu'il aurait voulu donner au public.

En effet, pour ne citer que cette raison, la carrière juridique et politique de More ne lui laissait pas assez de loisirs pour méditer. En 1509, dernière année du règne d'Henri VII, il entra au Parlement et fut nommé sous-shérif de Londres. Le cardinal Wolsey le présenta bientôt après au nouveau roi, Henri VIII. Dès lors, il s'éleva rapidement aux plus hautes fonctions politiques. En 1514, il devint maître des requêtes. L'année suivante lui fut confiée sa première mission à l'étranger, une ambassade commerciale en Flandres pendant laquelle il écrivit le second livre de L'utopie; il acheva la rédaction du premier livre à son retour en Angleterre, la même année. D'autres missions à l'étranger mettront à profit les talents diplomatiques de More: il se rendit à Calais en 1520 après la rencontre d'Henri VIII, de Charles Quint et de François Ier au camp du Drap d'or (15); des ambassades le conduiront à Bruges et à Calais (1521), puis à Paris (1527) avec le cardinal Wolsey; enfin, il représenta le roi à la signature du traité de Cambrai (1529) qui épargna à l'Angleterre toute guerre sur le continent pendant treize ans.

Les honneurs politiques lui furent également prodigués. Ayant pris avec succès la défense d'un groupe d'apprentis londoniens qui avaient participé à une émeute en 1517, il entra au Conseil privé l'année suivante, sur la recommandation de Wolsey. En 1521, il fut anobli et nommé trésorier de l'Échiquier. En 1523, il fut élu président de la Chambre des communes. Lors de sa nomination, il aurait déclaré à Wolsey qu'il ne pourrait ni ne voudrait rien faire, en tant que président de la Chambre, pour son seul plaisir, car «il n'avait d'yeux pour voir et d'oreilles pour entendre que selon ce qu'il plairait à la Chambre de lui ordonner, dont il était le serviteur» (16). Il fut par la suite élu grand intendant de l'Université d'Oxford (1524), puis de l'Université de Cambridge (1525), fait chancelier du duché de Lancaster (1525), et en 1529, après la disgrâce de Wolsey, devint à contrecoeur le principal et le plus respecté des conseillers du roi en accédant au poste de Grand Chancelier, premier laïc à occuper cette haute fonction publique. Dans l'ordre temporel, il était parvenu à l'apogée de sa carrière.

La réputation de More reposait alors autant sur ses abondantes publications et ses exposés théologiques que sur son honnêteté et sa simplicité. En plus de sa collaboration déjà mentionnée avec Érasme, et outre ses nombreux poèmes latins et L'utopie, il est l'auteur de plusieurs écrits polémiques: lettre à Martin Dorps (1515) ; lettre aux administrateurs de l'Université d'Oxford (1518), brillant plaidoyer en faveur d'une plus grande ouverture de l'université à l'humanisme, notamment à l'enseignement du grec et de ce que nous appellerions aujourd'hui les matières de culture générale; lettre «à un certain moine» (1520), dans laquelle il critique la corruption du clergé. En 1520, il aida Henri VIII à composer l'Assertio septem sacramentorum, oeuvre dirigée contre Luther et sa doctrine, qui valut à Henri le titre de Défenseur de la foi, décerné par le pape Léon X (17). Lorsque Luther répliqua à cette attaque, Henri VIII chargea More de lui répondre, ce qu'il fit dans la Responsio ad Lutherum (1523).

En 1522, il avait entrepris la rédaction d'un livre de piété, The Four Last Things, méditation sur la mort, le jugement, la souffrance et la joie. Ce livre resté inachevé reflète la consternation de More devant la cruauté et l'esprit de vindicte qui caractérisaient la vie politique et économique au commencement de l'époque des Tudors. Il reflète aussi peut-être une inquiétude liée à des motifs personnels, More sentant que plus il s'engageait au service d'Henri VIII, moins il pouvait consacrer de temps à sa famille et à son «académie».

La mesure de l'estime où le tenait Henri VIII nous est donnée par cet extrait de William Roper: Ainsi fut-il promu peu à peu à de plus hautes fonctions par le roi, jouissant de sa faveur particulière et de sa confiance pendant plus de vingt ans ; une bonne part desquels le roi eut coutume, les jours saints, quand il avait achevé ses propres dévotions, de l'aller chercher dans son cabinet et de s'asseoir auprès de lui pour deviser tantôt d'astronomie, de géométrie, de théologie et d'autres disciplines, tantôt de ses affaires temporelles. D'autres fois, il le faisait monter sur le toit (18) pour observer avec lui les variations, cours, mouvements et opérations des étoiles et des planètes. Peut-être est-ce parce que, tout en vivant dans le monde, More donnait l'impression d'en être détaché par sa façon de vivre, qu'il séduisit tant de ses contemporains. Il était manifestement capable de comprendre des points de vue opposés, et les jugements qu'il rendait en qualité de Grand Chancelier passaient pour être impartiaux, prompts et équitables. Il semble cependant qu'il condamnait avec une sévérité excessive ceux qui ne partageaient pas ses opinions religieuses. C'est ce qui explique son conflit avec Henri VIII, sa disgrâce et sa mort sur l'échafaud pour trahison.

More et la réforme anglaise

À l'époque où il fut nommé Grand Chancelier, More s'était acquis dans toute l'Europe la réputation d'un homme spirituel, affable, intelligent et honnête. Henri VIII le considérait comme son ami et son conseiller. Il croyait avoir choisi le chancelier idéal qui lui permettrait de réaliser ses desseins personnels (le divorce avec Catherine d'Aragon) et de réformer l'Église sans la détruire.

More partageait les craintes d'Henri VIII à l'égard de la réforme luthérienne, qui risquait selon lui de renverser la foi traditionnelle et l'ordre établi. Sur le terrain théologique, il faisait preuve de conservatisme. Comme Érasme et Colet, il croyait nécessaire de promouvoir une plus grande tolérance religieuse et une théologie plus rationnelle, de réformer les moeurs et la conduite du clergé, mais il était opposé à une rupture avec l'Église historique. Il n'est donc pas sans importance qu'Henri VIII ait fait appel à lui pour disputer contre Luther, et que l'évêque de Londres, Cuthbert Tunstall, lui ait demandé d'écrire des pamphlets et des observations critiques sur certaines thèses et certains ouvrages protestants. En 1529, par exemple, More écrivit un Dialogue Concerning Heresies pour réfuter la doctrine de William Tyndale, ainsi que la Supplication of Souls contre les attaques portées au clergé par Simon Fish. En 1532 et 1533, il publia une «réfutation de la réponse de Tyndale» (Confutation of Tyndale's Answer) et une Apologie de la position catholique. En 1533, il écrivit la Debellation of Salem and Byzance contre deux ouvrages du juriste Christopher Saint-Germain, ainsi qu'une «réponse à un livre empoisonné» (Answer to a Poisoned Book) contre un ouvrage anonyme intitulé The Supper of the Lord [Le souper du Seigneur], qu'on a longtemps cru de Tyndale avant de l'attribuer à un certain George Joye.

Il peut sembler ironique que pendant les dernières années de sa vie More ait tant écrit pour défendre la position théologique de l'Église, alors que le roi, qu'il servit loyalement jusqu'à la fin, s'employait à faire adopter des lois qui, sans toutefois la détruire, allaient transformer définitivement la situation de l'Église en Angleterre. Il est également ironique que le roi, après s'être servi de More et en avoir fait son ami, se soit retourné si violemment contre lui. L'attitude d'Henri VIII s'explique autant par la méconnaissance de la personnalité de More que par la crainte de son influence. En tant que Grand Chancelier d'Angleterre, More était le plus grand personnage du royaume après le roi. L'importance qu'on accordait à ses opinions ne tenait pas moins à son rang qu'à sa personne. La répugnance de More à accepter le divorce d'Henri VIII s'accrut à mesure que se renforçait la détermination de celui-ci à l'obtenir: ce n'est pas tant qu'il désapprouvât ce divorce en lui-même, mais il y voyait un défi directement lancé à la papauté. Le conflit s'aggrava quand le roi voulut se faire proclamer chef suprême de l'Église d'Angleterre (1531). More pensait que l'Église n'avait pas d'autre chef que le Christ, et qu'Henri VIII usurpait la place du pape, vicaire du Christ sur la terre. En conséquence, il rendit les sceaux le 16 mai 1532, espérant mener une vie tranquille dans sa famille, avec ses livres. Cela ne lui fut pas permis, du moins pas très longtemps, car le roi, persuadé que l'approbation de More assurerait le succès de son entreprise, était décidé à obtenir son appui.

Le 12 avril 1534, More fut convoqué à Lambeth pour prêter serment de fidélité à l'Acte de suprématie, qui restreignait l'autorité du pape et confirmait le divorce du roi. More refusa deux fois de prêter serment, en alléguant des motifs juridiques. Il fut enfermé à la Tour de Londres le 17 avril 1534 et accusé, le 1er juillet 1535, de «dissimulation de haute trahison» sur un faux témoignage de l'attorney général, sir Richard Rich, auquel More avait autrefois rendu service, mais qui était devenu l'homme lige de Thomas Cromwell. Selon Roper (19), les paroles échangées entre More et Rich, qui résument leur débat, furent les suivantes: (...) supposez, dit sir Thomas More, que le Parlement fasse une loi portant que Dieu ne soit pas Dieu, direz-vous, Master Rich, que Dieu n'est pas Dieu?
- Non, Monsieur, répondit-il, je ne le dirai pas, mais aucun Parlement ne saurait faire pareille loi.
- Eh ! bien, répondit sir Thomas More (...), le Parlement ne saurait davantage faire du roi le chef suprême de l'Église. More se trompait évidemment. Il mourut sur l'échafaud le 6 juillet 1535, proclamant sa fidélité au roi, mais une fidélité plus grande encore au Roi du Ciel (20). Comme l'écrit Bindoff: More fut la victime de cette illusion tenace qu'il avait lui-même partagée, suivant laquelle toute institution humaine détient un monopole en matière de vérité ou le pouvoir d'imposer ses dogmes à tous ceux qui sont soumis à son autorité purement humaine. Dans le cas de More, l'institution fautive était un parlement (21). Pour beaucoup, More était et reste un personnage énigmatique. Ainsi, président de la Chambre des communes, il s'est servi de son influence pour appliquer ses idées anticléricales en persuadant le Parlement d'adopter plusieurs lois qui limitaient le pouvoir de l'Église. En particulier, les droits que le clergé percevait sur les funérailles et les successions seraient désormais fixés par le Parlement; et le cumul des fonctions ecclésiastiques serait interdit (22). Dans son Utopie, More accuse les grands abbayes et les grands monastères de transformer les labours en pâturages, c'est-à-dire d'enclore les champs pour y faire paître leurs moutons, chassant ainsi les paysans des terres cultivables.

Cependant, comme Robert Bolt l'a brillamment montré dans sa pièce A Man for All Seasons (23), More était avant tout un homme intègre, nullement disposé à sacrifier les exigences de sa conscience aux désirs et aux caprices d'un monarque absolu. Dénué d'ambition sociale ou politique, il a été contraint d'accepter plusieurs des postes qu'il a occupés. Il combattait l'hypocrisie et la corruption partout où il les rencontrait, particulièrement dans les grands emplois. Le cardinal Wolsey incarnait à ses yeux toute la corruption de l'Église de son temps. On a souvent présenté More comme « la voix de la conscience » de son époque, parce qu'il défendit la liberté de parole quand il était président de la Chambre des communes. Roper nous dit qu'en accédant à ce poste, il exprima le souhait que, sans crainte d'être puni, tout homme puisse décharger sa conscience et donner hardiment son avis sur toute question qui viendrait à être débattue au Parlement (24).

Hoffmann a écrit que More mettait sa conscience au-dessus de tout le reste (25). Érasme, lorsqu'il apprit l'exécution de son ami, salua un homme «dont l'âme était plus pure que la neige, dont le génie était tel que l'Angleterre n'en avait jamais connu et n'en connaîtrait jamais de pareil» (26).

Cette noblesse de caractère ne s'est peut-être jamais mieux manifestée qu'au moment où, prisonnier à la Tour de Londres, il fut condamné à mort par ses juges. Les dernières paroles qu'il leur adressa furent pleines de modération et de dignité: Ce bas monde connaîtra toujours la discorde et les divergences d'opinion. Mais, tout comme le bienheureux apôtre saint Paul (...) assista et consentit à la mort de saint Etienne (...), non sans que tous deux soient maintenant des saints au ciel (...), de même j'espère en vérité et prierai fermement pour que vos seigneuries qui avez été mes juges et m'avez condamné sur la terre et moi-même puissions tous nous rencontrer joyeusement au Ciel pour notre salut éternel. Dans cet espoir, je prie Dieu qu'il vous garde tous, et particulièrement mon seigneur le Roi, et qu'il daigne toujours lui envoyer de fidèles conseillers (27). Voici ce qu'écrit Winston Churchill à propos de la place de More dans «l'histoire des peuples de langue anglaise» (History of the English-Speaking Peoples): L'opposition de More et de Fisher au pouvoir suprême que le roi prétendait exercer sur l'Église était un acte de résistance héroïque et noble. Les défauts du catholicisme de leur temps ne leur échappaient pas, mais ils détestaient et redoutaient le nationalisme agressif qui était en train de détruire l'unité de la chrétienté. (...) More prit la défense de tout ce qu'il y avait de meilleur dans la conception médiévale. Il incarne aux yeux de l'Histoire l'universalisme du Moyen Age, son adhésion à des valeurs spirituelles et son sens instinctif de l'au-delà. La hache cruelle du bourreau n'a pas seulement tranché la tête d'un conseiller sage et talentueux; elle a décapité du même coup un système qui, même s'il avait trahi ses idéaux dans la pratique, avait longtemps inspiré à l'humanité ses rêves les plus radieux (28). Les conditions faites à More dans la Tour de Londres durant la dernière année de sa vie rendent d'autant plus remarquable sa persévérance à écrire. Vers la fin, lorsqu'on l'eut privé de plume et de papier, il réussit encore à écrire des lettres à sa famille avec un morceau de charbon. Le Treatise on the Passion et sa version latine, Expositio passionis, décrivent de façon saisissante les dernières heures du Christ avant sa mort sur la croix; et le Dialogue of Comfort against Tribulation est considéré par certains comme sa plus belle oeuvre en anglais. Après sa mort, tous ses ouvrages et ses papiers furent recueillis par sa fille Margaret (morte en 1544), puis par son neveu William Rastell qui publia l'ensemble de ses oeuvres anglaises en 1557. Les oeuvres latines de More ont été rassemblées et partiellement publiées en 1563 à Bâle sous le titre Lucubrationes; elles ont fait l'objet d'une édition plus complète à Louvain, en 1565-1566, sous le titre Opera omnia. Sa mort sur l'échafaud avait inspiré tant d'horreur, et la certitude de son génie était si forte que de nombreuses biographies virent le jour à la fin du XVIe siècle, dans le sillage de la Vie de Sir Thomas More (1553) par son gendre William Roper.

Thomas More, homme de la renaissance et pédagogue

More ne s'est pas moins acquis l'estime de ses contemporains par ses idées sur divers sujets profanes que par ses écrits religieux. Un maître d'école de Londres, Richard Whittington, écrivait en 1520: «More est un homme d'une subtilité angélique et d'une singulière érudition; selon ce que l'occasion demande, il est plein de gaieté et merveilleusement enjoué ou à d'autres moments, comme je l’ai dit, fort grave: c'est comme qui dirait un homme de toutes les saisons (29)».

Thomas More «qui est par son intégrité, son rayonnement, sa douce détermination et son destin pitoyable, la figure la plus séduisante du début du XVIe siècle» (30), a ceci de commun avec son ami Érasme que leur humanisme fait une large place à la pensée morale et religieuse, et non pas seulement aux influences païennes ou artistiques venues d'Italie où elles étaient prédominantes. Autant qu'à l'Histoire et aux légendes, ils s'intéressaient aux questions morales et philosophiques soulevées par des auteurs grecs comme Platon et Aristote. Cette préoccupation est un des points sur lesquels l'Angleterre allait se distinguer de l'Europe continentale. More n'a pas seulement contribué au maintien de la common law que le droit romain tendait à remplacer, mais en matière d'éducation il accordait autant d'importance au développement moral et religieux qu'à la culture.

La diversité de ses connaissances linguistiques, sa maîtrise, notamment de l'anglais, du latin et du grec, son intérêt pour les différents aspects de l'activité intellectuelle, pour la peinture et la musique, son aptitude à discourir sur toutes sortes de sujets importants, mais aussi à plaisanter d'un coeur léger : voilà ce qui distinguait More de tant de ses contemporains. S'il avait eu à se définir, il se serait réclamé de l'humanisme, non pas au sens moderne d'anthropocentrisme et d'athéisme, mais au sens d'intérêt pour les humanités et l'état du monde. L'essor de la Renaissance – en particulier du XVe siècle, lorsque des manuscrits grecs et latins furent retrouvés et reproduits grâce à l'imprimerie récemment inventée - s'accompagna d'une vague d'enthousiasme pour les idées et les auteurs de l'Antiquité classique. On découvrait la beauté du monde et de l'homme, on apercevait d'immenses possibilités de création. Cette vision et cette conception du monde étaient celles de More et de ses amis. Les humanistes, au sens étroit du mot, étaient des savants versés dans la connaissance du grec et du latin, comme l'étaient More, Colet, Linacre, Érasme et Roger Ascham; mais les humanistes de la Renaissance croyaient nécessaires d'étendre leur curiosité à d'autres domaines (religion et philosophie morale, humanités et arts libéraux, sciences et philosophie naturelle), et rien d'humain ne leur était étranger. Beaucoup non seulement lisaient et conversaient en grec, en latin et dans leur langue maternelle (l'anglais dans le cas de More), mais savaient aussi d'autres langues: le français, l'italien ou l'espagnol. L'importance que More attachait à la connaissance des langues apparaît dans le passage suivant de L'utopie: «Ce Raphaël en effet, car il s'appelle ainsi, et Hythlodée est son nom de famille, connaît assez bien le latin et très bien le grec, qu'il a étudié avec un soin plus particulier. Car il s'était voué à l'étude de la philosophie et il estimait que rien d'important n'existe en latin dans ce domaine, si ce n'est quelques morceaux de Sénèque et de Cicéron (31).»

More exposa quelques-unes de ses idées sur l'éducation dans une lettre à Pierre Gilles, qui était à cette époque secrétaire général de la ville d'Anvers (32). «Comme vous le savez, dit-il, mon jeune adjoint John Clement (33) était alors avec nous. Je ne l'ai tenu à l'écart d'aucune conversation qui pût être instructive, car il a déjà fait tant de progrès en latin et en grec qu'il me donne les plus grandes espérances.» Il écrit plus loin: «Je tiens absolument à rapporter des faits exacts (...), car il m'importe beaucoup plus d'être réputé honnête qu'ingénieux.» D'autre part, il ne cache pas son mépris pour certains de ses semblables: «La plupart des lecteurs, dit-il, ne connaissent rien aux lettres et beaucoup les méprisent. Les petits esprits trouvent ennuyeux tout ce qui les dépasse, et les beaux esprits rejettent comme vulgaire tout ce qui n'est pas un tissu de vieilleries. Certains n'aiment que les oeuvres classiques, d'autres n'aiment que leurs propres oeuvres. Certains sont si imperturbablement sérieux qu'ils ne souffrent aucune sorte d'humour, d'autres si faibles d'esprit qu'ils ne supportent pas l'esprit» (34). Dans les lettres qu'il lui écrivit, More donne à l'un des précepteurs de ses enfants, Peter Gunnell, des directives très précises concernant leur éducation. Il est fortement partisan d'une éducation plus poussée pour les filles, fondée notamment sur l'étude des oeuvres classiques et de la philosophie, antidote nécessaire aux fastidieuses leçons de musique, de couture et de cuisine. D'ailleurs les filles de More écrivaient en latin et discutaient souvent dans cette langue à la maison. Malheureusement, au début du XVIe siècle, l'enseignement, dominé par l'Église, était morne et stérile; les élèves apprenaient par coeur le catéchisme et les conjugaisons latines, s'initiaient à l'arithmétique, faisaient des versions et des thèmes latins ... L'apparition progressive, sous l'influence de la littérature grecque, d'une sensibilité nouvelle à la beauté du monde, à la beauté et à la personnalité des êtres humains, donna naissance à une conception nouvelle de l'éducation, que More s'efforça de mettre en pratique dans son «académie».

L'«académie» de More

Après avoir déménagé plusieurs fois au cours de sa carrière, More s'installa en 1517, à Chelsea, dans une maison dont la construction se poursuivit jusqu'en 1523 et qui, à son achèvement, abritait une famille élargie de 21 personnes, ainsi que de nombreux autres occupants. More avait fait édifier, pour son usage personnel, un pavillon séparé comprenant une chapelle, une bibliothèque et une galerie. Il y passait la journée du vendredi dans l'étude et la prière. Mais sa maison tout entière était le lieu d'expériences pédagogiques. Il apprit à sa femme et aux autres membres de sa famille à chanter et à jouer de divers instruments de musique, à lire et à discuter des textes philosophiques et théologiques en anglais, en latin et parfois même en grec. Il ne faisait à cet égard aucune distinction entre les sexes, et l'on a pu dire que sa maison «était un modèle intemporel de félicité domestique» (35).

La description la plus précise que nous ayons de la vie domestique de More nous vient de son grand ami Érasme (36), qui fit chez lui de longs séjours. Voici ce qu'il écrit: On peut dire que More préside une seconde académie, semblable à celle de Platon, mais où les chiffres et la géométrie sont remplacés par les vertus domestiques. Tous les membres de sa famille se livrent à quelque occupation. Aucune parole dure n'est jamais prononcée chez lui, mais la discipline y règne par douceur et politesse (...). Vous croiriez ressuscitée l'Académie de Platon, sauf que dans l'Académie les discussions portaient sur la géométrie et la puissance des nombres, alors que la maison de Chelsea est une véritable école de religion chrétienne (...). Il n'y a personne, homme ou femme, qui ne lise ou n'étudie les arts libéraux. Cependant la piété constitue leur soin principal. On ne voit jamais personne dans l'inaction. Le chef de famille gouverne sa maison, non par une attitude hautaine et de fréquents reproches, mais par la douceur et des manières aimables. Quel contraste avec les collègues de l'époque, où les élèves étaient souvent fouettés pour avoir oublié leurs leçons! More croyait profondément que les enfants sont un don de Dieu à leurs parents, à l'Église et à la nation. Il importe donc, selon lui, qu'ils reçoivent une bonne éducation et une bonne formation non seulement de leurs parents, mais aussi de l'État ou de l'Église qui doivent mettre à leur disposition des maîtres compétents en nombre suffisant. Ces idées sont développées dans L'utopie. Le manque de formation des maîtres constituait un des problèmes de l'école au début du XVIe siècle. Il ne faisait pas de doute pour More que l'État est moralement tenu d'assurer non seulement une formation suffisante des maîtres, mais aussi le fonctionnement du système scolaire (37).

More était la figure centrale d'un important réseau d'humanistes de la Renaissance, mais il aimait particulièrement à siéger dans son «académie», parce qu'il pouvait y mettre en pratique un grand nombre de ses principes, - discuter librement avec sa femme, ses enfants et ses amis, sans distinction de rang social ou de sexe, parler avec eux d'art, de littérature, de religion ou des affaires du monde.

Il se préoccupait autant de la discipline à respecter pour conserver à ces échanges un ton de politesse et de modération, que de la liberté de discussion entre les sexes. Outre Érasme, il comptait au nombre de ses amis ou de ses disciples John Colet, fondateur de Saint Paul's School, à Londres; Hans Holbein le Jeune, qui fit en 1527 le portrait de More conservé à la National Portrait Gallery de Londres; Fisher, fondateur de plusieurs collèges de Cambridge; Linacre, helléniste, fondateur du collège d'Oxford qui porte son nom, fondateur et président du Collège royal de médecine. Deux amis de More ont été particulièrement impressionnés par ce qu'ils ont vu et entendu chez lui: Sir Thomas Elyot (1490-1546), auteur du Boke Named «The Governour» [Le livre intitulé «le gouverneur»] (1531), premier traité d'éducation écrit en anglais et non pas en latin; et Roger Ascham, précepteur de la future reine Elisabeth Ire et auteur du Scholemaster [Le maître d'école] (1570). Ces ouvrages allaient exercer une profonde influence sur l'organisation des écoles et les programmes d'enseignement pendant le reste du XVIe et une grande partie du XVIIe siècle.

À la lecture de certaines remarques d'Érasme sur la personnalité de More, il est facile de comprendre ce qui attirait auprès de lui de tels disciples. Érasme écrit dans une lettre que «More avait depuis son plus jeune âge un tel penchant pour la plaisanterie que l'on pouvait presque penser qu'elle était sa vocation» (38). Dans une autre lettre au chevalier allemand Ulrich von Hutten, datée d'Anvers, le 23 juillet 1519 (39), Érasme dit de More: Sa physionomie répond à son caractère : volontiers souriante, toujours empreinte d'une bonne humeur affable et bienveillante, elle convient à vrai dire à la gaîté plus qu'au sérieux et à la gravité, bien qu'elle soit très éloignée de la bêtise et de la bouffonnerie. (...) Dans les relations mondaines, sa courtoisie et le charme de ses manières sont tels qu'il n'est homme si mélancolique qu'il ne puisse égayer, ni sujet si rébarbatif qu'il me rende attrayant. (...) Dans les relations humaines, il recherche le plaisir en tout, même dans les matières les plus graves. S'il a affaire à des hommes intelligents et cultivés, il prend plaisir à leur intelligence ; s'il est avec des ignorants et des sots, il s'amuse de leur sottise.

«L'utopie»

La philosophie de l'éducation de More a été fortement influencée non seulement par ses amis et ses collègues et par les libres discussions qu'il eut avec eux, mais aussi par ses lectures, ses observations et ses convictions politiques. Il croyait fermement que tout homme était capable de s'épanouir et de surmonter l'adversité, de s'intéresser aux arts plastiques, à la littérature, à la musique, à la philosophie, de se tenir au courant des progrès de la science. Bien que la plupart de ses opinions, exprimées oralement, se retrouvent chez des auteurs qui ont écrit après lui, et que ses idées et ses sentiments nous soient connus par ses lettres et par les remarques d'Érasme, un portrait de Sir Thomas More ne serait pas complet sans référence aux deux ouvrages qui ont le plus contribué à sa célébrité, L'utopie (1516) et l'Histoire de Richard III (1543).

L'utopie est parue dans sa version latine en 1516. La traduction anglaise n'a été publiée qu'en 1556, mais les principales thèses de l'oeuvre étaient déjà largement connues et avaient fait l'objet de vastes débats. L'utopie place sans conteste Thomas More au rang des plus éminents humanistes et des plus profonds visionnaires de la Renaissance. Elle suscite encore aujourd'hui de vives discussions. Selon Turner (40), deux courants de pensée s'opposent au sujet du contenu et des objectifs de cette oeuvre. Les uns y voient essentiellement un pamphlet catholique où l'auteur expose ses conceptions personnelles, et où tout ce qui peut ressembler à une apologie du communisme est pure allégorie. Pour les autres, c'est un manifeste politique où l'on ne doit pas tenir compte des références à la religion. Chacune de ces interprétations n'est que partiellement correcte.

L'utopie est à la fois une satire politique et un récit allégorique. «Elle prétend «dire la vérité en riant» comme les Satires d'Horace, ou comme la Véritable histoire de Lucien «ne pas se contenter d'être agréable et spirituelle, mais dire aussi quelque chose d'intéressant» (41)». Le récit a pour cadre une île imaginaire où il n'y a ni guerres, ni misère, ni crimes, ni injustice, ni aucun des autres maux qui accablaient l'Europe du XVe siècle. Tous y reçoivent une part égale de nourriture, de richesse et de pauvreté. Personne ne possède plus ou moins que les autres. L'État assure et supervise la distribution équitable des ressources, y compris des soins de santé. La journée de travail se limite à six heures, le temps libre étant consacré à l'étude des arts, des lettres et des sciences. Comme l'enseignement technique et professionnel est accessible à tous, chacun peut apprendre au moins un métier. Il n'est permis de se battre que pour se défendre et les criminels sont condamnés à l'esclavage. La religion est un théisme indépendant de toute confession particulière et les prêtres sont choisis pour leur sainteté. Tous les enfants, garçons et filles, ont le droit de recevoir un enseignement diversifié. Ils étudient notamment les lettres, les œuvres classiques, les arts, les sciences naturelles et les mathématiques, l'ensemble des matières enseignées composant ce que l'on appellerait aujourd'hui un «programme équilibré». Des cours d'instruction civique ont pour but d'éveiller la conscience politique des élèves. Il incombe à l'État de dispenser l'enseignement et d'assurer la formation des maîtres. Les filles ne sont pas traitées autrement que les garçons.

More avait manifestement pour objet, en écrivant L'utopie, d'ouvrir les yeux de ses contemporains sur les maux politiques et sociaux du monde qui les entouraient: inflation, corruption, dureté envers les pauvres, guerres futiles ou totalement inutiles, ostentation des courtisans, abus de pouvoir des monarques absolus, ... Il a recours à des noms tirés du grec pour se faire comprendre. «Ainsi «Hythlodée» signifie «dispensateur de balivernes»; «Utopie» signifie «nulle part»; le nom du fleuve Anhydre veut dire «sans eau»; et le magistrat suprême porte le titre d'Ademus, qui signifie «sans peuple» (42)». Il ressort clairement de la lettre de More à Pierre Gilles que l'auteur de L'utopie pensait que ses lecteurs cultivés comprendraient le sens de ces noms; en effet, il s'est délibérément servi de racines grecques pour inventer toponymes et titres officiels, afin que ses lecteurs comprennent que ces noms sont imaginaires. Beaucoup de lecteurs n'ont pas admis qu'un fervent catholique comme More préconise l'euthanasie, le mariage des prêtres, le divorce par consentement mutuel pour cause d'incompatibilité, ou qu'il permette aux futurs époux de se voir nus avant de se décider au mariage. Beaucoup de lecteurs croient aussi que les idées essentielles exprimées dans L'utopie sont des idées communistes. L'utopie conserve encore de nos jours un grand intérêt; il faut cependant savoir qu'elle ne propose pas un idéal (positif), mais constitue une critique (négative) des vices de l'Europe tels que More les percevait. Elle avait pour but de faire honte aux chrétiens, pour qu'ils se conduisent beaucoup mieux que les pauvres païens d'Utopie, et non pas plus mal, comme c'était le cas. «Cette oeuvre utilise une forme d'expression intemporelle qui la détache de l'époque particulière où elle a vu le jour, et empêche qu'elle apparaisse jamais comme archaïque ou obscure sur le plan linguistique (43)».

Bien que L'utopie contienne des références à Platon et que certaines idées de More soient manifestement tirées de la République ou des Lois, la démarche des deux auteurs est fondamentalement différente. Ils pensaient tous les deux que l'État devrait jouer un rôle de premier plan dans l'éducation; mais alors que Platon se bornait à faire allusion au communisme, More y voyait le fondement de la société. Alors que Platon se souciait surtout de l'éducation de la classe dirigeante, More accordait une grande importance aux producteurs, et notamment aux paysans. Certes, dit More, «un petit nombre seulement est dans chaque ville déchargé des autres travaux et désigné pour la culture exclusive de l'esprit: ceux chez qui l'on a reconnu depuis l'enfance un don particulier, une intelligence supérieure, un penchant marqué pour la vie intellectuelle. Mais tous les enfants reçoivent une instruction. Et une grande partie du peuple, les femmes aussi bien que les hommes, consacrent à l'étude, pendant toute leur vie, les heures que le travail, nous l'avons dit, laisse libres. L'enseignement est dispensé dans leur langue nationale. Son vocabulaire en effet est riche (...)» (44). C'est là une critique évidente de l'usage du latin comme langue de l'enseignement scolaire à la place de l'anglais. Platon était favorable à la guerre et admirait les vertus militaires; More cherchait à promouvoir l'amour de la paix. Au lieu de perdre leur temps, «la plupart (des Utopiens) consacrent ces heures de loisir à l'étude. Chaque jour en effet des leçons accessibles à tous ont lieu avant le début du jour, obligatoires pour ceux-là seulement qui ont été personnellement destinés aux lettres. Mais, venus de toutes les professions, hommes et femmes y affluent librement, chacun choisissant la branche d'enseignement qui convient le mieux à sa forme d'esprit» (45). Platon ne tient presque pas compte de la vie familiale; pour More la famille est le fondement de la société; il reconnaît aux femmes une place éminente dans la famille et les encourage à développer leurs capacités intellectuelles, bien qu'il n'affirme nulle part la complète égalité des sexes. Au sérieux de Platon s'oppose l'esprit satirique de More; et tandis que Platon bannit de sa république les arts plastiques, la poésie et la musique, More prend nettement parti en faveur de l'art.

Trois autres principes pédagogiques apparaissent dans L'utopie. Le premier est que les magistrats (...) ne souhaitent pas éprouver les citoyens malgré eux par des fatigues inutiles. Car la Constitution vise uniquement, dans la mesure où les nécessités publiques le permettent à assurer à chaque personne, pour la libération et la culture de son âme, le plus de temps possible et un loisir affranchi de tout assujettissement physique. En cela réside pour eux le bonheur véritable (46).

Le deuxième principe, qui ne sera vraiment développé qu'à la fin du XXe siècle, est que les enfants doivent se mêler librement aux adultes et les adultes aux enfants pour apprendre les uns des autres. Le troisième est que l'enseignement doit comporter une importante dimension morale, assurée dans L'utopie par les prêtres chargés de l'éducation des enfants et des adolescents. Si les «saines doctrines» «ont profondément pénétré (dans les âmes des enfants), elles accompagneront l'homme sa vie entière et contribueront grandement au salut public, lequel n'est menacé que par les vices issus de principes erronés» (47).

Quoique L'utopie ait remporté un succès considérable, établissant la réputation de son auteur dans toute l'Europe, c'est seulement après sa mort qu'on s'est avisé qu'il possédait aussi des talents d'historien. La première édition intégrale de son Histoire de Richard III, parue en 1543, faisait suite à la Chronique de Hardyng et à l'Angelica historia de Polydore Vergil. Sa description de Richard III sous les traits d'un infâme scélérat devait influencer la perception qu'en ont eue les générations suivantes; et la pièce de Shakespeare Richard III, qui donne de ce monarque une image si frappante bien qu'inexacte, s'inspire largement de l'interprétation de More. L'Histoire offre deux caractéristiques remarquables qui nous en apprennent long sur son auteur. «Le Richard III de More, qui est la première grande oeuvre en prose de la littérature anglaise, marque aussi le début de l'historiographie moderne; malgré toute la splendeur de la période élisabéthaine, on ne trouve rien qui en approche avant le Henri VII de Bacon (1622), et l'on ne connaît pas d'autre exemple de récit historique écrit en deux langues» (48). Avoir écrit la première oeuvre historique de quelque valeur littéraire qu'ait produite la langue anglaise n'est déjà pas un mince titre de gloire, mais l'avoir écrite à la fois en anglais et en latin relève du génie.

More a su «donner à des événements récents la forme historique à laquelle sa formation d'humaniste l'avait habitué, et que ses amis humanistes appréciaient: celle d'un récit dramatique à la construction hardie, qui s'élève au-dessus des réalités contingentes pour atteindre à l'art et rechercher la vraisemblance psychologique plutôt que l'exactitude des faits» (49). Les historiens des générations suivantes ont imité sa façon d'écrire l'histoire, et sa perception de Richard III s'est imposée jusqu'à ce qu'Horace Walpole, au XVIIIe siècle, amorce une réévaluation de la personnalité de ce roi dans son Historical Doubt on the Life and Reign of King Richard III, où il conteste la vision historique de More. Depuis, de nombreuses associations d'«Amis de Richard III» sont apparues des deux côtés de l'Atlantique. Il faut dire, à la décharge de More, qu'il avait fortement subi sur ce point l'influence de l'archevêque Morton et d'autres contemporains. Son entreprise historique avait en partie pour but de critiquer la brutalité de la monarchie sous les Tudors, mais il ne l'a pas menée jusqu'au bout pour ne pas avoir à accuser Henri VII et Henri VIII de tyrannie, préférant faire passer ses idées dans le récit satirique qu'est L'utopie.

L'héritage de Thomas More

More est assuré de conserver sa place dans l'histoire de l'Angleterre et de l'Europe, non seulement grâce à L'utopie, mais parce qu'il a pris position contre la tyrannie pour des raisons de principe et clairement montré par son exemple que la rigueur et la rectitude morales pouvaient triompher du mal. Nous comprenons aujourd'hui, avec le recul du temps, qu'il pouvait seulement ralentir, mais non pas arrêter, le mouvement de la Réforme en Angleterre. En revanche, sa vision de Richard III s'est imposée aux historiens qui l'ont suivi; les parlementaires qui, au XVIIe siècle et plus tard, ont lutté pour la liberté d'expression et le maintien de la common law se sont inspirés de lui; et le mot d'utopie continue de désigner un monde idéal situé dans le futur.

Ces contributions sont loin d'être négligeables, mais sa façon d'écrire et ses idées sur l'éducation sont sans doute ce qu'il nous a légué de plus précieux. More est à l'origine de tout un genre littéraire, celui des écrits idéalistes et futuristes, des récits de voyage fantastiques. Plus d'une centaine d'ouvrages ont illustré ce genre littéraire, parmi lesquels nous nous bornerons à citer Another World and Yet the Same [un monde différent et pourtant semblable] (1600) de Joseph Hall, la Christianopolis (1619) d'Andreae, La nouvelle Atlantide (1626) de Bacon, Oceana (1656) de Harrington, Les voyages de Gulliver (1726) de Swift, Candide (1759) de Voltaire, les Nouvelles de nulle part (1890) de William Morris, La machine à explorer le temps (1895) de H.G. Wells, Le meilleur des mondes (1932) de Huxley, Lost Horizons [Les horizons perdus] (1933) de James Hilltop, et 1984 (1949) de George Orwell.

Quant aux idées de More sur l'éducation, beaucoup nous paraissent aujourd'hui banales (l'enseignement public, l'éducation des filles, l'éducation des adultes, la nécessité de programmes d'enseignement équilibrés et d'une éducation morale à côté de la simple transmission des connaissances, l'enseignement dans la langue nationale); mais il serait facile de montrer que ces idées, notamment dans la tradition anglaise, remontent à L'utopie et aux descriptions faites par Érasme de l'«académie» de More. Il est remarquable que les socialistes puissent se réclamer des idéaux de More concernant l'enseignement public et la réglementation de l'enseignement par l'État, et que les libéraux puissent en même temps soutenir qu'il fut le premier à concevoir un programme d'enseignement vaste et équilibré. Sir Thomas More était vraiment «un homme de toutes les saisons», «un homme pour l'éternité».

Notes
1. Keith Watson (Royaume-Uni). Professeur de dédagogie à l'Université de Reading, dont il dirige le Centre d'études internationales en matière d'éducation, de gestion et de formation (Centre for International Studies in Education, Management and Training) : il a auparavant travaillé plusierus années au British Council en Pologne, au Bangladesh, en Thaïlande et à Londres. Ses principaux comptes rendus de recherche ont trait à l'éducation comparée et internationale. Il a publié plusieurs ouvrages, dont Educational Development in Thailand [Le développement de l'éducation en Thaïlande] et Educational Development in the Third World [Le développement de l`éducation dans le tiers-monde]. Il est rédacteur en chef de l'International Journal of Educational Development.
2. G.R. Elton, England under the Tudors [`Angleterre sous les Tudors], Londres, Methuen, 1957, p. 139.
3. Reader's Digest Association, Milestones of History [Jalons de l'histoire], vol. 5, Reform and Revolt, 1974, p. 55.
4. Les deux autres étant Colet et Érasme.
5. On ne sait pas avec certitude si More était réellement favorable au communisme. Voir l'appendice à la
traduction anglaise de L'utopie par Paul Turner: Utopia, Harmondsworth (Royaume-Uni), Penguin Books, 1965.
6. Parmi les meilleurs ouvrages écrits sur cette période, voir Paul Kendall, Richard III (Londres, Book Club Associates, 1955),et Charles Ross, Edward IV (Londres, Book Club Associates, 1975). La Guerre des deux roses se nomme ainsi parce que les maisons de Lancaster et d'York avaient respectivement pour emblème une rose rouge et une rose blanche.
7. On pense que les princes ont été mis à mort dans la Tour de Londres sur l'ordre de Richard III. Voir l'analyse de Paul Kendall, dans son introduction à Richard III: the Great Debate, Londres, Folio Society, 1965.
8. Avant le règne de Marie Tudor (Marie Ire, 1553-1558), la loi de primogéniture excluait les femmes de la succession à la couronne.
9. Voir William Roper, The Life of Sir Thomas More, Londres, Dent, Coll. Everyman, 1932, p. 70 (traduction française de Pierre Leyris, in Thomas More, Écrits de prison précédés de La vie de Sir Thomas More par William Roper, Paris, Seuil, 1953, p. 90).
10. On trouvera un portrait d'Érasme dans le premier volume de cette série.
11. Voir l'introduction de H.B. Cotterill à R. Robynson, The `Utopia' of Sir Thomas More, Londres, Macmillan, 1908.
12. Si l'on en croit Érasme, More préférait la soeur cadette de Jane, mais aurait épousé l'aînée pour qu'elle ne perde pas la face!
13. Nous le savons par les lettres d'Érasme. Voir P.S. Allen, H.M. Allen et H.W. Garrod, Opus Epistolarum Desiderii Erasmi Roterdami, Oxford, Oxford University Press, 1906-1958, 12 vol.
14. W. Rastell, The Complete English Work of Sir Thomas More, 1553; réédition de l'Oxford University Press, 1931.
15. Ainsi nommé à cause de la pompe et de l'éclat auxquels donna lieu la réunion de tant de monarques européens.
16. William Roper, op. cit., p. 35.
17. Depuis, l'inscription «FID. DEF.» (défenseur de la foi) entoure l'effigie du souverain sur toutes les monnaies anglaises.
18. Roper écrit «on the leads» = «sur les plombs». Sous les tuiles du toit de la plupart des maisons de style Tudor, il y avait des feuilles de plomb pour faciliter l'écoulement de l'eau de pluie.
19. William Roper, op. cit., p. 103 (trad. française, p. 78).
20. More déclara sur l'échafaud: «Je meurs fidèle à Dieu et au roi, mais à Dieu d'abord».
21. S.T. Bindoff, Tudor England, Londres, Penguin Books, 1952, p. 103.
22. Les clercs, dans l'Angleterre des Tudors, n'étaient pas tous des prêtres. Beaucoup dépendaient des abbayes ou des monastères, où ils remplissaient les fonctions de bedeaux, de secrétaires, d'économes, etc.
23. Robert Bolt, A Man for All Seasons [Un homme pour l'éternité], Londres, Heinemann, 1955.
24. William Roper, op. cit., p. 64 (trad. française, p. 29).
25. Ann Hoffmann, Lives of the Tudor Age, 1485-1603, Londres, Osprey Publishers Ltd., 1977.
26. P.S. Allen, op. cit., vol. IV.
27. William Roper, op. cit., p. 102-103 (trad. française, p. 85).
28. W.S. Churchill, A History of the English-Speaking Peoples, vol. 2, Londres, Cassell, 1956.
29. Collier, Encyclopedia, New York, McMillan et Collier, 1976, vol. 16, p. 542.
30. G.R. Elton, op. cit., p. 139.
31. Thomas More, L'utopie, traduction de Marie Delcourt, Paris, Garnier-Flammarion, 1987, p. 86.
32. Pierre Gilles fut secrétaire de la ville d'Anvers de 1515 à 1520.
33. John Clement (mort en 1572) entra dans la maison de More en qualité de précepteur de ses enfants ; il épousa en 1526 la fille adoptive de More, Margaret Gigs. Il sera plus tard le médecin de Marie Tudor.
34. Lettre à Pierre Gilles, dans: Elizabeth F. Rogers (dir. publ.), The Correspondence of Sir Thomas, 1947, p. 91.
35. S.T. Bindoff, op. cit., p. 103
36. P.S. Allen, op. cit., p. 25
37. William Boyd, The History of Western Education, Londres, Adam & Charles Black, 1947, p. 237-238.
38. P.S. Allen, op. cit., vol. IV, p. 17.
39. Cité par C.R.N. Routh, They Saw it Happen, 1485-1588, Oxford, Blakwell, 1956, p. 26.
40. Paul Turner, introduction déjà citée, p. 7
41. Ibid., p. 7.
42. Ibid., p. 8.
43. Ibid., p. 22.
44. Thomas More, L'utopie, p. 170.
45. Ibid., p. 149.
46. Ibid., p. 154.
47. Ibid., p. 222.
48. Paul Kendall, op. cit., p. 24.
49. Ibid., p. 25.

Oeuvres de Thomas More

Lucian's Mennipus goes to Hell, 1505. [Avec Érasme. Trad. latine.]
Life of John Picus, Earl of Mirandula. 1509-10.
History of King Richard III, 1513.
Lettre à Pierre Gilles, 1515.
Utopia, 1516, [en latin].
Lettre à l'Université d'Oxford en faveur des «Great Studies», 1518.
Epigrams, 1520.
The Four Last Things, 1522.
Dialogue Concerning Heresies, 1529.
Treatise on the Passion, 1535.
The English Works of Sir Thomas More, 1557. Directeur de publication, William Rastell. Réédité, 1931 par l'Oxford University Press.
Lucubrationes, 1563. [Oeuvres latines choisies]
Opera Omnia, 1567. [Oeuvres latines complètes]

Études sur Thomas More

Allen, P.S., Allen, H.M., Garrod, H.W. Opus Epistolarum Desiderii Erasmi Roterdami. Oxford, Oxford University Press, 1906-58, 12 vol. [comprend la correspondance entre More et Érasme].
Bridgett, T.E., Life of Sir Thomas More. Oxford, 1891.
Chambers, R.W., Thomas More, Oxford, 1935.
More, Cresacre, The Life and Death of Sir Thomas More. Saint-Omer ou Douain 1631; réédité sous la direction de J. Hunter. Londres, 1828.
Manning, NG, Anne, The Household of Sir Thomas More. Londres, Dent, 1885.
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