Île

Essentiel

"Ma vie durant, je me suis plu à vérifier un certain nombre de lois concernant les îles. Leur pouvoir d'attraction est extraordinaire et leur envoûtement subtil. Ces navires de rocs, de forêts vierges flottant sur les eaux des océans ou des mers, plongent dans la léthargie ceux qui savent y vivre ou exaspèrent ceux qui ne savent pas s'y adapter. (...) Le titre d'insulaire ne s'obtient pas sans une longue ascèse. Je vois bien ce qui pousse à quitter les continents pour vivre dans les îles: elles sont pauvres, on y vit donc sans besoins, elles sont riches en beautés, on y vit donc dans l'illusion. De loin, elles paraissent magiques, et les agences de voyages popularisent cette magie, mais envoient des intouchables que les insulaires traitent avec un dédain tempéré par la cupidité, ignorent par paresse ou flattent pour masquer une réalité décevante. L'exotisme est une pacotille comme les autres. On vous promet des cocotiers inclinés sur une plage de sable blanc, et ce sable est semé d'aoûtats dont l'infection sous-cutanée est odieuse, des rochers nus où la peau des citadins se consume au soleil. Personne ne vous promet des êtres humains différents, la seule véritable richesse des îles. Des années suffisent à peine à la découverte d'un type d'homme secret: - visage fermé des pêchers de Sein, silence écrasé des vignerons de Madère, folie des hommes de Leros, ou dégénérescence vertigineuse des derniers blances des Caraïbes. Une humanité en réduction s'y révèle sans masques (...) comme si la morale et sa soeur, la dissimulation, n'avaient cours que sur les continents. La découverte de ces visages nus est un choc. Il n'y a donc pas de paradis? Allons donc, qui a jamais cru qu'il y en avait sinon dans l'aveuglement? Mais il y a, mieux que des paradis, une sorte de griserie à se retrouver comme Noé dans une arche pendant que le reste du monde se noie."

Michel Déon, Mes arches de Noé, La Table ronde, 1978 (Gallimard, Folio; 1211), p. 19-21

Enjeux

"Les petits Etats insulaires du monde tirent la sonnette d'alarme devant leur vulnérabilité croissante face à des menaces tant socio-économiques qu'écologiques contre lesquelles ils se sentent presque totalement démunis en raison de leur petite taille.

Lors de leur réunion du 10 mai à Montego Bay (Jamaïque), coparrainée par le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) et par le gouvernement jamaïcain, plus de 50 représentants de petits Etats insulaires en développement ont d'abord constaté que leur activité économique était dominée par l'agriculture spécialisée, notamment la production sucrière, sur laquelle ils n'avaient guère de prise, surtout en ce qui concerne la fixation des cours. Leur autre grand secteur d'activité, le tourisme, constitue certes " une source précieuse de devises et d'emplois " mais pèse lourdement sur les ressources naturelles de ces îles, l'eau potable par exemple.

Les décisions prises lors de la réunion seront communiquées au Sommet mondial sur le développement durable qui se tiendra à Johannesburg (Afrique du Sud) du 26 août au 4 septembre. (...)

Les Etats membres de l'Alliance des petits Etats insulaires (AOSIS) ont déclaré à leur réunion de Jamaïque que leur petite taille les rendait lourdement tributaires, sur le plan économique, des gros marchés mondiaux, ne serait-ce qu'en raison des importantes fluctuations que subissent les cours d'importations cruciales telles que les carburants et les produits alimentaires. Créée en 1990 à Genève lors de la Seconde Conférence climatique mondiale, l'AOSIS joue un rôle important dans l'élaboration de la politique internationale sur les changements climatiques. Ses 42 Etats membres comprennent de nombreuses îles des Antilles et des océans Indien et Pacifique. Beaucoup de ces Etats ont une superficie inférieure à trente mille kilomètres carrés.

Dans une déclaration publiée à l'issue de la réunion, le PNUE a précisé que les ressources en eau douce subiraient des pressions particulières à l'avenir, en raison tant de la montée des océans consécutive au réchauffement climatique que de l'accroissement démographique. On pense qu'en 20 ans la demande d'eau douce devra augmenter de 17 % afin de subvenir aux besoins du tiers monde et que la consommation mondiale d'eau aura augmenté de 40 %.

Le PNUE a ajouté que le coût de la protection des côtes des petits Etats antillais atteindra un chiffre exorbitant : 11 milliards de dollars, selon les estimations, chiffre qui dépasse de beaucoup le produit intérieur brut de toutes leurs économies réunies.
Dans un discours prononcé à cette réunion, l'administrateur associé du PNUE, M. Zéphirin Diabre, a déclaré qu'il était temps de laisser de côté les difficultés techniques " afin de promouvoir l'objectif commun d'un monde meilleur grâce au développement durable ". Il faut faire davantage " car la réalité à laquelle les petits Etats insulaires doivent faire face aujourd'hui est bien différente de celle d'il y a dix ans ". La mondialisation et la révolution des techniques de l'information " ont énormément changé notre monde et nos collectivités, et nous devons nous assurer que les Etats les plus vulnérables sont prêts à pallier " les effets défavorables de cette évolution."

Eric Green, "Réunion des petits Etats insulaires à la Jamaïque sur l'environnement (Leurs conclusions seront communiquées au Sommet de Johannesburg en août)" - Washington File, 14 mai 2002. Diffusé par le Bureau des programmes d'information internationale du département d'Etat américain. ite Internet : http://usinfo.state.gov/francais/
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