Sénèque
« Lucius Annaeus Seneca, fils du rhéteur et d’Helvia, né à Cordoue en 4, sénateur sous Caligula, exilé en Corse, sous Claude, en 41, rappelé par Agrippine et nommé précepteur de Néron en 49, consul en 56, ministre en fait pendant le Quinquennium Neronis, disgracié en 62, mort en 65 par ordre de l’Empereur. Comme philosophe, il est le disciple d’une école de moralistes qui a fleuri sous Auguste et Tibère, comprenant les deux Q. Sextius Niger, père et fils, Papirius Fabianus, Attale, Sotion. C’est de cette école que procèdent également les hommes politiques ou philosophes stoïciens tels que Cornutus, Musonius Rufus, Thrasca, Helvidius Priscus. »
René Pichon, Histoire de la littérature latine. Deuxième édition. Paris, Hachette, 1898, p. 488
Présentation d'un ouvrage littéraire québécois de la fin du 19e siècle:
« Sénèque, le Philosophe, était d’origine espagnole. Il naquit à Cordoue, colonie patricienne, l’an 2 après J.-C., sous le règne d’Auguste. Son père l’amena à Rome, encore enfant. Il faut de bonne heure formé à l’art oratoire par son père, dit le Rhéteur, dont il nous reste un intéressant recueil de Déclamations. Ses débuts au barreau eurent un grand succès. Il obtint la Gesture sous le règne de Claude et il ouvrit en même temps une école de philosophie; son Traité de la colère date de cette époque. Tombé en disgrâce, il fut exilé pendant deux ans. Il s’adonna au travail, à la philosophie, réunit les matériaux de ses Questions naturelles, où il traite les plus hautes parties des connaissances de son temps. Il devint ensuite le précepteur de Néron qui profita bien mal des leçons de son maître. D’instituteur du prince, il était devenu son ministre le plus influent. Les heureux débuts du règne de Néron furent dus à l’influence du philosophe. Tout le bien qu’il fit dans sa haute position, et le mal qu’il réussit souvent à empêcher, justifient assez son entrée aux affaires en ce temps où, comme le dit Tacite, la carrière semblait ouverte à tous les mérites. Son traité De la Clémence est une leçon déguisée qu’il adressait au prince. Ses richesses, tout imposées qu’elles étaient par Néron, l’exercice d’un pouvoir qui dura trop peu pour le bien du monde, mais qui semblait trop long à d’ambitieux rivaux, le contraste si facile à relever du désintéressement prêché dans ses livres et l’éclat de sa position officielle, ses talents littéraires enfin lui suscitèrent une foule de détracteurs et d’envieux. Il mourut à l’âge de 63 ans sur l’ordre du cruel Néron. Délivré du seul frein qui le retenait encore, le tyran se livra à une foule d’atrocités sans noms.
Sénèque, dit Quintilien, avait de nombreuses et de grandes qualités, génie facile et abondant, beaucoup d’études, vastes connaissances qui trompèrent parfois néanmoins ceux qu’il chargeait de certaines recherches. Il a cultivé presque tout(es) les branches de la littérature; on cite en effet de lui des discours, des poésies, des lettres et des dialogues. Peu arrêté dans ses doctrines philosophiques, du reste, il excelle dans la censure des vices, il offre une multitude de pensées remarquables, beaucoup de choses à lire pour le profit des mœurs. (…)
Sénèque est un philosophe non de théorie mais d’esprit pratique: c’est un puissant propagateur de vérités pour l’usage, un précepteur de morale, un vrai directeur de conscience. (…) Seneca saepe noster, disait Tertullien. (...) »
Edmond Lareau, Histoire abrégée de la littérature, Montréal, J. Lovell, 1884, p. 133-134
« Homme de cour, homme d’école aussi, moins philosophe que génie littéraire, prenant pour sujet la philosophie qu’il connaissait bien et qu’il aimait, on ne peut pas le classer parmi ceux qui ont fait avancer la spéculation ou la science, ouvert quelque point de vue original; mais sa belle rhétorique et les traits incisifs, dont il marque ou la justice pure et l’idéal de l’honnête, ou les iniquités sociales, et surtout l’esclavage, ses sentences et jusqu’à ses lieux communs de morale ont consacré ses livres parmi ceux qui ont servi à l’éducation de l’humanité. L’œuvre de Sénèque, pour la morale antique, est comparable à celle dont on peut louer Bacon de Verulam, écrivain génial comme lui, pour la science moderne. Il ne l’a lui-même enrichie de rien de substantiel, mais il en a été, ainsi qu’on l’a dit très justement de ce dernier, le prédicateur plein d’esprit et de force. » (Charles Renouvier, Philosophie analytique de l'histoire : les idées, les religions, les systèmes. [Volume 2], Paris, Ernest Leroux, éditeur, 1897, p. 48).