Essentiel
Les valeurs fondamentales des Québécois
Par Jacques Dufresne, éditeur de l'Encyclopédie de L'Agora
Interrogé sur la Charte canadienne des droits et libertés, dont on célèbre le 25e anniversaire cette année, Michel Robert, juge en chef de la Cour d’appel du Québec, a invité les Canadiens et les Québécois à mieux définir les valeurs fondamentales auxquelles on reconnaîtra leur société
Compte tenu de l’importance que nous accordons aux droits, aux droits individuels en particulier, en raison de la Charte des droits, mais davantage peut-être en raison du climat social et moral, nombreux sont ceux qui, au cours des dernières décennies, ont appelé de leurs vœux une charte des obligations qui rétablirait l’équilibre entre les droits et les obligations.
Cette idée qui a aussi retenu l’attention dans de nombreux pays, et même dans l’union européenne, ne s’est pas imposée, notamment parce qu’on pouvait craindre que les obligations compliquent et aggravent les contradictions déjà trop nombreuses à l’intérieur de la sphère des droits. Rien n’empêche toutefois une nation de dresser par delà le cadre juridique, mais à l’intérieur d’une constitution, la liste des valeurs fondamentales, des grands principes qu’elle reconnaît comme les sources de sa morale publique et les assises de son identité.
S’il n’y a pas équilibre entre les droits et les obligations, les droits sont privés de tout contenu. À chaque droit en effet correspond une obligation : pour que mon droit de circuler librement en voiture soit respecté, il faut que les autres conducteurs remplissent les obligations formulées dans le code de la route.
L’équilibre n’est même pas suffisant, il faut que la balance penche du côté des obligations, pour des raisons que Simone Weil, entre autres, a bien explicitées :
« La notion d’obligation prime celle de droit, qui lui est subordonnée et relative. Un droit n’est pas efficace par lui-même, mais seulement par l’obligation à laquelle il correspond ; l’accomplissement effectif d’un droit provient non pas de celui qui le possède, mais des autres hommes qui se reconnaissent obligés à quelque chose envers lui. L’obligation est efficace dès qu’elle est reconnue. Une obligation ne serait-elle reconnue par personne, elle ne perd rien de la plénitude de son être. Un droit qui n’est reconnu par personne n’est pas grand chose.»
« Cela n’a pas de sens de dire que les hommes ont, d’une part des droits, d’autre part des devoirs. Ces mots n’expriment que des différences de point de vue. Leur relation est celle de l’objet et du sujet. Un homme, considéré en lui-même, a seulement des devoirs, parmi lesquels se trouvent certains devoirs envers lui-même. Les autres, considérés de son point de vue, ont seulement des droits. Il a des droits à son tour quand il est considéré du point de vue des autres, qui se reconnaissent des obligations envers lui. Un homme qui serait seul dans l’univers n’aurait aucun droit, mais il aurait des obligations. »
C’est dans cet esprit que Simone Weil, alors qu’elle travaillait à Londres dans l’entourage de Charles de Gaulle à la préparation d’une constitution pour la France d’après guerre , a créé le modèle d’une liste des besoins fondamentaux de l’être humain. C’est cette liste, pouvant être assimilée à une liste de grands principes, que l’on retrouve dans la première partie de l’Enracinement, ce livre dont Albert Camus a dit qu’il ne pouvait imaginer une renaissance pour l’Europe qui n’en tiendrait pas compte. Le passage sur la subordination des droits aux obligations que nous venons de citer constitue le texte d’introduction de cette liste, qui comporte aussi des passages comme celui-ci : « L'enracinement est peut-être le besoin le plus important et le plus méconnu de l'âme humaine. C'est un des plus difficiles à définir. Un être humain a une racine par sa participation réelle, active et naturelle à l'existence d'une collectivité qui conserve vivants certains trésors du passé et certains pressentiments d'avenir. Participation naturelle, c'est-à-dire amenée automatiquement par le lieu, la naissance, la profession, l'entourage. Chaque être humain a besoin d'avoir de multiples racines. Il a besoin de recevoir la presque totalité de sa vie morale, intellectuelle, spirituelle, par l'intermédiaire des milieux dont il fait naturellement partie. »
L’ex-premier ministre du Canada, Jean Chrétien a joué en tant que ministre de la justice dans le cabinet de Trudeau de 1982, un rôle de premier plan dans la rédaction et l’adoption de la Charte canadienne. Le 16 avril dernier, il avouait candidement à la télévision de radio Canada qu’entre deux risques à courir, le moindre était d’accroître le nombre de droits donnés (sic) aux Canadiens plutôt que de le réduire.
Ce raisonnement donne la juste mesure du degré d’inspiration des auteurs de la Charte. Les droits les plus importants sont dits fondamentaux parce qu’ils appartiennent à l’être humain comme tel. Une charte comme celle de 1982 peut tout au plus assurer la protection des droits, elle ne peut ni les créer, ni communiquer aux citoyens l’inspiration dont ils auront besoin pour remplir les obligations qui donnent leur contenu aux droits.
On légiférait jadis sur l’interdit, ce qui supposait que l’on reconnaisse que les citoyens ont tous les droits au départ, à l’exception de ceux qui font l’objet d’une interdiction. Depuis les lendemains de la seconde guerre mondiale, on a tendance à légiférer sur le permis. On présume alors que tout est interdit, sauf ce qui est explicitement autorisé par l’État. C’est seulement dans un tel contexte que le législateur peut prétendre donner des droits aux citoyens. On leur fait ainsi un cadeau qu’on leur avait d’abord enlevé. Si l’on n’insiste pas au même moment sur l’importance des obligations, c’est là une forme de corruption pire que les faveurs accordées sous forme d’avantages matériels.
Cela : qu’ils avaient tous les droits au départ, qu’on les leur a enlevés pour les leur redonner ensuite, dans une opération mensongère et sans fondement, la plupart des citoyens l’ignoraient. D’où la gratitude avec laquelle ils ont, d’une manière générale, accueilli le cadeau qu’on leur faisait en leur donnant des droits. Il ne fait pas de doute que ce climat a permis à de nombreux citoyens, parmi les plus faibles comme parmi ceux qui étaient déjà en position de force, d’obtenir la reconnaissance de leurs droits.
Vue sous cet angle, la charte canadienne était peut-être la meilleure des premières étapes possibles dans une grande et longue opération visant à rendre la société canadienne plus juste ? Il faut aujourd’hui la compléter en précisant les valeurs fondamentales conformément à l’invitation du juge en chef Michel Robert, conformément aussi aux indications données dans le programme de l’Action démocratique
ENCHÂSSER LES VALEURS COMMUNES DU QUÉBEC
Enchâsser les valeurs communes du Québec au sein de la constitution du Québec afin que tous connaissent les principes qui forgent notre société.
INSTAURER UNE CITOYENNETÉ QUÉBÉCOISE Proposer aux Québécois d’instaurer une citoyenneté québécoise afin de formaliser qui nous sommes, renforcer notre identité politique et favoriser une meilleure intégration des nouveaux arrivants.
En complétant dans cet esprit la charte canadienne à ses propres fins, le Québec pourrait, tout en renforçant son identité, ouvrir une nouvelle voie dont l’ensemble du Canada pourrait tirer profit un jour.
Benoît Pelletier, l'actuel ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes, a défendu des idées semblables dans une conférence qu'il donnait l'hiver dernier dans le cadre d'un congrès de l'Association québécoise de droit constitutionnel. Il y est question de l'autorité morale de l'État et d'un véritable contrat social.
«Pour ma part, j’ai été à même d’examiner cette question dans le cadre du Comité spécial sur l’avenir politique et constitutionnel de la société québécoise, que j’ai dirigé en 2001. Dans son rapport intitulé Un projet pour le Québec – affirmation, autonomie et leadership, le Comité soulignait qu’il pourrait être opportun que le gouvernement procède à une consolidation et à une mise à jour des principes tirés ou inspirés de certains documents constitutionnels, législatifs et jurisprudentiels jugés fondamentaux pour la société québécoise. Pour le Comité, cette consolidation devait poursuivre l’objectif d’affirmer avec solennité les assises de l’État québécois, tout en conférant à ce nouveau texte une autorité morale certaine, bref, en établissant un réel contrat social.» 1 |
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Comme le prouvent, entre autres phénomènes, les tueries gratuites de Polytechnique à Montréal ou de Virginia Tech aux Etats-Unis, c’est d’une inspiration rendant possible l’accomplissement des obligations que nos sociétés ont avant tout besoin. Les étudiants de Virginia Tech avaient droit à la sécurité et à la liberté de parole et de mouvement. Il a suffi que l’un d’entre eux, un seul, ne s’estime pas obligé de respecter les droits des autres ou n’ait pas l’équilibre psychologique et l’énergie spirituelle requis pour résister à ses pulsions agressives pour que les droits en question paraissent dérisoires.
En d’autres termes, les chartes de droit ne sont opérantes que sur un fond de haute moralité publique et dans ce cas la véritable efficacité provient non des droits qui sont des coquilles vides, mais des sources de la morale. Et l’on peut affirmer sans risque de se tromper que si la charte canadienne a eu jusqu’à ce jour des effets plutôt positifs dans l’ensemble, c’est en raison de la solide morale publique que le Canada possédait encore en 1982.
Les chartes baignent dans un univers magique ayant pour effet d’inciter le législateur autant que le citoyen à croire que la proclamation d’un droit fera apparaître les mobiles requis pour que les obligations correspondantes soient remplies. Personne ne serait dupe longtemps de cette pensée magique si l’État ne remplissait pas les obligations à la place des citoyens en cas de manque d’inspiration chez ces derniers.
Cette substitution de l’État au citoyen a toutefois ses limites et elle devient vite contre-productive. Entendons par là que plus l’État intervient dans la vie des communautés, plus il habitue la population à s’en remettre à lui pour remplir des obligations qui lui appartiennent en propre. C’est le capital moral de la société qui est ainsi miné comme l’est le capital économique en période d’inflation C’est un remède à ce mal que nous évoquons quand nous citons avec admiration le mot du président Kennedy : «Ne vous demandez pas ce que le pays peut faire pour vous, demandez-vous ce que vous pouvez faire pour le pays.»
La question de la moralité publique est l’une des plus complexes qui soient, l’une des plus importantes aussi pour une société. Comment en relever le niveau? Qu’est-ce qui empêchera les barons de la drogue d’avoir au Québec autant de puissance qu’en Colombie ? Qu’est-ce qui empêchera la corruption en général d’atteindre les mêmes proportions qu’au Mexique ? Et si notre société est sur une pente descendante, qu’est-ce qui la retiendra au bord de l’abîme ?
Pour maintenir ou relever le niveau moral, nul peuple sérieux ne voudra miser sur l’une ou l’autre des formes que peuvent prendre la pensée et l’action magiques : les slogans, les campagnes de presse, les techniques de conditionnement, les grands mouvements de conversion rapide, tous plus ou moins hystériques. « Les changements profonds sont silencieux », disait Nietzsche. Ils supposent à la fois un accès aux plus hautes sources d’inspiration, une conspiration des parents, des artistes, des savants, des éducateurs, des leaders politiques pour donner à la population accès à ces sources.
Si les constitutions ont une si grande importance dans la vie des peuples, c’est parce qu’elles sont pour eux les rares occasions d’un tel ressourcement. Si les grands législateurs, Solon à Athènes, Lycurgue à Sparte, ont laissé un souvenir impérissable à l’humanité entière, c’est parce qu’ils ont su être à la hauteur de ces situations uniques.
Justice pour la terre… et pour les générations futures
La conjoncture mondiale actuelle, marquée par une crise du sens qui se double d’une crise écologique rend encore plus manifeste la pertinence des intuitions de Solon pour les hommes d’aujourd’hui
«Ô Temps sois mon témoin! Et toi, ô noire Terre,
Mère de tous les dieux! Toi que j'ai délivrée
Des bornes dont tu fus bassement encombrée
Par les accapareurs! Toi que j'ai affranchie!
Redressant la Justice indignement gauchie.»
Telles sont les premières lignes de la Constitution de Solon, présentée sous la forme d’un poème. Le législateur veut rendre justice non seulement aux petits paysans, réduits à l’exil ou à l’esclavage par les grands propriétaires, mais aussi à la terre elle-même, privée de leurs bons soins, et encombrées de bornes marquant le domaine des nouveaux propriétaires
Ce lien entre le tort fait simultanément à la terre et à la société, et par suite aux individus eux-mêmes est de même nature que celui qui existe aujourd’hui entre la crise du sens et la crise écologique. Ce double mal est vécu de façon particulière dans chaque pays. Au Québec il prend la forme du tort fait à la forêt aussi bien qu’aux travailleurs qui l’exploitent, du tort fait au sol et aux paysans par cette agriculture industrielle qui provoque la disparition des petites propriétés comme au temps de Solon. Le rapport avec l’eau est aussi en cause, comme en fait foi le mouvement en faveur d’une reconnaissance, dans une éventuelle constitution québécoise, de la valeur patrimoniale, collective et publique de l’eau. Faut-il s’en étonner, on trouve des poètes, comme Richard Desjardins, Raoul Duguay, Richard Séguin au cœur de tous ces mouvements.
Une constitution enferme un pacte plus ou moins apparenté à ce que Rousseau appelle contrat social. Désormais le contrat social doit avoir pour corollaire un contrat naturel plus explicite encore qu’il ne l’est dans la constitution athénienne. Un tel contrat naturel a lui-même une dimension sociale parce qu’il enferme le souci de la justice pour les générations futures.
Donner corps à cette justice pour les générations futures dans un présent où le partage entre les contemporains n’est pas encore suffisamment juste est une tâche qui paraît impossible. C’est dans la façon de relever ce défi que résidera l’originalité, la fécondité de toute constitution à venir.
C’est dans cet esprit que nous proposons aux Québécois une liste de grands principes s’inspirant du Principe Responsabilité, que le philosophe allemand Hans Jonas proposa en 1979 pour donner la meilleure orientation possible aux rapports de l’homme avec la nature. Ce principe qui a été à l’origine du principe de précaution, suscite toujours un grand intérêt partout dans le monde et de nombreuses adhésions parmi les nations comme parmi les individus.
Les principes figurant sur notre liste correspondront aux grands secteurs de la vie publique, Environnement, éducation, santé, travail etc., ils feront l’objet d’une définition concise et claire, suivie d’exemples, d’histoires qui achèveront de les rendre intelligibles aux lecteurs que rebutent les aspects abstraits d’une définition.
Si dans une constitution on ne peut que les nommer en en réduisant la définition à l’essentiel, on peut leur assurer une deuxième vie, dans le cadre d’un guide ou d’un manuel du citoyen comme il en existe dans plusieurs pays, en Suède notamment. Au guide que nous ébaucherons dans ces pages, nous donnerons comme titre Le citoyen du Québec.
Nous n’inventerons pas les grands principes que nous proposerons. Nous les tirerons plutôt de nos lectures, de nos travaux antérieurs, et avant tout d’un grand dialogue que nous poursuivons avec les Québécois depuis plus de trente ans par le biais de colloques et séminaires que nous avons-nous-mêmes organisés ou auxquels nous avons participé : sur la santé, la médecine, les médecines douces, le droit, la mort, la vie sociale, les personnes handicapés, la démocratie. Nous attacherons une importance particulière aux discussions qui ont eu lieu dans le cadre du Groupe Réflexion Québec en 1992 et 1993. Dans le rapport publié par ce groupe sous le titre de Un Québec responsable, ont peut lire cette phrase de Jean Allaire et Mario Dumont: «Dans nos discussions il a souvent été question de la Charte des droits, lesquelles, à notre avis, devraient, sinon être subornonnées à une liste des obligations, du moins être conçues et présentées de telle sorte que tout le monde comprenne que les droits de l'un ne peuvent être effectivement reconnus que dans la mesure où d'autres se reconnaissent des obligations envers lui.» Les auteurs de l'article d'où est tirée cette phrase sont Jean Allaire et Mario Dumont.
Le retour à cette source ne suffira toutefois à donner à nos propositions le statut de valeurs communes. Nous les soumettrons au débat public dans le cadre d’une encyclopédie spécialisée sur le Québec dont elles pourraient constituer le fondement. Nous présumons que d’autres groupes feront un exercice semblable. De nombreuses initiatives de l’Institut du Nouveau Monde vont dans ce sens. C’est une invitation à jouer un rôle de premier plan dans ce débat que Charles Taylor et Gérard Bouchard ont reçu du gouvernement du Québec quand ce dernier leur a donné le mandat de réfléchir et de dialoguer avec les Québécois sur la question des accommodements raisonnables.
1- Benoît Pelletier, La nature quasi constitutionnelle de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec et l'idée d'une constitution québécoise, Bulletin québécois,de droit constitutionnel, Numéro 2, Hiver 2007,
Enjeux
La conjoncture favorable
par Jacques Dufresne, éditeur de l'Encyclopédie de L'Agora
Au cours de l'hiver 2007, le gouvernement du Québec créait la Commission de consultation sur les pratiques d'accommodements reliées aux différences culturelles, coprésidée par l'historien et sociologue Gérard Bouchard,et l'auteur et philosophe Charles Taylor. La Commission a commencé ses travaux en mars 2007 et remettra son rapport en mars 2008. Ses recommandations seront soumises à un débat auquel tous les partis politiques représentés à l'Assemblée nationale seront invités à participer.
Aux élections québécoises du 26 mars 2007, l’Action démocratique du Québec un parti politique autonomiste qui se propose de doter le Québec d’une constitution sans attendre une hypothétique souveraineté , est devenue l’opposition officielle en passant, depuis les élections de 2003, de cinq (5) à quarante et un (41) députés et de 18% à 31% du vote populaire. Cette montée de l’ADQ a eu pour conséquence que le parti souverainiste du Québec, le PQ, le parti québécois, a reculé au troisième rang, en grande partie en raison de son engagement à tenir un nouveau référendum sur la souveraineté du Québec. Ce recul semble avoir donné des ailes à ceux qui, dans ce parti, sont depuis longtemps favorables à une constitution québécoise sans poser comme condition un accès préalable à la souveraineté.
L’un d’entre eux, Daniel Turp, député de Mercier, a pris l’initiative, sans mandat de son parti, de relancer le débat sur la constitution québécoise, moins d’un mois après les élections, dans un article que le journal
Le Devoir a publié le 17 avril. Notre collaborateur Marc Chevrier, professeur au département de science politique de l’Université du Québec à Montréal, l’avait toutefois précédé dans cette voie dans un article paru dans l’Encyclopédie de l’Agora, pendant la campagne électorale. Comme nous l’a rappelé Marc Chevrier, le parti libéral, qui dirige un gouvernement minoritaire en ce moment, compte au moins un ministre influent, Benoît Pelletier, qui lui aussi est favorable à une constitution québécoise. Il suffirait peut-être que ce ministre prenne à son tour position en faveur d’une constitution québécoise pour que s’ébauche le consensus que l’ADQ appelle de ses vœux dans sa plate forme électorale: «ADOPTER UNE CONSTITUTION QUÉBÉCOISE
. Rédiger et adopter la constitution du Québec pour affirmer notre identité et nos valeurs dans une démarche non partisane, démocratique et consensuelle.»
Le projet d’une constitution québécoise a déjà une longue histoire, évoquée dans plusieurs documents de ce dossier. Nous nous limiterons ici à la partie de cette histoire à laquelle notre entreprise, L’Agora, a été associée. Quelques mois après sa fondation, le magazine
L’Agora publiait dans son troisième numéro un cahier intitulé « Un Québec responsable ». Ce cahier était le rapport du Groupe Réflexion Québec, fondé un an auparavant et composé de Jean Allaire, Claude Béland, Louis Balthasar, Linda Cardinal, Denis Daniel, Jacques Dufresne, Mario Dumont, Michel Fréchette, Alain Gagnon, Roger Galipeau, Philippe Garceau, Jacques Gauthier, Lucie Granger, Marie Grégoire, Jean-Pierre Guay, Moncef Guitouni, Guy Laforest, Michel Lalonde, Normand Lapointe, Pierrette Lavoie-SteMarie, Richard Le Hir, Michel Marullo, André Ménard, Roger Nicolet, Jacques Proulx, Roméo Saganash, Jean-Guy St-Roch, Charles Taylor et Daniel Turp.
L’un des articles du rapport du premier comité, sur la démocratie et ses institutions, portait sur le projet d’une constitution québécoise. En voici quelques passages :
La Constitution du Québec
5.1
«Refonte et regroupement de la Loi de l’Assemblée nationale, de la Loi électorale, de la Charte des droits et libertés de la personne, etc.
Il est temps, croyons-nous, devant les expériences vécues et tout particulièrement celles des deux dernières années et afin de sauvegarder la liberté d’expression et la démocratie, de revoir les lois existantes qui en sont les fondements, c’est-à-dire la Loi de l’Assemblée nationale, la Loi électorale, la Charte des droits et libertés de la personne, etc., et de les refondre dans un nouveau document qui deviendrait partie de la Constitution du Québec.
Ces lois, qui garantissent les libertés sous tous leurs aspects, peuvent, dans l’état actuel du système qui nous gouverne, être changées, modifiées, simplement en utilisant le poids du nombre, de la part de l’exécutif en place. Par exemple, la banalisation du bâillon à l’Assemblée nationale. Durant la seule année 1992, le leader du gouvernement y a eu recours à quatre reprises pour des projets de loi majeurs.
Ces énoncés sauront, à n’en pas douter, susciter beaucoup de discussions, permettant d’élaborer davantage sur ces points tout en gardant l’essentiel du système de parlementarisme de type britannique qui est le nôtre. Il est faux de prétendre qu’après 200 ans, nous ne puissions pas moderniser ce système afin d’en faire un outil de gestion moderne, dans le respect des libertés et de la démocratie.»
Jean Nobert, qui fut candidat de l’ADQ dans le comté de Louis-Hébert et Marie Grégoire, deux collaborateurs de la première heure du chef de l’ADQ, Mario Dumont, faisaient partie de ce comité dont le président était Jean-Guy St-Roch, député indépendant à l’Assemblée nationale.
Dans la liste des membres du Groupe Réflexion Québec, on aura reconnu certains de ceux qui, depuis 1993, se sont souvent prononcés en faveur d’une constitution québécoise non associée à la souveraineté : Claude Béland et Daniel Turp notamment. Depuis 1993, dans notre magazine et dans notre encyclopédie, Marc Chevrier est revenu à plusieurs reprises sur la question de la constitution québécoise, à laquelle nous consacrerons notre prochain numéro, qui doit paraître en juin 2007.