Une démarche d'affirmation: la Charte du Québec

Action démocratique du Québec
Extrait de: Faire enfin gagner le Québec. Rapport du comité constitutionnel de l'Action démocratique du Québec, présidé par Me Jacques Gauthier, tel qu’adopté par les membres en Conseil général les 2 et 3 juin 2001.
Une démarche d’affirmation: la Charte du Québec
 
Dans un premier temps, notre société aurait tout intérêt à se doter d’un document de base qui préciserait, en termes éloquents, clairs et cohérents, les principaux éléments de la personnalité politique et juridique du Québec. Ce document représenterait, en deux mots, la carte d’identité du Québec sur notre territoire, au Canada et dans le monde. Grâce à cet énoncé, que nous appelons la Charte du Québec, les Québécoises et les Québécois se reconnaîtraient entre eux, tout en proclamant haut et fort, dans le droit comme dans les symboles, les grands principes de leur association politique. Une communauté politique comme la nôtre, en plaçant la Charte du Québec au cœur de sa vie démocratique, renforcerait son identité, politique et juridique. Le Québec s’en trouverait plus uni, et nos concitoyens y verraient la source d’une confiance accrue dans nos institutions.
 
Adoptée par l’Assemblée nationale, la Charte du Québec serait donc la loi fondamentale de notre société, la Loi des Lois pour le Québec dans le cadre canadien. Les Québécoises et les Québécois ont une très bonne idée des valeurs de base de leur société.
 
Ils savent que le Québec est un État de droit qui se réclame du constitutionnalisme libéral et démocratique: souveraineté populaire, inviolabilité de la personne humaine, promotion des droits individuels mais aussi des responsabilités, rapports fraternels entre les communautés linguistiques et culturelles.
 
Les Québécoises et les Québécois savent que leur communauté politique est libre d’assumer son propre destin, de déterminer son statut constitutionnel dans des délibérations équitables et ouvertes, de promouvoir son développement économique, social et culturel. Nos concitoyens accordent une très grande importance à la justice sociale, ils chérissent le principe de la plus grande égalité dans les rapports entre les hommes et les femmes. Il y a aussi un large consensus au Québec quant au principe de la prépondérance nette et systématique de la langue française, principal véhicule pour l’expression de notre originalité culturelle dans les Amériques et dans le monde. Connus et acceptés par la très vaste majorité des Québécoises et des Québécois, ces principes, normes et valeurs seront rassemblés en un tout cohérent par la Charte du Québec, laquelle deviendra le principal instrument de l’éducation à la citoyenneté dans notre société.
 
L’Action démocratique du Québec accepte le résultat référendaire de 1995. Notre parti est celui de la fidélité première à un Québec, à une communauté politique qui a choisi de vivre sa liberté dans le Canada. La Charte du Québec cohabitera fraternellement avec la Constitution canadienne, dans la totalité et la diversité de ses éléments. Il est opportun de rappeler que la Constitution canadienne est en partie écrite et en partie non écrite; plus précisément, elle possède des éléments qui sont codifiés (notamment les Lois constitutionnelles de 1867 et de 1982), mais aussi d’autres éléments qui sont épars, écrits mais sans être rassemblés dans une codification, tandis que d’autres éléments encore sont conventionnels.
 
Depuis trente ans, le Canada a précisé sa carte d’identité politique, sa personnalité juridique (notamment via le rapatriement de 1982, effectué sans le consentement du Québec, lequel demeure inacceptable dans sa forme actuelle pour l’Action démocratique du Québec comme pour les autres principaux partis politiques du Québec). Sur ce terrain, celui de la redéfinition juridique, substantielle et symbolique de l’identité politique, le Québec a beaucoup parlé depuis trente ans mais, finalement, il a peu agi.
 
En fin de compte, le Québec n’a pas vraiment rassemblé, de manière assez concise mais solennelle, dans son espace public et dans ses institutions, les principaux aspects de son identité politique et juridique. Il est plus que temps de remédier à cette lacune. Ces normes, ces principes et ces valeurs de base, il est même urgent que les Québécoises et les Québécois se les rappellent, se les disent à eux-mêmes, et qu’ils en informent leurs partenaires dans le Canada et dans la communauté internationale.
 
Ce travail de définition et d’identification des principaux éléments de la Charte du Québec est clairement prévu par la Constitution canadienne. La Loi constitutionnelle de 1982 (art. 45) stipule qu’une législature a la compétence exclusive pour modifier la constitution de sa province. Le titre V de la Loi constitutionnelle de 1867 porte d’ailleurs sur les constitutions provinciales. Quant au titre VI sur la distribution des pouvoirs législatifs, il précise notamment (articles 92.13 et 92.16) que les législatures provinciales auront des pouvoirs exclusifs en matière de propriété et de droits civils dans la province (exigence fondamentale des principaux responsables politiques québécois à l’époque) et que ces pouvoirs exclusifs s’étendront généralement à toutes les matières d’une nature purement locale ou privée dans la province.
 
Incidemment, l’absence de toute mention explicite du Québec dans l’article 94 de la Loi de 1867, qui porte sur l’uniformité des lois dans les provinces de « common law », représente une reconnaissance juridique indirecte mais bien réelle du statut du Québec en tant que société distincte et communauté politique originale dans l’ensemble canadien. Nul besoin de s’agenouiller pour quémander ce qui appartient déjà de droit au Québec dans le cadre canadien.
 
La Charte du Québec, dans ce contexte, ce sera donc la Loi des Lois de notre communauté politique. Ce sera une loi supérieure aux autres, car toutes les autres lois devront en respecter les principes et les balises qu’elle imposera à l’action des gouvernants et législateurs. Nous souhaitons à l’Action démocratique du Québec que la Charte du Québec bénéficie d’une grande stabilité, qu’elle soit plus difficile à modifier que les lois ordinaires. Une loi fondamentale pour les droits individuels et pour l’identité politique d’un peuple doit jouir d’une protection accrue.
 
En se dotant d’une loi fondamentale sous la forme d’une Charte du Québec, notre société rejoindrait par ailleurs une foule de communautés politiques autonomes qui ont choisi librement de délimiter de manière semblable leurs personnalités juridique et politique : les Cantons suisses, les Länder allemands, les États au sein de la grande république américaine et, plus récemment, les communautés politiques autonomes au sein de l’État espagnol de même que les provinces dans le nouvel édifice constitutionnel de la république sud-africaine. Les exemples mentionnés représentent donc autant de cas de sociétés qui ont combiné leur liberté politique avec les principes du partenariat et de la souveraineté partagée au sein d’un ensemble étatique élargi. Telle serait la situation de la Charte du Québec par rapport au cadre constitutionnel canadien.

* * *
 

Il n’appartient à aucun parti politique d’écrire à lui seul un document aussi fondamental. La Charte que nous voulons pour le Québec doit appartenir à l’ensemble des citoyens. Cela implique une démarche ouverte, respectueuse et non partisane. Cependant, nous jugeons essentiel d’identifier sommairement certaines composantes que nous souhaiterions retrouver au sein d’une éventuelle Charte du Québec. Ces composantes concernent: l’autonomie politique du Québec, les droits, libertés et responsabilités des citoyens, un renforcement de nos institutions démocratiques et du pouvoir des citoyens, les pouvoirs des régions, les principes de nos politiques linguistiques, un régime québécois de citoyenneté et, enfin, un mécanisme d’amendement.
 
 
Autonomie et libertés politiques du Québec
 
Société distincte par sa capacité de projeter principalement en français à la fois ses traditions, son histoire mais aussi la diversité de sa population et la modernité dans toutes ses dimensions en Amérique, le Québec est fier d’appartenir à la grande famille des régimes de démocratie libérale. Au Québec, les libertés individuelles sont préservées et promues, l’égalité est garantie dans la citoyenneté politique, eu égard à la protection qu’offre la loi mais aussi en ce qui concerne l’égalité des chances.
 
Au Québec, la vie politique est organisée de façon à ce que l’autorité gouvernementale soit limitée, grâce à un jeu de contrepoids entre les différents pouvoirs, et dans le respect du principe du nécessaire consentement des citoyens pour que l’autorité politique soit légitime.
 
Une communauté politique moderne, comme le Québec, doit être substantiellement autonome. Elle peut vouloir faire des choses en commun avec des sociétés proches, ce que le Québec veut certainement faire avec ses partenaires les plus immédiats qui sont ceux avec lesquels il partage l’identité politique canadienne, mais elle doit d’abord et avant tout jouir d’une vaste autonomie qui permet d’exprimer sa propre personnalité, sa propre identité politique. Le droit international public reconnaît le droit des peuples à l’autodétermination; le droit constitutionnel canadien reconnaît dans une bonne mesure le droit à l’autodétermination interne des entités constitutives de l’union fédérale canadienne. Dans son renvoi sur la sécession du Québec, en août 1998, la Cour suprême du Canada a identifié les conditions nécessaires pour assurer la pérennité du Canada en tant que communauté fédérale, morale et politique. Le respect de l’autonomie politique des entités constitutives représente l’une de ces conditions fondamentales.
 
Quand nous disons que le Québec est une communauté politique autonome, il faut y voir une affirmation singulière de la liberté politique du Québec, de sa capacité à organiser ses affaires et à choisir son destin en tant que communauté de délibération dans un espace public ouvert, pluraliste et démocratique. La Charte du Québec devra affirmer, dans l’une de ses toutes premières dispositions, le principe fondamental, incontournable et inaliénable de la liberté politique du Québec. De la même manière, elle devra établir les champs de responsabilité qui appartiennent à notre Assemblée nationale.
 
La modernité politique est affaire d’autonomie, de liberté. Nos compatriotes anglophones résument ce beau projet en parlant de « self-rule », de « self-government ». Les Québécoises et les Québécois, titulaires de la souveraineté dans un régime de démocratie, doivent affirmer solennellement dans la Charte du Québec le principe de la liberté, de l’autonomie politique de notre société.
 
 
Droits et libertés de la personne et responsabilités

Il y maintenant plus de vingt-cinq ans, l’Assemblée nationale a adopté la Charte québécoise des droits et libertés de la personne. Il ne s’agit pas d’une loi ordinaire. Elle garantit pour chaque Québécois et pour chaque Québécoise le respect de ses droits et de ses libertés. À la face du monde, le Québec figure ainsi parmi l’une des sociétés les plus respectueuses des droits humains. C’est là un gage important de fierté pour chacun d’entre nous.
 
Le Québec a innové. À plusieurs égards, la Charte québécoise des droits et libertés de la personne est l’une des plus généreuses. Contrairement à la Charte canadienne, elle prévoit des garanties importantes quant aux droits sociaux et aux responsabilités gouvernementales qui en découlent. Dans les faits, par l’expression de valeurs qui nous sont chères, cette loi contribue activement à la définition de l’identité québécoise.
 
Pour toutes ces raisons, le comité constitutionnel de l’Action démocratique du Québec considère important que la Charte québécoise des droits et libertés de la personne constitue un élément central d’une éventuelle Charte du Québec. Nous proposons également d’y inclure de façon particulière un volet concernant les responsabilités du gouvernement, des citoyens et des citoyennes. D’ailleurs, depuis notre fondation, cette volonté de responsabilisation est bien présente dans la philosophie de notre formation politique. À cet égard, le Québec dispose d’un Code civil qui lui est propre et qui, déjà, identifie certaines responsabilités. Selon nous, il convient aussi d’en affirmer l’originalité dans des dispositions d’une éventuelle Charte du Québec.
 
Depuis un certain temps déjà, le programme de l’Action démocratique du Québec confère un statut particulier à la Charte québécoise des droits et libertés de la personne. Nous souhaitons que celle-ci ne puisse être modifiée sans le consentement des deux tiers des membres de l’Assemblée nationale. Dans les faits, son intégration au sein d’une Charte du Québec enverrait un message clair et accorderait des garanties supplémentaires. De façon tangible, le Québec demeurera une société ouverte et respectueuse des droits et des libertés de tous les citoyens.
 
 
Dans la même veine, il est important de respecter la contribution des membres de toutes les communautés linguistiques et culturelles au développement de la société québécoise. La Charte du Québec, en plus de protéger cette terre de liberté, devra reconnaître l’apport significatif des premières nations. Le Québec est une société d’accueil pour un très grand nombre de personnes. Dans cet esprit, la contribution de ceux et celles qui ont choisi le Québec devra être reconnue.
 
Par ailleurs, la communauté anglophone du Québec a toujours été en mesure d’exercer pleinement son droit de s’épanouir à travers des institutions culturelles et sociales forgées à son image. Dans les faits, les droits historiques des anglophones du Québec vont bien au-delà des définitions contenues dans les chartes des droits. En ce sens, nous croyons qu’il est essentiel de garantir ces droits historiques au sein même d’une éventuelle Charte du Québec.
 
 
Un renforcement de nos institutions démocratiques et du pouvoir des citoyens
 
Le renforcement politique du Québec passe prioritairement par le rétablissement du lien de confiance qu’entretiennent les Québécoises et les Québécois envers nos institutions démocratiques. Pour retrouver pleinement sa fierté collective, le peuple québécois doit avoir la conviction que ceux et celles qui le représentent le font fidèlement et entendent ses aspirations.
 
Pour être fort, le Québec doit être solidement appuyé sur la volonté de sa population. Les institutions démocratiques doivent également être le reflet réel des différentes visions qui animent si bien la société québécoise. Cela n’est malheureusement pas le cas actuellement.
 
Le comité constitutionnel de l’Action démocratique du Québec considère donc qu’il est essentiel d’inclure dans une éventuelle Charte du Québec les principes et les fondements sur lesquels reposent nos institutions démocratiques. Il convient donc d’y préciser les principes de fonctionnement des pouvoirs exécutif, législatif ainsi que judiciaire où l’on établit en priorité les pouvoirs des citoyens.
  
Par ailleurs, la Loi électorale du Québec, la Loi sur les consultations populaires, la Loi de l’Assemblée nationale et la Loi d’accès à l’information ne sont pas des lois comme les autres. Elles doivent être protégées face à l’arbitraire, puisque c’est sur les trois premières que repose l’organisation de l’expression populaire et sur la dernière que reposent le respect de la vie privée et la transparence gouvernementale. En ce sens, une Charte du Québec devrait prévoir des garanties suffisantes faisant en sorte que de telles législations ne puissent être modifiées qu’avec l’assentiment des deux tiers des membres de l’Assemblée nationale.
 
Depuis longtemps, notre formation politique croit qu’il est essentiel d’accorder plus de pouvoirs aux citoyens. Pour ce faire, notre programme prévoit déjà une vaste réforme de nos institutions démocratiques. Selon nous, une Charte du Québec doit permettre de protéger et d’accroître les droits démocratiques des Québécoises et des Québécois. Elle doit aussi permettre la tenue d’un vaste débat, dont résultera des améliorations importantes au fonctionnement de notre démocratie. Pour l’Action démocratique du Québec, l’État québécois doit vraiment appartenir aux citoyens et cela doit ce refléter au cœur même d’une Charte du Québec.
 
 
Des pouvoirs pour les régions
 
Le développement du Québec repose particulièrement sur la force de ses régions. En matière de régionalisation, l’Action démocratique du Québec considère qu’il est temps de passer de la parole aux actes. Cela signifie qu’il faut déplacer des pouvoirs réels de Québec vers les régions, avec les ressources suffisantes pour les exercer.
 
Depuis des années, le gouvernement du Québec conçoit le développement régional comme une organisation administrative dans les régions. Pourtant, lors de différentes tournées de consultation portant sur l’avenir du Québec, les citoyens ont exprimé avec vigueur leur désir d’autonomie pour les régions du Québec. À ce jour, rien n’a bougé. La Charte du Québec doit répondre à ce désir de régionalisation. En faisant reposer la régionalisation sur des bases claires, cela permettra un développement accru du Québec où les citoyens des régions sont vraiment responsables de l’essor de leur milieu.
 
Cela redonnera aussi confiance aux gens des régions quant à la possibilité réelle d’articuler leur développement. En ce sens, nous proposons que la Charte du Québec précise les territoires régionaux de développement et les principes qui doivent guider les institutions régionales. Il en est de même en ce qui concerne les principes, tel la subsidiarité, qui permettront de déléguer aux régions les pouvoirs et les moyens d’assumer leur développement tout en précisant les responsabilités du gouvernement québécois, dont celle d’assurer une équité entre elles.
 
À cet égard, notre formation politique propose des réformes ambitieuses afin de doter les citoyens des régions des leviers essentiels à leur développement économique et social. Les régions doivent enfin disposer des outils nécessaires à la mobilisation de leurs citoyens. Nous croyons donc qu’il est essentiel de reconnaître au sein de la Charte du Québec que les citoyens des régions sont plus aptes que quiconque à prendre en main leur développement économique et social.
 
 
Principes fondamentaux de la législation linguistique au Québec
 
La Charte du Québec devrait affirmer franchement et solennellement le principe de la prédominance nette et systématique de la langue française dans la vie constitutionnelle, politique, sociale, économique et culturelle du Québec. Le message serait clair. La langue française doit être la langue commune de toutes les Québécoises et de tous les Québécois. Tous les efforts doivent être faits pour l’enseigner aux nouveaux arrivants et pour encourager nos compatriotes qui ne la maîtrisent pas à l’apprendre. Véhicule prioritaire de la communication publique au Québec, la langue française est au cœur de notre histoire. Elle est au cœur de notre présent et les Québécois dans leur très vaste majorité veulent démocratiquement que le principe de sa nette prédominance soit un point d’ancrage fondamental pour notre avenir.
 
Grâce principalement à la langue française, les Québécoises et les Québécois expriment le volet culturel de leur originalité sur le plan de l’identité collective en Amérique du Nord et dans le monde. Pour préciser l’identité du Québec, la langue française vient s’ajouter à notre modèle de démocratie libérale, aux principaux piliers de notre réseau socio-économique et à nos manières d’instaurer la justice dans les rapports entre les individus, les groupes et les autorités gouvernementales.
 
Un Québec qui aura réaffirmé dans sa Charte le principe de la prédominance nette et systématique de la langue française reconduira donc les aspects fondamentaux de la législation linguistique québécoise actuelle, soit l’obligation faite aux nouveaux arrivants de fréquenter le réseau scolaire primaire et secondaire francophone, la prépondérance du français dans l’affichage et la promotion du français langue de travail.
 
De surcroît, un gouvernement de l’Action démocratique du Québec cherchera en temps et lieu à établir sur des bases paritaires et confédérales le dialogue entre le Québec et le Canada dans le domaine linguistique. Dans le domaine crucial de la langue, mais aussi dans d’autres champs d’activités que nous identifions ailleurs dans ce document, il est profondément inacceptable que les lois québécoises soient assujetties à une Charte fédérale à laquelle le Québec n’a toujours pas consenti.
 
Affirmer la prépondérance nette et systématique de la langue française, cela doit être fait en reconnaissant le statut original de la langue anglaise au Québec. Ce n’est pas une langue étrangère, ce n’est pas celle des étrangers. C’est une langue parlée, depuis toujours, par une proportion substantielle de nos compatriotes. La langue anglaise fait partie de la longue et belle histoire du Québec. Nous affirmerons donc la prédominance du français, notamment dans l’affichage, sans prohibition de l’anglais. Les droits actuels, judiciaires, scolaires et sociaux de nos compatriotes anglophones, pris individuellement mais aussi en tant que communauté, appartiendront à la Charte du Québec.
 
L’Action démocratique du Québec reconnaît déjà dans son programme que le Québec d’aujourd’hui est multiculturel. Une proportion de plus en plus importante de nos concitoyens est venue enrichir le Québec avec une grande diversité de cultures, de traditions et de connaissances linguistiques. Le Québec fera des efforts gigantesques pour reconnaître la diversité de sa population et la valeur des contributions des citoyennes et des citoyens de toutes origines à son histoire, à son progrès et à son développement.
 
L’enseignement de l’histoire du Québec devra immanquablement refléter de façon accrue cette diversité, ce pluralisme. Dans le contexte de la mondialisation, le Québec fera évidemment de l’enseignement rigoureux du français et de l’anglais une priorité fondamentale. Il fera aussi de grands efforts pour promouvoir l’enseignement d’autres langues, pour élargir à une proportion accrue de la population l’ouverture linguistique extraordinaire d’un grand nombre de nos compatriotes arrivés chez nous plus récemment.
 
 
Un régime québécois de citoyenneté
 
À la fin de la deuxième guerre mondiale, le gouvernement britannique a abandonné certains éléments qui représentaient une forme de tutelle politique entre Londres et le Canada. La procédure d’appel au Comité judiciaire du Conseil privé a été abolie et la Cour suprême canadienne est devenue, tout cela en 1949, le tribunal et l’arbitre de dernière instance. Dans la même veine, en 1947, le Parlement fédéral a adopté la Loi canadienne sur la citoyenneté. Nous pensons à l’Action démocratique du Québec que le régime canadien de citoyenneté ne tient pas suffisamment compte de la nature complexe de l’association politique canadienne. Dans notre régime, la pluralité des appartenances et des identités politiques est valorisée. La nette majorité des gens, dans notre société, se sent à des degrés divers Québécois et Canadiens. Pour que ce ne soit pas uniquement une question de sentiment, pour que cela soit un bien pas seulement à l’époque contemporaine mais aussi pour les générations futures de citoyennes et de citoyens, il faut que cela soit dit plus clairement dans nos lois, dans nos symboles et nos institutions.
 
La citoyenneté, c’est une affaire d’identité, d’appartenance, de participation, et tout cela enrichi par une dimension juridique. La citoyenneté canadienne, dans sa forme actuelle, valorise très insuffisamment le principe de la souveraineté partagée entre les États membres et les autorités centrales de l’union canadienne, celui de l’autonomie ou de la liberté politique des États membres. Bien peu est fait, dans le cadre de la politique canadienne de la citoyenneté, pour rappeler aux nombreux arrivants qui viennent enrichir nos communautés politiques que le Canada n’est pas un État unitaire mono-national.
 
En travaillant de concert avec les autorités gouvernementales à Ottawa, le Québec doit pouvoir faire en sorte que les nouveaux citoyens canadiens qui choisiront de s’établir au Québec auront, aussi, une connaissance suffisante du Québec, de même qu’une connaissance des responsabilités et des avantages conférés par le fait de vivre ici. Le contenu de la Charte du Québec doit devenir l’élément central de la politique québécoise d’éducation à la citoyenneté. Tout citoyen québécois doit savoir quelles sont les bases sur lesquelles reposent notre identité et notre liberté politiques, quels sont les principes en vigueur au Québec en matière de droits et de libertés de la personne, comment nous incarnons dans nos institutions les valeurs et les principes de la démocratie libérale, quels sont les grands paramètres de notre politique linguistique. En somme, l’Action démocratique du Québec recommande que l’on retrouve, à l’intérieur de la Charte du Québec, le principe d’une double citoyenneté interne.
 
 
Le mécanisme d’amendement de la Charte du Québec
 
La Charte du Québec sera un bien précieux pour tout le monde au Québec; elle sera un bien précieux pour chaque citoyenne, pour chaque citoyen, comme pour notre collectivité dans son ensemble. Elle établira les principes et les sources de notre liberté politique, elle nous dira qui nous sommes politiquement, elle présentera notre personnalité juridique et politique à nos partenaires dans le Canada et à l’ensemble de la communauté internationale.
 
Il est impératif, fondamental, que la Charte du Québec bénéficie d’une protection supplémentaire par rapport aux lois ordinaires. On ne peut imaginer qu’elle puisse être modifiée par un parti qui aurait obtenu une pluralité de voix ( par exemple, 36 ou 38%) lors d’une élection, mais qui dispose d’une majorité de sièges, fût-elle très faible, au sein de notre Assemblée nationale. Il faut noter par ailleurs que cette possibilité demeurera bien réelle tant que notre loi électorale n’aura pas été modifiée, comme le recommande l’Action démocratique du Québec, pour y inclure un élément de complémentarité proportionnelle. Pour que la Charte du Québec soit adéquatement protégée, pour qu’elle ait la force substantielle et symbolique que nous souhaitons pour elle, il faut penser à autre chose qu’une majorité simple à l’Assemblée nationale.
 
Dans le cadre du présent exercice de réflexion, nous avons étudié attentivement ce qui se passe dans d’autres sociétés, dans d’autres communautés politiques semblables à la nôtre. Nous croyons que sur cette question, l’exemple de la Catalogne, à l’intérieur de l’État espagnol, est particulièrement instructif. Depuis quelque 20 ans, la Catalogne dispose d’un statut d’autonomie qui ressemble en certains points au projet de Charte du Québec dont nous faisons la promotion pour notre société.
 
En Catalogne, deux étapes doivent être franchies pour modifier le statut d’autonomie, la charte de la liberté politique de cette société. Le Parlement catalan doit approuver la mesure dans une majorité des deux tiers, et le peuple catalan doit ratifier l’amendement par voie référendaire. Nous respectons la démarche catalane, nous nous en inspirons dans une certaine mesure, mais nous voulons l’appliquer, lucidement, au contexte historique, juridique et politique du Québec.
 
Le comité constitutionnel de l’Action démocratique du Québec recommande qu’une majorité des deux tiers soit requise pour l’approbation et la ratification par l’Assemblée nationale de la Charte du Québec, de même que pour tout amendement ultérieur. Un gouvernement issu de notre formation politique s’engage à promouvoir un large débat dans notre société sur la question de la Charte du Québec. Nous soumettrons donc un tel projet à l’Assemblée nationale et à sa commission des institutions.
 
Un gouvernement de l’Action démocratique du Québec va tout mettre en œuvre pour collaborer sur cette question avec les autres formations politiques représentées à l’Assemblée nationale. Notre souhait est donc, en priorité, d’obtenir la ratification de la Charte du Québec par une majorité des deux tiers de l’Assemblée nationale. S’il s’avérait impossible, en dépit de nos meilleurs efforts, d’obtenir un tel appui, et uniquement dans une situation de blocage total, nous envisagerions de soumettre le projet d’une Charte du Québec à l’approbation de nos concitoyennes et concitoyens par voie référendaire.
 
Après trois référendums au cours des vingt dernières années, un bon nombre de nos concitoyens sont, à juste titre, réticents face à un tel exercice. Nous savons que la Charte du Québec mérite un processus original, renforcé, avant d’être approuvée et ratifiée.
 
Nous voulons donc, simultanément, être cohérents quant à l’importance que nous accordons dans ce projet de Charte, et respectueux de l’état d’esprit de nos concitoyennes et concitoyens. En ce sens, nous travaillerons ardemment à construire un consensus québécois derrière un projet de Charte du Québec. Nous souhaitons unir les Québécois et les Québécoises. Cette volonté doit se refléter sur le parquet de l’Assemblée nationale, par l’adhésion du plus grand nombre possible de représentants élus. Pour être debout, le Québec doit être uni.

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