Platon et la musique
Mercredi le 01 mars 2000
Je relis ces lignes en coulisse; la scène du jugement n'est pas encore terminée. Des échos riches et variés, reflets chatoyants, parviennent jusqu'à moi: colère et indignation des prêtres, silences butés de Radamès, désespoir d'Amnéris dont la jalousie a tout précipité. Bientôt ce sera le dernier soupir des amants emmurés, et l'invocation à Ptah provenant des entrailles de la terre (ça, c'est nous, en arrière scène). Une grande paix vient s'étendre sur tout, apportant le pardon jusque dans l'âme tourmentée d'Amnéris. J'ai la gorge nouée par la force émotionnelle de cette musique plus religieuse et plus vraie en un sens que beaucoup de musiques sacrées, mais, en un autre sens, fausse comme sont faux les boucliers de carton appuyés contre le mur. Devient-on meilleur pour avoir un instant respiré cette paix plus grande que le monde? Non, dirait Platon: c'est trop demander, trop peu donner; tout le danger est d'ailleurs là : se croire arrivé avant d'être parti. Mais à qui est prêt à faire le long chemin, la vision fugitive, don des dieux, indique la voie et prête la force.