L'Encyclopédie de L'Agora : une vision organique du monde
Sapere : goûter et savoir. Associer ces deux expériences pour mieux comprendre l’une et l’autre et s’habituer ainsi à distinguer la vraie culture, nourricière, de la fausse, réduite au divertissement. Deux sujets vastes. Cette synthèse sera donc longue.
Où les blancs de Ruston et les noirs de Grambling sont unis par les écrevisses achetées par les uns et les autres à Boiling Joint... dans le style de Sylvie Escande, haut en couleurs.
[…]
C'est la saison des écrevisses. De l'Arkansas au Golfe du Mexique, la Louisiane est en ébullition. Au Nord de l'Etat, entre les villes de Ruston et de Grambling, l'antique plaisir de la table associé aux vapeurs ensorcelantes de filé - ce mélange d'épices louisianaises employées dans la cuisine cajun - et de coriandre, attire Blancs et Noirs vers le Boiling Joint, temple modeste, mais renommé, de la dégustation. Toutes races confondues, les papilles s'excitent. Un drapeau américain, du calibre de celui qui fut planté sur la lune, s'agite faiblement devant le mobile home de la famille Guidry. Transformée en gigantesque cuisine, l'habitation n'a de mobile que le nom. Bien ancrée dans le bayou par de solides pilotis, elle s'enorgueillit de gargantuesques marmites dans lesquelles les crustacés passent du vert au rouge sans protestation
Au XVIe siècle, le mot nourriture signifiait à la fois éducation (culture!) et alimentation. On admettait généralement que les enfants naissent inégaux. Il s'agissait ensuite de les aider au moyen de la nourriture, c'est-à-dire de l'éducation et de l'exercice, autrement dit de l'effort personnel, à s'accomplir selon leur nature. "Ces trois termes, nature, nourriture, exercice, les auteurs du XVIe siècle, s'inspirant de Plutarque, leur guide en la matière, en pèsent inlassablement le sens et la portée.
Un vrai repas est à la fois un poème, un tableau, une mélodie et un bouquet de parfums.
Nous sommes en 2003. Jamais il n’y eut tant d’obèses aux États-Unis et jamais autant d’experts pour les éclairer, pour leur enseigner l’orthorexie. Cette hétéronomie savante est-elle préférable à l’autonomie des cultures ?
Aux États-Unis ou dans n’importe quel autre pays industrialisé, le consommateur n’a plus à assurer lui-même sa sécurité alimentaire. L’État, éclairé par la science et l’industrie, jugera en son nom de ce qui est bon pour lui et de ce qu’il peut manger sans crainte. Il n’aurait plus besoin de s’en remettre à ses sens et de toute façon, ses sens ne pourraient que le tromper puisque la saveur et la couleur des aliments sont généralement modifiées artificiellement. La langue anglaise a un mot, surrogate, dont l’équivalent français, «substitut», n’est pas aussi fort. Les grandes agences de l’État associées à l’industrie agroalimentaire et aux chercheurs des universités constituent un surrogate for the senses. C’est l’expression utilisée par Ross Hume Hall. Nous ne savons plus distinguer par nous-mêmes ce qui nous fait du mal et ce qui est bon pour nous. Nous dépendons d’un savoir hétéronome à la fois prolifique, instable et rempli de contradictions. D’où le doute, l’incertitude, l’inquiétude, l’angoisse parfois dans le rapport à la nourriture. D’où aussi une conscience toujours en alerte et un sentiment de culpabilité associé aux aliments placés sur la liste noire des experts : le sucre, le sel, le gras, les viandes rouges, la liste est longue. L’acte de manger comporte ainsi un stress qui s’ajoute à celui dont on est souvent atteint au moment de se mettre à table. Les psychiatres ont même identifié une maladie causée par cette culpabilité : l’orthorexie, caractérisée par l’obsession de la rectitude alimentaire. Nous voilà partagés entre une autonomie atrophiée et une hétéronomie aliénante et inefficace. Disparition du savoir traditionnel et invasion d’un savoir d’experts qui ne peut le remplacer ! Voilà l’état de nos rapports avec la nourriture. Dans le cas des Micronésiens et de bien d’autres autochtones, partout dans le monde, le mal semble irrémédiable, la transition ayant été trop violente. C’est grâce à leur capacité d’emmagasiner la matière grasse que les Micronésiens ont survécu aux catastrophes écologiques dont leur histoire est ponctuée. On comprend qu’ils raffolent du gras. Il était rare jadis. Il est aujourd’hui offert en surabondance à des pêcheurs devenus sédentaires. Heureusement, dans de nombreuses cultures où la transition a été plus lente, la greffe du savoir scientifique sur le savoir traditionnel a mieux réussi.
Bien manger, c'est-à-dire savourer la nourriture sans pour autant mettre sa santé en péril, c'est le problème quotidien qu'affronte l'Occidental, sollicité autant par l'image que par la réalité de la nourriture. Des penseurs ont eu à ce sujet diverses théories...
Diététique: une vertu rêvée?
un fantasme irréalisable?
MICHEL ONFRAY
Le nouveau corps repousse la mort de trente ans
et l'antique souffrance quasi définitivement;
diabétique, grignotant des calories du bout des dents,
il absorbe ce que ses pères n'auraient pas reconnu
pour nourriture ni pour breuvage.
MICHEL SERRES
Les animaux se repaissent; l'homme mange;
l'homme d'esprit seul sait manger.
BRILLAT-SAVARIN
Dans cette série de coups d'oeil sur l'histoire de la nourriture, le fil conducteur est la conscience: une conscience qui semble s'être dégagée, puis progressivement séparée de l'instinct, en suivant les parcours capricieux des rites alimentaires, certains étant très proches de l'instinct de survie animale, d'autres s'en éloignant allègrement
L'histoire de la nourriture
1° Des rôtis de la préhistoire à l'abondance romaine
2° D'Apicius à Taillevent
3° De la Renaissance à Brillat-Savarin
4° De l'art culinaire aux sciences de la nutrition
5° Les rapports Nord-Sud
Quelle disgrâce que cette emprise du chiffre sur la gastronomie, cet art classique par le fond et romantique par la forme!
Il y a pire. Le plat couvert dont parle Balzac, “un des bonheurs du pique‑assiette... la surprise, l'impression gastronomique du plat extraordinaire... de ce qui, jadis, dans les ménages de nos aïeux, se nommait le plat couvert”13. Ce plat couvert, on l'a retiré de la table pour le décomposer par l'analyse chimique dans des laboratoires aseptiques et le reconstituer sous des formes innombrables dont voici un exemple:
MÉLANGE À SOUPE À L'OIGNON LIPTON (poids net, 3 on.) (85g)
Ingrédients: oignon déshydraté, sel, graisse végétale, bouillon d'os de boeuf déshydraté, citrate de sodium, fécule de pommes de terre, dextrose, extrait de levure, amidon de maïs, caramel et guanylate bisodique.
Valeur nutritive:
Protéine, 11 grammes Graisse, 8 grammes
Hydrates de carbone, 50 grammes
Calories, 317, par 100 grammes de mélange à soupe.
Nous ne savourons plus le miraculeux potage qui répara les effets désastreux des débordements amoureux de l'ami de Brillat‑Savarin, et lui sauva la vie; nous avalons, en les comptant presque, 317 calories aux 100 grammes.
Triste mets, triste devoir: on ne mange plus, on ne savoure plus ces élixirs de vie dont parle Savarin; on fournit gravement, méthodiquement, à son corps la mesure calorique, “protéinique” et vitaminique dont il a besoin pour produire une quantité x d'énergie.
La culture c'est le vrai, le beau et le bien ajoutés à l'utile
Le nom de C. P. Snow, physicien et romancier anglais né en 1905, est à jamais associé à l'idée de troisième culture. En 1959, C. P. Snow publia The two Cultures, un essai qu'il aurait pu tout aussi bien intituler: Les deux solitudes. Les deux cultures, ce sont deux groupes qui s'ignorent et souvent se détestent. D'un côté, des scientifiques de plus en plus spécialisés et distants du grand public, de l'autre les littéraires, groupe qui inclut ceux que l'on appelle les intellectuels. Au début du présent siècle du moins, ces derniers avaient, dans le monde du haut savoir, le monopole de la communication avec le grand public.
C. P. Snow appartenait à l'une et à l'autre de ces deux solitudes. À un groupe de littéraires distingués, il posa un jour la question suivante: «combien parmi vous pourraient décrire le second principe de la thermodynamique?» On lui répondit sur un ton hostile que très peu parmi eux pourraient en effet répondre à une telle question. Pour un scientifique, commenta C. P. Snow, le second principe est pourtant aussi important que les oeuvres de Shakespeare peuvent l'être pour un littéraire.
Sans doute, dans l'Angleterre de 1959, y avait-il plus de scientifiques qui connaissaient Shakespeare que de littéraires qui connaissaient le second principe. En est-il encore ainsi en Amérique à la fin du siècle? Il est à craindre hélas! que l'ignorance de la culture opposée soit la même de part et d'autre.
Notre temps présente à l'esprit humain le plus gigantesque défi qu'il ait jamais eu à relever. Le changement, qui fut, en des temps moins troublés, une question académique, est devenu pour nous un problème affectant nos perspectives de survie. On se souviendra du solennel avertissement de Valéry à la civilisation occidentale.
C'est ce même Valéry qui posait avec son habituelle lucidité le problème fondamental de la pensée contemporaine en termes de la constitution d'une méthode pour penser l'histoire; l'histoire aujourd'hui, ce n'est plus le passé, c'est l'événement, la conjoncture dans sa nouveauté totale, Nous sommes forcés de constater qu'il ne s'est guère accompli de progrès en matière socio-politique et culturelle depuis les célèbres analyses du poète français. Aujourd'hui comme alors, «obéissant à une sorte de loi de moindre action, répugnant à créer, à répondre par l'invention à l'originalité de la situation, la pensée hésitante tend à se rapprocher de l'automatisme; elle sollicite les précédents et se livre à l'esprit historique qui l'induit à se souvenir d'abord, même quand il s'agit de disposer pour un cas tout à fait nouveau».1
Ce n'est pas autrement qu'un autre penseur, fort différent par ailleurs, mais comme Valéry de formation littéraire, Marshall McLuhan juge notre attitude à l'égard du présent:
Confrontés avec une situation complètement neuve, nous avons tendance à nous attacher aux objets, au climat du plus récent passé. Nous regardons le présent par le rétroviseur. Nous avançons à reculons dans l'avenir. La vie imaginaire des banlieusards se déroule au pays des cowboys.2
Nous reproduisons ici un chapitre d'un livre sur Fernand Dumont paru en 1998, aux Presses de l'Université Laval, sous le titre de Un supplément d’âme.Les intentions primordiales de Fernand Dumont . (1998) L'auteur, Jean-Philippe Warren, met bien en relief ce lien entre la vie et l'oeuvre, toujours significatif, et dans le cas de Fernand Dumont d'une importance cruciale. Cette figure de proue des sciences humaines au Québec a vécu en quelques années le passage du plus humble quartier ouvrier aux plus hauts lieux de la culture savante. Son histoire vue cet angle a valeur d'archétype: «Culture première et culture seconde sont les deux faces d'une même histoire, la sienne. »
Le texte qui suit présente un double intérêt: il révèle à l'ensemble des lecteurs d'Internet un auteur de premier ordre, trop peu connu à l'extérieur du Québec, tout en présentant une distinction entre la culture première et la culture seconde d'autant plus claire et vivante qu'elle est étroitement liée à une histoire personnelle. (Photo: Jean-Philippe Warren)
L'authentique réflexion philosophique procè
Dans le cas du mot culture, le langage courant accuse encore un certain retard par rapport aux définitions savantes. Dire d'une personne qu'elle est cultivée, c'est toujours lui attribuer une qualité, même si, dans le sens anglais du mot, tout le monde est cultivé parce que tout le monde appartient à une culture. Dans le sens français , tel que le précise ici Dominique Wolton., il est encore permis de considérer la culture comme une qualité: «Le mot culture, écrit Wolton, a en général trois sens.
* Le plus large est le sens anglais, anthropologique, qui intègre les œuvres et les manières de vivre, les styles, les savoir-faire;
* Le sens allemand est plus proche de l’idée de civilisation;
* Le sens français, plus limité, renvoie à l’idée de création, d’œuvres, de patrimoine, et à l’existence de critères capables de distinguer, dans ce qui se produit et s’échange, ce qui relève de la culture. En parlant ici d’identité culturelle française il s’agit un peu du mélange des trois mots. D’ailleurs, la France est probablement le pays qui, par la politique culturelle active de l’État, souhaite, depuis longtemps, définir et valoriser la culture, et pas seulement, la culture française.»1
En appelant de ses vœux la symbiose de la pensée discursive et de l’intuition, Senghor jette les bases de ce qu’il appelle la civilisation de l’universel.[9] Il indique ainsi une voie à suivre pour approfondir la critique de la civilisation occidentale. Anticipant la crise écologique, conséquence du recul de l’intuition face à la raison, il pose ces questions cruciales : quand cette rupture s’est-elle opérée et comment rétablir l’équilibre perdu. Ces deux questions sont au cœur des tensions entre les civilisations autochtones et la civilisation dominante. Si on ne comprend que trop bien la marche forcée des autochtones de la sensibilité vers la raison, de la nature vers les villes, on se demande encore comment les mêmes autochtones pourront conserver leur vitalité créatrice tout en bénéficiant des avantages de la consommation; on se demande surtout comment les formalistes blancs pourront recouvrer leur vitalité perdue. L’intérêt de ces blancs pour les animaux ne serait-il pas le signe qu’ils aspirent à une nouvelle synthèse?
Professeur à l’Université Harvard, Samuel P. Huntington n’est peut-être pas le premier à avoir entrevu un choc des civilisations dans le monde. Cependant, son livre The Clash of Civilizations and the Remaking of World Order paru en 1996 et développant une thèse qu’il avait déjà exprimée en 1993 dans un article paru dans la revue Foreign Affairs, est devenu une référence obligée depuis le 11 septembre 2001. Beaucoup d’intellectuels et de politiciens se sont défendus de voir dans les attentats contre le World Trade Center et dans la réplique américaine en Afghanistan le début d’un choc larvé entre l’Occident et l’Islam, par crainte d’accréditer les thèses de Huntington. Quoi qu’il en soit, qu’on les endosse ou qu’on les écarte, elles valent la peine d’être connues et discutées. Les francophones peuvent lire la traduction du livre de Huntington chez Odile Jacob 1.
En substance, Huntington prétend que depuis la fin de la guerre froide, ce sont les identités et la culture qui engendrent les conflits et les alliances entre les États, et non les idéologies politiques ou l’opposition Nord-Sud. Le monde a ainsi tendance à se diviser en civilisations qui englobent plusieurs États. Il n’y a donc pas de coïncidence entre État et civilisation. Pour Huntington, la civilisation représente l’entité culturelle la plus large. Elle « est le mode le plus élevé de regroupement et le niveau le plus haut d’identité culturelle dont les humains ont besoin pour se distinguer des autres espèces. Elle se définit à la fois par des éléments objectifs, comme la langue, l’histoire, la religion, les coutumes, les institutions, et par des éléments subjectifs d’auto-identification. » 2 Selon Huntington, sept à huit civilisations se partagent le monde, quoiqu’il n’en nomme que cinq, la chinoise, la japonaise, l’hindoue, la musulmane et l’occidentale. Il ne voit pas l’Afrique comme une civilisation en soi (au contraire de Fernand Braudel), préférant rattacher le continent aux autres civilisations. À l’égard de l’Amérique latine, il adopte une position ambivalente. Tantôt il la considère comme une sous-civilisation de l’Occident, tantôt il y voit une civilisation distincte, menaçante pour les États-Unis.
La question d'un idéal de civilisation refait ainsi surface.
Il existe des groupes humains où l'on mange n'importe quoi, n'importe quand, n'importe comment et où l'on jette plats et ustensiles après usage. Il en est d'autres où l'on prend ses repas en commun, selon des rites favorisant la convivialité, dans le respect de la nourriture et des objets. De toute évidence, ces deux coutumes n'ont pas la même valeur. Comment les hiérarchiser, sinon en recourant au concept de civilisation ou à un autre concept ayant le même sens?
Respect d'autrui, respect des objets, voilà deux critères, transposables dans tous les domaines, sur lesquels il devrait être possible d'établir un consensus; deux critères dont l'importance est telle que la civilisation industrielle, dans la mesure où elle n'en tient pas compte, peut être assimilée à la barbarie. (J.D.)
L'Encyclopédie de l’Agora n’est pas une somme des connaissances établie par une myriade de spécialistes sans grandes affinités entre eux. Elle est une œuvre, celle d’un auteur principal entouré d’amis ayant des affinités intellectuelles avec lui et ébauchant séparément leur propre synthèse. [En savoir davantage]
Plus nous avançons sur le chemin de la paix intérieure et de l'intégrité, plus le sens de l'appartenance croît et s'approfondit. Ce n'est pas seulement l'appartenance [...] à une communauté qui est en cause, mais aussi l'appartenance à l'univers, à la terre, à l'eau, à tout ce qui vit, à toute l'humanité.
À l’heure où les astrophysiciens décrivent la farandole des galaxies et la valse des étoiles, la conception dominante de l’univers se réduit au mot Big Bang, évoquant une explosion, comme celle d'Hiroshima. La tradition, et une certaine science depuis peu, nous invitent à lui préférer, métaphore pour métaphore, celle de l'éclosion, associée à celle de l'oeuf cosmique. S'il est incontestable qu'il y eut violence à l'origine, faut-il en conclure que cette violence doit être absurde comme dans une explosion, faut-il exclure qu'il puisse s'agir d'une violence ayant un sens, comme celle de l'éclosion?
«Seule la vie peut donner la vie. L’intelligence peut façonner, mais étant morte, elle ne peut donner une âme. De la vie seulement peut jaillir le vivant.» Goethe, Zahme Xenien
«Est dit éternel ce qui par soi ne peut changer ni vieillir ni périr. Une sublime amitié est éternelle en ce sens qu'elle ne peut être atteinte qu'obliquement et par des événements qui lui sont tout à fait étrangers. L'amour prétend être éternel. Les pensées les plus assurées, comme d'arithmétique et de géométrie, sont éternelles aussi. La durée, au contraire, est essentielle à tout ce qui change et vieillit par soi. L'idée de rassembler tout l'éternel en Dieu est raisonnable, quoique sans preuve à la rigueur, comme au reste tout éternel, amitié, amour, arithmétique.» (Alain, Les dieux et les arts)
«On va à Dieu par des commencements sans fin», écrit un Père de L’Église. Cette page est notre premier commencement… Une parfaite définition de Dieu par le plus grand des théologiens serait moins à sa place ici que nos balbutiements. Étant les auteurs d’une oeuvre qui comporte déjà mille allusions à Dieu, c’est à nous, cohérence oblige, qu’il appartient d’évoquer le foyer vers lequel convergent ces allusions.
L’humanisme est une vision du monde où tout gravite autour de l’homme comme tout gravitait autour de Dieu dans la vision antérieure en Occident. Ainsi défini, l’humanisme est le produit d’une révolution copernicienne inversée: l’homme, auparavant satellite de Dieu, devient l’astre central.
La plante est immobile et choyée. Sa nourriture lui est donnée. Il lui suffit pour l’accueillir de laisser croître ses racines dans la terre et dans le ciel. L’animal doit chercher sa nourriture, et pour cela, il est libre dans ses déplacements. Sans doute est-ce la raison pour laquelle on l’a associé étroitement à l’homme, mais ainsi amputé de sa dimension plante, ce dernier n’allait-il pas s’éloigner de ce qui deviendrait un jour un idéal pour les jeunes et pour les vieux une nécessité i : contempler et à cette fin rester immobile.
Tout dans l’univers, et l’univers lui-même, tend vers le froid uniforme, et un désordre qui n’est rien d’autre que la rupture des liens unissant les éléments constitutifs du vaste ensemble. Dans ce monde qui se défait, les êtres vivants sont des points d’ordre qui contredisent la loi générale. En eux l’énergie, qui se dégrade tout autour, se concentre pour former tantôt une plante qui grimpe, tantôt un animal qui vole, tantôt un animal qui pense... qui aime, qui aime ô merveille! au-delà de ce que l’espèce exige de lui pour assurer sa propre reproduction.
Qu’est-ce que la vérité ? Pourquoi nous donnons-nous tant de mal pour la trouver, la défendre et la répandre ? Tentons d’abord de répondre par le recours le plus simple et le plus spontané à la raison. La vérité c’est la vie, ce qui assure sa persistance et sa croissance : distinguer la plante toxique de la plante nourricière, la vraie beauté, celle qui élève par opposition à celle qui dégrade. La preuve est dans le résultat, dans le degré d’accomplissement des êtres en cause.
En bas de cette échelle, l’élan impétueux de l’animal sauvage bondissant hors de sa cage-piège; en haut un sage ébloui par ses principes, un mystique ravi par son Dieu. Impulsion dans le premier cas, contemplation dans le second. Point de choix en ces extrêmes. «Les instincts des animaux survivent dans l’homme à l’état d’ébauche.» (K.Lorenz). À leur place, un grand vide angoissant. Ce vide est le lieu de naissance de la liberté.
Le mal dont le bien doit triompher en nous pour nous rendre meilleur n’est pas une simple carie dentaire qu’on peut obturer en quelques secondes, mais une infection centrale résistant aux antibiotiques. La vie de celui qui désire vraiment en guérir ressemblera à un chenin de croix ou à la marche d’un Bouddha à recherche de la voie du milieu.
« C'est à coups de tonnerre et de feux d'artifice célestes qu'il faut parler aux sens flasques et endormis. Mais la voix de la beauté parle bas: elle ne s'insinue que dans les âmes les plus éveillées. Doucement mon bouclier a vibré et a ri aujourd'hui : c'était le frisson et le rire sacré de la beauté! » Nietzsche
«Si les citoyens pratiquaient entre eux l'amitié, ils n'auraient nullement besoin de la justice; mais, même en les supposant justes, ils auraient encore besoin de l'amitié.» ARISTOTE, Éthique à Nicomaque
Proche du scepticisme sur le plan intellectuel, la neutralité est aussi proche de l'indifférence sur le plan affectif et de l'indifférentiation sur le plan physiologique.
D’abord la justice et bien commun! Il sera souvent question de la démocratie dans cette synthèse. Trop peut-être, car en ce moment, dans les démocraties occidentales du moins, dont certaines sont en voie de désintégration, on a recours au concept de démocratie lui-même comme critère pour juger de la situation concrète dans les démocraties en cause. Funeste tautologie contre laquelle Aristote nous avait mis en garde.
C'est dans l'indignation devant l'injustice qu'il faut d'abord chercher la voie de la justice. Il faut toutefois au préalable pouvoir distinguer le sentiment authentique et universel d'injustice de l'insatisfaction personnelle qui est à l'origine des revendications.
Quelques regards critiques dans un contexte, celui du progrès technique, où l’approbation inconditionnelle et universelle va de soi, en dépit de cette mise en garde maintes fois formulée : « ce qui est possible devient nécessaire.» Qui donc en ce moment veut et peut s’opposer aux innovations, souvent discutables pourtant, dans le domaine des techniques de reproduction humaine?
Sapere : goûter et savoir. Associer ces deux expériences pour mieux comprendre l’une et l’autre et s’habituer ainsi à distinguer la vraie culture, nourricière, de la fausse, réduite au divertissement. Deux sujets vastes.
La perspective historique la plus longue possible est la voie royale pour préciser le diagnostic et trouver les meilleurs remèdes au mal qui frappe l’éducation.
La caractérologie, une science en plein essor au début du XXème siècle, semble être aujourd’hui en voie d’extinction. Ne serait-ce pas parce que le caractère des personnes a disparu ? Certains maîtres en cette discipline, dont Ludwig Klages, en avaient prédit l’extinction pour cette raison.
Le mot ordinateur a des origines théologiques. Celui qui a proposé de traduire computer par ordinateur, Yves Perret, a justifié son choix en précisant que le mot ordinateur se trouve dans le dictionnaire Littré comme adjectif désignant Dieu en tant qu'Il est celui qui met de l'ordre dans le monde. L'ordinateur ressemble pourtant moins à Dieu qu'à l'homme [...]
Plus un sport est naturel, plus il y a de chances qu'on puisse le pratiquer longtemps, parce qu'on en aura toujours le goût et les moyens. Quel que soit le sport choisi, il ne restera durable que si on le pratique avec mesure, dans le respect de l'ensemble de l'organisme et de chacun des organes et des muscles sollicités, avec en outre le souci de rendre toujours plus harmonieux les rapports de l'âme et du corps.
«C'est par le truchement de l'expression artistique que les valeurs les plus hautes acquièrent une signification éternelle et une force capables d'émouvoir l'humanité. L'art possède la faculté illimitée de transformer l'âme humaine — faculté que les Grecs appelaient psychagogia. Seul, en effet, il dispose des deux éléments essentiels à l'influence éducative: une signification universelle et un appel immédiat. Parce qu'il combine ces deux moyens susceptibles de faire autorité sur l'esprit, il surpasse à la fois la réflexion philosophique et la vie réelle.» Werner Jaeger, Paideia: la formation de l'homme grec
Faire acte de science c’est échapper à la contrainte sous toute ses formes : préjugés personnels, conformisme, tradition, pression sociale, financière, opinion majoritaire, y compris celle des pairs. Serait-ce la raison pour laquelle la science a fleuri dans la Grèce antique puis dans l’Europe moderne. Et n’est-ce pas en raison de l’oubli de cette règle qu’elle tombée en disgrâce dans la Russie stalinienne et les États-Unis de Donald Trump ?
L'attente active, celle qui consiste à soumettre à la critique les réponses imparfaites, Socrate l'appelait philosophie, mot qui signifie amour (philein ) de la sagesse (sophia). Cet amour s’accomplit à deux conditions : la rigueur dans la pensée et le souci de la purification dans la vie personnelle.
Quelques regards critiques dans un contexte, celui du progrès technique, où l’approbation inconditionnelle et universelle va de soi, en dépit de cette mise en garde maintes fois formulée : « ce qui est possible devient nécessaire.» Qui donc en ce moment veut et peut s’opposer aux innovations, souvent discutables pourtant, dans le domaine des techniques de reproduction humaine?
Le mot ordinateur a des origines théologiques. Celui qui a proposé de traduire computer par ordinateur, Yves Perret, a justifié son choix en précisant que le mot ordinateur se trouve dans le dictionnaire Littré comme adjectif désignant Dieu en tant qu'Il est celui qui met de l'ordre dans le monde. L'ordinateur ressemble pourtant moins à Dieu qu'à l'homme [...]
Selon Marguerite Yourcenar, Marc Aurèle,le sage Marc-Aurèle, le divin Marc, est le Romain de l’antiquité dont il subsiste le plus de sculptures. Preuve qu’il a été le plus admiré, aimé. S’il est vrai que la qualité d’un amour se mesure à la beauté, à la variété et au nombre des œuvres d’art qu’il a inspirées, le christianisme est une prodigieuse histoire d’amour.
Ce catholicisme qui nous a faits ! Plusieurs sont d’avis qu'il nous a défaits à la fois politiquement et psychologiquement. Depuis 1960, ils ont eu toutes les tribunes dont ils pouvaient rêver pour exposer leurs regrets et leurs doléances. Dans cette synthèse, nous voulons donner la parole à ceux qui, sans avoir renoncé à leur esprit critique, veulent bien reconnaître que le catholicisme nous a aussi faits… un peu, a contribué à notre épanouissement et à notre accomplissement, en tant que peuple comme en tant qu’individus. Même si elle ne devait être qu’un dernier adieu reconnaissant, cette synthèse est nécessaire [...]
Le Québec est un microcosme. Se trouve-t-il un seul groupe humain sur la planète auquel il ne ressemble pas par quelque côté?
On y parle les deux langues qui ont le plus contribué à faire le monde tel qu'il est aujourd'hui: le français et l'anglais. La société de ce Québec était traditionnelle, médiévale même, il y a à peine cinquante ans; elle devance aujourd'hui la Californie dans certaines expérimentations.