L'Encyclopédie de L'Agora : une vision organique du monde
Il y eut d’abord le mythe, nous rappellent bien des auteurs, étape qui sera oubliée quand viendra la raison et ses preuves de l’existence de Dieu. Regrettable oubli car le mythe, perpétué par la grande poésie, donne vie à Dieu en nous mettant en sa présence :
« Des voix, des voix. Écoute, mon cœur, comme jadis
seuls les saints écoutaient, au point que l’immense appel
les soulevait du sol, mais eux restaient à genoux,
et, incroyables, n’y prenaient même pas garde,
tant ils étaient concentrés dans l’écoute.
Non que tu puisses supporter la voix de Dieu,
il s’en faut. Mais entends ce souffle :
le message incessant que forme le silence.
Une rumeur de ces morts jeunes monte vers toi.
[…]
Est-ce en vain que jadis la première musique
pour pleurer Linos osa forcer la dureté de la matière inerte?
Si bien qu’alors, dans l’espace effrayé,
que, jeune et presque dieu, il quittait pour toujours,
le vide, ébranlé, connut soudain la vibration
qui nous devint extase, réconfort, secours.»
«On va à Dieu par des commencements sans fin», écrit un Père de L’Église. Cette page est notre premier commencement… Une parfaite définition de Dieu par le plus grand des théologiens serait moins à sa place ici que nos balbutiements. Étant les auteurs d’une oeuvre qui comporte déjà mille allusions à Dieu, c’est à nous, cohérence oblige, qu’il appartient d’évoquer le foyer vers lequel convergent ces allusions.
À cette transformation dans le rapport avec la vie correspondait une transformation semblable du rapport avec Dieu. Dieu, hier encore tout-puissant, intervenant de façon imprévisible dans sa création, devenait un Dieu pur et faible d'avoir abandonné sa création à ses propres lois, lois que le progrès de la science et de la technique rendaient de plus en plus manifestes. Nous passions du Dieu de l'humanité enfant à Celui de l'humanité adulte, comme en a témoigné le poète Frédéric Mistral:
Il chante les peuples sevrés
Que l’on entend crier à l’horizon ;
Il chante l’humanité future
Maîtrisant à son gré le monde naturel
Et, devant l’homme souverain,
Dieu, pas à pas se retirant.
Il y a de tout dans l’histoire des reliques, on ne saurait toutefois nier qu’elles témoignent pour les prophètes, les saints et les sages, de la part d’humains de tous les horizons, de cette admiration aimante, naïve, confiante, durable appelée vénération. Quel nom donner à l’admiration actuelle pour les célébrités du sport ? Engouement, cette « admiration vive et subite, et le plus souvent éphémère, pour quelqu'un ou pour quelque chose» ? Le choix entre l’être et faire, l’accomplissement et la performance, est ici en cause. Et ce choix détermine notre rapport aux objets.
Extraits d'une conférence de Gustave Thibon prononcée à un colloque organisé par L'Agora au Centre d'Arts d'Orford, en 1985
Je vais vous dire beaucoup de bien de Victor Hugo. Je pourrais aussi vous en dire beaucoup de mal. Je pourrais l'accabler car il est horriblement polyvalent, horriblement ambigu et, il faut bien le reconnaître, son énorme notoriété est venue, non de ce qu'il avait de meilleur, mais de ce qu'il avait de pire. Mais le vrai Hugo, le Hugo des profondeurs reste méconnu. Il l'avait dit de lui-même: "Ce sera ma destinée d'avoir vécu célèbre et ignoré, je ne suis connu que de l'inconnu".
Dieu
En parlant de Dieu, Hugo nous dit: "Il est l'inaccessible, Il est l'inévitable". Et encore dans ces vers extraordinaires:
"Il (Dieu) dit: Je suis. C'est tout. C'est en bas qu'on dit: j'ai.
L'ombre croît posséder dans vingt songes limés,
Et tient des biens de songe en des doigts de fumée.
Dieu n'a rien étant tout."
Peut-on trouver une définition plus cursive de Dieu? Ce sont là de grands éclairs de la théologie négative. Un Dieu qui est au-delà de toute mesure, au-delà de nos concepts:
"Un Dieu dont l'éblouissement crée en nous la nuit.
Et le plus éclairé est le plus ébloui."
Sur la justice divine
"Lui, l'incommensurable, il n'a pas de compas;
Il ne se venge pas, il ne pardonne pas;
Son baiser éternel ignore la morsure;
Et quand on dit: justice, on suppose mesure.
Il n'est point juste; il est. Qui n'est que juste est peu."
"Ce Dieu, dit-il, aucun nom humain ne lui convient." Nous rejoignons ici la théologie négative. Hugo parlant de Dieu (car il était très profondément croyant, mais il n'était pas catholique, du moins il ne l'était plus) dit que ce qui représente le plus Dieu sur la Terre, c'est le Christ:
"Il est Croix sur la Terre et s'appelle Jésus,
Hors de la Terre, Il est l'innommé. Chaque sphère
Le nomme en frissonnant du nom qu'elle préfère
Mais tous les noms de Dieu sont des flots insensés."
Dieu est aussi en quelque sorte l'évidence de l'impossible qui se présente à nous. Et l'expérience de cet impossible a quelque chose de mortel, une sorte de vertige de l'insondable que tous les mystiques ont éprouvé et que Hugo, qui n'était pas mystique, semble avoir éprouvé. Mais s'il ne l'a pas éprouvé, il l'a exprimé. C'est le domaine du génie de l'expression. "Cette parole en lui à d'autres adressée", comme disait Claudel. J'ai connu une religieuse (que je qualifierais volontiers de sainte, et je suis très avare de ce mot), à qui je lisais des vers de Victor Hugo qu'elle ne connaissait pas sur le vertige de l'insondable, cette sorte de dépersonnalisation qui se produit dans la vie mystique. Elle en était tellement éblouie, ces vers correspondaient tellement à son expérience qu'elle a eu ce mot magnifique: "Mais comment, après avoir écrit cela, comment faisait-il pour ne pas être un saint?" Je lui dis: "Ma Mère, vous savez, il s'en tirait facilement, il ne faisait pas d'efforts, il y arrivait sans mal. C'est tout le problème du génie". Voici quelques-uns de ces vers:
"... On tâche d'abriter sa raison sous sa main.
Je sentis m'agrandir et croître jusqu'au dernier repli
Comme une crue étrange et terrible d'oubli.
Et ce que jusqu'alors j'avais nommé mon âme,
Était je ne sais quoi dont je n'étais plus sûr,
Et qui flottait en moi ..."
On retrouve la même description dans saint Jean de la Croix, qu'il n'avait pas lu: "Pour aller où tu ne sais pas, tu dois passer par où tu ne sais pas"
«On va à Dieu par des commencements sans fin», écrit un Père de L’Église. Cette page est notre premier commencement… Une parfaite définition de Dieu par le plus grand des théologiens serait moins à sa place ici que nos balbutiements. Étant les auteurs d’une oeuvre qui comporte déjà mille allusions à Dieu, c’est à nous, cohérence oblige, qu’il appartient d’évoquer le foyer vers lequel convergent ces allusions.
«L'idée de la mort de Dieu n'apparaît pas, comme on le laisse souvent entendre, à la fin du XlXe siècle, avec Nietzsche. Un siècle auparavant, Hegel avait écrit que "le sentiment sur lequel repose la religion moderne est le sentiment que Dieu même est mort". Ce qui appartient à Nietzsche c'est de l'avoir vraiment compris, avec cete lucidité qui est bien, selon le mot du poète René Char, "la blessure la plus rapprochée du soleil '' et d'en avoir pressenti les conséquences avec une sensibilité dont on ne retrouvera jamais l'équivalent chez ses nombreux héritiers, même les plus doués. «Dieu est mort, et c'est vous et moi, qui l'avons tué». Il y aura suffi de quelques générations de rationalité autarcique, de sécularisation du contenu et du projet de l'histoire, devenue celle d'un mythique progrès de la raison, puis de la science, et de la technique, et de l'humanité partant à la conquête d'un bonheur universel, fruit de ses seuls efforts.» Source
Nous étions amis, nous avions vingt ans, nous avions lu Nietzsche, nous étions implacables. Le conférencier devant nous, sûr de posséder la vérité, plus thomiste que saint Thomas, semblait croire en sa propre infaillibilité. Sortons vite, me dit mon ami : «si un tel homme possède la vérité, je me range définitivement du côté de l’erreur.»
L'ère du soupçon
Ce fut notre entrée dans l’ère du soupçon : désormais pour croire en Dieu, il faudrait aussi croire en l’homme qui en témoigne. On présume que cet homme cesse d’être digne de foi si, par exemple, on a de bonnes raisons de penser qu'un besoin de sécurité affective inavoué le pousse à chercher refuge en Dieu.
Pendant que les sciences humaines nous remplissaient ainsi de soupçons sur l’homme témoignant de la vérité, les sciences physiques nous rendaient sceptiques, nous remplissaient de doutes sur la Vérité elle-même. Au fur et à mesure que les savants progressaient dans leur connaissance de la chaîne des causes, Dieu régressait vers une transcendance si lointaine qu'on pouvait le confondre avec le néant, acquérir la conviction qu'il était vraiment mort.
Le vide ainsi créé fut rempli par l’homme (les candidats déclarés à la succession sont nombreux : les milliardaires, les vedettes de la scène et de la science) et par les œuvres dont l’homme est à la fois l’auteur et le modèle, tels le robot, les fusées, et tous les gadgets réputés à tort intelligents. Autant d’avatars de Dieu aptes à entrer dans un nouvel Olympe n’ayant rien à envier à l’ancien par ses mœurs et ses querelles.
Pendant ce temps disparaissait l’admiration, qu'il faut bien se garder de confondre avec le narcissisme fondant le culte de la vedette. Quant à l’avatar par excellence, le hasard, que la nouvelle science place si facilement à l’origine de tout, il est lui aussi à notre image : il est le parfait reflet de l’indétermination de nos esprits.
Est-ce la fin? Vague après vague, l’Église catholique se brise contre le mur d’une opinion publique de plus en plus hostile aux crimes commis par un trop grand nombre de prêtres pédophiles, partout dans le monde.
Avant d’en conclure que cette crise marque l’agonie d’une histoire de 2000 ans, il faut noter qu’il s’agit là justement d’une histoire : celle du rapport au corps, étroitement reliée à celle de la Grèce antique et de l’Empire romain. Que tant de religieux de cet empire, représentant tant de peuples, aient adhéré à des doctrines et des pratiques ascétiques avec encore plus d’enthousiasme que nous en mettons aujourd’hui à les discréditer, c’est un fait qu’il faut connaître et comprendre ne serait-ce que pour réduire les risques d’en reproduire les excès1 sans avoir tiré des leçons de son existence même.
Je vous propose sur cette histoire quelques questions qui me sont inspirées, est-ce un hasard, par mes lectures de l’été : deux romans historiques de Jean Marcel,, etc.
Jean Marcel
Lu : Hypatie ou la fin des dieux (Leméac 1989) puis Jérôme ou la traduction (Leméac 1990). Ce sont les deux premiers volets du Triptyque des Temps perdus, le troisième étant Sidoine ou la dernière fête.
[…]
La mathématicienne et philosophe Hypatie (360-415) est la dernière étoile dans le ciel de la Grèce antique. Elle est morte sous les coups de moines sortis de leur désert des environs d’Alexandrie pour détruire les derniers vestiges du paganisme, la bibliothèque et Hypatie, qui en fut le dernier témoin illustre. Aux premières pages, j’ai craint un instant d’entendre un autre cri de révolte d’un Québécois de la révolution tranquille.
Il s’agit plutôt d’un regard impartial et érudit jeté sur les deux camps qui s’affrontaient à un moment crucial de l’histoire.
Le rapport avec l’époque actuelle est toutefois manifeste quoique complexe. Quand Jean Marcel déplore la fin des dieux, il semble guidé par le pressentiment que lui inspirera bientôt la fin du Dieu, fin étroitement associée à ce qui ressemble fort à une renaissance du paganisme décadent. Cela dit, Jean Marcel est bien conscient du fait que le monachisme du début de l’ère chrétienne est pour une bonne part une hellénisation du message évangélique, ce qui l’incite à reporter sur la religion naissante son admiration pour la Grèce de Platon et de Plotin. D’où son regard respectueux sur les cénobites et autres fous du Dieu transcendant et pur, auquel aspirent des âmes enfermées dans un corps qu’elles perçoivent comme un tombeau.
L’inflation, un mal multiforme et universel ? Le premier sens que le CNRTL donne au mot est médical : enflure, inflammation. Le ton est donné. On sent déjà l'enflure de l’économie. Suivent bien d’autres sens: inflation verbale, intellectuelle, érotique, religieuse. On allonge la liste spontanément. Quel est le lien entre ces divers sens
[…]
L’inflation du moi
Dans La grenouille et le bœuf de la Fontaine souvent citée à ce propos, les deux vers en noir disent l’essentiel de la fable et de l’inflation généralisée. Les principaux mobiles s’y trouvent : l’envie, mère du ressentiment, le désir d’égalité, qui incitent la grenouille à s’étendre, à s’enfler et à se travailler, bel usage de ce verbe pour désigner les efforts contre nature qu’il faut faire pour aller au-delà de sa nature, au lieu de se limiter à la développer.
Une grenouille vit un Bœuf
Qui lui sembla de belle taille.
Elle qui n'était pas grosse en tout comme un œuf,
Envieuse s'étend et s'enfle, et se travaille
Pour égaler l'animal en grosseur,
Cette éternelle insatisfaction de l’homme n’est-elle pas la cause commune à toutes les formes d’inflation et par suite, n’est-il pas vain de prétendre pouvoir l’éliminer dans un domaine sans la combattre dans tous les autres ? Voici l’ébauche d’un tableau d’ensemble de ces autres formes.
«Depuis qu'en Occident, la religion est séparée de l'État, la question de Dieu n'est plus politique. En apparence, le législateur n'invoque plus l'existence d'un Être suprême pour affirmer l'autorité et la validité de ses lois. La croyance en Dieu est devenue une affaire de conscience personnelle, un acte de foi individuel relevant de la vie privée. Les Églises, comme l'Église catholique au début des années 60 au Québec, ont cessé d'être des puissances temporelles; elles servent le peu de croyants qu'il leur reste, au lieu des princes. Bref, la croyance en Dieu n'est plus ce grand principe ordonnateur qui rassemblait les hommes en leur fournissant un critère absolu pour distinguer le bien du mal. Mais pour vivre en société, peut-on vraiment se dispenser de la référence à un absolu? L'idéal du libéralisme politique, largement partagé aujourd'hui, celui de sociétés autosuffisantes garantissant aux individus la liberté de leurs croyances par un État neutre tirant son autorité du seul suffrage populaire, est-il pensable hors de la question de Dieu?» Voici un aperçu de la réflexion d’Hannah Arendt sur cette question.
Dans un récent ouvrage, A. Comte-Sponville propose d’exposer simplement sa philosophie. Pour ce faire, il avance trois questions comme trois étapes progressives : peut-on se passer de religion ? Dieu existe-t-il ? Quelle spiritualité pour les athées ?
Pascal voulait se soumettre, il se prêchait à lui-même la soumission, cependant qu’il cherchait en gémissant, qu’il cherchait sans trouver, et que le silence éternel des espaces infinis l’effrayait. Sa foi était persuasion, mais non conviction.
Sa foi? Mais à quoi croyait-il? Tout dépend de ce qu’on entend par foi et par croire. « C’est le cœur qui sent Dieu, et non la raison . Voilà ce que c’est que la foi, Dieu sensible au cœur, non à la raison » (278). Ailleurs, il nous parle des « personnes simples qui croient sans raisonner », et il ajoute que « Dieu leur donne l’amour de soi et la haine d’eux-mêmes; il incline leur cœur à croire », et ensuite qu’ «on ne croira jamais d’une créance utile et de foi, si Dieu n’incline le cœur» (284). Créance utile! Nous voilà encore dans le probabilisme et le pari. Utile! Ce n’est pas sans raison qu’ailleurs il écrit : « Si la raison était raisonnable… » (73). Le pauvre mathématicien, roseau pensant, qu’était Pascal, Blaise Pascal, pour qui Jésus a versé telle goutte de son sang en pensant à lui dans son agonie (Le mystère de Jésus, 553), le pauvre Blaise Pascal cherchait une « créance utile » qui le sauvât de sa raison. Et il la cherchait dans la soumission et l’habitude. « Cela vous fera croire et vous abêtira. – Mais c’est ce que je crains! – Et pourquoi? Qu’avez-vous à perdre? » (233). Qu’avez-vous à perdre? Voilà l’argument utilitaire, probabiliste, jésuite, irrationaliste. Le calcul des probabilités n’est que la rationalisation du hasard, de l’irrationnel.
Pascal croyait-il? Il voulait croire. Et la volonté de croire, le will to believe, comme a dit William James, un autre probabiliste, est l’unique foi possible chez un homme qui a l’intelligence des mathématiques, une raison claire et le sens de l’objectivité.
Différents courants théologiques ont pris naissance au cœur même des événements tragiques de la deuxième guerre mondiale ou tout de suite après. Leurs initiateurs ont su esquisser les traits d’un Dieu pathétique, susceptibles d’inspirer les théologiens contemporains dans la construction d’un discours sur Dieu en y assumant ou y interprétant des tragédies comme celles de l’Irak, de l’Afghanistan, du Liban, du Darfour, du Ruanda et de tant d’autres pays oubliés dans ce vaste monde.
[…]
Un Dieu au visage humain
Aux yeux de Rahner, ce ne peut être la métaphysique mais bien l'expérience humaine qui rend accessible à la connaissance un Dieu qui souffre et meurt dans ce qui est autre que lui-même. Le Dieu de l'obscurité, du silence et de l'anonymat est, dans la personne de Jésus expérimenté comme l'amour qui se livre lui-même â la mort (15). Pour sa part, Küng affirme que s'il pouvait se révolter contre un Dieu qui trône au-dessus de toute souffrance dans une béatitude parfaite ou dans l'apathie de sa transcendance, il ne le pourrait pas contre un Dieu qui, dans la souffrance du Christ, a révélé sa propre compassion. Le Dieu d'Israël et de Jésus est, en effet, différent de la divinité lointaine et insensible des philosophies de la Grèce classique. Il est proche et vivant; il est un Dieu au visage d'homme. L'auteur de Etre chrétien situe ses considérations sur le caractère pathétique du visage de Dieu à l'intérieur d'une problématique plus générale des attributs divins. Ainsi, pour Küng, l'éternité divine n'est pas intemporalité platonicienne mais contemporanéité efficiente.. Son immutabilité n'est pas impassibilité mais fidélité essentielle à soi-même, jusque dans l'émotion vivante. Sa colère n'est pas manifestation spontanée de malveillance, mais expression de son opposition au mal (16)
L'Encyclopédie de l’Agora n’est pas une somme des connaissances établie par une myriade de spécialistes sans grandes affinités entre eux. Elle est une œuvre, celle d’un auteur principal entouré d’amis ayant des affinités intellectuelles avec lui et ébauchant séparément leur propre synthèse. [En savoir davantage]
Plus nous avançons sur le chemin de la paix intérieure et de l'intégrité, plus le sens de l'appartenance croît et s'approfondit. Ce n'est pas seulement l'appartenance [...] à une communauté qui est en cause, mais aussi l'appartenance à l'univers, à la terre, à l'eau, à tout ce qui vit, à toute l'humanité.
À l’heure où les astrophysiciens décrivent la farandole des galaxies et la valse des étoiles, la conception dominante de l’univers se réduit au mot Big Bang, évoquant une explosion, comme celle d'Hiroshima. La tradition, et une certaine science depuis peu, nous invitent à lui préférer, métaphore pour métaphore, celle de l'éclosion, associée à celle de l'oeuf cosmique. S'il est incontestable qu'il y eut violence à l'origine, faut-il en conclure que cette violence doit être absurde comme dans une explosion, faut-il exclure qu'il puisse s'agir d'une violence ayant un sens, comme celle de l'éclosion?
«Seule la vie peut donner la vie. L’intelligence peut façonner, mais étant morte, elle ne peut donner une âme. De la vie seulement peut jaillir le vivant.» Goethe, Zahme Xenien
«Est dit éternel ce qui par soi ne peut changer ni vieillir ni périr. Une sublime amitié est éternelle en ce sens qu'elle ne peut être atteinte qu'obliquement et par des événements qui lui sont tout à fait étrangers. L'amour prétend être éternel. Les pensées les plus assurées, comme d'arithmétique et de géométrie, sont éternelles aussi. La durée, au contraire, est essentielle à tout ce qui change et vieillit par soi. L'idée de rassembler tout l'éternel en Dieu est raisonnable, quoique sans preuve à la rigueur, comme au reste tout éternel, amitié, amour, arithmétique.» (Alain, Les dieux et les arts)
«On va à Dieu par des commencements sans fin», écrit un Père de L’Église. Cette page est notre premier commencement… Une parfaite définition de Dieu par le plus grand des théologiens serait moins à sa place ici que nos balbutiements. Étant les auteurs d’une oeuvre qui comporte déjà mille allusions à Dieu, c’est à nous, cohérence oblige, qu’il appartient d’évoquer le foyer vers lequel convergent ces allusions.
L’humanisme est une vision du monde où tout gravite autour de l’homme comme tout gravitait autour de Dieu dans la vision antérieure en Occident. Ainsi défini, l’humanisme est le produit d’une révolution copernicienne inversée: l’homme, auparavant satellite de Dieu, devient l’astre central.
La plante est immobile et choyée. Sa nourriture lui est donnée. Il lui suffit pour l’accueillir de laisser croître ses racines dans la terre et dans le ciel. L’animal doit chercher sa nourriture, et pour cela, il est libre dans ses déplacements. Sans doute est-ce la raison pour laquelle on l’a associé étroitement à l’homme, mais ainsi amputé de sa dimension plante, ce dernier n’allait-il pas s’éloigner de ce qui deviendrait un jour un idéal pour les jeunes et pour les vieux une nécessité i : contempler et à cette fin rester immobile.
Tout dans l’univers, et l’univers lui-même, tend vers le froid uniforme, et un désordre qui n’est rien d’autre que la rupture des liens unissant les éléments constitutifs du vaste ensemble. Dans ce monde qui se défait, les êtres vivants sont des points d’ordre qui contredisent la loi générale. En eux l’énergie, qui se dégrade tout autour, se concentre pour former tantôt une plante qui grimpe, tantôt un animal qui vole, tantôt un animal qui pense... qui aime, qui aime ô merveille! au-delà de ce que l’espèce exige de lui pour assurer sa propre reproduction.
Qu’est-ce que la vérité ? Pourquoi nous donnons-nous tant de mal pour la trouver, la défendre et la répandre ? Tentons d’abord de répondre par le recours le plus simple et le plus spontané à la raison. La vérité c’est la vie, ce qui assure sa persistance et sa croissance : distinguer la plante toxique de la plante nourricière, la vraie beauté, celle qui élève par opposition à celle qui dégrade. La preuve est dans le résultat, dans le degré d’accomplissement des êtres en cause.
En bas de cette échelle, l’élan impétueux de l’animal sauvage bondissant hors de sa cage-piège; en haut un sage ébloui par ses principes, un mystique ravi par son Dieu. Impulsion dans le premier cas, contemplation dans le second. Point de choix en ces extrêmes. «Les instincts des animaux survivent dans l’homme à l’état d’ébauche.» (K.Lorenz). À leur place, un grand vide angoissant. Ce vide est le lieu de naissance de la liberté.
Le mal dont le bien doit triompher en nous pour nous rendre meilleur n’est pas une simple carie dentaire qu’on peut obturer en quelques secondes, mais une infection centrale résistant aux antibiotiques. La vie de celui qui désire vraiment en guérir ressemblera à un chenin de croix ou à la marche d’un Bouddha à recherche de la voie du milieu.
« C'est à coups de tonnerre et de feux d'artifice célestes qu'il faut parler aux sens flasques et endormis. Mais la voix de la beauté parle bas: elle ne s'insinue que dans les âmes les plus éveillées. Doucement mon bouclier a vibré et a ri aujourd'hui : c'était le frisson et le rire sacré de la beauté! » Nietzsche
«Si les citoyens pratiquaient entre eux l'amitié, ils n'auraient nullement besoin de la justice; mais, même en les supposant justes, ils auraient encore besoin de l'amitié.» ARISTOTE, Éthique à Nicomaque
Proche du scepticisme sur le plan intellectuel, la neutralité est aussi proche de l'indifférence sur le plan affectif et de l'indifférentiation sur le plan physiologique.
D’abord la justice et bien commun! Il sera souvent question de la démocratie dans cette synthèse. Trop peut-être, car en ce moment, dans les démocraties occidentales du moins, dont certaines sont en voie de désintégration, on a recours au concept de démocratie lui-même comme critère pour juger de la situation concrète dans les démocraties en cause. Funeste tautologie contre laquelle Aristote nous avait mis en garde.
C'est dans l'indignation devant l'injustice qu'il faut d'abord chercher la voie de la justice. Il faut toutefois au préalable pouvoir distinguer le sentiment authentique et universel d'injustice de l'insatisfaction personnelle qui est à l'origine des revendications.
Quelques regards critiques dans un contexte, celui du progrès technique, où l’approbation inconditionnelle et universelle va de soi, en dépit de cette mise en garde maintes fois formulée : « ce qui est possible devient nécessaire.» Qui donc en ce moment veut et peut s’opposer aux innovations, souvent discutables pourtant, dans le domaine des techniques de reproduction humaine?
Sapere : goûter et savoir. Associer ces deux expériences pour mieux comprendre l’une et l’autre et s’habituer ainsi à distinguer la vraie culture, nourricière, de la fausse, réduite au divertissement. Deux sujets vastes.
La perspective historique la plus longue possible est la voie royale pour préciser le diagnostic et trouver les meilleurs remèdes au mal qui frappe l’éducation.
La caractérologie, une science en plein essor au début du XXème siècle, semble être aujourd’hui en voie d’extinction. Ne serait-ce pas parce que le caractère des personnes a disparu ? Certains maîtres en cette discipline, dont Ludwig Klages, en avaient prédit l’extinction pour cette raison.
Le mot ordinateur a des origines théologiques. Celui qui a proposé de traduire computer par ordinateur, Yves Perret, a justifié son choix en précisant que le mot ordinateur se trouve dans le dictionnaire Littré comme adjectif désignant Dieu en tant qu'Il est celui qui met de l'ordre dans le monde. L'ordinateur ressemble pourtant moins à Dieu qu'à l'homme [...]
Plus un sport est naturel, plus il y a de chances qu'on puisse le pratiquer longtemps, parce qu'on en aura toujours le goût et les moyens. Quel que soit le sport choisi, il ne restera durable que si on le pratique avec mesure, dans le respect de l'ensemble de l'organisme et de chacun des organes et des muscles sollicités, avec en outre le souci de rendre toujours plus harmonieux les rapports de l'âme et du corps.
«C'est par le truchement de l'expression artistique que les valeurs les plus hautes acquièrent une signification éternelle et une force capables d'émouvoir l'humanité. L'art possède la faculté illimitée de transformer l'âme humaine — faculté que les Grecs appelaient psychagogia. Seul, en effet, il dispose des deux éléments essentiels à l'influence éducative: une signification universelle et un appel immédiat. Parce qu'il combine ces deux moyens susceptibles de faire autorité sur l'esprit, il surpasse à la fois la réflexion philosophique et la vie réelle.» Werner Jaeger, Paideia: la formation de l'homme grec
Faire acte de science c’est échapper à la contrainte sous toute ses formes : préjugés personnels, conformisme, tradition, pression sociale, financière, opinion majoritaire, y compris celle des pairs. Serait-ce la raison pour laquelle la science a fleuri dans la Grèce antique puis dans l’Europe moderne. Et n’est-ce pas en raison de l’oubli de cette règle qu’elle tombée en disgrâce dans la Russie stalinienne et les États-Unis de Donald Trump ?
L'attente active, celle qui consiste à soumettre à la critique les réponses imparfaites, Socrate l'appelait philosophie, mot qui signifie amour (philein ) de la sagesse (sophia). Cet amour s’accomplit à deux conditions : la rigueur dans la pensée et le souci de la purification dans la vie personnelle.
Quelques regards critiques dans un contexte, celui du progrès technique, où l’approbation inconditionnelle et universelle va de soi, en dépit de cette mise en garde maintes fois formulée : « ce qui est possible devient nécessaire.» Qui donc en ce moment veut et peut s’opposer aux innovations, souvent discutables pourtant, dans le domaine des techniques de reproduction humaine?
Le mot ordinateur a des origines théologiques. Celui qui a proposé de traduire computer par ordinateur, Yves Perret, a justifié son choix en précisant que le mot ordinateur se trouve dans le dictionnaire Littré comme adjectif désignant Dieu en tant qu'Il est celui qui met de l'ordre dans le monde. L'ordinateur ressemble pourtant moins à Dieu qu'à l'homme [...]
Selon Marguerite Yourcenar, Marc Aurèle,le sage Marc-Aurèle, le divin Marc, est le Romain de l’antiquité dont il subsiste le plus de sculptures. Preuve qu’il a été le plus admiré, aimé. S’il est vrai que la qualité d’un amour se mesure à la beauté, à la variété et au nombre des œuvres d’art qu’il a inspirées, le christianisme est une prodigieuse histoire d’amour.
Ce catholicisme qui nous a faits ! Plusieurs sont d’avis qu'il nous a défaits à la fois politiquement et psychologiquement. Depuis 1960, ils ont eu toutes les tribunes dont ils pouvaient rêver pour exposer leurs regrets et leurs doléances. Dans cette synthèse, nous voulons donner la parole à ceux qui, sans avoir renoncé à leur esprit critique, veulent bien reconnaître que le catholicisme nous a aussi faits… un peu, a contribué à notre épanouissement et à notre accomplissement, en tant que peuple comme en tant qu’individus. Même si elle ne devait être qu’un dernier adieu reconnaissant, cette synthèse est nécessaire [...]
Le Québec est un microcosme. Se trouve-t-il un seul groupe humain sur la planète auquel il ne ressemble pas par quelque côté?
On y parle les deux langues qui ont le plus contribué à faire le monde tel qu'il est aujourd'hui: le français et l'anglais. La société de ce Québec était traditionnelle, médiévale même, il y a à peine cinquante ans; elle devance aujourd'hui la Californie dans certaines expérimentations.