L'Encyclopédie de L'Agora : une vision organique du monde
Qu’est-ce que la vérité ? Pourquoi nous donnons-nous tant de mal pour la trouver, la défendre et la répandre ? Tentons d’abord de répondre par le recours le plus simple et le plus spontané à la raison. La vérité c’est la vie, ce qui assure sa persistance et sa croissance : distinguer la plante toxique de la plante nourricière, la vraie beauté, celle qui élève par opposition à celle qui dégrade. La preuve est dans le résultat, dans le degré d’accomplissement des êtres en cause. La vérité c’est aussi la voie à suivre, la méthode (odos, chemin) pour repérer les êtres suprêmement accomplis appelés à devenir les modèles et les maîtres…Ressemblance étonnante entre cette réponse de la raison et cette parole du Christ : « Je suis le chemin, la vérité et la vie.»
À compléter par cette pensée de Gustave Thibon :
« La vérité est une agonie qui n’en finit pas. La vérité est du côté de la mort » (Céline). — « Le mensonge est nécessaire à la vie : nous allons prier le mensonge comme notre dernier dieu » (Nietzsche). — Mais l’illusion est-elle mensonge ou pressentiment d’une vérité que voile et contredit la réalité de ce monde ? Choix transcendantal entre le vrai entrevu en rêve et le réel dont l’obscène évidence aveugle les yeux éveillés. Etymologie du mot « réel » : res, chose. La chose, congel de l’Être que n’irrigue plus le courant de l’amour et du mystère. Et la mort comme dégel...
(L’Illusion féconde, Fayard, Paris 1995, p.130)
Toute vérité n’est pas bonne à dire...et quand la dire…et à qui? Cet art de bien servir la vérité, le plus précieux peut-être de tous les arts, suppose la plus fine des inspirations. ‘est pourquoi les Grecs l’associaient à un dieu.
Kairos est le dieu de l'occasion opportune, du right time, par opposition à Chronos qui est le dieu du time. Il est souvent représenté comme un jeune homme ayant une épaisse touffe de cheveux à l'avant d'une tête chauve à l'arrière; il s'agissait de le "saisir par les cheveux" lorsqu'il passait...toujours vite. Le Larousse encyclopédique le définit «comme une allégorie de l'occasion favorable souvent représenté sous forme d'un éphèbe aux talons et aux épaules ailés.» Plusieurs auteurs utilisent le mot kairos comme substantif pour désigner l'aptitude à saisir l'occasion opportune. Ce terme est utilisé en philosophie, en théologie, en psychologie et en pédagogie. On l'emploie aussi dans les sciences de l'administration.
[…]
«S'il n'y a qu'une façon de faire le bien, il est bien des manières de le manquer. L'une d'elles consiste à faire trop tôt ou trop tard ce qu'il eût fallu faire plus tard ou plus tôt. Les Grecs ont un nom pour désigner cette coïncidence de l'action humaine et du temps, qui fait que le temps est propice et l'action bonne: c'est le Kairos, l'occasion favorable, le temps opportun.»
[…]
Dans un commentaire sur Pindare, Gilbert Romeyer Dherbey, souligne le caractère divin du kairos. «Le kairos, écrit-il, est un don, et le don est un kairos; l'intervention du dieu dans le sort des mortels en modifie la temporalité, et l'on comprend dès lors que l'un des sens de kairos ait désigné le moment fugace où tout se décide, où la durée prend un cours favorable à nos voeux. (...) L'irruption soudaine du kairos, c'est-à-dire d'un temps visité par le dieu, se marque en général chez Pindare, par l'apparition de la lumière. (...) Lorsque l'orage a bien enténébré la terre, soudain le vent faiblit, la pluie s'arrête, la nue s'entrouve - et c'est l'embellie, une clairière de lumière soudain, dans un lieu de désolation. L'homme a senti le passage du dieu, et tel est le kairos. (...) Le kairos est une seconde d'éternité. »
«L'exact pris pour le vrai! la plus grande méprise.» (Hugo)
Exact : elle est morte à vingt ans. Vrai : elle a été tranchée dans sa fleur.
L'un des titres de gloire du philosophe Martin Heidegger est d'avoir dévoilé le vrai au-delà de l'exact. Avait-il lu ces vers de Hugo? Les mathématiques chez les Grecs et jusqu'à la Renaissance avaient servi, par leur application dans l'art, à réconcilier l'homme avec le monde sensible. Elles étaient centrées sur la géométrie euclidienne et caractérisées par la proportion. Le nombre d'or en était la parfaite illustration. La mathématique dont parle ici Hugo est caractérisée par le chiffre et s'appuie sur l'algèbre. Instrument de domination du monde, «elle prend la dimension de l'énigme en dehors.» Si on ne peut pas comprendre la science actuelle sans connaître le calcul intégral et différentiel, peut-on comprendre le monde et l'humanité qui en est résulté sans avoir médité ces pages de Hugo?
Veritas et vita. On associe trop étroitement s la vérité à l’analyse et à la logique, là où il est le plus facile de l’identifier, mais un mot qui ne porte pas en lui la vie de la chose, qui la réduit à sa fonction, un mot mort donc est un mensonge, le pire peut-être par ce qu’en plus de trahir telle ou telle réalité vivante, il désenchante et refroidit le monde. Hors de la poésie, de la métaphore qui porte la vie, point de vérité entière!
James Hillman, psychanalyste américain disciple de Jung, n’aurait-il pas raison? Si nous en sommes là dans nos rapports avec les mots, ne serait-ce pas parce que nous les avons d’abord désanimés? «Dans la linguistique structurale moderne, les mots n'ont pas de sens intime, car aucun d'entre eux n'échappe au destin que lui assigne l'analyse: être réduit à une unité quasi mathématique... Faut-il s'étonner qu'il y ait une crise de confiance, puisque nous n'osons plus nous abandonner aux mots en tant que porteurs de sens! »
Donner la vie c'est transmettre une certaine information génétique. Quand l'enfant est né, il faut poursuivre le processus d'information sur un autre plan en communiquant à cet être humain, d'abord le goût de la vie et ensuite, des raisons de vivre. Nous sommes à un tournant de l'histoire où l'on fait d'étonnants et d'inquiétants progrès dans le contrôle et la manipulation de l'information génétique. On pourra bientôt traiter certains gènes à l'intérieur de l'embryon. On peut déjà y repérer les gènes défectueux.
Au moment même où l'on accomplit de tels progrès dans la maîtrise de l'information génétique, on semble perdre peu à peu la maîtrise de l'information culturelle. À mesure que s'accroît la compétence dans un domaine, l'incompétence devient plus manifeste dans l'autre. Ceux qui jouent à Dieu dans la reproduction parviennent de plus en plus difficilement à jouer leur rôle d'hommes dans l’éducation.
[…]
Nous disions qu'informer a d'abord signifié donner la vie pour ensuite signifier transmettre des connaissances. Dans le sillage du second sens, le savoir scientifique s'est développé et répandu facilement, mais l'art de transmettre la vie par des images et des mots s'est en partie perdu. Le psychologue James Hillman estime que c'est dans cette perte qu'il faut d'abord chercher la cause des maux de la psyché contemporaine
Ainsi donc, la métaphore qui est au centre de la philosophie klagésienne de la connaissance est celle de l’enfantement. L’âme accouche de l’événement qui s’est déposé en elle, inachevé.
Le sentiment d’étrangeté que nous éprouvons en face d’une telle théorie commence à se dissiper dès lors que nous nous tournons vers des formes de rapport au monde ou à la vie qui sont de la plus haute importance pour nous, mais dont les théories de la connaissance les plus accréditées, toutes fondées sur la saisie intellectuelle, sont incapables de rendre compte. Voici le chat qui, au premier beau jour du printemps, va se percher à l’endroit précis, la clôture de votre jardin par exemple, d’où il pourra vous briser le coeur par son abandon à la joie de vivre. Un rayon de soleil tombant sur un tableau, un meuble, un plat de fruits peut avoir le même effet sur nous; un coucher de soleil et un visage aimé à plus forte raison. Que seraient nos existences sans ces petites extases que nous vivons comme autant de miracles au coeur de notre vie quotidienne? N’avons-nous pas dans ces moments le sentiment que s’opère une fusion entre notre âme et le monde, au terme de laquelle l’événement, qui ne nous était que présenté devient, enfanté par notre âme, une présence? Il existe, précise Klages, un lien polaire entre l’événement et l’âme, lesquels sont attirés l’un vers l’autre comme l’oiseau migrateur est attiré par son aire de nidification.
L'homme et la machine, l'homme et l'animal. Voici deux domaines où trop de mots sont des pièges plutôt que des phares. Il faut d'abord sortir des pièges pour accéder à la lumière des phares. Quelqu'un, un jour, sans autre raison que le plaisir d'utiliser une métaphore frappante, appliqua le mot intelligence à l'une de ces machines de Turing qui font si vite certaines opérations mécaniques qu'elles donnent l'impression de penser. Le mot intelligence se charge alors d'un sens nouveau que l'on tend à confondre avec le sens premier. Pour préciser la nature de cette faute de logique, Raymond Tallis, l'un des pionniers des neurosciences, utilise l'expression thinking by transferred epithet, que je traduis par « penser par mots transfuges »
Dessillement
Les situations dans lesquelles nous avons la certitude de toucher la vérité ont une chose en commun: le dessillement. C'est ce qui se passe en nous quand nous nous rendons à l'évidence que tel proche nous a trahi, que tel talent nous fait défaut ou quand nous devons renoncer à une hypothèse que nous avions mis des années à construire. Nous nous désaveuglons alors, comme on disait en vieux français. Nos yeux se dessillent.
L'origine du verbe dessiller constitue une merveilleuse allégorie pour rendre compte des conditions d'accès à la vérité. Dans la fauconnerie, on était souvent obligé, pour pouvoir le dresser, de coudre les paupières de l'oiseau de proie, de les ciller; il fallait ensuite les de-ciller. Nous naissons les paupières cillées. Nous nous élevons vers la sagesse si nous accueillons bien les événements, le plus souvent douloureux, qui de-cillent nos yeux.
La vérité, comme l'inspiration, est reçue. Il faut l'attendre, l'accueillir, non la chercher. Quand nous la cherchons, nous nous projetons en elle. La satisfaction de l’avoir trouvée nous prive de la purification d’en être pénétré. Elle n’est pas là où nous la cherchons, mais là où nous refusons de la voir.
Un jeune nietzschéen sans pitié dit un jour d'un conférencier dogmatique : «si un tel homme possède la vérité, je me range définitivement du côté de l'erreur.» Le conférencier poussait en effet un peu trop loin l'assurance dans la possession de la vérité. «Il manque de probité,» ajoutait le jeune nietzschéen. Il voulait dire par là que, emporté au-delà de lui même dans son explicitation de la vérité, il n'éprouvait nullement le besoin d'explorer les mobiles qui l'incitaient à chercher telle vérité de telle manière. Ainsi définie, la probité serait donc cette vertu qui consiste à toujours associer activement le souci de la connaissance de soi à celui de la connaissance du monde. Voici un vieillard qui fait l'éloge de la chasteté avec une ardeur suspecte. On devrait convenir qu'il manque de probité si l'on avait à l'esprit le mot de La Rochefoucauld: «Nous nous flattons de la créance que nous quittons nos vices quand ce sont nos vices qui nous quittent.» On pourrait dire aussi de la probité qu'elle consiste à ne rien affirmer qu'une analyse subtile de nos mobiles pourrait réfuter.
Probité est l'un des mots qui semblaient attendre une précision qui le distinguerait d'honnêteté, d'intégrité, n'est-ce pas une raison suffisante pour lui donner en français le sens que Nietzche donne au mot Redlichkeit. Quelqu'un de par le vaste monde savant, a jugé utille de consacrer une thèse de doctorat à cette question, ce qui lui a donné l'occasion de préciser la dette de Nietzsche à l'endroit des grands moralistes français : Montaigne, La Rochefoucauld, Pascal... ainsi que de distinguer la conscience intellectuelle, de la conscience morale, la véracité, de la probité
"Il faut reconnaître que, si cette illusion d'amour-propre a de grands inconvénients, si elle fausse notre jugement critique, non seulement sur nous-mêmes, mais sur les autres, si elle nous entraîne à des estimations fausses, elle a, en contre-partie, de grands avantages. « L'illusion qui accompagne l'homme au cours de la vie, dit M. Cornetz, est une condition nécessaire d'existence, un produit précieux de l'instinct vital. » L'homme qui se surestime est aussi celui qui est capable de se surmonter. Il est nécessaire, au grand jeu de la vie, d’avoir confiance en soi-même. Si l'on ne s'estimait qu'à sa juste valeur, on ne s'estimerait pas assez. Si l'on ne s'accordait pas une force supérieure à sa force réelle, on n'oserait jamais entreprendre l'impossible : or il n'y a peut-être que l'impossible qui soit digne d'être entrepris. Au pur point de vue pratique, si le but à atteindre n'était pas embelli par l'illusion, se mettrait-on jamais en marche? Il est bon qu'après un échec l'homme puisse se dire, en toute naïveté : « J'aurais pu agir autrement. »
illusion féconde. Titre paradoxal sous la plume d'un homme qui n'a jamais cessé de dénoncer la stérilité de l'illusion.
Mais qu'est-ce qu'une illusion? Existe-t-il en ce monde un seul bien, depuis les objets matériels jusqu'aux choses de l'âme et de l'esprit, que notre désir et notre attente ne colorent pas des prestiges de l'imaginaire?
" L'illusion, disait Claudel, est le pressentiment de ce qui est à travers ce qui n'est pas. " Et là réside sa fécondité, à condition de traverser ce qui n'est pas pour rejoindre ce qui est. Les inévitables désillusions de la vie terrestre agissent comme une meule qui, suivant la trempe de l'âme, émousse ce pressentiment jusqu'au néant ou l'aiguise jusqu'à l'éternel. D'où le devoir de purifier l'espérance jusqu'à l'attente de ce Bien suprême en qui notre âme prostituée aux idoles retrouve son innocence première et, selon le mot du poète, " descend, réveillée, l'autre côté du rêve ".
G.T)
Les progrès récents (Chatgbt 2002) en intelligence artificielle ajoute à la pertinence de cet article écrit vers 2000, tout en nous rappelant que l’illusion de penser n’a pas attendu les robots savants pour se manifester.
Cette appropriation souvent inconsciente de la pensée d'autrui se fait d'ailleurs de bien des façons qu'il faut savoir distinguer. On pourrait étaler les techniques utilisées le long d'un subtil dégradé qui irait progressivement (1) du plagiat au sens strict relativement peu fréquent malgré tout (2) aux camouflages recourant à des techniques assez grossières (mots remplacés par des synonymes, lignes sautées ou inversées, passage de l’actif au passif ou vice-versa.… puis (3) aux camouflages recourant à des techniques plus sophistiquées comme la modification plus travaillée de phrases finissant par constituer un texte dont l'essentiel (la structure)est emprunté, à l'insu du lecteur et enfin (4) aux textes parasites qui reprennent d'un auteur l'essentiel de son langage en parvenant à faire sonner des phrases très sensiblement comme celles de cet auteur dont la notoriété garantit alors crédibilité et succès à ce qui se rattache à sa pensée. Cette dernière pratique, à laquelle un étudiant n'accède généralement qu'à la suite d'un long apprentissage, permet de s'installer à demeure dans l'écriture savante à ceux qui, sans pouvoir dans leur écrits adopter un style personnel, trouvent un peu puériles les techniques de collage évoquées plus haut. Bien rares en tout cas seront les étudiants appelés à rédiger des travaux a qui échapperont à toutes ces formes d'appropriation de la pensée d'autrui, tant il est vrai que notre système d'éducation tend à valoriser et non pas à décourager ces emprunts camouflés.
S'il fallait en effet renoncer à ces pratiques, dont la vanité ne me paraît pas faire de doute, ce serait toute une conception de la vie académique qui s'effondrerait aussitôt, car il faudrait qu'à tous les niveaux les écrits se réduisent à n'être que l'expression de la pensée effective de leurs auteurs. Les écoliers devraient manifester leur précocité scientifique autrement qu'en réalisant d'impressionnantes recherches sur les dinosaures; les étudiants devraient dans leurs travaux n'utiliser qu'un langage qu'ils maîtrisent pour ne parler que de ce qu'ils connaissent, au risque, dans bien des cas, de se sentir un peu a l'étroit; bien des auteurs devraient réduire considérablement le rythme de leurs publications pour s'en tenir à celles qui, dans leur ensemble, apportent vraiment des éléments nouveaux. Le sacrifice serait grand, on le voit, et je doute fort que notre société soit prête y consentir; je n'en crois pas moins cependant que la revalorisation de la fonction de chercheur qu'on a tellement prise à partie ces derniers temps, doit passer par une affirmation des exigences véritables de la recherche et de l'écriture qui ne va pas sans la mise à nu de ces succédanés de la recherche fondés sur le plagiat inconscient qui ont permis de mettre à la portée de tous l'enivrante illusion de penser.»
Premièrement, il serait absurde, souligne Hannah Arendt,, de prétendre que la vérité doit prévaloir en toutes choses, dût la communauté en périr. L’action politique est ce par quoi nous cherchons « à établir ou à sauvegarder les conditions de la recherche de la vérité ». Comme substitut à des moyens plus violents, le mensonge peut s’avérer, à certaines occasions, le moyen le moins dévastateur de préserver les havres de paix nécessaires à la poursuite de la vérité. De plus, comme Chateaubriand l’avait fait dans son Génie du christianisme, Arendt constate qu’aucune des grandes religions, le zoroastrisme excepté, ne catalogue le mensonge parmi les péchés mortels.
Pendant longtemps, les philosophes ne s’occupaient guère des mensonges manipulateurs en politique mais plutôt de la difficile coexistence entre ceux qui consacrent leur vie à la vérité et à la sphère politique. Arendt va même jusqu’à soutenir que les mensonges ont commencé en fait à devenir scandaleux sous l’influence de la morale puritaine, dont l’apparition a coïncidé avec celle de la science qui suppose la confiance en « l’absolue sincérité de tous.
L'Encyclopédie de l’Agora n’est pas une somme des connaissances établie par une myriade de spécialistes sans grandes affinités entre eux. Elle est une œuvre, celle d’un auteur principal entouré d’amis ayant des affinités intellectuelles avec lui et ébauchant séparément leur propre synthèse. [En savoir davantage]
Plus nous avançons sur le chemin de la paix intérieure et de l'intégrité, plus le sens de l'appartenance croît et s'approfondit. Ce n'est pas seulement l'appartenance [...] à une communauté qui est en cause, mais aussi l'appartenance à l'univers, à la terre, à l'eau, à tout ce qui vit, à toute l'humanité.
À l’heure où les astrophysiciens décrivent la farandole des galaxies et la valse des étoiles, la conception dominante de l’univers se réduit au mot Big Bang, évoquant une explosion, comme celle d'Hiroshima. La tradition, et une certaine science depuis peu, nous invitent à lui préférer, métaphore pour métaphore, celle de l'éclosion, associée à celle de l'oeuf cosmique. S'il est incontestable qu'il y eut violence à l'origine, faut-il en conclure que cette violence doit être absurde comme dans une explosion, faut-il exclure qu'il puisse s'agir d'une violence ayant un sens, comme celle de l'éclosion?
«Seule la vie peut donner la vie. L’intelligence peut façonner, mais étant morte, elle ne peut donner une âme. De la vie seulement peut jaillir le vivant.» Goethe, Zahme Xenien
«Est dit éternel ce qui par soi ne peut changer ni vieillir ni périr. Une sublime amitié est éternelle en ce sens qu'elle ne peut être atteinte qu'obliquement et par des événements qui lui sont tout à fait étrangers. L'amour prétend être éternel. Les pensées les plus assurées, comme d'arithmétique et de géométrie, sont éternelles aussi. La durée, au contraire, est essentielle à tout ce qui change et vieillit par soi. L'idée de rassembler tout l'éternel en Dieu est raisonnable, quoique sans preuve à la rigueur, comme au reste tout éternel, amitié, amour, arithmétique.» (Alain, Les dieux et les arts)
«On va à Dieu par des commencements sans fin», écrit un Père de L’Église. Cette page est notre premier commencement… Une parfaite définition de Dieu par le plus grand des théologiens serait moins à sa place ici que nos balbutiements. Étant les auteurs d’une oeuvre qui comporte déjà mille allusions à Dieu, c’est à nous, cohérence oblige, qu’il appartient d’évoquer le foyer vers lequel convergent ces allusions.
L’humanisme est une vision du monde où tout gravite autour de l’homme comme tout gravitait autour de Dieu dans la vision antérieure en Occident. Ainsi défini, l’humanisme est le produit d’une révolution copernicienne inversée: l’homme, auparavant satellite de Dieu, devient l’astre central.
La plante est immobile et choyée. Sa nourriture lui est donnée. Il lui suffit pour l’accueillir de laisser croître ses racines dans la terre et dans le ciel. L’animal doit chercher sa nourriture, et pour cela, il est libre dans ses déplacements. Sans doute est-ce la raison pour laquelle on l’a associé étroitement à l’homme, mais ainsi amputé de sa dimension plante, ce dernier n’allait-il pas s’éloigner de ce qui deviendrait un jour un idéal pour les jeunes et pour les vieux une nécessité i : contempler et à cette fin rester immobile.
Tout dans l’univers, et l’univers lui-même, tend vers le froid uniforme, et un désordre qui n’est rien d’autre que la rupture des liens unissant les éléments constitutifs du vaste ensemble. Dans ce monde qui se défait, les êtres vivants sont des points d’ordre qui contredisent la loi générale. En eux l’énergie, qui se dégrade tout autour, se concentre pour former tantôt une plante qui grimpe, tantôt un animal qui vole, tantôt un animal qui pense... qui aime, qui aime ô merveille! au-delà de ce que l’espèce exige de lui pour assurer sa propre reproduction.
Qu’est-ce que la vérité ? Pourquoi nous donnons-nous tant de mal pour la trouver, la défendre et la répandre ? Tentons d’abord de répondre par le recours le plus simple et le plus spontané à la raison. La vérité c’est la vie, ce qui assure sa persistance et sa croissance : distinguer la plante toxique de la plante nourricière, la vraie beauté, celle qui élève par opposition à celle qui dégrade. La preuve est dans le résultat, dans le degré d’accomplissement des êtres en cause.
En bas de cette échelle, l’élan impétueux de l’animal sauvage bondissant hors de sa cage-piège; en haut un sage ébloui par ses principes, un mystique ravi par son Dieu. Impulsion dans le premier cas, contemplation dans le second. Point de choix en ces extrêmes. «Les instincts des animaux survivent dans l’homme à l’état d’ébauche.» (K.Lorenz). À leur place, un grand vide angoissant. Ce vide est le lieu de naissance de la liberté.
Le mal dont le bien doit triompher en nous pour nous rendre meilleur n’est pas une simple carie dentaire qu’on peut obturer en quelques secondes, mais une infection centrale résistant aux antibiotiques. La vie de celui qui désire vraiment en guérir ressemblera à un chenin de croix ou à la marche d’un Bouddha à recherche de la voie du milieu.
« C'est à coups de tonnerre et de feux d'artifice célestes qu'il faut parler aux sens flasques et endormis. Mais la voix de la beauté parle bas: elle ne s'insinue que dans les âmes les plus éveillées. Doucement mon bouclier a vibré et a ri aujourd'hui : c'était le frisson et le rire sacré de la beauté! » Nietzsche
«Si les citoyens pratiquaient entre eux l'amitié, ils n'auraient nullement besoin de la justice; mais, même en les supposant justes, ils auraient encore besoin de l'amitié.» ARISTOTE, Éthique à Nicomaque
Proche du scepticisme sur le plan intellectuel, la neutralité est aussi proche de l'indifférence sur le plan affectif et de l'indifférentiation sur le plan physiologique.
D’abord la justice et bien commun! Il sera souvent question de la démocratie dans cette synthèse. Trop peut-être, car en ce moment, dans les démocraties occidentales du moins, dont certaines sont en voie de désintégration, on a recours au concept de démocratie lui-même comme critère pour juger de la situation concrète dans les démocraties en cause. Funeste tautologie contre laquelle Aristote nous avait mis en garde.
C'est dans l'indignation devant l'injustice qu'il faut d'abord chercher la voie de la justice. Il faut toutefois au préalable pouvoir distinguer le sentiment authentique et universel d'injustice de l'insatisfaction personnelle qui est à l'origine des revendications.
Quelques regards critiques dans un contexte, celui du progrès technique, où l’approbation inconditionnelle et universelle va de soi, en dépit de cette mise en garde maintes fois formulée : « ce qui est possible devient nécessaire.» Qui donc en ce moment veut et peut s’opposer aux innovations, souvent discutables pourtant, dans le domaine des techniques de reproduction humaine?
Sapere : goûter et savoir. Associer ces deux expériences pour mieux comprendre l’une et l’autre et s’habituer ainsi à distinguer la vraie culture, nourricière, de la fausse, réduite au divertissement. Deux sujets vastes.
La perspective historique la plus longue possible est la voie royale pour préciser le diagnostic et trouver les meilleurs remèdes au mal qui frappe l’éducation.
La caractérologie, une science en plein essor au début du XXème siècle, semble être aujourd’hui en voie d’extinction. Ne serait-ce pas parce que le caractère des personnes a disparu ? Certains maîtres en cette discipline, dont Ludwig Klages, en avaient prédit l’extinction pour cette raison.
Le mot ordinateur a des origines théologiques. Celui qui a proposé de traduire computer par ordinateur, Yves Perret, a justifié son choix en précisant que le mot ordinateur se trouve dans le dictionnaire Littré comme adjectif désignant Dieu en tant qu'Il est celui qui met de l'ordre dans le monde. L'ordinateur ressemble pourtant moins à Dieu qu'à l'homme [...]
Plus un sport est naturel, plus il y a de chances qu'on puisse le pratiquer longtemps, parce qu'on en aura toujours le goût et les moyens. Quel que soit le sport choisi, il ne restera durable que si on le pratique avec mesure, dans le respect de l'ensemble de l'organisme et de chacun des organes et des muscles sollicités, avec en outre le souci de rendre toujours plus harmonieux les rapports de l'âme et du corps.
«C'est par le truchement de l'expression artistique que les valeurs les plus hautes acquièrent une signification éternelle et une force capables d'émouvoir l'humanité. L'art possède la faculté illimitée de transformer l'âme humaine — faculté que les Grecs appelaient psychagogia. Seul, en effet, il dispose des deux éléments essentiels à l'influence éducative: une signification universelle et un appel immédiat. Parce qu'il combine ces deux moyens susceptibles de faire autorité sur l'esprit, il surpasse à la fois la réflexion philosophique et la vie réelle.» Werner Jaeger, Paideia: la formation de l'homme grec
Faire acte de science c’est échapper à la contrainte sous toute ses formes : préjugés personnels, conformisme, tradition, pression sociale, financière, opinion majoritaire, y compris celle des pairs. Serait-ce la raison pour laquelle la science a fleuri dans la Grèce antique puis dans l’Europe moderne. Et n’est-ce pas en raison de l’oubli de cette règle qu’elle tombée en disgrâce dans la Russie stalinienne et les États-Unis de Donald Trump ?
L'attente active, celle qui consiste à soumettre à la critique les réponses imparfaites, Socrate l'appelait philosophie, mot qui signifie amour (philein ) de la sagesse (sophia). Cet amour s’accomplit à deux conditions : la rigueur dans la pensée et le souci de la purification dans la vie personnelle.
Quelques regards critiques dans un contexte, celui du progrès technique, où l’approbation inconditionnelle et universelle va de soi, en dépit de cette mise en garde maintes fois formulée : « ce qui est possible devient nécessaire.» Qui donc en ce moment veut et peut s’opposer aux innovations, souvent discutables pourtant, dans le domaine des techniques de reproduction humaine?
Le mot ordinateur a des origines théologiques. Celui qui a proposé de traduire computer par ordinateur, Yves Perret, a justifié son choix en précisant que le mot ordinateur se trouve dans le dictionnaire Littré comme adjectif désignant Dieu en tant qu'Il est celui qui met de l'ordre dans le monde. L'ordinateur ressemble pourtant moins à Dieu qu'à l'homme [...]
Selon Marguerite Yourcenar, Marc Aurèle,le sage Marc-Aurèle, le divin Marc, est le Romain de l’antiquité dont il subsiste le plus de sculptures. Preuve qu’il a été le plus admiré, aimé. S’il est vrai que la qualité d’un amour se mesure à la beauté, à la variété et au nombre des œuvres d’art qu’il a inspirées, le christianisme est une prodigieuse histoire d’amour.
Ce catholicisme qui nous a faits ! Plusieurs sont d’avis qu'il nous a défaits à la fois politiquement et psychologiquement. Depuis 1960, ils ont eu toutes les tribunes dont ils pouvaient rêver pour exposer leurs regrets et leurs doléances. Dans cette synthèse, nous voulons donner la parole à ceux qui, sans avoir renoncé à leur esprit critique, veulent bien reconnaître que le catholicisme nous a aussi faits… un peu, a contribué à notre épanouissement et à notre accomplissement, en tant que peuple comme en tant qu’individus. Même si elle ne devait être qu’un dernier adieu reconnaissant, cette synthèse est nécessaire [...]
Le Québec est un microcosme. Se trouve-t-il un seul groupe humain sur la planète auquel il ne ressemble pas par quelque côté?
On y parle les deux langues qui ont le plus contribué à faire le monde tel qu'il est aujourd'hui: le français et l'anglais. La société de ce Québec était traditionnelle, médiévale même, il y a à peine cinquante ans; elle devance aujourd'hui la Californie dans certaines expérimentations.