L'Encyclopédie de L'Agora : une vision organique du monde
Existe-t-il une meilleure définition de la philosophie que ce poème de Heine, Questions, qui nous en fait vivre l'expérience tout en nous aidant à la comprendre. On y trouve le doute socratique, les grandes questions de Kant et cet univers qui était musique, chanson pour les anciens, et qui devint silence pour les modernes.
Près de la mer, la mer nocturne et déserte,
Un jeune homme est debout,
Le coeur plein de chagrin, l'esprit plein de doute;
Sombre et triste, il interroge les flots:
«Oh! expliquez-moi l'énigme de la vie,
L'antique et douloureuse énigme,
Sur laquelle tant d'hommes se sont penchés:
Savants à calottes hiéroglyphiques,
Magiciens en turban et barrettes noires,
Têtes coiffées de perruques et mille autres
Pauvres fronts humains baignés de sueur.
Dites-moi, la vie humaine a-t-elle un sens?
D'où vient l'homme? Où va-t-il?
Qui habite là-haut dans les étoiles d'or?»
Les flots murmurent leur éternelle chanson,
Le vent souffle, et les nuages s'enfuient,
Les étoiles scintillent, indifférentes et froides,
Et un fou attend une réponse.»
L'attente active, celle qui consiste à soumettre à la critique les réponses imparfaites, Socrate l'appelait philosophie, mot qui signifie amour (philein ) de la sagesse (sophia).
Cet amour s’accomplit à deux conditions : la rigueur dans la pensée et le souci de la purification dans la vie personnelle. Nous regardons d’abord le monde à travers une vitre sale, sale de nos préjugés, de nos illusions, de nos mensonges, de nos passions. «Nous voyons alors ce que nous pensons au lieu de penser ce que nous voyons.» (Bergson) À force d’attention, de rigueur, nous pouvons laver un peu la vitre, mais ce nettoyage se limite à la face intérieure; la face extérieure ne peut être nettoyée que par les douloureux détachements auxquels les grandes expériences de notre vie nous invitent. «Pauvres fronts humains baignés de sueur.»
Urgence de la philosophie en tant que lieu d'exercice du jugement. Élaguer, élaguer encore pour transmettre l'essentiel. D'une génération à l'autre nous devons transmettre l'essentiel, ce qui a valeur de survie. Comment le faire alors que s'accroît sans limites, aussi bien le nombre d'auteurs que le nombre de médias mis à leur disposition, alors qu'il faut puiser dans toutes les cultures, alors que le souci de se dire soi-même dans son inachèvement est plus apprécié que le souci de dire l'achèvement en s'effaçant devant les maîtres? En aiguisant son jugement et en bravant l'esprit du temps qui en discrédite l'exercice, le possible de la technique devenant nécessaire avant toute discussion.
Dans le domaine technique le possible devient aussitôt nécessaire. Les ordinateurs et les magnétoscopes sont dans nos vies, mais nous ne les avons pas choisis, pas plus que nous n'avions choisi la fécondation in vitro, la télévision, l'avion, ou les transplantations d'organe. Pas question d'exercer son jugement au passage. Il n'y a pas de passage. Le jugement, s'il en reste, il faut l'utiliser pour s'adapter aux situations nouvelles créées par les innovations techniques.
Bilan de nos vies dans ces conditions: les neuf-dixièmes de notre temps passé à galoper derrière la technique, le reste à consommer de la médecine, du spectacle et de l'ésotérisme afin de pouvoir s'adapter au prochain changement. Il y a là quelque chose d'humiliant pour tout homme qui, en dépit d'un tel traitement, s'estime encore doué d'âme ou simplement de raison. Quant au philosophe, qui fait profession de juger et d'aider les gens à le faire, il ne sort pas seulement humilié de cette épreuve, il n'en sort pas du tout, il est nié par elle. À quoi en effet pourrait servir un spécialiste du jugement dans un monde où tous les choix importants sont faits avant que ne commencent les discussions?
Voyant ce qui se passait, de nombreux professeurs de philosophie, la majorité peut-être, se sont effacés d'eux-mêmes, en tant qu'experts en jugement, pour se consacrer à l'étude du fonctionnement de la science et de la technique. Ils se présentent comme spécialistes de la philosophie des sciences et des techniques. N'allez surtout pas leur demander une opinion éclairée sur une question épineuse comme l'avortement ou les manipulations génétiques. Ils vous répondront que ce n'est pas plus de leur ressort que du vôtre. À vous de juger de leur utilité dans la société.
Veni creator. Voici un texte, datant du IXème siècle, sur lequel on a greffé une musique grégorienne probablement antérieure. S’agit-il d’un poème, d’un chant, d’une prière, de l’ultime synthèse ? Qu’importe ! Cet appel est une réponse de tout premier ordre à la question des questions. S’il y a au fond de nous le germe d’une plante éternelle, il ne peut croître que si les vœux formulés dans le texte sont exaucés. Cette hymne n’est pas seulement une réponse théorique, elle a, de par sa beauté, le pouvoir de nous élever jusqu’à la Source :
Source vive, feu, charité
Les trois parties de l’âme de Platon et de bien d’autres philosophes y sont évoquées :
Allume en nous ta lumière,
Emplis d'amour nos cœurs,
Affermis toujours de ta force
La faiblesse de notre corps.
On trouvera des éléments de réponses dans chacune de nos synthèses ainsi que dans nos dossiers sur les grands philosophes. En voici quelques autres.
La consolation de la philososphie, texte complet au format PDF.
Ce passage est le prolongement de la conclusion d'une étude de Gilbert Romeyer Dherbey intitulée La causalité désorientée, la querelle du hasard entre Aristote et les mécanistes présocratiques: « Les Seconds analytiques distinguent deux sortes de nécessité: l'une est conforme à la nature et à la tendance; l'autre agit par violence. Or une nature que l'on conçoit comme non finalisée, comme celle du mécanisme ,transforme la cause motrice en contrainte; cette dernière agit par force (Bia) et pour ainsi dire à contre-pente. Avec l'intervention de la cause finale, la cause motrice va dans le sens de ce que demande la nature de l'être qu'elle meut; elle ne lui fait pas violence mais agit en quelque sorte droit fil. La causalité motrice orientée par la fin n'est alors plus un simple enchaînement: ce terme d'ailleurs dit bien la contrainte du lien extérieur du mécanisme qui agit sans laisser l'être être ce qu'il est.
Les mécanistes ne connaissent que la vis à tergo, la poussée d'un corps contre un autre. La cause finale est une vis a fronte, une attraction qui, en même temps qu'elle meut oriente et dirige. Aristote substitue la douceur de l'attirance à la violence de la contrainte: n'est-ce pas là précisément la leçon que donne à l'homme le dieu de Métaphysique L qui ne meut n qu'ws eromenon, qu'en tant qu'il est aimé?5» «La causalité matérielle-motrice du mécanisme, si on ne lui adjoint pas la causalité formelle-finale, n'est qu'une causalité désorientée; une causalité qui tâtonne et ne poursuit sa marche qu'au hasard. Cette nécessité là jamais n'abolira le hasard, parce que sa cause est sans pourquoi, elle agit parce qu'elle agit, bêtement. Privée de finalité, elle agit en vain, comme le prouve, au yeux d'Aristote, le nom même d'automaton, ce qui agit «par soi-même en vain» (auto matn).
Notons bien que l'introduction du second couple de causes ne supprime pas le premier; ainsi le déterminisme se trouve parfaitement sauvegardé. Les causes formelle-finale, réduites à elles seules, seraient vides, mais les causes matérielle-motrice, réduites à elles seules seraient aveugles. Les quatre causes sont donc nécessaires. Elles sont cependant hiérarchisées: ''Il semble bien que la première cause est celle que nous nommons en vue de quoi. En effet, elle est raison, et la raison est ce qui commande.'' »
C'est ainsi que, pour Hadot, la philosophie est un ensemble d'exercices spirituels parce qu'elle est d'abord le choix d’un mode de vie. De ce point de vue, la philosophie ne saurait se réduire ni à un discours savant ni au privilège d'une culture particulière, car les attitudes existentielles et les exercices spirituels expérimentés par les Grecs se retrouvent dans toutes les cultures et à toutes les époques. Si l'exercice spirituel est «une pratique volontaire, personnelle, destinée à opérer une transformation de soi» [17] l'activité philosophique par excellence est alors une conversion de l’attitude naturelle qui conduit à un changement radical dans la manière d'être et de percevoir le monde [18]. En somme, la perspective adoptée par Hadot et l’actualisation de la philosophie antique qu'il nous propose héritent d’une approche proprement cosmique.
Mais saint Augustin est un saint théologien exceptionnel en un autre sens encore. Son œuvre est immense. Il a écrit des centaines de sermons, de nombreux et brillants commentaires de l’Écriture sainte, des dizaines de traités contre les hérésies (le manichéisme, l’arianisme, le donatisme, le pélagianisme, le priscillianisme, et j’arrête là, parce qu’il y en a trop, et saint Augustin a lutté toute sa vie contre ce qui pullulait à l’époque et causait des problèmes politiques graves), des traités sur toutes les questions théologiques essentielles : sur la Trinité (son De Trinitate est un livre qui me fascine), sur la liberté humaine face à la toute-puissance divine, sur le jeu entre la politique et la foi, sur le péché originel, sur le jeu entre la philosophie et la théologie, et sur plusieurs questions morales, comme le célibat et la mort et le mensonge (mon sujet préféré). Il est aussi l’auteur d’une règle dite de saint Augustin, dont s’inspirent des dizaines de communautés religieuses. Saint Augustin est un docteur commun tous azimuts, si vous me permettez l’expression.
Je ne signale qu’un exemple de la réflexion puissante et essentielle de saint Augustin. Et je le fais en résumant en une seule phrase un livre de centaines de pages, soit son De la cité de Dieu. « Deux amours ont donc bâti deux cités : l’amour de soi jusqu’au mépris de Dieu, la cité de la Terre, l’amour de Dieu jusqu’au mépris de soi, la cité céleste. » Et même je la dirai en latin ; « Fecerunt itaque civitates duas amores duo, terrenam scilicet amor sui usque ad comtemptum dei, cælestem uero amor dei usque ad comptemtum sui. »
«Devant l’homme souverain, Dieu pas à pas se retirant.» Ce vers du poète Frédéric Mistral résume bien cette modernité à laquelle Charles Taylor a consacré l’essentiel de ses travaux. Au Québec, Dieu s’est retiré tardivement, mais à la course.
La souveraineté de l’homme, chaque individu devait un jour rêver de se l’approprier. Les droits de l’homme étaient à l’origine ceux qui découlent de la nature humaine; ils sont vite devenus des droits subjectifs, mes droits. D’où la montée de l’individualisme qui, selon Taylor, est la première caractéristique de la modernité, un individualisme qui, avec le temps s’est accentué au point de dégénérer en « narcissisme », selon Christopher Lasch, ou encore en une inculture emportée par le « relativisme », selon Allan Bloom. Narcisse dit : tout à moi! Le relativiste, appelons-le Protagoras en souvenir d’un sophiste célèbre, dit : tout selon moi…«Je suis la mesure de toute chose.»
Dans un tel contexte, la recherche du bien commun et le consensus sur des valeurs fondamentales sont choses impossibles et l’État en est réduit à son rôle procédural.
Jusqu’à quel point Taylor a-t-il été marqué par Aristote, pour qui la vertu se trouve dans le juste milieu, le courage, par exemple, se situant sur une crête, entre deux versants dont l’un est la témérité et l’autre la lâcheté? Sur la question de l’individualisme comme sur toutes les autres questions vives, le nationalisme, la communauté, etc., la position de Taylor sera celle du juste milieu, lequel peut être la formule de la médiocrité, si l’on s’y laisse tomber nonchalamment, plutôt que de s’efforcer de s’élever avec passion jusqu’à la crête d’où l’on domine les deux excès opposés. Si Charles Taylor a eu des lecteurs attentifs de la qualité de Paul Ricoeur, de Guy Laforest, de Philippe de Lara, de Philip Resnick, c’est qu’on a reconnu en lui un homme des crêtes et non un homme des sombres vallées.
Élections fédérales 2019. Les commentaires entendus à la radio et à la télévision de Radio-Canada portent surtout, sinon exclusivement, sur les stratégies de communication des divers partis, la stratégie de Donald Trump servant souvent de point de comparaison. Ce n’est donc pas la réflexion sur le bien commun qui domine dans les débats, mais l’analyse des opérations de manipulation de l’opinion, en vue d’en mesurer l’efficacité. Cette obsession pour la mise en marché du politique est un effet secondaire de la pensée libérale du type que Rawls a popularisé… Remise à jour, la tradition philosophique québécoise pourrait nous protéger contre cette dérive formaliste.
La pensée politique Occidentale est marquée par l’éclatement. Divers courants s’affrontent, socialisme et libéralisme, nationalisme et universalisme, progressisme et conservatisme. Chacun d’eux promeut sa propre vision de la légitimité et du cadre politique. De nos jours, les débats politiques se radicalisent, et opposent le plus souvent les partisans du peuple et de la démocratie aux partisans des élites intellectuels et du droit. L’intellectualisme se fait de plus en plus abstrait, le populisme, lui, verse souvent dans une naïveté simpliste. L’éclatement de la philosophie est corrélatif d’un éclatement de la société. Dans notre régime mixte, le petit nombre, les élites économiques et intellectuelles, ne semblent pas capables d’effectuer une véritable médiation entre l’un, le pouvoir exécutif, et le grand nombre, la population.
Pourtant, les sociétés et les États-nations continuent d’exister. Ce qu’il nous manque, c’est une pensée capable de discerner les médiations, les relations. Il est donc nécessaire de penser le politique dans ce qui lui reste d’unité, et de penser la pluralité sans réductionnisme. Le politique est par essence l’unité d’une pluralité. Par conséquent, une véritable pensée politique ne peut être que dialectique, dialogique. Les pensées politiques capables d’une telle entreprise sont rares. L’une d’elle se trouve juste sous notre nez. Je parle ici du néo-thomisme québécois, un courant philosophique du XXe siècle qui a assez peu rayonné hors du Québec de son vivant, et qui, depuis sa mort, a été enfoui dans un oubli presque complet. Les oeuvres de Louis Lachance (1899-1963), Charles De Koninck (1906-1965), Félicien Rousseau (1919-2008) et Martin Blais (1924-2018), pour nommer quelques-uns des penseurs les plus importants de ce courant, sont en bonne partie épuisées. Au mieux, elles sont rééditées de façon très limitée, et sans susciter beaucoup de réaction. Elles constituent pourtant une authentique philosophie québécoise.La philosophie québécoise est évidemment bien modeste, en comparaison des philosophies grecque, allemande, française ou anglaise, chinoise ou indienne, voire, russe ou américaine. Il ne faudrait toutefois pas en sous-estimer la qualité ni l’originalité. Il se trouve en effet que nos penseurs nationaux ont mené une réflexion approfondie sur la philosophie juridique et politique de Thomas d’Aquin, un aspect de sa philosophie qui a souvent été négligé par les grands penseurs thomistes, pour la plupart spécialisés sur les recherches métaphysiques et théologiques, certes les parties les plus importantes de la pensée du docteur angélique.
On propose ici une recherche portant sur le jugement, dans l'optique de la distinction entre jugements analytiques et jugements synthétiques. Kant ne fut pas le premier à s'y intéresser, mais sa division tripartite entre jugements analytiques, synthétiques a posteriori et synthétiques a priori prétend à plus d'acuité que les habituelles oppositions duales entre jugements identiques ou non identiques (Leibniz), ou entre jugements qui reposent sur la logique et jugements empiriques (Hume). Néanmoins, Kant doit présupposer le jugement pour distinguer les jugements analytiques et les jugements synthétiques (a priori ou a posteriori), ce qu'il fait ouvertement au coeur même de la déduction transcendantale. Ainsi, sa nouvelle définition de l'essence du jugement est une proposition analytique (qui ne devrait rien pouvoir dire) réclamant une synthèse (elle qui se place ainsi sur le même pied que les jugements synthétiques a priori). Kant aurait pu se laisser arrêter par l'absurdité apparente de la présence du jugement analytique au centre de la démonstration de la possibilité de la connaissance synthétique a priori.
Sans vouloir "grammaticaliser" Kant ou en faire un philosophe du langage avant la lettre, on peut soutenir qu'il reconnaît le caractère indicible des relations sémantiques. N'étant justement pas un philosophe du langage, ce sont les choses en soi qu'il perçoit comme indicibles et non pas le jugement, qu'il définit comme l'acte de ramener la diversité des connaissances données (intuitions ou déjà concepts) à l'unité objective de l'aperception, au moyen d'une synthèse sans laquelle il ne saurait y avoir de jugement analytique: "Avant toute analyse de nos représentations, celles-ci doivent d'abord être données et aucun concept ne peut être formé analytiquement quant à son contenu... la synthèse est cependant ce qui proprement rassemble les éléments pour constituer les connaissances, et les réunit en un certain contenu." (1)
Quine a pu douter que la manière dont Kant décrit le rapport entre concepts dans le jugement analytique soit autre chose qu'une …
L'Encyclopédie de l’Agora n’est pas une somme des connaissances établie par une myriade de spécialistes sans grandes affinités entre eux. Elle est une œuvre, celle d’un auteur principal entouré d’amis ayant des affinités intellectuelles avec lui et ébauchant séparément leur propre synthèse. [En savoir davantage]
Plus nous avançons sur le chemin de la paix intérieure et de l'intégrité, plus le sens de l'appartenance croît et s'approfondit. Ce n'est pas seulement l'appartenance [...] à une communauté qui est en cause, mais aussi l'appartenance à l'univers, à la terre, à l'eau, à tout ce qui vit, à toute l'humanité.
À l’heure où les astrophysiciens décrivent la farandole des galaxies et la valse des étoiles, la conception dominante de l’univers se réduit au mot Big Bang, évoquant une explosion, comme celle d'Hiroshima. La tradition, et une certaine science depuis peu, nous invitent à lui préférer, métaphore pour métaphore, celle de l'éclosion, associée à celle de l'oeuf cosmique. S'il est incontestable qu'il y eut violence à l'origine, faut-il en conclure que cette violence doit être absurde comme dans une explosion, faut-il exclure qu'il puisse s'agir d'une violence ayant un sens, comme celle de l'éclosion?
«Seule la vie peut donner la vie. L’intelligence peut façonner, mais étant morte, elle ne peut donner une âme. De la vie seulement peut jaillir le vivant.» Goethe, Zahme Xenien
«Est dit éternel ce qui par soi ne peut changer ni vieillir ni périr. Une sublime amitié est éternelle en ce sens qu'elle ne peut être atteinte qu'obliquement et par des événements qui lui sont tout à fait étrangers. L'amour prétend être éternel. Les pensées les plus assurées, comme d'arithmétique et de géométrie, sont éternelles aussi. La durée, au contraire, est essentielle à tout ce qui change et vieillit par soi. L'idée de rassembler tout l'éternel en Dieu est raisonnable, quoique sans preuve à la rigueur, comme au reste tout éternel, amitié, amour, arithmétique.» (Alain, Les dieux et les arts)
«On va à Dieu par des commencements sans fin», écrit un Père de L’Église. Cette page est notre premier commencement… Une parfaite définition de Dieu par le plus grand des théologiens serait moins à sa place ici que nos balbutiements. Étant les auteurs d’une oeuvre qui comporte déjà mille allusions à Dieu, c’est à nous, cohérence oblige, qu’il appartient d’évoquer le foyer vers lequel convergent ces allusions.
L’humanisme est une vision du monde où tout gravite autour de l’homme comme tout gravitait autour de Dieu dans la vision antérieure en Occident. Ainsi défini, l’humanisme est le produit d’une révolution copernicienne inversée: l’homme, auparavant satellite de Dieu, devient l’astre central.
La plante est immobile et choyée. Sa nourriture lui est donnée. Il lui suffit pour l’accueillir de laisser croître ses racines dans la terre et dans le ciel. L’animal doit chercher sa nourriture, et pour cela, il est libre dans ses déplacements. Sans doute est-ce la raison pour laquelle on l’a associé étroitement à l’homme, mais ainsi amputé de sa dimension plante, ce dernier n’allait-il pas s’éloigner de ce qui deviendrait un jour un idéal pour les jeunes et pour les vieux une nécessité i : contempler et à cette fin rester immobile.
Tout dans l’univers, et l’univers lui-même, tend vers le froid uniforme, et un désordre qui n’est rien d’autre que la rupture des liens unissant les éléments constitutifs du vaste ensemble. Dans ce monde qui se défait, les êtres vivants sont des points d’ordre qui contredisent la loi générale. En eux l’énergie, qui se dégrade tout autour, se concentre pour former tantôt une plante qui grimpe, tantôt un animal qui vole, tantôt un animal qui pense... qui aime, qui aime ô merveille! au-delà de ce que l’espèce exige de lui pour assurer sa propre reproduction.
Qu’est-ce que la vérité ? Pourquoi nous donnons-nous tant de mal pour la trouver, la défendre et la répandre ? Tentons d’abord de répondre par le recours le plus simple et le plus spontané à la raison. La vérité c’est la vie, ce qui assure sa persistance et sa croissance : distinguer la plante toxique de la plante nourricière, la vraie beauté, celle qui élève par opposition à celle qui dégrade. La preuve est dans le résultat, dans le degré d’accomplissement des êtres en cause.
En bas de cette échelle, l’élan impétueux de l’animal sauvage bondissant hors de sa cage-piège; en haut un sage ébloui par ses principes, un mystique ravi par son Dieu. Impulsion dans le premier cas, contemplation dans le second. Point de choix en ces extrêmes. «Les instincts des animaux survivent dans l’homme à l’état d’ébauche.» (K.Lorenz). À leur place, un grand vide angoissant. Ce vide est le lieu de naissance de la liberté.
Le mal dont le bien doit triompher en nous pour nous rendre meilleur n’est pas une simple carie dentaire qu’on peut obturer en quelques secondes, mais une infection centrale résistant aux antibiotiques. La vie de celui qui désire vraiment en guérir ressemblera à un chenin de croix ou à la marche d’un Bouddha à recherche de la voie du milieu.
« C'est à coups de tonnerre et de feux d'artifice célestes qu'il faut parler aux sens flasques et endormis. Mais la voix de la beauté parle bas: elle ne s'insinue que dans les âmes les plus éveillées. Doucement mon bouclier a vibré et a ri aujourd'hui : c'était le frisson et le rire sacré de la beauté! » Nietzsche
«Si les citoyens pratiquaient entre eux l'amitié, ils n'auraient nullement besoin de la justice; mais, même en les supposant justes, ils auraient encore besoin de l'amitié.» ARISTOTE, Éthique à Nicomaque
Proche du scepticisme sur le plan intellectuel, la neutralité est aussi proche de l'indifférence sur le plan affectif et de l'indifférentiation sur le plan physiologique.
D’abord la justice et bien commun! Il sera souvent question de la démocratie dans cette synthèse. Trop peut-être, car en ce moment, dans les démocraties occidentales du moins, dont certaines sont en voie de désintégration, on a recours au concept de démocratie lui-même comme critère pour juger de la situation concrète dans les démocraties en cause. Funeste tautologie contre laquelle Aristote nous avait mis en garde.
C'est dans l'indignation devant l'injustice qu'il faut d'abord chercher la voie de la justice. Il faut toutefois au préalable pouvoir distinguer le sentiment authentique et universel d'injustice de l'insatisfaction personnelle qui est à l'origine des revendications.
Quelques regards critiques dans un contexte, celui du progrès technique, où l’approbation inconditionnelle et universelle va de soi, en dépit de cette mise en garde maintes fois formulée : « ce qui est possible devient nécessaire.» Qui donc en ce moment veut et peut s’opposer aux innovations, souvent discutables pourtant, dans le domaine des techniques de reproduction humaine?
Sapere : goûter et savoir. Associer ces deux expériences pour mieux comprendre l’une et l’autre et s’habituer ainsi à distinguer la vraie culture, nourricière, de la fausse, réduite au divertissement. Deux sujets vastes.
La perspective historique la plus longue possible est la voie royale pour préciser le diagnostic et trouver les meilleurs remèdes au mal qui frappe l’éducation.
La caractérologie, une science en plein essor au début du XXème siècle, semble être aujourd’hui en voie d’extinction. Ne serait-ce pas parce que le caractère des personnes a disparu ? Certains maîtres en cette discipline, dont Ludwig Klages, en avaient prédit l’extinction pour cette raison.
Le mot ordinateur a des origines théologiques. Celui qui a proposé de traduire computer par ordinateur, Yves Perret, a justifié son choix en précisant que le mot ordinateur se trouve dans le dictionnaire Littré comme adjectif désignant Dieu en tant qu'Il est celui qui met de l'ordre dans le monde. L'ordinateur ressemble pourtant moins à Dieu qu'à l'homme [...]
Plus un sport est naturel, plus il y a de chances qu'on puisse le pratiquer longtemps, parce qu'on en aura toujours le goût et les moyens. Quel que soit le sport choisi, il ne restera durable que si on le pratique avec mesure, dans le respect de l'ensemble de l'organisme et de chacun des organes et des muscles sollicités, avec en outre le souci de rendre toujours plus harmonieux les rapports de l'âme et du corps.
«C'est par le truchement de l'expression artistique que les valeurs les plus hautes acquièrent une signification éternelle et une force capables d'émouvoir l'humanité. L'art possède la faculté illimitée de transformer l'âme humaine — faculté que les Grecs appelaient psychagogia. Seul, en effet, il dispose des deux éléments essentiels à l'influence éducative: une signification universelle et un appel immédiat. Parce qu'il combine ces deux moyens susceptibles de faire autorité sur l'esprit, il surpasse à la fois la réflexion philosophique et la vie réelle.» Werner Jaeger, Paideia: la formation de l'homme grec
Faire acte de science c’est échapper à la contrainte sous toute ses formes : préjugés personnels, conformisme, tradition, pression sociale, financière, opinion majoritaire, y compris celle des pairs. Serait-ce la raison pour laquelle la science a fleuri dans la Grèce antique puis dans l’Europe moderne. Et n’est-ce pas en raison de l’oubli de cette règle qu’elle tombée en disgrâce dans la Russie stalinienne et les États-Unis de Donald Trump ?
L'attente active, celle qui consiste à soumettre à la critique les réponses imparfaites, Socrate l'appelait philosophie, mot qui signifie amour (philein ) de la sagesse (sophia). Cet amour s’accomplit à deux conditions : la rigueur dans la pensée et le souci de la purification dans la vie personnelle.
Quelques regards critiques dans un contexte, celui du progrès technique, où l’approbation inconditionnelle et universelle va de soi, en dépit de cette mise en garde maintes fois formulée : « ce qui est possible devient nécessaire.» Qui donc en ce moment veut et peut s’opposer aux innovations, souvent discutables pourtant, dans le domaine des techniques de reproduction humaine?
Le mot ordinateur a des origines théologiques. Celui qui a proposé de traduire computer par ordinateur, Yves Perret, a justifié son choix en précisant que le mot ordinateur se trouve dans le dictionnaire Littré comme adjectif désignant Dieu en tant qu'Il est celui qui met de l'ordre dans le monde. L'ordinateur ressemble pourtant moins à Dieu qu'à l'homme [...]
Selon Marguerite Yourcenar, Marc Aurèle,le sage Marc-Aurèle, le divin Marc, est le Romain de l’antiquité dont il subsiste le plus de sculptures. Preuve qu’il a été le plus admiré, aimé. S’il est vrai que la qualité d’un amour se mesure à la beauté, à la variété et au nombre des œuvres d’art qu’il a inspirées, le christianisme est une prodigieuse histoire d’amour.
Ce catholicisme qui nous a faits ! Plusieurs sont d’avis qu'il nous a défaits à la fois politiquement et psychologiquement. Depuis 1960, ils ont eu toutes les tribunes dont ils pouvaient rêver pour exposer leurs regrets et leurs doléances. Dans cette synthèse, nous voulons donner la parole à ceux qui, sans avoir renoncé à leur esprit critique, veulent bien reconnaître que le catholicisme nous a aussi faits… un peu, a contribué à notre épanouissement et à notre accomplissement, en tant que peuple comme en tant qu’individus. Même si elle ne devait être qu’un dernier adieu reconnaissant, cette synthèse est nécessaire [...]
Le Québec est un microcosme. Se trouve-t-il un seul groupe humain sur la planète auquel il ne ressemble pas par quelque côté?
On y parle les deux langues qui ont le plus contribué à faire le monde tel qu'il est aujourd'hui: le français et l'anglais. La société de ce Québec était traditionnelle, médiévale même, il y a à peine cinquante ans; elle devance aujourd'hui la Californie dans certaines expérimentations.