L'Encyclopédie de L'Agora : une vision organique du monde
Un acte, vraiment ? Et libre ?
«Reportons-nous au moment, presque solennel, dans notre vie, où tout d'un coup la différence radicale nous est apparue entre les fautes dans nos devoirs d'orthographe et les fautes dans nos devoirs d'arithmétique. Pour les premières nous devions ne nous en prendre qu'à un manque de mémoire; car nous ne savions pas, et nous ne pouvons jamais dire, pourquoi un souci de correction exige que le son "fame" soit transcrit comme "flemme" et non comme "flamme". En revanche pour les secondes on nous fait honte, ou plus exactement, on nous apprend à nous faire honte, de la défaillance de notre réflexion; on nous invite à nous redresser nous-mêmes. Notre juge, ce n'est plus l'impératif d'une contrainte sociale, la fantaisie inexplicable d'où dérivent les règles du "comme il faut" et du "comme il ne faut pas", c'est une puissance qui, en nous comme en autrui, se développe pour le discernement de l'erreur et de la vérité.» LÉON BRUNSCHVICG, Héritage de mots, Héritage d'idées, Presses universitaires de France, Paris 1945, p. 2-3.)
Faire acte de science c’est échapper à la contrainte sous toute ses formes : préjugés personnels, conformisme, tradition, pression sociale, financière, opinion majoritaire, y compris celle des pairs. Serait-ce la raison pour laquelle la science a fleuri dans la Grèce antique puis dans l’Europe moderne. Et n’est-ce pas en raison de l’oubli de cette règle qu’elle tombée en disgrâce dans la Russie stalinienne et les États-Unis de Donald Trump de 2016 à 2020 ?
Gardons-nous toutefois de faire de l’état de la science un baromètre des libertés en général. Elle peut aussi concourir à l’asservissement des peuples. Ce que Descartes avait compris : fort de ses connaissances en optique, n’a-t-il pas proposé au roi d'impressionner le peuple au moyen d'arcs-en-ciel artificiels qui paraîtraient naturels.
Héritage de mots, héritages d'idées, Livre complet au format PDF.
Le dialogue en effet a toujours été associé au savoir, sauf pendant l'ère industrielle. C'est un dialogue ininterrompu entre les générations qui a assuré la conservation et le lent progrès du savoir empirique. Dialogue des artisans entre eux, dialogue des artisans avec leurs clients. Tous les paysans des sociétés traditionnelles auront eu leur petit mot à dire sur la façon de fabriquer le fer à cheval le mieux adapté à leur sol et à leurs bêtes. En devenant abstraite, méthodique, au début de l'ère moderne, la science a progressé plus rapidement, mais au prix d'une division des tâches entre les détenteurs du savoir, peu nombreux, et la multitude des exécutants. Pendant que les premiers poursuivaient le dialogue entre eux, les seconds, qu'on appela prolétaires, étaient occupés jusqu'à l'épuisement par des tâches qui ne laissaient aucune place à la participation au savoir.
Telle fut la science conquérante qui fit la révolution industrielle. Si elle n'a eu besoin que d'exécutants, elle a cependant créé des problèmes dont la solution exigera des partenaires. Il est des situations, les catastrophes naturelles par exemple, où le salut de tous exige la participation de chacun. La conjoncture planétaire actuelle, caractérisée par des atteintes à l'environnement aggravées par les contraintes de la mondialisation, ressemble à ces situations extrêmes. La nécessité et l'utilité de la participation de chacun au salut de tous y sont manifestes. Dans ces conditions, rien ne devrait empêcher la science de susciter une adhésion générale et enthousiaste, du moins si elle demeure intimement unie à la conscience qu'imposent les circonstances.
D'où l'intérêt, dans ce contexte, de l'émergence d'une science que nous appellerons réparatrice pour la distinguer de la science conquérante des siècles antérieurs.
Le Novum organum scientiarum, qui a pour second titre: Sive indicia vera de interpretatione naturœ, est un traité sur la méthode par laquelle on doit arriver à la connaissance de la vérité dans les sciences. Bacon y établit, comme moyen unique, l'induction par opposition au syllogisme et à l'autorité. En parlant d'un célèbre physicien du même nom, Roger Bacon, qui appartient au moyen âge, nous avons vu que presque tous ses ouvrages étaient déjà dirigés contre l'autorité d'Aristote, et, en général, contre toute autorité perpétuelle d'après laquelle on aurait dû se guider. François Bacon établit les mêmes principes, mais d'une manière plus philosophique, plus détaillée et plus claire. Il montra que, dans les sciences positives, telles que les sciences naturelles, ce n'était que des faits qu'on pouvait partir: que toutes les vérités générales n'y devaient être que le résultat de la comparaison des faits particuliers; et, bien loin de renverser ainsi la philosophie d'Aristote, il rétablissait au contraire la véritable philosophie physique telle que ce grand homme l’avait produite; il ne détruisait que l'abus qu'on avait fait de sa dialectique dans les ouvrages de philosophie scolastique: aussi bientôt cette méthode fut-elle adoptée universellement.
Mais si Bacon sut bien l'établir, il fut moins heureux dans son application. Il procéda encore par voie de compilation, et ne s'appuya pas toujours sur l'expérience. Ainsi, dans son histoire des vents, il pose convenablement toutes les questions relatives à ce sujet, mais il les résout d'après des opinions recueillies dans toutes sortes d'auteurs. Il agit de même dans son traité intitulé: De historia vitæ et mortis; les faits qui se rapportent à la longévité de l'homme et des autres êtres, animaux ou plantes, y sont rassemblés de toutes parts; il y en a peu qui lui soient propres; encore une grande partie de ceux-ci est-elle gâtée et altérée par l'incertitude qui règne sur les témoignages dont il s'est servi.
À Carson city hier soir, sous les applaudissements d'une foule délirante, Donald Trump a brandi la menace suprême : si vous élisez Joe Biden, la science va passer au pouvoir.
Le président est fou mais le sentiment anti science a été construit savamment pendant les années qui ont précédé son entrée sur la piste. Juste avant la réélection d’Obama, en 2011, Paul Krugman, désemparé avait déjà avoué son désarroi et son inquiétude dans un article paru dans le New York Times : « Aujourd’hui, nous ne savons pas qui va gagner l'élection présidentielle de l'an prochain. Mais les chances sont que l'une de ces années, le plus grand pays du monde va se trouver gouverné par un parti qui est agressivement anti-science, anti-savoir. Et, dans un moment de graves difficultés – environnementales, économiques, et autres – c’est une perspective terrifiante. »
«Comment une démocratie peut-elle fonctionner, sinon de plus en plus à vide, quand le citoyen est disqualifié par l'expert. »
Ces propos d'Edgar Morin rejoignent ceux du physicien Jean-Marc Lévy-Leblond: «Comme l'alphabétisation littéraire a été la clef de la démocratisation politique, l'alphabétisation scientifique est la clef de la démocratisation technologique. Il n'y a pas de progrès de la liberté qui ne passe par un progrès de la culture.» (La Recherche, juin 1984) C'est dans cet esprit que L'Agora aimerait vous proposer un voyage dans l'univers de la science. Pour garder notre sens critique en alerte nous aurons besoin de quelques instruments.
Trois métaphores, celles du stréréoscope, du grand angulaire et de la chaîne d'arpenteur, nous aident à acquérir l'esprit critique face à trois grandes illusions.
Guy Debord savait-il qu'il faisait écho à Spengler quand dans La société du spectacle il écrivait : « Le spectacle n'est pas un ensemble d'images, mais un rapport social entre des personnes médiatisées par des images » (Guy Debord, La société du spectacle, Buchet/Chastel, Paris, 1972, p. 10).
C'est Descartes lui-même qui a été le premier théoricien de ce rapport social. À la fin de sa célèbre explication de l'arc-en-ciel, il écrit : « Et ceci me fait souvenir d'une invention pour faire paraître des signes dans le ciel, qui pourraient causer grande admiration à ceux qui en ignoreraient les raisons ». Suivent une série de conseils techniques indiquant la façon de produire un spectacle propre à assurer la gloire de son inventeur, de même que celle du prince qui lui paie une pension. Au moyen de fontaines disposées en série et savamment construites où couleraient des huiles et des alcools à la place de l'eau, « on pourra faire, précise Descartes, que ce qui paraîtra coloré ait la figure d'une croix ou d'une colonne, ou de quelque autre chose qui donne sujet à l'admiration ». Mais à quoi bon, ajoute le philosophe, se donner la peine de produire un spectacle aussi ingénieux si l'on ne peut pas l'offrir à tout un peuple? « Mais j'avoue qu'il y faudrait de l'adresse et de la dépense, afin de proportionner des fontaines, et faire que les liqueurs y sautassent si haut, que ces figures pussent être vues de fort loin par tout en peuple, sans que l'artifice s'en découvrît » (Oeuvres et lettres de Descartes , Paris, La Pléiade, 1958, pp. 243- 244).
Au début du XXe siècle, le mathématicien français Henri Poincaré a démontré qu'il est impossible de prédire à partir des lois de Newton le mouvement de trois corps en interaction: une planète et deux lunes par exemple. Un léger changement dans un corps provoquera tôt ou tard dans les deux autres une rétroaction positive qui dérèglera le système. Un grand système dynamique est le lieu d'une multitude de rétroactions de ce genre, les unes, négatives, le stabilisent, les autres, positives, le dérèglent, le rendent fou littéralement. L'organisme humain est un tel système; les maladies également. Pour en prédire le cours il faut les comparer à un ouragan, non à un corps en chute libre suivant la loi de la pesanteur.
Nous verrons maintenant qu'avec l'approche non linéaire, comme dirait Ilya Prigogine, c'est «la fin des certitudes».
Un système fermé est un système isolé, constitué uniquement de quelques corps en interaction. Nous avons vu que les scientifiques classiques étaient convaincus que toute perturbation d'un tel système ne pouvait provenir que de facteurs extérieurs. Pourtant, dès la fin du XIXe siècle, le brillant mathématicien français Henri Poincaré fit une découverte déconcertante: dans un système fermé, si l'on passe simplement de deux à trois corps (par exemple, en tenant compte de l'influence du Soleil sur le système Terre-Lune), les équations de Newton deviennent insolubles! Pour des raisons mathématiques, leur solution nécessite une série d'approximations pour «cerner» une réponse. Jusqu'à Poincaré, on avait toujours considéré le chaos comme une infection provenant de l'extérieur; désormais, il apparaissait qu'un système enfermé dans une boîte étanche pouvait développer ses propres instabilités, à cause des rétroactions entre ses composantes. Poincaré est le génial précurseur des théoriciens du chaos. […]
Une révolution scientifique est en train de s’opérer sous nos yeux. Peut-être plus importante encore que celles du début du siècle, auxquelles sont associés les noms d’Einstein, de Broglie et Heisenberg. On lui a donné le nom de théorie de la complexité. Contrairement aux grands bouleversements provoqués par quelques individus à l’esprit particulièrement pénétrant, la théorie de la complexité a émergé doucement à partir d’un ensemble de méthodes et d’approches nouvelles, issues de diverses disciplines scientifiques. Elle change radicalement notre façon d’interroger le monde. Ainsi la vision classique avait pour ainsi dire sorti l’homme de l’univers, le confinant à un rôle d’observateur: il ne lui restait qu’à découvrir les lois inscrites dans la nature et à en tirer avantage. En reconnaissant l’influence de l’environnement sur tous les phénomènes étudiés, en particulier les êtres vivants, la théorie de la complexité redonne à l’homme sa place dans l’univers: il fait désormais partie d’un monde qui participe à sa propre création.
Un profond changement de paradigme est en voie d’envahir toutes les sphères de la recherche, en sciences humaines autant qu’en sciences de la nature. Il est donc important de se familiariser le plus tôt possible avec ces nouveaux concepts, afin de pouvoir comprendre la nouvelle approche de la réalité. Heureusement parmi les amis de L’Agora se trouve un brillant physicien retraité de l’Université de Sherbrooke, monsieur Marcel Banville, qui a gentiment offert de nous initier à la théorie de la complexité. Comme vous pourrez le constater, monsieur Banville est un merveilleux conteur, qui sait combiner la rigueur scientifique et un style vivant. Nous espérons que cette série vous plaira et nous vous invitons à nous faire part de vos commentaires et de vos questions.
En biologie, en économie, en politique….Quelques thèmes : biomimétisme, capitalisme naturel, biodiversité…
L'éléphant et les savants aveugles, un conte hindou
Ils étaient six savants hindous,
Aveugles et sages, face à un éléphant
Qu'ils ne pouvaient voir de leurs yeux,
Mais avec soin, ils l'explorèrent.
Le premier tâtant de ses mains
Les défenses d'ivoire, dit:
«Cet éléphant, cette merveille,
Me semble bien être une lance»
Le deuxième, explorant de la bête les flancs,
Larges, immenses, s'écria «Aha»
Et conclut que l'animal
n'était autre qu'un mur.
Le troisième, ayant atteint l'une des pattes,
Dit: «Mais c'est très simple,
Cette créature, sans aucun doute,
Ressemble à un arbre».
Le quatrième ayant trouvé la trompe,
La saisit, la secoua,
Certain, disait-il, que ce prétendu éléphant
Était tout simplement... un serpent.
Le cinquième ayant palpé l'oreille,
Et l'ayant parcouru de ses doigts,
S'écria: «J'ai trouvé la réponse, amis,
Un éléphant, c'est comme un éventail!»
Le sixième ayant découvert la queue de l'animal,
S'y était agrippé et dit sa conviction
Que son avis était le bon:
La créature ressemblait à une corde.
Ainsi, ces hommes sans vue ni horizon,
Démontrèrent haut et fort
Que chacun avait, en partie, raison
Mais, aussi, que tous avaient tort.
En septembre 2021, on apprenait de diverses sources fiables que la pandémie avait aggravé considérablement le problème de l’addiction des enfants aux écrans, à ceux de leurs téléphones notamment. (À noter qu’on semble enfin avoir cessé de qualifier ces téléphones d’intelligents).
Dans le même contexte, on nous apprenait aussi que de nouvelles recherches scientifiques seraient nécessaires pour préciser le nombre quotidien d’heures d’écran auquel il faudrait limiter les enfants. Tout s’est passé, tout se passe encore comme si, en cela, comme en bien d’autres choses, il fallait le verdict de la science pour faire des choix que le bon sens à lui seul peut justifier, du moins dans leurs grandes lignes. « Une heure d’écran, une heure de nature ! » Nous avions proposé ce slogan aux autorités du Québec en 1998, au terme de notre recherche sur Les inforoutes et l’avenir du Québec. Personne n’a pris ce bons sens au sérieux, même s’il s’appuyait sur des réflexions comme celles de Marshall McLuhan dans Pour comprendre les médias, de Daniel Boorstin dans L’image, de Neil Postman dans Se distraire à en mourir, de Guy Debord dans La société du spectacle, de René Dubos dans L’homme et l’adaptation, etc.
Les écrans, c’était le souffle de l’esprit humain dans les voiles de la science, à quoi bon mettre parents et autorités publiques en garde contre une telle pentecôte et pourquoi tempérer l’attrait des enfants pour une telle grâce ? Pourquoi les priver d’un plaisir si captivant ?
D’où la déroute de notre bon sens. Dans le même rapport, et dans le même esprit, nous avions recommandé de mettre l’accent en éducation sur les sciences de l’observation sur le terrain comme la géologie, la botanique, l’ornithologie, sciences chères à Goethe, qui mettent les sens en rapport direct avec la nature, seule façon d’entrer en symbiose avec elle et de l’aimer assez pour désirer la protéger. Les images nous en distraient, sauf, cas exceptionnel sur le luxueux marché des écrans, quand elles sont expressément conçues pour nous orienter vers l’original, comme dans les tableaux d’Audubon, et non pour nous tenir captifs de leurs algorithmes.
Art et science
Si la raison fonde la science, elle ne se réduit pas à elle, elle l’englobe et la dépasse, elle peut et doit en faire la critique. L’âge de raison n’est pas l’âge de la science, c’est celui de la rencontre entre la raison cachée dans la complexité du réel et celle qui a conscience d’elle-même dans un être humain. L’enfant l’atteint au moment où il comprend enfin que ses parents sont dans la vérité quand ils le contraignent à vider son assiette, surtout s’il s’est servi lui-même. Il existe peut-être des études scientifiques prouvant qu’on vit mieux et plus longtemps quand on évite le gaspillage à table, mais s’il fallait, en éducation, attendre de connaître ces études plutôt que de s’en remettre au bon sens ou à la raison commune, l’humanité s’engagerait dans une bien mauvaise direction. D’autant plus qu’une étude en contredirait probablement une autre comme la chose s’est produite et se produit encore si souvent dans les sciences de la nutrition.
C’est la maturité qui est en cause ici. Il ne suffit pas pour y parvenir d’accumuler des connaissances scientifiques. Si elle a un rapport avec la science, c’est dans la mesure où cette dernière, sous sa forme universelle, consiste à lire la nécessité derrière la sensation, à faire par exemple le lien entre le rhume et les pieds dans l’eau glacée plutôt que de le considérer dans l’angoisse comme le symptôme d’un cancer du poumon. Cet exemple nous donne à entendre que si la maturité suppose un progrès de la raison obtenu par des efforts d’attention, elle implique aussi une suite ininterrompue de petites morts à soi-même opérant ce que jadis on appelait d’un mot hélas discrédité mais sans jamais être remplacé par un meilleur : purification. Le mot pur en grec signifie feu. Sans tomber dans les pièges du dolorisme ou de l’autoritarisme, on peut affirmer que c’est par l’épreuve du feu : de la brûlure, de la souffrance du détachement que la raison s’élève au-dessus des sensations.
Le scientisme est une croyance qui consiste à reporter sur la science les principaux attributs de la religion. C'est le biologiste Félix le Dantec qui lança ce mot dans un article paru en 1911 dans la Grande Revue. «Je crois à l'avenir de la Science : je crois que la Science et la Science seule résoudra toutes les questions qui ont un sens ; je crois qu'elle pénétrera jusqu'aux arcanes de notre vie sentimentale et qu'elle m'expliquera même l'origine et la structure du mysticisme héréditaire anti-scientifique qui cohabite chez moi avec le scientisme le plus absolu. Mais je suis convaincu aussi que les hommes se posent bien des questions qui ne signifient rien. Ces questions, la Science montrera leur absurdité en n'y répondant pas, ce qui prouvera qu'elles ne comportent pas de réponse. »
«Selon le dictionnaire philosophique Lalande, les mots scientisme et scientiste (l'adepte du scientisme) désignent 1-soit l'idée que la science fait connaître les choses comme elles sont, résout tous les problèmes réels et suffit à satisfaire tous les besoins légitimes de l'intelligence humaine, 2- soit, moins radicalement, l'idée que l'esprit et les méthodes scientifiques doivent être étendus à tous les domaines de la vie intellectuelle et morale sans exception.»
Victor Hugo dans son livre sur Shakespeare
«Or le progrès est le moteur de la science; l'idéal est le générateur de l'art.
C'est ce qui explique pourquoi le perfectionnement est propre à la science, et n'est point propre à l'art.
Un savant fait oublier un savant; un poète ne fait pas oublier un poète.
L'art marche à sa manière; il se déplace comme la science; mais ses créations successives, contenant de l'immuable, demeurent; tandis que les admirables à-peu-près de la science, n'étant et ne pouvant être que des combinaisons du contingent, s'effacent les uns par les autres.
Le relatif est dans la science; le définitif est dans l'art. Le chef-d'oeuvre d'aujourd'hui sera le chef-d'oeuvre de demain. Shakespeare change-t-il quelque chose à Sophocle? Molière ôte-t-il quelque chose à Plaute? même quand il lui prend Amphitryon, il ne le lui ôte pas. Figaro abolit-il Sancho Pança? Cordelia supprime-t-elle Antigone? Non. Les poètes ne s'entr'escaladent pas. L'un n'est pas le marchepied de l'autre. On s'élève seul, sans autre point d'appui que soi. On n'a pas son pareil sous les pieds. Les nouveaux venus respectent les vieux. On se succède, on ne se remplace point. Le beau ne chasse pas le beau. Ni les loups, ni les chefs-d'oeuvre, ne se mangent entre eux.»
L'Encyclopédie de l’Agora n’est pas une somme des connaissances établie par une myriade de spécialistes sans grandes affinités entre eux. Elle est une œuvre, celle d’un auteur principal entouré d’amis ayant des affinités intellectuelles avec lui et ébauchant séparément leur propre synthèse. [En savoir davantage]
Plus nous avançons sur le chemin de la paix intérieure et de l'intégrité, plus le sens de l'appartenance croît et s'approfondit. Ce n'est pas seulement l'appartenance [...] à une communauté qui est en cause, mais aussi l'appartenance à l'univers, à la terre, à l'eau, à tout ce qui vit, à toute l'humanité.
À l’heure où les astrophysiciens décrivent la farandole des galaxies et la valse des étoiles, la conception dominante de l’univers se réduit au mot Big Bang, évoquant une explosion, comme celle d'Hiroshima. La tradition, et une certaine science depuis peu, nous invitent à lui préférer, métaphore pour métaphore, celle de l'éclosion, associée à celle de l'oeuf cosmique. S'il est incontestable qu'il y eut violence à l'origine, faut-il en conclure que cette violence doit être absurde comme dans une explosion, faut-il exclure qu'il puisse s'agir d'une violence ayant un sens, comme celle de l'éclosion?
«Seule la vie peut donner la vie. L’intelligence peut façonner, mais étant morte, elle ne peut donner une âme. De la vie seulement peut jaillir le vivant.» Goethe, Zahme Xenien
«Est dit éternel ce qui par soi ne peut changer ni vieillir ni périr. Une sublime amitié est éternelle en ce sens qu'elle ne peut être atteinte qu'obliquement et par des événements qui lui sont tout à fait étrangers. L'amour prétend être éternel. Les pensées les plus assurées, comme d'arithmétique et de géométrie, sont éternelles aussi. La durée, au contraire, est essentielle à tout ce qui change et vieillit par soi. L'idée de rassembler tout l'éternel en Dieu est raisonnable, quoique sans preuve à la rigueur, comme au reste tout éternel, amitié, amour, arithmétique.» (Alain, Les dieux et les arts)
«On va à Dieu par des commencements sans fin», écrit un Père de L’Église. Cette page est notre premier commencement… Une parfaite définition de Dieu par le plus grand des théologiens serait moins à sa place ici que nos balbutiements. Étant les auteurs d’une oeuvre qui comporte déjà mille allusions à Dieu, c’est à nous, cohérence oblige, qu’il appartient d’évoquer le foyer vers lequel convergent ces allusions.
L’humanisme est une vision du monde où tout gravite autour de l’homme comme tout gravitait autour de Dieu dans la vision antérieure en Occident. Ainsi défini, l’humanisme est le produit d’une révolution copernicienne inversée: l’homme, auparavant satellite de Dieu, devient l’astre central.
La plante est immobile et choyée. Sa nourriture lui est donnée. Il lui suffit pour l’accueillir de laisser croître ses racines dans la terre et dans le ciel. L’animal doit chercher sa nourriture, et pour cela, il est libre dans ses déplacements. Sans doute est-ce la raison pour laquelle on l’a associé étroitement à l’homme, mais ainsi amputé de sa dimension plante, ce dernier n’allait-il pas s’éloigner de ce qui deviendrait un jour un idéal pour les jeunes et pour les vieux une nécessité i : contempler et à cette fin rester immobile.
Tout dans l’univers, et l’univers lui-même, tend vers le froid uniforme, et un désordre qui n’est rien d’autre que la rupture des liens unissant les éléments constitutifs du vaste ensemble. Dans ce monde qui se défait, les êtres vivants sont des points d’ordre qui contredisent la loi générale. En eux l’énergie, qui se dégrade tout autour, se concentre pour former tantôt une plante qui grimpe, tantôt un animal qui vole, tantôt un animal qui pense... qui aime, qui aime ô merveille! au-delà de ce que l’espèce exige de lui pour assurer sa propre reproduction.
Qu’est-ce que la vérité ? Pourquoi nous donnons-nous tant de mal pour la trouver, la défendre et la répandre ? Tentons d’abord de répondre par le recours le plus simple et le plus spontané à la raison. La vérité c’est la vie, ce qui assure sa persistance et sa croissance : distinguer la plante toxique de la plante nourricière, la vraie beauté, celle qui élève par opposition à celle qui dégrade. La preuve est dans le résultat, dans le degré d’accomplissement des êtres en cause.
En bas de cette échelle, l’élan impétueux de l’animal sauvage bondissant hors de sa cage-piège; en haut un sage ébloui par ses principes, un mystique ravi par son Dieu. Impulsion dans le premier cas, contemplation dans le second. Point de choix en ces extrêmes. «Les instincts des animaux survivent dans l’homme à l’état d’ébauche.» (K.Lorenz). À leur place, un grand vide angoissant. Ce vide est le lieu de naissance de la liberté.
Le mal dont le bien doit triompher en nous pour nous rendre meilleur n’est pas une simple carie dentaire qu’on peut obturer en quelques secondes, mais une infection centrale résistant aux antibiotiques. La vie de celui qui désire vraiment en guérir ressemblera à un chenin de croix ou à la marche d’un Bouddha à recherche de la voie du milieu.
« C'est à coups de tonnerre et de feux d'artifice célestes qu'il faut parler aux sens flasques et endormis. Mais la voix de la beauté parle bas: elle ne s'insinue que dans les âmes les plus éveillées. Doucement mon bouclier a vibré et a ri aujourd'hui : c'était le frisson et le rire sacré de la beauté! » Nietzsche
«Si les citoyens pratiquaient entre eux l'amitié, ils n'auraient nullement besoin de la justice; mais, même en les supposant justes, ils auraient encore besoin de l'amitié.» ARISTOTE, Éthique à Nicomaque
Proche du scepticisme sur le plan intellectuel, la neutralité est aussi proche de l'indifférence sur le plan affectif et de l'indifférentiation sur le plan physiologique.
D’abord la justice et bien commun! Il sera souvent question de la démocratie dans cette synthèse. Trop peut-être, car en ce moment, dans les démocraties occidentales du moins, dont certaines sont en voie de désintégration, on a recours au concept de démocratie lui-même comme critère pour juger de la situation concrète dans les démocraties en cause. Funeste tautologie contre laquelle Aristote nous avait mis en garde.
C'est dans l'indignation devant l'injustice qu'il faut d'abord chercher la voie de la justice. Il faut toutefois au préalable pouvoir distinguer le sentiment authentique et universel d'injustice de l'insatisfaction personnelle qui est à l'origine des revendications.
Quelques regards critiques dans un contexte, celui du progrès technique, où l’approbation inconditionnelle et universelle va de soi, en dépit de cette mise en garde maintes fois formulée : « ce qui est possible devient nécessaire.» Qui donc en ce moment veut et peut s’opposer aux innovations, souvent discutables pourtant, dans le domaine des techniques de reproduction humaine?
Sapere : goûter et savoir. Associer ces deux expériences pour mieux comprendre l’une et l’autre et s’habituer ainsi à distinguer la vraie culture, nourricière, de la fausse, réduite au divertissement. Deux sujets vastes.
La perspective historique la plus longue possible est la voie royale pour préciser le diagnostic et trouver les meilleurs remèdes au mal qui frappe l’éducation.
La caractérologie, une science en plein essor au début du XXème siècle, semble être aujourd’hui en voie d’extinction. Ne serait-ce pas parce que le caractère des personnes a disparu ? Certains maîtres en cette discipline, dont Ludwig Klages, en avaient prédit l’extinction pour cette raison.
Le mot ordinateur a des origines théologiques. Celui qui a proposé de traduire computer par ordinateur, Yves Perret, a justifié son choix en précisant que le mot ordinateur se trouve dans le dictionnaire Littré comme adjectif désignant Dieu en tant qu'Il est celui qui met de l'ordre dans le monde. L'ordinateur ressemble pourtant moins à Dieu qu'à l'homme [...]
Plus un sport est naturel, plus il y a de chances qu'on puisse le pratiquer longtemps, parce qu'on en aura toujours le goût et les moyens. Quel que soit le sport choisi, il ne restera durable que si on le pratique avec mesure, dans le respect de l'ensemble de l'organisme et de chacun des organes et des muscles sollicités, avec en outre le souci de rendre toujours plus harmonieux les rapports de l'âme et du corps.
«C'est par le truchement de l'expression artistique que les valeurs les plus hautes acquièrent une signification éternelle et une force capables d'émouvoir l'humanité. L'art possède la faculté illimitée de transformer l'âme humaine — faculté que les Grecs appelaient psychagogia. Seul, en effet, il dispose des deux éléments essentiels à l'influence éducative: une signification universelle et un appel immédiat. Parce qu'il combine ces deux moyens susceptibles de faire autorité sur l'esprit, il surpasse à la fois la réflexion philosophique et la vie réelle.» Werner Jaeger, Paideia: la formation de l'homme grec
Faire acte de science c’est échapper à la contrainte sous toute ses formes : préjugés personnels, conformisme, tradition, pression sociale, financière, opinion majoritaire, y compris celle des pairs. Serait-ce la raison pour laquelle la science a fleuri dans la Grèce antique puis dans l’Europe moderne. Et n’est-ce pas en raison de l’oubli de cette règle qu’elle tombée en disgrâce dans la Russie stalinienne et les États-Unis de Donald Trump ?
L'attente active, celle qui consiste à soumettre à la critique les réponses imparfaites, Socrate l'appelait philosophie, mot qui signifie amour (philein ) de la sagesse (sophia). Cet amour s’accomplit à deux conditions : la rigueur dans la pensée et le souci de la purification dans la vie personnelle.
Quelques regards critiques dans un contexte, celui du progrès technique, où l’approbation inconditionnelle et universelle va de soi, en dépit de cette mise en garde maintes fois formulée : « ce qui est possible devient nécessaire.» Qui donc en ce moment veut et peut s’opposer aux innovations, souvent discutables pourtant, dans le domaine des techniques de reproduction humaine?
Le mot ordinateur a des origines théologiques. Celui qui a proposé de traduire computer par ordinateur, Yves Perret, a justifié son choix en précisant que le mot ordinateur se trouve dans le dictionnaire Littré comme adjectif désignant Dieu en tant qu'Il est celui qui met de l'ordre dans le monde. L'ordinateur ressemble pourtant moins à Dieu qu'à l'homme [...]
Selon Marguerite Yourcenar, Marc Aurèle,le sage Marc-Aurèle, le divin Marc, est le Romain de l’antiquité dont il subsiste le plus de sculptures. Preuve qu’il a été le plus admiré, aimé. S’il est vrai que la qualité d’un amour se mesure à la beauté, à la variété et au nombre des œuvres d’art qu’il a inspirées, le christianisme est une prodigieuse histoire d’amour.
Ce catholicisme qui nous a faits ! Plusieurs sont d’avis qu'il nous a défaits à la fois politiquement et psychologiquement. Depuis 1960, ils ont eu toutes les tribunes dont ils pouvaient rêver pour exposer leurs regrets et leurs doléances. Dans cette synthèse, nous voulons donner la parole à ceux qui, sans avoir renoncé à leur esprit critique, veulent bien reconnaître que le catholicisme nous a aussi faits… un peu, a contribué à notre épanouissement et à notre accomplissement, en tant que peuple comme en tant qu’individus. Même si elle ne devait être qu’un dernier adieu reconnaissant, cette synthèse est nécessaire [...]
Le Québec est un microcosme. Se trouve-t-il un seul groupe humain sur la planète auquel il ne ressemble pas par quelque côté?
On y parle les deux langues qui ont le plus contribué à faire le monde tel qu'il est aujourd'hui: le français et l'anglais. La société de ce Québec était traditionnelle, médiévale même, il y a à peine cinquante ans; elle devance aujourd'hui la Californie dans certaines expérimentations.