Le financement du privé

Jacques Dufresne
En diverses occasions, monsieur Robert Bisaillon, président de la commission des États généraux de l'éducation, a indiqué qu'il s'attendait à ce que les recommandations de la commission relatives aux subventions à l'enseignement privé soulèvent un débat passionné au Québec.

    Il connaît sans doute, depuis sa nomination, la nature desdites recommandations. Le premier ministre du Québec les connaît aussi puisque dans son discours inaugural du 25 mars dernier, il donnait à entendre que la Loi sur l'enseignement privé pourrait être amendée en 1996-1997, afin de modifier à la baisse les montants de base accordés aux établissements. Si la tendance se maintient, disait-il, l'État québécois, beaucoup plus généreux que ses voisins en matière d'école privée, tempérera quelque peu cette générosité. Il ira ainsi, croit-il, dans le sens de la majorité des électeurs, qui sont nombreux à se demander si en cette période de compression des dépenses publiques, il est encore pertinent de subventionner l'école privée.

    Nous reviendrons aux demi-vérités et aux faussetés que contiennent ces deux paragraphes. C'est la stratégie dans laquelle ils s'inscrivent qui doit d'abord retenir notre attention. De toute évidence, cette stratégie consiste à faire en sorte que la question des subventions au privé occupe à ce point l'avant-scène et le temps d'antenne que personne ne songe à soulever les questions qui devraient être présentes à tous les esprits, quand viendra le moment de réduire encore davantage les dépenses du ministère de l'Éducation.

    Le tiers environ des taxes que chaque contribuable paie au gouvernement du Québec chaque année est destiné à l'éducation. Pour bien des gens, cela représente 5 000 $ et plus. Voici les questions que le plus élémentaire bon sens nous invite à nous poser à ce propos: Quel est le pourcentage de cette somme qui est affecté aux services directs aux enfants d'âge scolaire par rapport à celui qui est affecté à l'admistration, (de l'école, de la commission scolaire, du réseau)?

    À titre de comparaison et d'exemple, l'école Rakusei de Kyoto compte, en plus de ses 75 professeurs, 10 employés, toutes catégories confondues, pour 1 350 élèves. Dans une commission scolaire québécoise desservant le même nombre d'élèves et ayant le même ratio maître/éléves, il y aurait 35 employés. (Source: Fiscalité et financement des services publics, Les publications du Québec).
    Gardons-nous de la critique facile contre la bureaucratie. Certes s'il y a tant d'employés non enseignants dans le réseau scolaire québécois, c'est en partie parce que ces derniers ont su se doter de règles qui les avantageaient et favorisaient la croissance de leur groupe, mais sauf exception, ces fonctionnaires travaillent. Ils veillent notamment à l'application de ces lois et règlements que les gouvernements ont multipliés, tantôt par démagogie, tantôt par humanitarisme, mais toujours sous la pression d'une partie ou de la totalité de l'opinion publique. À eux seuls, les règlements et lois relatifs à l'intégration des handicapés doivent occuper plusieurs personnes dans chaque commission scolaire.

    Une autre question fondamentale émerge ainsi: avant même de songer à réduire la quantité des services offerts, ne devrions-nous pas éliminer un certain nombre de ces règlements dont plusieurs n'ont de sens que dans la mesure où les besoins essentiels sont satisfaits?

    Dans le secteur des affaires sociales, on voit de plus en plus de malheureux abandonnés à eux-mêmes pendant qu'au même moment, des équipes d'experts se réunissent pour discuter du cas de telle personne âgée qui ne peut vraiment plus conduire sa voiture. Le sujet de la réunion est le suivant: Si on lui enlève son permis sans son consentement, cette personne ne pourra-t-elle pas, en s'appuyant sur la Charte, intenter une poursuite contre la personne qui a pris la décision?

    Les cas semblables ne sont pas rares dans le secteur de l'éducation. Nous voici donc dans une situation où l'on s'occupera, dans les règles d'un nombre sans cesse réduit de personnes, plutôt que d'éliminer des règles pour étendre les services à un plus grand nombre de personnes.

    Le bon sens nous amène ensuite à poser la question du rapport entre l'argent versé à l'éducation et la qualité des services obtenus. Les résultats aux examens d'État sont ici un indicateur précieux. La moyenne des résultats pour l'ensemble des épreuves uniques de juin 1994 est de 70,4% pour les écoles publiques et de 78,6% pour le écoles privées. L'écart est de 8,2%[...] Près des trois quarts des écoles privées ont obtenu des moyennes supérieures à celles des meilleures écoles publiques. (Conséquences du choix de l'école au Québec, Richard Marceau et Stéphane Couture, École nationale d'administration publique, avril 1996).

    La sélection des élèves, plus rigoureuse au privé qu'au public, explique certes en partie l'écart de 8,2%. Il faut cependant noter que les résultats du privé ont été atteints à un coût moindre que ceux du public. Une étude réalisée par le ministère de l'Éducation en 1988 montre que les dépenses par élève dans les écoles privées pour l'enseignement et le soutien à l'enseignement sont inférieures de 19,% au niveau primaire et de 17,8% au niveau secondaire général à celles du public. (R. Marseau, op.cit) Le tiers environ des taxes que chaque contribuable paie au gouvernement du Québec chaque année est destiné à l'éducation. Pour bien des gens, cela représente 5 000 $ et plus. Voici les questions que le plus élémentaire bon sens nous invite à nous poser à ce propos: Quel est le pourcentage de cette somme qui est affecté aux services directs aux enfants d'âge scolaire par rapport à celui qui est affecté à l'admistration, (de l'école, de la commission scolaire, du réseau)?

    À titre de comparaison et d'exemple, l'école Rakusei de Kyoto compte, en plus de ses 75 professeurs, 10 employés, toutes catégories confondues, pour 1 350 élèves. Dans une commission scolaire québécoise desservant le même nombre d'élèves et ayant le même ratio maître/éléves, il y aurait 35 employés. (Source: Fiscalité et financement des services publics, Les publications du Québec).
    Gardons-nous de la critique facile contre la bureaucratie. Certes s'il y a tant d'employés non enseignants dans le réseau scolaire québécois, c'est en partie parce que ces derniers ont su se doter de règles qui les avantageaient et favorisaient la croissance de leur groupe, mais sauf exception, ces fonctionnaires travaillent. Ils veillent notamment à l'application de ces lois et règlements que les gouvernements ont multipliés, tantôt par démagogie, tantôt par humanitarisme, mais toujours sous la pression d'une partie ou de la totalité de l'opinion publique. À eux seuls, les règlements et lois relatifs à l'intégration des handicapés doivent occuper plusieurs personnes dans chaque commission scolaire.

    Une autre question fondamentale émerge ainsi: avant même de songer à réduire la quantité des services offerts, ne devrions-nous pas éliminer un certain nombre de ces règlements dont plusieurs n'ont de sens que dans la mesure où les besoins essentiels sont satisfaits?

    Dans le secteur des affaires sociales, on voit de plus en plus de malheureux abandonnés à eux-mêmes pendant qu'au même moment, des équipes d'experts se réunissent pour discuter du cas de telle personne âgée qui ne peut vraiment plus conduire sa voiture. Le sujet de la réunion est le suivant: Si on lui enlève son permis sans son consentement, cette personne ne pourra-t-elle pas, en s'appuyant sur la Charte, intenter une poursuite contre la personne qui a pris la décision?

    Les cas semblables ne sont pas rares dans le secteur de l'éducation. Nous voici donc dans une situation où l'on s'occupera, dans les règles d'un nombre sans cesse réduit de personnes, plutôt que d'éliminer des règles pour étendre les services à un plus grand nombre de personnes.

    Le bon sens nous amène ensuite à poser la question du rapport entre l'argent versé à l'éducation et la qualité des services obtenus. Les résultats aux examens d'État sont ici un indicateur précieux. La moyenne des résultats pour l'ensemble des épreuves uniques de juin 1994 est de 70,4% pour les écoles publiques et de 78,6% pour le écoles privées. L'écart est de 8,2%[...] Près des trois quarts des écoles privées ont obtenu des moyennes supérieures à celles des meilleures écoles publiques. (Conséquences du choix de l'école au Québec, Richard Marceau et Stéphane Couture, École nationale d'administration publique, avril 1996).

    La sélection des élèves, plus rigoureuse au privé qu'au public, explique certes en partie l'écart de 8,2%. Il faut cependant noter que les résultats du privé ont été atteints à un coût moindre que ceux du public. Une étude réalisée par le ministère de l'Éducation en 1988 montre que les dépenses par élève dans les écoles privées pour l'enseignement et le soutien à l'enseignement sont inférieures de 19,% au niveau primaire et de 17,8% au niveau secondaire général à celles du public. (R. Marseau, op.cit) La situation est sensiblement la même dans les autres provinces, y compris en Ontario qui ne verse aucune subvention aux écoles privées, mais qui n'en voit pas moins leur nombre augmenter. De toutes les provinces qui ne subventionnent pas le privé, l'Ontario est celle où le pourcentage d'élèves inscrits au privé est le plus élevé depuis 1985-86. Est-ce à dire qu'il est inutile de subventionner les écoles privées? Ce n'est pas avec les provinces qui soutiennent peu ou prou leurs écoles privées mais avec celles qui le font qu'il convient de comparer le Québec, première province rappelons-le, pour ce qui est du pourcentage d'étudiants inscrits au privé. Le Manitoba (au troisième rang) et la Colombie-Britannique (au second rang) sont avec le Québec les provinces où le financement du secteur privé est le plus important, l'Alberta et la Saskatchewan étant celles où il est le moins élevé. Des cinq provinces qui subventionnent le privé, le Québec arrive à l'avant-dernier rang pour ce qui est de la croissance relative des effectifs, qui n'a rien de comparable avec celle de l'Alberta et de la Colombie-Britannique.

    Évaluer la valeur de la subvention en pourcentage de l'aide accordée au public est toujours délicat, parce que la contribution du gouvernement provincial aux coûts de fonctionnement du secteur public varie d'une province à l'autre. Dans la plupart des provinces, elle est moins importante en pourcentage qu'au Québec. En Colombie-Britannique cependant, s'il faut en croire les données de Statistiques Canada, le pourcentage aurait été de 72,34% en 1992, contre 52% ou 65% % au Québec, selon les méthodes de calcul utilisées.

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