L'occasion du Québec

Jacques Dufresne

Ce 8 décembre 2008, les Québécois ont reporté au pouvoir le parti libéral, lequel avait mis l'accent sur l'économie, sans estimer nécessaire de l'associer à l'écologie, au pic pétrolier et à l'agriculture, grande consommatrice de pétrole, comme l'avait fait Barack Obama dans le grand pays voisin quelques mois auparavant.

Le parti québécois, souverainiste, a remonté une pente difficile pour constituer la plus forte opposition officielle depuis des décennies. Saura-t-il saisir cette occasion unique: maximiser les avantages des décisions prises au début de la révolution tranquille en matière d'énergie et donner tout son sens au sentiment national qui s'est imposé au même moment? La lutte contre la pollution, dont la forme dominante aujourd'hui est la lutte contre le réchauffement climatique, a toujours coïncidé avec la décentralisation..

L'intelligence en politique consiste à savoir saisir les occasions opportunes et les promesses qu'elles contiennent pour l'avenir. Les grands projets hydroélectriques furent une belle occasion saisie au début de la révolution tranquille. Ils ont mis le Québec sur la voie de l'autonomie en matière d'énergie, et même si cela ne correspondait pas à un but clair à l'époque, ils lui ont aussi donné un double avantage pour l'avenir : dans la lutte contre le réchauffement climatique et face aux défis reliés au pic pétrolier.

La culture de transition

Ces deux crises étroitement reliées sont si graves et si complexes qu'elles ont fait apparaître la nécessité d'une culture de transition et provoqué l'apparition, dans autant de villes, de centaines de groupes de transition ayant pour mission de préparer l'après pétrole. Par culture de transition, Rob Hopkins, l'initiateur anglais du mouvement en 2005, entendait les changements dans les manières de penser et de faire qui seront nécessaires pour faire face aux deux crises jumelles: pic pétrolier et réchauffement climatique.

Depuis, une crise alimentaire et une crise financière se sont ajoutées aux soucis de l'humanité. Nous sommes d'avis, et peut-être serait-ce aussi l'opinion de Rob Hopkins, qu'il faut les associer aux deux autres crises. Puisque l'un des buts de ce mouvement, Culture de transition, est d'inciter les gens à penser selon les exigences de la complexité, à trouver des solutions en réseau à des problèmes auxquels aucune solution linéaire ne convient, il va presque de soi qu'on veuille intégrer au débat la crise financière et la crise alimentaire.

En 2006, la crise financière n’était encore qu’un vague danger à l'horizon. Quant à la crise alimentaire, elle nous apparaissait comme une succession de crises dans certains pays du Tiers Monde auxquelles on s’était hélas habitué. Elles sont aujourd'hui au centre de nos soucis et de nos vies. Pour comprendre à quel point elles sont interreliées, il suffit de savoir que la production d'éthanol comme substitut au pétrole aggrave la crise alimentaire et le réchauffement climatique car elle requiert plus d'énergie qu'elle n'en produit, ce qui est un bien mauvais calcul sur le plan économique. Sans compter que la culture intensive du maïs que nécessite le procédé, accélère l'érosion du sol, ce qui à la longue appauvrit le pays producteur.

L'occasion à saisir

Ce n'est pas être alarmiste que de sonner l'alarme en ce moment: le risque de se tromper en prédisant des défis majeurs est minime. Aux États-Unis seulement, une cinquantaine de livres ont été consacrés au pic pétrolier au cours des deux ou trois dernières années, alors que les mauvaises nouvelles concernant le réchauffement climatique s'accumulaient et que la crise alimentaire provoquait des révoltes populaires partout dans le monde.

Voilà pour le Québec l'occasion à saisir en ce moment. Nous pouvons maximiser les avantages des décisions que nous avons prises au début de la révolution tranquille en matière d'énergie. Nous pouvons aussi par la même occasion donner tout son sens au sentiment national que nous avons cultivé au cours des dernières décennies.

Ce sont des considérations écologiques qui, aux yeux de plusieurs, définissaient et légitimaient ce sentiment national. La lutte contre la pollution, dont la forme dominante aujourd'hui est la lutte contre le réchauffement climatique, a toujours coïncidé avec une lutte contre la centralisation. Plusieurs des idéaux apparus dans ce contexte sont devenus des nécessités. Un homme d'affaires de l'Estrie, oeuvrant dans le domaine des produits naturels, nous apprenait récemment que son seul accès au marché américain découlait du fait que son entreprise est située à l'intérieur d'un rayon de 100 miles par rapport à quelques bons clients du New Hampshire adeptes du 100 miles diet.

 Jusqu'à maintenant, c'est la lutte contre le réchauffement climatique et donc contre les émissions de CO2 qui a été le mobile principal derrière ces pratiques. Les coûts croissants du pétrole et sa rareté ne peuvent que renforcer cette tendance, sinon en devenir le facteur principal.

 Du déni à la lucidité

Nous sommes si habitués au pétrole bon marché, tant de cris d'alarme du passé récent nous apparaissent rétrospectivement comme de fausses alertes, que nous avons tendance à réagir par le déni aux mises en garde qui se multiplient en ce moment. Le premier pic pétrolier, celui des États-Unis, survenu en 1970, n'avait-il pas provoqué des inquiétudes semblables à celles qui s'emparent de nous aujourd'hui ?Le coût du pétrole a augmenté, un groupe de sages de tous les pays du monde, réunis dans le Club de Rome, avait recommandé la croissance zéro comme solution au double problème de la pollution et de la rareté du pétrole. Que s'est-il passé ensuite ? Un quart de siècle de croissance insouciante ! Voilà comment nous calmons nos inquiétudes.

 Hélas! ces années d'insouciance marquées par le retour des grosses cylindrées en Amérique du Nord apparaîtront peut-être un jour comme la principale cause des défis, peut-être démesurés, auxquels nous devrons faire face demain ou après-demain. Vers la fin de la décennie 1970, le président Jimmy Carter avait eu la sagesse de créer des programmes destinés à soutenir le développement des énergies alternatives. Si son pays, le pays phare du monde, avait persévéré dans cette voie, le pic pétrolier mondial apparaîtrait peut-être encore comme un danger lointain, alors que la plupart des experts estiment qu'on l'a déjà atteint ou qu'on l'atteindra d'ici 2015.

 Ce ne fut hélas! pas suffisant pour mettre le pays sur la bonne voie. Les Américains trouvèrent le président Carter si pessimiste qu'ils le remplacèrent par le jovial Ronald Reagan, lequel ramena l'euphorie et le déni et s'empressa de supprimer les programmes de son prédécesseur. Quelques gouttes de pétrole découvertes en Alaska avaient suffi à relancer l'illusion selon laquelle le pétrole existe en quantité illimitée. Le reste du monde ne demandait, semble-t-il, qu'à partager cette illusion. Chacun sait comment l'entrée en scène de l'Inde et de la Chine comme pays consommateurs de pétrole obligea les experts les plus optimistes à réviser leurs analyses.

Certes, ce n'est pas la première fois que l'humanité passe d'une source d'énergie à une autre. Au cours du passé récent, il y eut le bois, puis le charbon et en même temps que le pétrole, l'hydroélectricité et le nucléaire. Le cas du pétrole est toutefois unique. Il explique à lui seul la quasi totalité du progrès technique et économique accompli au XXe siècle: il n'a pas servi seulement à chauffer les maisons et à propulser les véhicules motorisés: on lui doit les plastiques, le nylon et donc la plupart des tissus synthétiques, les fertilisants et donc l'agriculture industrielle et la révolution verte, l'asphalte, de nombreux matériaux de construction...etc. Il a, il faudrait plutôt dire il avait surtout l'avantage de couler de source, de ne coûter pratiquement rien, de se transporter facilement et d'être dense. Vous avez peut-être déjà poussé une automobile sur une distance de deux ou trois mètres pour la ranger sur le bord d'une route suite à une crevaison. Essayez d'imaginer l’effort que vous devriez faire pour la pousser sur une distance de 30 kilomètres. Un seul gallon d'essence (quatre litres) accomplit cet exploit qui équivaut à six semaines de travail humain. Six semaines de 40 heures. On estime à 10 000 heures de travail humain le contenu énergétique d'un baril de pétrole (42 gallons US). On consomme 80 millions de barils par jour. Chaque être humain dispose donc, grâce au seul pétrole, d'esclaves qui lui fournissent 118 heures de travail par jour.

Un seul précédent: Cuba

L'humanité n'a jamais fait l'expérience de la pénurie d'une ressource aussi importante. Il n'existe qu'un précédent, à l'échelle d'un petit pays isolé: Cuba. Après l'effondrement de l'Union soviétique, ce pays a en effet connu une pénurie de pétrole comparable à celle qui frappera inévitablement le monde entier à moins qu'on ne la prévienne par des changements immédiats et radicaux dans les habitudes de consommation de l'énergie.

Le pétrole, les tracteurs et les fertilisants russes avaient permis à Cuba, dans le cadre de sa révolution verte, de se doter d'une agriculture plus industrialisée encore que celle des États-Unis, produisant de grandes quantités de sucre destiné à l'exportation et important une forte proportion de sa nourriture, 50% de son riz par exemple. Aujourd'hui, le pays est autosuffisant et après avoir redécouvert les vertus de la petite ferme privée et celle du jardinage urbain, il exporte des spécialistes de l'agriculture biologique dans le reste de l'Amérique latine.

L'équipe américaine qui a tourné le film Le pouvoir des communautés, lequel relate l'histoire de la réaction cubaine à la pénurie de pétrole, a voulu démontrer que c'est seulement en suivant l'exemple des Cubains, en faisant preuve des mêmes qualités, que les populations des autres pays du monde, à commencer par celle des États-Unis, pourront trouver une solution heureuse aux problèmes résultant du manque de pétrole. Soit dit en passant, c'est après avoir vu le film Le pouvoir des communautés que Rob Hopkins et ses amis ont décidé de créer les premiers groupes Transition Towns.

 On peut penser que c'est à cause de la solidarité et de la convivialité dont le peuple cubain est encore capable que des solutions durables ont pu être trouvées, mais il n'en reste pas moins que le régime autoritaire du pays a joué un rôle important dans la transition.

 Mobilisation de la société civile ou ...

Au début de la décennie 1930, une crise plus aiguë mais moins complexe que la crise actuelle se solda par des régimes autoritaires dans plusieurs pays européens. On ne pourra éviter l'appel à des régimes autoritaires que dans la mesure où il y aura mobilisation parmi les citoyens ordinaires. Cette mobilisation a déjà commencé à se faire sous la forme d'un grand nombre d'associations et d'initiatives reliées à l'écologie en général, à la gestion des déchets, au recyclage, à l'agriculture, au commerce équitable. Au Québec, le mouvement Équiterre est un bel exemple de ces associations. Dans Blessed Unrest, Paul Hawken se fait le porte-parole de milliers de mouvements semblables à travers le monde. Ce livre est une excellente invitation à l'action éclairée et concertée. Si les élections américaines du 4 novembre 2008 ont suscité tant d'intérêt dans tous les pays, n'est-ce pas parce que c'est l'aptitude des pays démocratiques à faire face à une crise majeure qui en était l'enjeu principal ?

Le mouvement Culture de transition se distingue de tous les autres mouvements écologistes en ce que son but est d'assurer la résilience des communautés et des pays. Sauf exception, les groupes écologistes n'ont pas cette mission. Le recyclage des déchets dans une ville peut être une excellente chose, mais cette action à elle seule ne suffit pas à accroître la résilience de la ville.

Qu'est-ce que la résilience?

Un arc tendu retrouve sa forme initiale quand la tension se relâche. Les ingénieurs appellent résilience cette capacité qu'ont certains matériaux de retrouver leur forme initiale après un choc. Ce fut le premier usage du mot résilience. Les écologistes ont ensuite utilisé le même mot pour désigner une capacité analogue à l'échelle d'un écosystème. L'exemple qui illustre le mieux ce phénomène est celui du Krakatoa dont l'éruption vers le milieu du XIXe siècle a recouvert de lave une île voisine portant le même nom: cette île a retrouvé peu à peu, par elle-même, sa luxuriance. Il allait presque de soi que les psychologues, les sociologues et les économistes utilisent à leur tour ce concept, ce qui s'est produit surtout au cours des dix dernières années. Dans ces sciences humaines comme en écologie, le concept de résilience est étroitement associé à celui de système. Nous retiendrons pour le moment cette définition: «La résilience est la capacité qu'a un système de subir un choc et de se réorganiser tout en se transformant mais en conservant essentiellement la même fonction, la même structure, la même identité, les mêmes rétroactions. 1» La première image qui vient à l'esprit est celle d'un bataillon qui se reconstitue, resserre les rangs après avoir subi une attaque.

Les trois principales caractéristiques d'une communauté ou d'un système résilients sont la diversité, la modularité et les rétroactions resserrées. Diversité: Bien des villes minières sont disparues faute de diversité dans leur économie. Modularité: certains aéroports, comme l'aéroport Charles de Gaulle à Paris sont modulaires. Il serait plus facile de les remettre en fonction après un bombardement que s'ils formaient un seul bloc. Rétroactions resserrées: dans une village où le tissu social est serré on peut très bien empêcher l'envahisseur de trouver l'endroit où se cache le soldat ennemi qu'il recherche.

L'importance du pétrole dans la vie des pays industrialisés est le signe d'un inquiétant manque de diversité dans les sources d'énergie, les procédés industriels, les pratiques agricoles, les moyens de transport. Il s'ensuit pour ces pays une vulnérabilité excessive. Leur résilience est faible. Une pénurie de pétrole ou une simple hausse des coûts de cet or noir est une menace non seulement pour leur croissance, mais pour leur existence même. Le réchauffement climatique nous oblige pour d'autres raisons à prendre la résilience en considération. La vulnérabilité est une variable importante dans la résilience d'un système. Elle est trop grande sur bien des terres basses du monde, compte tenu de la hausse probable du niveau de l'eau des océans. Ailleurs c'est la rareté de l'eau combinée avec une agriculture qui en exige beaucoup qui réduit la résilience des communautés en accroissant démesurément leur vulnérabilité.

Un Québec résilient

Le président américain désigné, Barack Obama, a témoigné de son optimisme, lors de sa première conférence de presse, en affirmant que les États Unis sont un pays résilient. Ils l'ont en effet prouvé lors de la guerre de 1939-45 en mettant leur industrie au service de la guerre.« L'industrie automobile américaine a produit 4 000 000 de voitures en 1941, et en 1942, elle a produit 24 000 chars d'assaut et 17 000 véhicules blindés, mais seulement 223 000 voitures. En 1940, les États-Unis ont produit 4000 avions. En 1942, ils en ont produit 48 000. À la fin de la guerre, la flotte américaine comptait 5000 navires, contre 1000 au début. » 1

S'ils ont pu réagir si vite et si efficacement c'est toutefois, en grande partie, parce qu'ils étaient encore à ce moment autosuffisants en matière de pétrole. C'est la même manne bon marché qui a relancé toute leur économie après la guerre, mais en la rendant de plus en plus dépendante d'une ressource dont les limites allaient leur être révélées brutalement en 1970. Aujourd'hui ils importent plus de 60% de leur pétrole. Et comme ils sont ceux qui, de loin, en consomment le plus au monde par habitant, ils sont aussi ceux qui en dépendent le plus. À cause de cela, leur résilience est en réalité très faible. Ce qui explique pourquoi leur industrie automobile est durement frappée en ce moment. La production des tondeuses à gazon et des moteurs hors bord sera aussi touchée si ce n'est pas déjà le cas. Il en sera de même des fertilisants, et conséquemment, toute l'agriculture sera touchée.

L'ère des choix difficiles

Le pétrole bon marché nous a donné l'embarras des choix faciles. Nous entrons dans l'ère des choix difficiles qu'il faut préparer 20 ans d'avance. Faut-il développer à grande échelle des mouvements comme le 100 miles diet? Au risque de provoquer une crise du commerce mondial? À quel rythme doit-on le faire? Faut-il réserver le pétrole pour les transports en commun, y compris l'avion, au risque de devoir réduire de façon drastique l'usage des automobiles ?

Dans tout cela une concertation internationale sera nécessaire, mais non seulement on ne peut pas attendre cette concertation pour agir localement, mais encore on peut présumer que c'est cette action locale partout dans le monde qui sera le prélude à la grande concertation au niveau des États.

Dans ce contexte, la situation du Québec est avantageuse à bien des égards. Nous sommes après la Norvège la nation au monde où l'électricité occupe la plus grande place, soit 43% dans notre bilan énergétique, contre 21% pour l'Ontario, 23 % pour la France, 20% pour les États-Unis. Or, il se trouve que les nouvelles énergies les moins polluantes, l'éolien, les panneaux solaires par exemple, ne sont utilisables que sous forme d'électricité. D'où l'importance de notre expertise dans ce domaine et l'intérêt que nous avons à faire le meilleur usage possible de l'électricité. Est-ce de nouvelles autoroutes dont nous avons besoin en ce moment ou de trains, de tramways ou d'autobus électriques?

Pour ce qui est de l'industrie automobile, nous ne produisons que des pièces détachées ici et là. Notre force est du côté du transport en commun: avions, trains, métro. Notre hydroélectricité pourra contribuer à réduire notre dépendance à l'égard du pétrole. Nous avons de l'eau en abondance sans avoir à dépenser beaucoup d'énergie pour l'exploiter, la fabriquer à partir de l'eau de mer et la transporter. À cause de tous ces avantages nous risquons hélas! d'être les derniers au monde à prendre la nouvelle situation au sérieux. Ces avantages, nous pourrions ainsi les perdre. De même que bien des pays, comme le Japon et l'Allemagne, doivent leur richesse à leur savoir et à leur travail plutôt qu'à des richesses naturelles, de même il y aura des pays, et ce pourrait bien être les mêmes, qui sortiront le mieux de la quadruple crise.

Des hôpitaux géants quand il faudrait décentraliser les services

 L'importance que notre gouvernement accorde à la disparition du Grand Prix de Montréal et les solutions coûteuses qu'il envisage pour le rétablir donne la mesure de notre retard en matière de culture de transition. Si la présidente du Parti Québécois, Mme Pauline Marois, a évoqué la question de l'indépendance à l'égard du pétrole, elle ne semble pas encore disposée à intégrer les décisions à prendre pour sortir de la crise économique à l'ensemble des décisions qu'il faut déjà prendre pour relever le défi des trois autres crises.
Il est clair qu'il faudra revoir en profondeur toutes les politiques de transport. Or voici que l'on construit deux hôpitaux géants à Montréal. De deux choses l'une: ou bien les promoteurs n'ont pas pris en compte le coût énergétique à long terme de cette décision, ou bien ils l'ont pris en compte et l'ont considéré comme négligeable. Dans l'une et l'autre hypothèse ils auront des comptes à rendre un jour prochain. Il semble que ce soit les sciences et les technologies médicales qui exigent la centralisation dans ce domaine. Si c'est le cas, il faudra réduire les coûts du transport dans d'autres domaines, le domaine scolaire par exemple. Ne conviendrait-il pas de renoncer au transport scolaire pour revenir aux écoles locales ?

Notre gouvernement fait en ce moment des investissements majeurs dans les infrastructures routières. N'aurait-il pas été plus sage de commencer à développer les infrastructures maritimes et fluviales, étant donné que le coût énergétique du transport par bateau est plus de dix fois moindre que celui du transport par camion.

Il faut tout revoir

Il faudra réexaminer toutes les décisions prises dans le passé, toutes les solutions qui allaient de soi à l'époque du paradis énergétique. La plupart des écoles, collèges et campus universitaires sont dépourvus de cours de récréation qui permettraient aux enfants et aux jeunes de pratiquer le sport au grand air,de pratiquer ce que les promoteurs anglais de la résilience appellent le sky sport. On a préféré construire des gymnases, des piscines et des arénas qu'il faut chauffer et entretenir à grands frais énergétiques, sans être du tout sûr que la santé des intéressés en sera améliorée.

Pendant combien de temps encore nos subventions à l'industrie du porc seront-elles justifiées par un espoir sérieux de rentabilité dans l'avenir?  Aurons-nous encore longtemps intérêt à transporter le lait des fermes aux usines centralisées puis de ces usines vers les marchands détaillants situés dans les villages voisins des fermes, voyage aller-retour pouvant dépasser les 300 kilomètres?

Ne faudrait-il pas d'ores et déjà imposer des taxes beaucoup plus élevées pour les véhicules inutilement puissants, de même que pour tous les véhicules récréatifs, incluant la motoneige? Si nous refusons de le faire parce que la chose n'est pas dans notre intérêt immédiat, nos clients étrangers pourront répliquer en imposant des droits de douane plus élevés sur nos avions et nos trains.

Il faut tout revoir. Si nous le faisons dès maintenant, l'opération transition pourra se faire dans l'enthousiasme, car elle comportera de nombreux avantages, sur le plan social notamment. Depuis un an, les jeunes ont de plus en plus recours au co-voiturage. Ont-ils lieu de s'en plaindre? Ils ont au contraire l'heureux sentiment que cela les rapproche les uns des autres.

Si par contre nous restons figés dans le déni, l'avenir sera sombre. Nous devrons subir, en tant que victimes amères, des changements que nous aurion pu opérer en tant qu'acteurs créateurs et joyeux. Qui donc a écrit: «puisque cette situation nous dépasse feignons de l'avoir organisée?» S'il est trop tard pour feindre même de l'avoir organisée, il est encore temps de tout mettre en oeuvre pour en tirer profit, c'est-à-dire pour redonner à l'homme, à la vie et à la nature, un monde dont la machine s'est emparée.

1-Brown, L. (2003) Plan B: Rescuing a planet under stress and a civilisation in trouble, W.W.Northon\Earth Policy Institute.

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