Une Saint-Jean de rêve
De rêve littéralement, un rêve où les feux de la Saint-Jean symbolisaient le savoir essentiel. Suivi de La légende du feu
Je me suis réveillé le matin du 14 juin 2022 avec, à la conscience, une association onirique entre les feux de la Saint-Jean et la Septième lettre de Platon. Dans cette lettre, tout gravite autour de la question de la transmission du savoir essentiel. Dans mon rêve, la réponse de Platon a pris cette forme : le savoir essentiel ne s’enseigne pas, il se communique d’âme à âme, comme les feux de la Saint-Jean s’allument un à un le soir dans les collines.
Voici la vraie réponse de Platon : « La-dessus, en tout cas, il n'existe pas d'écrit qui soit de moi, et il n'en existera jamais non plus: effectivement ce n'est pas un savoir qui, à l'exemple des autres puisse aucunement se formuler en propositions; mais, résultat de l'établissement d'un commerce répété avec ce qui est la matière même de ce savoir, résultat d'une existence qu'on partage avec elle, soudainement, comme s'allume la lumière lorsque bondit la flamme, ce savoir se produit dans l'âme et, désormais, il s'y nourrit tout seul lui-même. [...] L'entreprise dont je parle relativement à ces questions n'est point toutefois, à mon jugement, un bien pour l'humanité, à moins que ce ne soit pour quelques-uns, en petit nombre: je veux dire pour tous ceux qui sont capables, à l'aide d'une petite indication, de trouver par eux-mêmes; tandis qu'avec le reste des hommes, assurément on remplirait les uns, sans convenance aucune, d'un dédain injustifié à l'égard de leurs semblables, les autres d'une hautaine et inconsistante espérance.»
Ma réponse onirique n’en a que plus de sens. Les Grecs et les Romains célébraient le solstice d’été par des feux allumés le soir du 21 juin, jour le plus long de l’année, jour de la lumière, de la connaissance, du savoir essentiel. Voyant là un culte du soleil visible, auquel ils préféraient leur soleil invisible, les chrétiens ont reporté cette célébration au 24 juin, date de naissance de saint Jean. Ce que Platon leur aurait sûrement pardonné puisqu’il associait lui aussi le soleil invisible au soleil visible et que le savoir essentiel dont il parle est d’ordre mystique.
la légende du feu.
À mon rêve, s’est joint un souvenir d’enfance, celui de La légende du feu cette chanson que tant de jeunes, scouts et autres, ont entonnée avec enthousiasme en faisant la ronde autour d’un feu de camp, à la Saint-Jean notamment. C ‘est le feu qui parle. Que dit-il ? En quoi fait-il écho aux grands mythes sur le sujet, lesquels prennent une signification particulière en ces temps de réchauffement climatique où les feux de forêt incontrôlables sont de plus en plus nombreux ?
Le 1er couplet
Les scouts ont mis la flamme,
Au bois résineux.
Ecoutez chanter l’âme
Qui palpite en eux.
Refrain
Monte flamme légère,
Feu de camp si chaud, si bon,
Dans la plaine ou la clairière,
Monte encore et monte donc,
Monte encore et monte donc,
Feu de camp si chaud, si bon.
Autres couplets
Autrefois j’étais prince
Perfide et méchant,
Dépeuplant la province
Des petits enfants.
Me tendit ses embûches
L’enchanteur Merlin.
M’enferma dans les bûches
Du grand bois voisin.
Depuis lors je dévore
Tout autour de moi.
De me voir près d’éclore
On tremble d’effroi.
Mais des arbres qui flambent,
Je suis prisonnier.
Et mes bras et mes jambes
Brûlent tout entiers.
Ce terrible supplice
M’a bien converti,
Et pour votre service
Me suis fait petit.
Je m’installe en vos chambres
A votre foyer.
Pour réchauffer vos membres
Et vous égayer.
C’est moi qui vous éclaire
Dans les longues nuits,
Qui vous rend plus légères
La peur et la pluie.
Mais je sens que j’expire,
Ecoutez la voix
Qui faiblit et soupire
D'un vieux feu de bois.
Ma leçon, la dernière
Vous dit mes enfants,
On ne fait rien sur terre
Qu’en se consumant.