Famille
Est-il vrai, comme plusieurs le prétendent, que la famille constituée d’un homme, d’une femme et de leurs enfants unis pour un certain temps est un phénomène universel, qu’on la retrouve à toutes les époques et dans toutes les cultures? En toute rigueur, il faut répondre non. On connaît des cultures, l’exemple classique étant les Nayar en Inde, 1 où la règle était que les femmes élèvent seules leurs enfants, estimant normal que les différents pères s’éloignent d’elles une fois leur obligation biologique accomplie. C’est bien ce qui se passe encore aujourd’hui dans le cas de ces femmes qui élèvent seules trois ou quatre enfants de pères différents.
Si l’on se place dans une perspective évolutionniste et pragmatique où le rapport entre parents et enfants est au centre du processus complexe d’adaptation, on peut toutefois affirmer que le trio homme, femme, enfants a été la formule la plus heureuse. Affirmation qu’il faut toutefois corriger tout de suite en précisant qu’il y a des variations considérables dans la façon dont le trio a vécu. Entre la famille médiévale où l’enfant partait en apprentissage dès son plus jeune âge, où il arrivait fréquemment que le nouveau-né fût écrasé par ses parents près desquels il dormait pour profiter de leur chaleur, et la famille nucléaire contemporaine, où l’enfant est l’objet des soins les plus attentifs et peut demeurer dans la maison familiale jusqu’à la fin de ses études universitaires, la différence est si grande que l’on peut se demander s’il s’agit de la même famille.
JACQUES DUFRESNE, "La famille ou la voie humaine, de la famille choisie à la famille choyée", colloque "Regards sur la diversité des familles", organisé par le Conseil de la famille et de l'enfance, mai 2005
Note
1. Préface de Claude Lévi Strauss, Histoire de la famille. Armand Colin, Paris, 1986.
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«La personne est indissociable de tout ce qui fait d'elle ce qu'elle est, de ce qui lui permet d'être, de tout ce qui est à son origine. De ce fait, la famille est un élément de la personne totale. La famille, c'est le père, la mère et les grands-parents d'ego [le sujet], tout cela fait, au sens fort, partie de moi. La famille ce sont les valeurs religieuses qui la fondent et qu'elle transmet. Mais c'est également ce qui la rend matériellement possible, qui en est un élément indissociable et en est le signe : le patrimoine familial, terres, maisons individualisées (qui ont une âme, celle de la famille, la nôtre), objets qui font partie de nous, nous ont été transmis par les ancêtres et que nous transmettons aux enfants.»
GUY MICHELAT, MICHEL SIMON, "Classe, religion et comportement politique", Paris, Presses de la FNSP et Editions Sociales, 1977