Réception de l'aristotélisme arabe en Occident
Comme on l’a dit ci-dessus, l’Occident latin ne connaissait d’Aristote que quelques écrits ayant trait à sa logique, cependant, lorsque le centre de l’activité intellectuelle et philosophique arabe se sera déplacé de Bagdad à Cordoue, des relations suivies s’établiront entre les cultures islamique et chrétienne. Dès qu’il serait connu, le corpus aristotélicien tel que les Arabes l’avaient transposé en leur langue allait susciter un très vif intérêt dans le monde latin de la scolastique.
Bientôt, sous l'impulsion première de ce personnage extraordinaire que fut Frédéric II, roi de Sicile, naîtra une intense activité de traduction, à laquelle s’attellera principalement Michel Scot, mathématicien et astrologue à la cour palermitaine de Frédéric, et que Dante enverra en Enfer. Mais le registre des œuvres à traduire est énorme et il s’en faut de beaucoup que les traductions réalisées deviennent aisément disponibles. Elles ne pénètrent en Occident que très graduellement : il faudra du temps avant que se dessine une synthèse qui soit comprehensive tout en restant fidèle à la structure et aux articulations du champ exploré. Et sans doute l’étrange résonance que les noms arabes ne pouvaient manquer d’avoir aux oreilles latines n’a-t-elle pas aidé à la clarté des distinctions qu’il importait d’établir de l’un à l’autre.
Il se fait, par ailleurs, que les œuvres d’Averroès furent les premières à se répandre chez les Latins. Par leur ampleur et leur intelligence profonde, elles jouirent dès l’abord d’une très grande autorité. On comprend donc que le philosophe de Cordoue ait été accueilli comme le porte-parole le plus authentique du « véritable » Aristote, c’est-à-dire de l’Aristote tel que le présentait la philosophie arabe. Aristote et Averroès, bientôt, formeront couple : le Philosophe et le Commentateur (37).
Et c’est pourquoi, tout aussi bien, « averroïsme » deviendra presque immédiatement un terme générique, désignant globalement l’ensemble du corpus philosophique proprement arabe, plutôt qu’un terme se rattachant à la conception philosophique particulière d°Averroès (38).
Le choc culturel provoqué par cette découverte d’Aristote, particulièrement dans l’interprétation qu’en avaient donnée ses commentateurs arabes, sera immense. La seule lecture du De anima, par exemple, commentée par Averroès, « va révéler aux artiens de Paris un monde de problème et de difficultés dont ils ne soupçonnaient sans doute pas l’existence » (39).
Et en effet, si la théologie avait sans trop de difficultés apparentes réussi à absorber et à assimiler la pensée de Platon, il n’en irait sans doute pas de même de la doctrine empiriste et naturaliste d’Aristote, dont la structure rigoureuse fascinait les esprits les plus critiques. Or, on l’a vu, depuis Alexandre d'Aphrodise, la tradition soulignait les différences, les oppositions qui démarquaient platonisme et aristotélisme et Joseph Moreau a noté qu’Averroès « prétendait revenir à l’aristotélisme authentique, affranchi des constructions théologiques du néo-platonisme, et ramené à une expression naturaliste, voisine de celle qu’en avait donnée Alexandre d'Aphrodise. Il n’est donc pas étonnant qu’en Occident l’averroïsme soit devenu la doctrine de ceux qui rejetaient la synthèse thomiste, parce qu’elle subordonnait la physique aristotélicienne au dogme révélé » (40).
C’est donc avec un mélange d’intense curiosité, d’étonnement fasciné, mais aussi de méfiance, de crainte et d'effroi que l’Occident latin prend connaissance de ce vaste champ philosophique qui, tel un monde nouveau, s’ouvre à ses investigations.
Et la situation est périlleuse. En effet, si la doctrine chrétienne a été exposée en deux langages différents, celui de Platon, d’abord, celui d”Aristote ensuite – comme allait le faire Thomas d’Aquin – , il importe évidemment que ces deux expressions distinctes soient néanmoins équivalentes, et donc réductibles l’une à l’autre. À défaut de quoi, ce serait l’unité même de la doctrine qui serait mise en cause.
C’est ainsi que la vexata quaestío de la concordance entre Platon et Aristote se charge désormais d’une dimension théologique nouvelle de toute première importance. Comme on l’a dit très justement : « Il y va de la cohérence de cette théologie bicéphale que ses garants disent très précisément la même chose, au moins sur tout ce qui regarde le cheminement vers Dieu et sur tout ce qui peut être articulé de sa nature » (41). Lorsque Jean Pic de la Mirandole prendra conscience des implications de cette question, il fera de sa solution le but premier de sa recherche philosophique.
C’est donc sous le voile d’une triple confusion que le monde latin du XIIIe siècle a reçu l’aristotélisme. Il y eut d’abord la confusion résultant de l’attribution au seul Averroès, de l’ensemble de la tradition philosophique arabe; assimilation, ensuite, de cet « averroïsme » à l’authentique doctrine d’Aristote; enfin, dernière identification, sans doute la plus grosse de conséquences au point de vue de l’histoire de la pensée occidentale, on estimera que l’aristotélisme est, sinon en principe, du moins dans les faits, le système en lequel la raison humaine a atteint le point culminant de sa puissance révélatrice : si Aristote est « le » philosophe, l’aristotélisme – et donc cet aristotélisme ! – est « la » philosophie.
Les réactions à la pénétration de l’averroïsme dans le monde latin furent extrêmement diverses. Elles allèrent du rejet le plus total à l’accueil enthousiaste, en passant par toutes les attitudes intermédiaires. L’« averroïsme » lui-même ayant consisté en une ambiance diffuse imprégnant principalement la faculté des arts de l’Université de Paris, bien plutôt qu’en un courant de pensée précisément circonscrit, on comprendra qu’il devient encore plus difficile de décrire avec précision l’ensemble des réactions qu’il suscita, chaque auteur individuel empruntant ou rejetant ce qui lui convenait personnellement dans cette tradition vague et générale.
Néanmoins, on peut tenter, au prix de quelque anachronisme sans doute, de situer quelques-uns de ces auteurs tout au long d’un spectre « idéologique » qui va d’une droite conservatrice à une gauche contestataire, tel qu’il se profile en arrière-plan des relations et des conflits interfacultaires à l’université de Paris, durant la seconde moitié du XIIIe siècle.
Traditionnellement, la faculté des arts était considérée comme la voie de préparation aux autres facultés : médecine, droit et théologie. Cependant, au fur et à mesure de la découverte du corpus aristotélicien, l’enseignement de la philosophie y prendra de plus en plus de place, et bientôt on assimilera « artístae » et « philosophes » (42). Les arts deviennent ainsi, en fait, sinon en droit, le lieu par excellence de l’enseignement de la philosophie – donc de l’aristotélisme, ou, mieux, de l’aristotélisme arabe. Bientôt, ces maîtres se considéreront eux-mêmes, aux dires de Luca Bianchi, comme « aristotéliciens professionnels » (43).
Cette évolution de l’enseignement qui était donné en son sein n’entraîna cependant aucune modification au statut de la faculté des arts. Elle restait faculté de transition, tant pour les professeurs que pour les étudiants, comme le soulignait le dicton « non est senescendum in artibus » – (il n’est pas bon de vieillir aux arts).
Cet immobilisme ne pouvait qu’engendrer un lourd ressentiment parmi les « artiens » à l’encontre de leurs collègues théologiens et ce d’autant plus que, lieu de passage obligé pour tous les étudiants, la faculté des arts était la plus fréquentée, quoique ses enseignants y fussent les moins bien payés.
On comprend que face à cet état de choses, les artiens aient exigé une pleine reconnaissance de leur statut professionnel et de leur droit à la liberté de recherche. C’est ainsi que Siger de Brabant et Boèce de Dacie, pour ne nommer que les plus célèbres, revendiqueront leur droit et leur devoir d’exposer la tradition aristotélicienne telle qu’ils la découvraient dans les textes, sans la mutiler ni l’édulcorer pour la rendre plus conforme aux exigences de la théologie. Il s’agissait, somme toute, de pratiquer la philosophie comme science pure, autonome et gratuite, valant par elle-même et ne dépendant en rien de sa conformité avec l’enseignement théologique courant.
Telle était donc ce que l’on pourrait appeler la gauche de la contestation universitaire, en laquelle se retrouvaient, outre les chefs de file qu’étaient Siger de Brabant et Boèce de Dacie, Jacques de Douai, Aubry de Reims et bien d’autres.
Quant à la tendance « conservatrice », on comprend qu’elle se manifestât d’abord et essentiellement parmi les théologiens, dont saint Bonaventure (1217-1274) sera la figure de proue.
Né Jean Fidanza, il entra chez les franciscains, dont il deviendra plus tard le ministre général. Les franciscains étaient, quant à l’essentiel, restés fidèles à l’esprit de leur fondateur, or saint François, génie religieux mais presque inculte en théologie, plaçait la personne du Christ au centre de sa dévotion, qui, de ce fait, faisait la part belle à l’affectivité concrète, au détriment de la stricte rationalité (44). Lorsqu’au fil des ans, le besoin d’une vie intellectuelle plus profonde se manifesta parmi eux, il était tout naturel que les frères mineurs se tournassent vers cette tradition augustinienne qui, depuis près d’un millénaire, avait dominé l’occident chrétien (45). Ce sera donc à partir de ce courant traditionnel et « augustinien » que saint Bonaventure élaborera sa vision propre des relations entre théologie et philosophie. Pour lui il y aura, non pas négation de la philosophie, mais intégration et absorption de celle-ci au sein de la théologie, comme l’annonce déjà le titre d’un de ses écrits De reductíone artium ad theologíam. De ce point de vue, saint Bonaventure ne pouvait que s’opposer à l’infiltration et à la progression du péripatétisme, en particulier du péripatétisme arabe.
Alain de Libera résume la situation en affirmant que : « ...l’image dominante, imposée dans les années 1260, est celle, inlassablement répétée par saint Bonaventure, d’un Averroès hérétique... [qui] affirme l’unité et la séparation de l’intellect possible » (46). C’est dire que, par fidélité à la tradition augustinienne, saint Bonaventure jugeait irrecevable la philosophie d’Averroès, que, de surcroît, il assimilait à celle d’Aristote (47).
Face aux Frères mineurs, les dominicains, eux aussi fidèles à l’orientation générale de leur ordre, plus intellectualiste comme on sait, adoptèrent une attitude beaucoup plus ouverte à l’égard du nouveau courant philosophique. Ce sera particulièrement vrai pour Thomas d’Aquin, qui, tout en restant critique, accueillera favorablement la nouvelle doctrine, même sous la forme radicale que lui avaient donnée les averroïstes. La pensée de l’Aquinate, en effet, tout comme celle d’Averroès et de tous les Grecs, (hormis, sans doute, les Sophistes), était incontestablement « ratiocentriste », la raison, ou le Logos, auquel participe l’intellect humain, se manifestant en toute la création. De là également, chez Thomas, ce penchant latent vers l’intellectualisme, penchant relatif sans doute, mais qui le démarque nettement de la tradition augustinienne et franciscaine ainsi que de son contemporain Bonaventure; et qui, d’autre part, le relie à Averroès (48).
Par ailleurs, l’attitude de l’Aquinate par rapport à l’averroïsme reste marqué d’une certaine ambiguïté. C°est ainsi qu’il tente souvent de donner, d’Aristote et de son Commentateur, l’interprétation la plus favorable, c’est-à-dire celle qui paraît conciliable avec le dogme chrétien. Ainsi de la thèse de l’éternité du monde : Thomas soutient que cette thèse, commune à toute la philosophie grecque, n’est pas, de soi, opposée au dogme de la création, car la création étant l’œuvre du Créateur, elle aurait pu lui être coéternelle; seule, la foi nous dit qu’il n’en a pas été ainsi. C’est ce qu’il affirme dans son De aeternitate mundi (49).
C’est également sans hésitation que Thomas reconnaît à Averroès son titre de « Commentateur », c’est-à-dire de porte-parole autorisé d’Aristote, dans les matières qui ont trait à la métaphysique. Ainsi en va-t-il de son De ente et essentia, où, à diverses reprises, Thomas fait appel à l’autorité d’Averroès. D’autre part, lorsque l’averroïsme met en cause, par exemple, le dogme de l’immortalité de l’âme individuelle, avec toutes les conséquences qui en découlent sur le plan moral, c’est avec la plus grande détermination qu’il s’en prend à l’interprétation que le Commentateur avait prétendu donner au De anima. Ici, nous dit l’Aquinate, Averroès s’est écarté de la droite doctrine d’Aristote au point de se faire le « dépravateur de la philosophie péripatéticienne ». Aussi est-ce de façon radicale, que dans son De unitate intellectus contra averroistas, il critique l’interprétation monopsychiste. Cet opuscule extrêmement polémique se termine par ces mots : « Voilà donc ce que nous avons écrit pour détruire la susdite erreur, en faisant appel non aux enseignements de la foi, mais aux arguments et aux dires des philosophes eux-mêmes » (50).
Somme toute,Thomas a compris qu’une attitude de refus face à la montée de l’averroïsme n’est pas, ou n’est plus, possible et il prend conscience de la nécessité d’exprimer la théologie dans ce nouveau langage qui, de prime abord, ne semble guère s’y prêter si on tient compte de son « naturalisme » et de son « matérialisme » apparents.
La synthèse thomiste allait consister, non pas à résorber la philosophie au sein de la théologie, comme l’avait voulu saint Bonaventure, mais, au contraire, à reconnaître la pleine autonomie de la philosophie naturelle – c’est-à-dire essentiellement la philosophie d’Aristote –, aussi longtemps qu’elle n’excède pas les limites de son champ propre. Et en effet, si la réalité est une, il ne saurait y avoir de contradiction entre la vérité connue par la raison et la vérité reçue par la foi. La philosophie, alors, joue par rapport à la théologie un rôle auxiliaire fort important, non seulement parce qu’elle fournit à la théologie une base conceptuelle stable, mais aussi parce que, souvent, ses propres conclusions, obtenues selon sa méthode et ses critères, rejoignent et confirment les conclusions théologiques.
Thomas prétendait donc coordonner philosophie et théologie selon une hiérarchie unique. De la physique à la métaphysique, de la métaphysique à la théologie naturelle et de celle-ci à la théologie révélée, il avait établi une progression continue en laquelle chacune de ces sciences jouait un rôle essentiel et spécifique. C’est le rôle ancillaire de la philosophie, appellation qui, replacée dans l’optique du temps, n’était aucunement dépréciative, surtout par comparaison avec la fonction que lui attribuait Bonaventure.
Comme on sait, cette même attitude d’accueil et de confiance dans la raison avait déjà été celle d’Albert le Grand, maître de Thomas d’Aquin. C'est ainsi, par exemple, que, sur la question cruciale de l’eudaimonia telle qu’envisagée par Aristote, Albert, à la suite, entre autres, d’Averroès, avait admis qu’il peut y avoir dès ici-bas « une forme de vie qui, au minimum, anticipe la béatitude promise aux élus dans la patrie céleste et, au maximum, se suffit à elle-même » (51). Comme Aristote et Averroès, Albert n’hésitait pas à caractériser de « divin » l’état auquel le philosophe en tant que tel pouvait parvenir, grâce à une ascèse intellectuelle soutenue. Et ce sera, paradoxalement, en partie sous cette influence albertine que, à Paris, l’« averroïsme latin » formulera sa théorie de la félicité philosophique.
On voit ainsi qu’Albert, comme l’Aquinate, refusait déjà, dans toute la mesure du possible, d’opposer discours philosophique et discours théologique : il les juxtapose en une confirmation réciproque, tout en s’opposant fermement au mélange des genres (52), et l’on a noté que l’insistance d’Albert sur l’autonomie relative du discours philosophique est directement redevable du « rationalisme arabe » (53).
Les deux dominicains intègrent donc l’aristotélisme arabe en une synthèse élargie de la doctrine chrétienne. Ce faisant, ils brisent et dépassent les confins de la théologie traditionnelle et coutumière de l’époque. En ce sens, l’un et l’autre, par rapport à cette époque, se montrent résolument novateurs et ils prennent les devants sur les conservateurs regroupés autour de saint Bonaventure.
Notes
37. L’histoire de l’averroïsme est très complexe, et a été étudiée en détail par plusieurs chercheurs, tels Léon Gauthier, Ibn Roshd (Averroès), Paris 1948; R.-A. Gauthier, « Notes sur les débuts [1226-1240] du “premier averroïsme” », dans Revue des sciences philosophiques et théologiques, Paris, Vrin, 1982, 66/3; Hayoun Maurice-Ruben et Alain de Libera, Averroès et l’averroïsme, Paris, P.U.F. 1991; Libera (1993); Torrell. Ces études conduisent à distinguer un « premier averroïsme », qui aurait été l’authentique doctrine d’Averroès, d’un « second averroïsme », qui représente ce qui passait pour la doctrine d’Averroès, telle que les Latins l’avaient reconstruite à partir des textes arabes qui leur étaient parvenus. La différence entre ces deux « Averroès » est telle que Léon Gauthier a pu écrire que «Tout invite donc à croire que l’“averroïsme latin” est invention de théologiens. On admet en effet de plus en plus aujourd’hui qu’Averroès n'était pas averroïste », cf. Torrell, p. 280.
Nous n’avons pas à entrer dans ce débat, car le seul Averroès qui nous intéresse ici, est celui que, peut-être à tort, croyaient connaître les Latins, soit donc le « second Averroès ». Pour suivre la pénétration de cet averroïsme en Qccident, l’ouvrage de Van Steenberghen est toujours pertinent, puisqu’il traite des seuls développements de la scolastique. Et sans doute préférera-t-on, pour éviter les ambiguïtés de vocabulaire, parler, avec Van Steenberghen, d’« aristotélisme radical » plutôt que d’« averroïsme » ou d’« averroïsme latin ».
38. Dans ce sens également, MacClintock, « Averroism », The Encyclopedia.
39. Steenberghen, p. 359.
40. Moreau, p. 48.
41. Quéron, p. 56.
42. Luca Bianchi cite un document datant de 1254 où la « faculté des arts » devient faculté « de philosophie rationnelle, naturelle et morale » (Bianchi-Randi, p. 20).
43. Bianchi-Randi, p. 33.
44. Cf. Dupré, p. 38 sqq.
45. Étienne Gilson notait qu’à la faculté de Théologie, « les maîtres les plus célèbres, comme Alexandre de Halès et saint Bonaventure, et les évêques de Paris, comme Guillaume d’Auvergne et Étienne Tempier, seront résolument augustiniens », Gilson (Moyen Âge), p. 394. L’inclusion d’Étienne Tempier dans cette liste des augustiniens les plus résolus est d’un grand intérêt, comme on le verra ci-après.
46. Libera, (1993), p. 385.
47. Non pas que saint Bonaventure eût ignoré Aristote : étudiant à la faculté des arts vers 1236-1240, il avait au moins ce vernis d’aristotélisme qui lui venait de la lecture de l’Organon et de l’Éthique, alors au programme. Mais contre Ét. Gilson, qui en fait un aristotélicien averti, Van Steenberghen maintient que sa connaissance de la métaphysique d’Aristote n’était que superficielle, cf. Steenberghen, p. 221.
48. « [La condamnation de 1277]... aura une influence profonde durant les décennies suivantes, en favorisant l’affirmation de tendances “volontaristes” opposées à l’intellectualisme commun aux thomistes et aux averroïstes » (souligné par moi), (Bianchi, p. 169).
49. Cf. l’étude récente et la traduction qu’en ont données Baldner-Carroll.
50. On peut noter que dans le De ente et essentia, où, comme on vient de le dire, Thomas se montre en général favorable à Averroès, il le critique dès qu’il est question de l’« unité » de l’intellect (Ibid., c. 3, 7 ). ]e remercie Roland Galibois, engagé dans la traduction du De ente et essentia, d’avoir attiré mon attention sur ces passages.
51. Albert décrit ainsi la « doctrine gréco-arabe de l’“intellect acquis” (intellectus adeptus), sans pour autant l’affirmer explicitement comme sienne », cf. Libera, (1993), p. 399.
52. Mais Luca Bianchi pose la question de savoir dans quelle mesure Albert était conscient « des conséquences dévastatrices qui pouvaient découler de sa distinction entre naturel et surnaturel, raison et foi, philosophie et théologie » (Bianchi-Randi, p. 40).
53. On a pu noter la filiation qui, sur ce point, relie saint Albert aux affirmations les plus radicales de la totale autonomie de la raison, telles qu’on les trouve chez Siger de Brabant et chez Boëce de Dacie, cf. Bianchi-Randi, 41. Van Steenberghen quant à lui, rappelait qu’Agostino Nifo, gloire de l’averroïsme padouan, faisait de Siger un discipulus Alberti, cf. Steenberghen, p. 394, n. 88.