La Commission européenne demande la suppression des restrictions de concurrence non justifiées dans le secteur des professions libérales

Commission européenne
La Commission européenne demande aux États membres, professions libérales et leurs organes de régulation de revoir ou supprimer les honoraires fixes et autres restrictions qui entravent la concurrence, notamment parmi les avocats et architectes, à moins qu'elles soient clairement justifiés par des considérations liées à l'intérêt général. « Le secteur des services est le principal moteur de la croissance dans l'Union européenne, et les professions libérales apportent une contribution importante en ce sens. Un allègement de la régulation de ces professions permettrait d'offrir des services plus compétitifs aux entreprises et aux consommateurs, et contribuerait à améliorer la compétitivité de l'Europe conformément aux objectifs fixés dans l'agenda de Lisbonne », a déclaré le commissaire Mario Monti. Dans un rapport adopté ce jour sur la concurrence dans le secteur des professions libérales, la Commission conclut que la plupart des restrictions présentent essentiellement une dimension nationale, et qu'il est donc préférable de les traiter à l'échelon national. Cette conclusion va dans le même sens que la mise en oeuvre décentralisée des règles de concurrence de l'UE à partir du 1er mai prochain. La Commission suivra les efforts entrepris par les autorités nationales antitrust dans le cadre du Réseau européen de la concurrence, et continuera de se pencher sur les cas d'infraction qui ne peuvent être réglés au niveau national.
Bruxelles, le 9 février 2004

Selon une enquête approfondie de la Commission européenne concernant les juristes, les notaires, les comptables, les architectes, les ingénieurs et les pharmaciens (1), l'existence de restrictions en matière de prix, de publicité ou dans d'autres domaines prive l'économie en général et les consommateurs en particulier des avantages de la concurrence.

Dès lors que ces restrictions présentent essentiellement une dimension nationale, dans un rapport adopté ce jour (2), la Commission invite les gouvernements, les autorités nationales chargées de la concurrence et les organisations professionnelles à revoir ou à supprimer les restrictions qui ne sont pas dûment justifiées.

Cette approche va dans la même direction que l'entrée en vigueur en mai prochain de nouvelles règles règlement 1/2003 relatif à la mise en oeuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité qui décentralisent l'application des règles antitrust de l'UE et renforcent le rôle des autorités nationales chargées de la concurrence et des juridictions nationales. La Commission conservera un rôle essentiel dans le nouveau système dans la mesure où elle veillera à l'application cohérente du droit de la concurrence dans le cadre du Réseau européen de la concurrence et effectuera ses propres enquêtes lorsque justifié.

Le secteur des services est le principal moteur de la croissance dans l'UE, selon des chiffres publiés par Eurostat, représentant 54 % du PIB et 67 % de l'emploi. Les professions libérales jouent un rôle important dans ce secteur, et les restrictions en vigueur freinent la productivité et la croissance (3).

Des restrictions encore nombreuses

Un examen minutieux entrepris par la Commission l'an dernier montre que les restrictions sont encore nombreuses et qu'elles manquent souvent de justifications objectives.

L'Italie et l'Allemagne continuent d'appliquer des prix minimums, parfois accompagnés de prix maximums, pour les architectes, les ingénieurs et les juristes. L'expérience des pays qui ont supprimé la régulation des prix la France pour les services juridiques et le Royaume-Uni pour la rédaction d'actes de transfert de propriété et les services offerts par les architectes - montre que le contrôle des prix n'est pas un instrument essentiel pour garantir une qualité élevée.

Un certain nombre de pays continuent également d'interdire aux professions libérales d'effectuer de la publicité pour leurs services, entravant la concurrence et rendant plus difficile et plus coûteux pour les consommateurs de rechercher la qualité et les prix qui correspondent à leurs besoins. C'est le cas notamment pour les experts comptables (France, Luxembourg, Espagne et Portugal) ou les notaires (France, Italie, Espagne et Grèce). Ces professions et d'autres font également l'objet de restrictions significatives en matière de publicité dans d'autres pays.

D'autres restrictions moins visibles portent sur l'accès à la profession par le biais d'une régulation excessive de l'octroi de licences ou de restrictions basées sur des critères démographiques et géographiques, notamment pour les pharmaciens et les notaires dans certains pays.

L'argument, souvent entendu, des représentants des professions libérales est qu'une régulation restrictive protège les consommateurs. La Commission, pour sa part, craint qu'elle ait pour seul effet de protéger les membres des professions libérales d'une saine concurrence, et avec les organisations de consommateurs, elle entend explorer d'autres voies afin d'aider les consommateurs à trouver le service qu'ils souhaitent, au prix qu'ils souhaitent.

La Commission reconnaît que la régulation peut être nécessaire, par exemple, pour empêcher la publicité mensongère, pour garantir des normes de construction ou des audits de qualité. Mais, en même temps, les restrictions doivent être soigneusement examinées afin de déterminer s'il n'est pas possible de préserver l'intérêt général légitime par d'autres moyens moins restrictifs de la concurrence.

Le débat est ouvert

L'exercice lancé par la Commission en janvier 2003, par la publication d'une étude commandée au Vienna Institute for Advanced Studies, a déjà permis d'ouvrir le débat en Allemagne et en Italie. Par ailleurs, au Danemark, en Irlande, aux Pays-Bas, en Finlande et au Royaume-Uni, les autorités chargées de la concurrence ont entrepris, ou sont sur le point de lancer un vaste programme de réforme du secteur, et presque toutes les autorités de la concurrence ont traité des notifications ou des plaintes.

Des arrêts rendus récemment par la Cour de justice des Communautés européennes ont aussi fourni des éclaircissements importants concernant la compatibilité de certaines pratiques avec le droit de la concurrence dans l'UE.

Il convient de souligner à ce sujet que dans une affaire opposant l'autorité italienne antitrust à l'association italienne des fabricants d'allumettes (CIF), la Cour de justice a établi que les autorités nationales chargées de la concurrence ont le devoir de mettre fin à un comportement anticoncurrentiel même lorsque celui-ci est imposé ou facilité par des mesures ou des lois émanant de l'État lui-même.

En 2005, la Commission présentera un rapport sur les progrès réalisés dans la suppression des règles restrictives et injustifiées dans le secteur des professions libérales. D'ici là, elle continuera de jouer un rôle actif (4) dans l'examen de ces restrictions le cas échéant et dans le suivi des professions libérales et des avis émis par les consommateurs. Elle continuera également à établir des liens avec les autorités nationales et elle élargira la collecte d'informations ainsi que son activité de conseil aux 10 nouveaux États membres.


Notes
(1) Les seules professions libérales examinées jusqu'ici. Les professions médicales ne sont pas concernées.
(2) Le texte intégral du rapport se trouve à l'adresse :
http://europa.eu.int/comm/competition/antitrust/legislation/#liberal

(3) L'autorité italienne antitrust a estimé qu'en Italie, 6 % en moyenne des coûts supportés par les entreprises exportatrices correspondent à des services offerts par les professions libérales
(4) La Commission a déjà pris trois décisions dont les principes essentiels ont été confirmés par la Cour de justice des Communautés européennes. Ces décisions concernent les barèmes appliqués par les expéditeurs en douane italiens et les agents espagnols en matière de propriété industrielle, ainsi que le code de conduite des mandataires agréés auprès de l'Office européen des brevets. En novembre 2003, la Commission a également notifié à l'ordre belge des architectes ses conclusions préliminaires selon lesquelles les prix minimums recommandés constituent une infraction de l'article 81, en précisant qu'une amende pourrait être infligée.

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