Terry Gilliam - Faux entretien avec un véritable altermondialiste

Jean-Philippe Costes

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Terry Gilliam (cliquez ici pour accéder à son dossier biographique)


Jean-Philippe Costes : Terry Gilliam, bonjour. C’est un honneur – que dis-je ? – c’est un immense privilège de vous parler.

Terry Gilliam : Salut.

Compte tenu de vos penchants pour l’absurde, l’humour et la dérision, je suppose que vous ne voyez aucun inconvénient dans le fait de ne pas être face à moi, au moment où débute cet entretien.

Je n’y vois que des avantages. La fausse interview, c’est ça, l’avenir ! C’est très reposant, ça évite les querelles, ça contribue à réduire les émissions de gaz carbonique… Et puis, quitte à dire des bêtises, autant laisser à un autre le soin de les assumer !

Dans ce cas, nous allons pouvoir commencer.

C’est vous qui voyez. Moi, je n’ai pas mon mot à dire : je ne suis pas là.

Monsieur Gilliam, vous êtes un personnage des plus déconcertants.

Ca promet…

Je m’explique : vous donnez l’image d’un homme enjoué, optimiste, enthousiaste et pourtant, votre univers artistique est d’une noirceur peu commune. Ainsi, la drogue empoisonne Las Vegas Parano (Fear and Loathing in Las Vegas) et Tideland. La guerre fait rage tout au long des Aventures du Baron de Münchhausen (The Adventures of Baron Munchausen). Brazil est le portrait d’une société totalitaire. Le Diable hante Bandits, Bandits (Time Bandits) et L’Imaginarium du Docteur Parnassus (The Imaginarium of Doctor Parnassus). Dans L’Armée des douze singes (Twelve Monkeys)1, l’Humanité est décimée par une pandémie. Jabberwocky et The Fisher King sont placés sous le signe de la pauvreté, de la bêtise et de la cruauté. Le monde serait-il donc un enfer ?

Le tournage de mes films m’a souvent donné matière à le penser2. Mais soyons sérieux un instant. Je ne suggère pas que le monde est infernal, j’invite le spectateur à penser que c’est le monde post-moderne qui l’est. C’est très différent.

Comment définissez-vous la Post-Modernité ?

Avec quelques difficultés. C’est un concept mouvant, qui varie d’un sociologue, d’un philosophe et d’un politologue à l’autre3. Mais pour rester aussi simple que possible, je dirai que la Post-Modernité est une hyper Modernité ou, si vous préférez, une sorte de verre grossissant que l’Homme d’aujourd’hui aurait posé sur la vie de l’Homme d’hier. 

 

 

 

 

 

 

 Brazil

Si je comprends bien, la Post-Modernité, telle que vous la voyez, est une caricature exubérante de la Modernité ?

C’est un peu réducteur, « caricature exubérante » est une redondance, mais je crois qu’on peut s’en tenir à cette formule. Oui, je considère que la Post-Modernité a déformé les principes de la Modernité, alors même que ces derniers nous avaient permis de sortir des brouillards du Moyen-Age. Oui, je suis convaincu qu’elle les a pervertis en les boursouflant comme l’ego d’un producteur.

Quelles sont ces valeurs outragées, auxquelles vous faites référence ?

Elles sont multiples mais à mes yeux, la plus importante est la Raison. En la déifiant comme le Veau d’or de la Bible, l’Homme s’est lui-même condamné au purgatoire. Il a métamorphosé le Progrès en régression. J’emploie le mot « métamorphose » à dessein, car il y a du Kafka, dans cette longue déchéance4

 

 

 

 

 

 

 

Les Frères Grimm

Pouvez-vous expliciter votre pensée ?

Pour ouvrir les portes de mon univers, il faut se poser deux questions élémentaires. La première est : que fait un homme qui place la Raison au-dessus de toute chose ? La réponse me paraît évidente : il se referme sur lui-même et investit toutes ses forces dans la préservation de ses intérêts personnels. En un mot comme en cent, il devient un pur égoïste.

C’est le cas de Jack Lucas5, le héros de Fisher King.

Oui. Il est l’archétype du rationaliste arrogant. A l’instar d’Anthony Sheperd, l’escroc invétéré de L’Imaginarium du Docteur Parnassus, il est exclusivement motivé par sa propre personne. Il ne fait que calculer à son profit. Il est persuadé que son intelligence est sa force, mais en réalité, elle constitue sa principale faiblesse : en le rendant égocentrique, elle lui interdit d’aimer et d’être aimé.

Cette difficulté à trouver de la chaleur humaine est constante, dans votre œuvre.

C’est logique. Lorsqu’elle est poussée à l’extrême, la Raison finit par chasser tout sentiment. Cette bataille entre le Cœur et l’Esprit est vieille comme le monde, mais avec l’avènement de la Post-Modernité, elle a pris une tournure très inquiétante. Prenez le Général de la Tombe6, dans Les Frères Grimm. Pour apporter les « lumières » Napoléoniennes dans les sombres provinces de l’Allemagne « arriérée », il n’hésite pas à faire régner l’arbitraire, la torture et la mort. 

 

 

 

 

 



Les aventures du Baron de Munchausen

Il semble que Bonaparte soit votre bête noire. Dans Bandits, Bandits, déjà, vous le présentiez comme un nabot gesticulant, vaniteux et tyrannique. Pourquoi tant de haine à l’égard d’une personnalité que beaucoup vénèrent comme un demi-dieu ?

Parce qu’il incarne, selon moi, la dictature de la Raison. Parce qu’il a voulu imposer le Code civil à coups de canon. Parce qu’il est le triste précurseur de notre époque : au mépris du sage enseignement d’Emmanuel Kant, il a fait de l’Homme un moyen, au service d’une fin.

Cette instrumentalisation méthodique de l’Homme, que vous faites remonter à la période révolutionnaire7, comment se traduit-elle, de nos jours ?

Essentiellement par la transformation de l’individu en consommateur. Avant d’être Canadien, Américain ou Français, avant d’être Charles, George ou Robert, l’Homme post-moderne est un acheteur. Il n’est considéré ni comme un citoyen capable de participer aux affaires de la Collectivité, ni comme un être dont la vocation est de vivre et de penser librement. Il n’est, au mieux, qu’une source de profits industriels. Les parents de Kevin8, le petit héros de Bandits, Bandits, sont deux des nombreux enfants nés de ce hideux mariage entre l’utilitarisme et le déterminisme. Quelle est leur principale occupation ? Regarder la télévision. Quel est le but suprême de leur existence – ou, devrais-je dire, de leur inexistence ? Acquérir le nec plus ultra de l’électroménager. Ces gens, dramatiquement représentatifs de leur génération, ne sont plus des humains au sens où l’entendait un philosophe tel que Jean-Paul Sartre. Ce ne sont que des machines, inféodées à un système commercial. C’est ce qui les rend détestables et pitoyables, au même titre que les habitants de Brazil ou que les bourgeoises qui, entre deux courses au supermarché, viennent s’encanailler dans l’Imaginarium du pauvre Docteur Parnassus. 

 

 

 

 

 

 

 

L'Armée des douze singes - Twelve monkeys

Essayez-vous d’atteindre le capitalisme, en tirant à boulets rouges sur le consumérisme ?

Mon œuvre a indiscutablement une dimension politique, mais elle ne s’est jamais inscrite dans le cadre manichéen et prosaïque du conflit partisan.

Tout de même, les valeurs que vous défendez sont plus proches de la Gauche que de la Droite…

Ce clivage me semble beaucoup trop relatif pour être pertinent. Dans Brazil, l’un de mes films les plus marquants, je renvoie d’ailleurs le libéralisme9 et le communisme dos à dos, en faisant de l’un et de l’autre les piliers d’une seule et même contre-utopie. En vérité, je vous le dis, le Diable que je rêve d’exorciser se situe au-delà des contingences politiciennes. Son visage est celui de Monsieur Nick10, le Méphisto qui tourmente sans cesse son vieil ennemi Parnassus en agitant la tentation du scepticisme, de la volonté de puissance et de l’égoïsme.
Son nom est…

Post-Modernité ?

Mes félicitations. Vous êtes moins idiot que vous n’en avez l’air.

Merci.

Et maintenant, vous devez me rappeler quelque chose, si vous avez bien suivi la conversation.

Ah oui ? Ah oui ! Tout à l’heure, vous avez dit qu’il fallait se poser deux questions élémentaires, pour entrouvrir les portes de votre univers. Sauf votre respect, vous en avez oublié une.

J’allais justement y venir. Cette seconde interrogation n’est qu’un prolongement de la première. Elle consiste tout simplement à changer d’échelle en partant de ce qui, à mon sens, constitue le fer de lance de la Post-Modernité : que fait une communauté qui vit entièrement sous l’emprise de la rationalité ? Pour moi, trois réponses s’imposent : elle surveille et réglemente sévèrement l’existence des individus, elle instaure un véritable culte de la performance et pour finir, elle privilégie une approche exclusivement comptable des relations économiques et sociales. 

 

 

 

 

 

 


Bandits, bandits - Time Bandits

Ces tendances apparaissent très clairement dans Brazil.

En effet. La ville encadre tous les actes du quotidien à l’aide d’une police omniprésente et d’une administration tentaculaire. Ses femmes, séduites par les idoles dérisoires de la perfection, passent leur temps à chasser les rides en soumettant leur peau irrémédiablement vieillissante à des liftings outranciers. Quant à ses fonctionnaires, ils subissent de plein fouet les conséquences du sacro-saint principe de rationalisation des coûts.

Vous faites probablement allusion à la scène dans laquelle le héros, Sam Lowry11, se voit contraint de disputer sa table de travail à l’un de ses collègues, installé de l’autre côté d’un mur…

La lutte que livrent les deux bougres est plus qu’un hommage au cinéma de Jacques Tati. Elle est emblématique d’un système qui pousse la Raison jusqu’à son point de rupture. Non, l’Homme ne peut aller au-delà d’un certain seuil de restriction, même si la loi du profit et l’équilibre des budgets exigent toujours plus de précarité. Non, l’Homme ne peut durablement subsister dans des cités-dortoirs et travailler dans des entreprises conçues comme des fourmilières géantes. C’est parce qu’il ressent ces nécessités fondatrices que Sam Lowry a le besoin irrépressible de se réfugier dans le rêve. Sans la bouée du Fantasme, il coulerait à pic dans l’océan de laideur qu’est la Société dans laquelle il survit.

Le verbe « survivre » n’est-il pas trop fort ?

Au contraire, je le trouve parfaitement adapté. Le binôme Post-Modernité/hyper rationalité est mortifère par essence. Il est l’antithèse de la beauté, de la joie et de tout ce qui fait le sel de l’existence. Qui peut s’épanouir dans une forêt de chiffres, sinon une poignée de traders monomaniaques et de comptables psychorigides ? Personne. J’ai la conviction que nous avons tous, un jour ou l’autre, éprouvé les sentiments du Baron de Münchhausen12 : « Je suis las de ce monde d’évidences […] Tout n’est que Logique et Raison, de nos jours. Science, progrès… Loi de l’hydraulique, loi de la mécanique, loi de ceci, loi de cela… Nulle place pour les grands cyclopes des mers du Sud, pour les arbres à courges, pour les océans de vin… Nulle place pour moi ». 

 

 

 

 

 



The Fisher King

La Science figure en bonne place, dans cette citation désabusée. Iriez-vous jusqu’à dire qu’elle est nocive, elle aussi ?

Entendons-nous bien : je ne condamne pas le Savoir ou la volonté de connaître ; je critique le scientisme, c’est-à-dire, le dogme qui, dans le sillage du positivisme du XIXè siècle, prétend que la Science résoudra tous les problèmes de l’Humanité et se substituera, à terme, à la Philosophie, à la Religion et à la Poésie. Toute ma vie, mon esprit a été hanté par une phrase, prononcée jadis par Ernest Renan. Je la cite de mémoire : « Le Merveilleux de la Nature, une fois dévoilé par la Science, constituera une poésie mille fois plus sublime que le Merveilleux de la fiction ». Ces paroles me font frémir d’horreur. C’est en réaction à l’idéologie qu’elles véhiculent que j’ai réalisé L’Armée des douze singes.

Dans ce film, vous montrez en effet un éminent biologiste qui, pour une raison que la Raison ignore, décide de ravager la planète en répandant des virus mortels.

Je montre aussi la façon dont la Science peut infléchir le cours de l’évolution et nous ramener tous à l’âge des cavernes. N’oubliez pas que dans le futur que je prophétise, les survivants de l’Apocalypse sont contraints d’abandonner la surface de la Terre aux animaux et de vivre dans des souterrains sordides.

Ce scénario n’est pas sans rappeler celui de La Machine à explorer le temps (The Time Machine), de Herbert George Wells13.

Plus généralement, il fait écho à la mise en garde qu’ont lancée Mary Shelley14, Robert Louis Stevenson15 et de nombreux auteurs de Science-Fiction : le Progrès – comme je vous l’ai dit précédemment – peut être synonyme de régression. 

 

 

 

 

 

 

 



Jabberwocky

« Science sans conscience n’est que ruine de l’âme »…

Pour vous prouver que je suis tout aussi cultivé que vous et accessoirement, pour compléter mon propos, j’ajouterai à la pensée de Rabelais une maxime de Protagoras : « L’Homme est la mesure de toute chose ». Cette idée me paraît déterminante, tant dans mes films que la Vie. Dès que l’Homme n’est plus la référence suprême pour distinguer le Bien du Mal, dès qu’il cesse d’être la médiane des projets individuels et des trajectoires collectives, le monde court à la catastrophe.

De « médiane » à « media », il n’y a qu’un pas que votre œuvre invite continuellement à franchir. Si l’on regarde Bandits, Bandits, Brazil, The Fisher King ou encore, L’Armée des douze singes, on constate que vous ne voyez pas les moyens de communication d’un très bon œil…

Les media sont extrêmement pervers. En théorie, ils ont pour but de rapprocher les gens mais en pratique, ils contribuent à les éloigner les uns des autres. Ils sont porteurs d’un vice congénital.

Lequel ?

Ils créent des intermédiaires entre les personnes. En 1993, Fred Schepisi a réalisé un film dans lequel il affirmait, en substance, qu’il n’y avait pas plus de six degrés de séparation entre tous les êtres humains16. La théorie était intéressante, mais je crains fort qu’Internet, les téléphones portables, les satellites et les DVD n’aient fait exploser le chiffre avancé par mon confrère Australien… C’est malheureusement dans l’ordre des choses : la télévision fait écran entre ceux qui la regardent. C’est pour cette raison que bien souvent, mes personnages s’expriment ou sont perçus à travers des moniteurs, des caméras ou des vitres changées, par la magie du Cinéma, en ordinateurs ultrasophistiqués. 

 

 

 

 

 

 

 

Las Vegas Parano

Mais n’est-il pas paradoxal qu’un homme à votre image voue les media aux gémonies ? Sans les écrans, Terry Gilliam ne serait pas Terry Gilliam.

Là encore, une précision s’impose : je ne dénonce pas tant la médiatisation que l’hyper médiatisation, qui a succédé à l’hyper rationalisation qui, elle-même, a suivi l’essor de la Post-Modernité. C’est ce trio infernal que je fustige en montrant les dérives de la Radio, dans The Fisher King17, ou en représentant le Ministère de l’Information de Brazil comme un Moloch, qui se repaît des libertés individuelles.

Dans Bandits, Bandits, vous allez même jusqu’à prêter au Démon l’intention de conquérir
le monde en utilisant les media…


Les media et l’ensemble de la technologie de pointe.

Pourquoi incluez-vous cette dernière dans votre démonologie ? Parce qu’elle procède également de la Post-Modernité et de l’hyper rationalité ?

Et aussi, parce qu’elle tend à réifier l’Homme, c’est-à-dire, à le transformer en chose. Songez à Sam Lowry, cet archétype du citoyen d’aujourd’hui et de demain : le microcosme dans lequel il se débat comme un fauve en cage est envahi par la technique. Son réveil, son petit déjeuner et son habillement sont entièrement automatisés. Son travail est phagocyté par l’informatique. Même les murs de son appartement débordent de câbles qui, à tout moment, menacent de l’engloutir ! Au fond, il n’est plus que l’un des innombrables maillons d’une chaîne inhumaine. 

 

 

 

 

 



L'imaginarium du Docteur Parnassus

Votre point de vue n’est pas sans rappeler celui des Luddites, ces ouvriers Anglais qui, de 1811 à 1816, entreprirent de briser les machines au motif qu’elles menaçaient leur emploi. Revendiquez-vous cette parenté idéologique ?

Ludd et ses hommes ont pressenti, avant tous les autres, que la mécanisation à outrance apporterait le pire et non le meilleur. Je ne peux m’empêcher de voir en eux des prophètes du monde post-moderne.

Ce monde, vous l’accusez d’être anxiogène, oppressant, avilissant. Mais dans le même temps, vous lui donnez des traits attendrissants, qui suscitent davantage des sourires que des rictus de dégoût. N’y-a-t-il pas là une contradiction ?

Au contraire, ce décalage sert mon propos. Pour vous en convaincre, prenons l’exemple de Brazil. L’esthétique de la ville est rétrofuturiste. Elle mêle les techniques anciennes aux technologies nouvelles. Or, que vous inspire une Société dont l’extrême sophistication va de pair avec des ustensiles de cuisine et des téléviseurs des années 1950 ? Des sourires, comme vous l’avez dit. Toutefois, ces sourires sont motivés par la dérision et non, par la sympathie. A aucun moment vous ne pouvez prendre au sérieux une communauté dont les habitants roulent dans des automobiles brinquebalantes, qui vous rappellent les voitures à pédales de votre enfance. 

 

 

 

 

 

 


Les Frères Grimm

Ainsi, la naïveté des décors de Bandits, Bandits, de Brazil, des Aventures du Baron de Münchhausen ou des Frères Grimm ne doit rien à une volonté, essentiellement commerciale, de céder au Politiquement Correct de l’industrie cinématographique ? Elle n’est pas une façon déguisée de désamorcer votre discours, en atténuant sa dimension polémique ?

Elle est mon arme de subversion massive, soyez-en assuré. Cependant, ma palette artistique ne se réduit pas aux couleurs pastel ou au carton-pâte que nous venons d’évoquer. Mes partis pris de mise en scène visent, avant toute chose, à restituer la noirceur de notre époque.

Quelles sont les principales figures de style de cet imaginaire de l’angoisse ?

Les prises de vue obliques, qui ont pour objectif d’inspirer au Spectateur un sentiment de malaise ; les gros plans, qui donnent à certains protagonistes une image à la fois ridicule et agressive ; les contre-plongées, qui accentuent la sensation d’écrasement que procurent les décors.

Les décors, justement, occupent une place essentielle dans vos travaux. Leur hostilité et leur gigantisme coutumiers constituent, en quelque sorte, votre « marque de fabrique ». Les buildings de Brazil, les gratte-ciel de Fisher King ou même, l’aéroport et les grands magasins de L’Armée des douze singes rappellent toutefois des chefs d’œuvre du patrimoine mondial comme Le Procès, 1984 et plus encore, Metropolis. Assumez-vous cette ressemblance, que d’aucuns pourraient assimiler à un défaut d’originalité ?

Je l’assume et pour aggraver mon cas, je m’en félicite ! Contrairement aux idées fausses que propagent ceux qui critiquent sans jamais avoir écrit, filmé, composé, peint ou dessiné, un artiste ne crée pas ex nihilo. Il ne bâtit pas en l’air, mais sur une terre labourée par des siècles de réflexion. Ce substrat culturel peut avoir des centaines d’ingrédients différents. Le mien comprend des hommes tels que Franz Kafka, George Orwell et Fritz Lang. Il contient même un génie auquel personne ne me relie et qui, pourtant, apparaît en filigrane de toute ma filmographie : Charlie Chaplin. Le grand homme a fait Les Temps Modernes. A la mesure de mes capacités, j’ai fait les Temps Post-Modernes. Souvenez-vous des ouvriers qui s’échinent comme des robots dans l’armurerie du bien nommé Bruno le Contestable, le roi de Jabberwocky. Rappelez-vous de Sam Lowry et de ses collègues de travail, au Ministère de l’Information de Brazil. Certaines comparaisons valent mieux qu’un test de paternité… 

 

 

 

 

 

 

 



Les aventures du Baron de Munchausen

Chaplin se distinguait par son aptitude à mélanger harmonieusement l’humour, la critique politique, la satire sociale et la poésie. Il était également un formidable visionnaire. Avec le recul, pensez-vous que vos films ont, eux aussi, anticipé l’avenir ?

Hélas, oui. La réalité a rejoint la fiction au-delà de mes craintes les plus folles. Qu’est devenue notre planète, sinon une triste réplique de Brazil ? La Société du XXIè siècle est minée par la solitude et le désespoir. C’est un monde dans lequel l’Individu n’est qu’un rouage ou une « variable d’ajustement », comme disent les technocrates et les gestionnaires. C’est un monde dans lequel un être humain peut être broyé à cause d’un simple bug informatique18. C’est un monde soumis à la dictature de l’argent19. C’est un monde qui balance entre l’horreur économique de Viviane Forrester et l’horreur métaphysique dont se lamente Kurz, l’officier dépressif d’Apocalypse Now !20 C’est un monde absurde, qui a pour seules issues le terrorisme, la drogue ou la mort. En résumé, c’est un monde de fous.

Dans ce monde de fous, qui sont les gens sensés ?

Les fous, c’est-à-dire, ceux que la Société rejette au motif qu’ils refusent de se plier aux règles de la Raison dominante. Cette mise à l’écart, dont Michel Foucault révèle le caractère immémorial dans son Histoire de la folie à l’âge classique, est d’ailleurs une grave erreur de calcul : le fou, comme le suggère William Shakespeare dans Hamlet, est l’homme qui dit la Vérité ; parce qu’il n’est pas aveuglé par les lumières trompeuses de la rationalité, il a une vision plus claire des choses de la Vie. C’est le cas de Jeffrey Goines21, dans L’Armée des douze singes. Bien qu’il soit un habitué des hôpitaux psychiatriques, il perçoit mieux que quiconque la menace écologique qui plane sur la Terre. Quant à ses crises de délire en forme de diatribes anticapitalistes, elles annoncent, dès le milieu des années 1990, les cataclysmes financiers des années 2000. Le problème est que les gens « sains d’esprit » n’écoutent pas les « malades mentaux »…

James Cole22, le héros du film, subit un sort analogue.

C’est inévitable. Sa parole s’oppose à la norme intellectuelle – norme dont Jeffrey Goines dit opportunément qu’elle n’est rien d’autre que « la folie de la majorité ».

Une personne « normale » consent malgré tout à admettre que l’avenir de l’Humanité s’écrira en lettres de sang : Kathryn Railly23, la psychiatre de Cole. 

 

 

 

 

 

 

 



L'Armée des douze singes

Oui, mais elle n’accède à la lucidité qu’en reniant ses convictions scientifiques et en acceptant de passer pour une aliénée, aux yeux des « singes savants » de l’Académie de Médecine.

Est-ce à dire que les fous sont les seules personnes clairvoyantes, en ce bas monde ?

Non. Les enfants ont, eux aussi, une perspicacité naturelle.

Pourquoi ?

Parce qu’ils n’ont pas atteint le fameux « âge de raison » - âge que la Société, vous le noterez au passage, ne cesse de repousser. Cette faiblesse présumée fait leur force. Comme ils n’ont pas encore été conditionnés par les prétendues certitudes de la Science, ils parviennent à voir des réalités que les adultes sont incapables de discerner. Cela se vérifie avec Kevin, le petit aventurier de Bandits, Bandits ou avec Sally24, la fillette intrépide qui accompagne le Baron de Münchhausen dans son périple extraordinaire.

Ces enfants ont-ils des parents spirituels, dans votre œuvre ?

S’ils en ont, il ne peut s’agir que des clochards. A l’instar des fous, ces derniers jouissent d’un privilège exceptionnel : leur esprit n’a pas été formaté par les conventions politiques, économiques, sociales ou culturelles. Cette liberté leur permet de s’approcher, au plus près, de la vérité des sentiments. Jack Lucas en fait la profitable expérience, dans The Fisher King : grâce aux lumières inattendues de Parry25, le Diogène solaire et hilarant des bas-fonds de New York, il finit par comprendre que sa vie de nanti n’était qu’un ténébreux mirage26.

Vos films élèvent les fous, les enfants, les vagabonds et les autres marginaux de la pensée au rang d’autorités morales et philosophiques. Quel est l’enseignement de ces sages extravagants ?

L’anticonformisme, le refus du scepticisme béat et plus encore, une idée à laquelle je crois de toutes mes forces : la Raison est trop petite pour cerner l’immensité du Réel. Comment cette théorie s’exprime-t-elle, en langage cinématographique ? J’efface méthodiquement la frontière entre imagination et réalité. Ainsi, on ne sait plus où se situent les limites des hallucinations de Raoul Duke27, le journaliste toxicomane de Las Vegas Parano. On ne peut davantage séparer le conscient et l’inconscient de celles et de ceux qui expérimentent le fantastique Imaginarium du Docteur Parnassus. Le même procédé scénaristique est à l’œuvre, dans Les Aventures du Baron de Münchhausen et dans Les Frères Grimm : plus les films avancent, moins on est en mesure de distinguer le vrai du faux, le récit
« historique » de la pure fantaisie. Le paroxysme de la confusion est atteint dans Bandits, Bandits, ou un personnage strictement onirique prend corps pour sauver la vie du héros28. Faire préchauffer le four pendant une demi-heure ; prendre six œufs frais, une livre de beurre, 300 grammes de farine et 200 grammes de sucre en poudre… 

 

 

 

 

 

 

 


Bandits, bandits - Time Bandits

Plaît-il ?

Votre attention commençait à baisser. C’est comme ça, de nos jours : quand un discours devient un peu long et dense, le Public décroche ; il faut le divertir à intervalles réguliers sinon, c’est le fiasco assuré. Alors, j’ai pensé qu’en vous récitant une recette de ma grandmère…

N’ayez crainte, je ne mange pas de ce pain-là. Vous pouvez continuer.

Merci. Je disais donc qu’en gommant la ligne de démarcation entre fiction et réalité, j’essayais de montrer l’impuissance latente de la Raison et son incapacité structurelle à épuiser l’incroyable complexité de la Vie. Ce relativisme et cet idéalisme Platonicien ouvrent la voie à une formidable perspective.

Laquelle ?

Il existe une infinité d’alternatives à l’univers dans lequel nous nous efforçons de vivre. Leur splendeur et leur diversité n’ont d’égales que le raffinement et la profondeur de notre imaginaire.

Peut-on dire que cette beauté foisonnante est la source première de votre inventivité proverbiale et de votre goût légendaire pour le surréalisme ?

On le peut et j’incline à penser qu’on le devrait, ne serait-ce que pour dissiper un malentendu presque aussi vieux que moi : ce n’est pas par excentricité, par maniérisme, par immaturité ou pour mettre en valeur mon « incomparable créativité » que j’ai filmé des fées, des dragons, des chevaliers, des voyages sur la Lune, des montgolfières en culottes de femmes, des rivières en forme de serpent, des échelles pour grimper aux nuages, des sorcières qui volent en éclats comme des miroirs brisés, des ogres, des géants et des rebelles qui s’évanouissent dans des tourbillons de papiers ; j’ai étudié toutes les déclinaisons du Merveilleux pour souligner, par effet de contraste, la laideur du monde post-moderne, son uniformité et la nécessité de le dépasser. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

The Fisher King

Ce « monde d’après », à quoi ressemblerait-il ?

Il aurait autant de visages qu’il y a d’individus capables de réfléchir, de concevoir, d’imaginer. Il serait plus chaleureux et convivial, car il serait débarrassé de la majeure partie des intermédiaires que les media, comme la technologie, ont créés pour séparer les hommes. Il serait propice à la gratuité, au sacrifice et à la compassion. Il tournerait le dos aux valeurs égoïstes d’Anthony Sheperd et s’ouvrirait à celles de Jack Lucas, le roi pécheur qui prend conscience que le Graal, c’est l’altérité, que se trouver soi-même impose d’être en quête de l’Autre. Dans ce monde, Don Quichotte, les frères Grimm, le Baron de Münchhausen ou le Docteur Parnassus seraient pris au sérieux et non, marginalisés par les sceptiques et les cyniques. Les rêveurs seraient au Pouvoir.

L’idée est séduisante, mais n’est-elle pas quelque peu simpliste ? Un ordre politique et social relève de la réalité. Dès lors, peut-on durablement le gouverner selon le principe de plaisir ?

Le plus grand tort de la Post-Modernité est d’avoir professé le dédain de toute activité onirique. Le rêve, me semble-t-il, est un déterminant de l’Humanité. C’est ce que j’ai essayé de montrer en mettant en scène des vautours à l’image du Général de la Tombe ou des bureaucrates de Brazil : un homme qui ne rêve pas ne saurait être un homme. Par ailleurs, je pense que le monde post-moderne a indûment renversé l’échelle des valeurs : le rêve n’est pas l’accessoire de notre existence, il en est le principal. Rêver, c’est démentir la fatalité dans laquelle certains voudraient nous enfermer, c’est se projeter dans l’avenir, c’est réhabiliter le possible au détriment du nécessaire. L’Homme a le choix. Il n’est pas l’otage de je ne sais quelle Nature. La souffrance n’est pas consubstantielle à sa condition, même si cela arrange les dominants de le faire croire aux dominés.

Comme le dit ironiquement l’Etre suprême, dans Bandits, Bandits, « le Mal a quelque chose à voir avec le libre arbitre ».

Absolument. Je suis convaincu que Friedrich Novalis avait raison : « Il ne tient qu’à nous que le monde soit conforme à notre volonté. Le destin qui nous opprime, c’est la paresse de notre esprit. Dieu veut des dieux ». Notre univers est tel que nous l’avons voulu. S’il est un enfer, nous avons le pouvoir – et le devoir – d’en chasser Méphisto. L’Homme n’est pas obligé de vendre son âme au Diable ou aux succubes de la Raison. Rien ne le force à ressembler à Parnassus. 

 

 

 

 

 



Brazil

Mais si l’infortuné Docteur29 cède à la tentation du Mal, c’est parce que la Nature l’y contraint. La tragédie de l’Etre humain, c’est d’être sa propre limite. D’ailleurs, vous admettez vous-même cette fatalité de la misère : les « happy ends » ne sont pas systématiques, dans vos films.

Constater que l’aventure humaine se solde souvent par un échec ne fait pas de moi un fataliste. Je suis volontariste et quoi qu’il advienne, je le resterai. Ne comptez pas sur moi pour vous dire qu’il n’y a qu’un seul chemin possible. Je crois fermement que l’Homme est
libre et qu’il est le démiurge de sa propre vie.

Vous avez longuement condamné la Post-Modernité, la technocratie, l’emprise des media sur la Société et les méfaits du capitalisme. A présent, vous critiquez la « Pensée unique » en sacralisant la souveraineté de l’Individu. Ce discours a une forte connotation politique. Il reprend des thèmes chers aux militants d’ATTAC30, aux contestataires Allemands de Die Linke ou encore, aux Souverainistes Français du Mouvement Républicain et Citoyen31. Vous sentez-vous proche de la Gauche Européenne ?

Les Etats-Unis sont un pays « de Droite », au sens où on l’entend sur le vieux continent. Je n’ai jamais été très à l’aise avec ses valeurs. C’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai décidé de devenir citoyen Britannique, en 200632. Cependant, vous faites fausse route en essayant de me rattacher à un mouvement politique. Je l’ai déjà dit mais je vais le répéter puisqu’à l’évidence, vous êtes un peu dur d’oreille : mon travail ne s’est jamais inscrit dans le cadre manichéen et prosaïque du conflit partisan ; de plus, le clivage Droite/Gauche me paraît trop relatif pour être pertinent.

Permettez-vous que je fasse, malgré tout, une tentative de classification ?

Si vous réussissez, je vous embrasse ! Mais je vous préviens : soyez avare de mots, parce qu’une longue dissertation doctrinale ne manquera pas de faire fuir vos derniers lecteurs !

Je serai bref. Placez-vous le libre arbitre au-dessus de tout autre valeur ?

Oui.

Haïssez-vous le consumérisme et le matérialisme ?

Oui.

Pensez-vous qu’il faut dépasser la Post-Modernité, afin de créer un « autre monde » ?

Oui. Je croyais que j’avais été clair, sur tous ces sujets.

Alors, vous êtes ce qu’il est convenu d’appeler un « altermondialiste ».

Attendez une minute. Il faut que je réfléchisse…

Prenez votre temps.

Vous aviez raison, tout à l’heure : j’ai un problème avec les « happy ends ». Je crois malheureusement qu’il va falloir que je vous embrasse…

Soit. Mais c’est uniquement parce que vous n’êtes pas là !



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1 Remake d’un remarquable court-métrage de Chris Marker intitulé La jetée.

2 La première mouture de L’Homme qui tua Don Quichotte (The Man Who Killed Don Quixote) fut l’un des pires désastres du cinéma des années 2000. Miné par une incroyable série de catastrophes, le projet fut suspendu pendant près d’une décennie. Le tournage de L’Imaginarium du Docteur Parnassus s’avéra tout aussi dantesque. Heath Ledger, le héros du film, mourut ainsi quelques semaines avant les dernières prises. Terry Gilliam ne dut son salut qu’à une idée dont le génie relève du pur miracle : faire de la malédiction humaine une bénédiction artistique en créant trois avatars du comédien tragiquement disparu (Johnny Depp, Jude Law et Colin Farrell).

3 Pour information, Terry Gilliam a poursuivi des études de Science politique, à l’Occidental College de Los Angeles.

4 Rappelons que La Métamorphose est l’un des ouvrages majeurs de Franz Kafka, grand connaisseur des arcanes de la Raison, de l’absurde et de l’aliénation.

5 Alias Jeff Bridges

6 Jonathan Pryce.

7 Période qui s’étend des Lumières à la fin de l’Empire Napoléonien, Bonaparte s’étant présenté, dans la Constitution consulaire de 1799, comme l’ultime héritier des idéaux révolutionnaires.

8 Craig Warnock.

9 Au sens Européen du terme.

10 Tom Waits.

11 Le rôle est tenu, une fois de plus, par Jonathan Pryce.

12 John Neville.

13 George Pal a fait une remarquable adaptation de ce film, en 1960.

14 Voir Frankenstein ou le Prométhée moderne (1818).

15 Voir Docteur Jekyll et Mister Hyde (1886).

16 Le titre original du long-métrage est Six Degrees of Separation.

17 Jack Lucas, vedette d’une station New-Yorkaise, est un prédicateur de la misanthropie. Son dernier sermon, méphitique en diable, pousse l’un de ses auditeurs, fragile et solitaire, à commettre un massacre dans un restaurant.

18 Dans Brazil, le paisible Buttle est confondu avec le terroriste Tuttle (Robert De Niro) en raison d’une erreur de listing, provoquée par une vulgaire mouche. L’incident vaut au citoyen au-dessus de tout soupçon d’être arrêté, torturé, puis exécuté sommairement.

19 Dictature qui sévit jusque dans les forges de Vulcain, comme peut le constater le Baron de Münchhausen.

20 Navré par l’ignoble visage qu’a pris, au fil du temps, la communauté qu’il a créée dans la jungle, Kurz (Marlon Brando) répète en agonisant une formule restée fameuse : The horror !

21 Alias Brad Pitt.

22 Bruce Willis, qui trouve ici l’un des meilleurs rôles de sa carrière.

23 Madeleine Stowe.

24 Sarah Polley.

25 Robin Williams.

26 En 2006, Terry Gilliam a lui-même joué le rôle d’un Sans Domicile Fixe dans Enfermé dehors, le « cartoon social » d’Albert Dupontel. Cette prestation fut anecdotique sur la forme, mais certainement pas sur le fond…

27 Johnny Depp.

28 A la fin du film, Agamemnon (Sean Connery), roi légendaire de Mycènes et d’Argos, s’incarne en pompier pour arracher le jeune Kevin aux flammes qui ravagent sa maison.

29 Lointain cousin du Faust de Goethe.

30 L’Association pour la Taxation des Transactions financières pour l’Aide aux Citoyens est un mouvement international qui plaide en faveur du contrôle, par les peuples, des marchés et de leurs institutions. Sa vision « Brazilienne » du monde et ses principes fondamentaux sont disponibles sur http:// www.attac.org/fr/whatisattac/plate-forme-internationale.

31 Le MRC (dont le fondateur, Jean-Pierre Chevènement, a été candidat à l’élection présidentielle de 2002) défend la souveraineté des Nations contre la mondialisation financière et ce qu’il appelle « l’impérialisme Américain ». Sa doctrine, différente de celle des Souverainistes Québécois, a été fortement influencée par les travaux du philosophe Pierre-André Taguieff (voir notamment L’effacement de l’avenir, Paris, Editions Galilée, 2000 et Résister au bougisme : démocratie contre mondialisation techno-marchande, Paris, Editions des Mille et une nuits, 2001).

32 Terry Gilliam avait la double nationalité Américano-britannique depuis 1968.




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