Wagner
On a l'habitude de considérer son oeuvre comme une « haute entreprise de libération spirituelle», ainsi que le disent si pertinemment les savants Bourguez et Dérenéaz. Son oeuvre est un amalgame de drame, de philosophie, de métaphysique et de musique. Je place la musique en dernier lieu, selon qu'il le faisait lui-même. Car il a asservi la musique au drame. Du moins, il l'a voulu. Le Désir et la Rédemption, voilà les grands thèmes de Wagner. Deux thèmes tout-puissants, mais non purement nouveaux. Pour emprunter encore une heureuse formule à Bourguez et Dérenéaz, je dirai que ce désir qui, dans Tannhäuser, est de l'ardeur sensuelle, qui, dans Siegfried, devient une volonté de puissance, dans Tristan touche au délire amoureux, deviendra la parfaite résignation dans Parsifal. Car le désir doit être vaincu, c'est la théorie chère à Wagner. Il doit l'être par la foi, par la mort, par le renoncement ou la rédemption. Et c'est l'extase sublime et spirituelle, chaude encore de vie humaine, tout ensemble le drame de l'âme. Cependant, le Wagner penseur et philosophe, le Wagner homme de théâtre est déjà bien loin de nous. Seule sa musique, désormais, malgré qu'il ait voulu le contraire, nous subjugue et nous enchante. C'est par sa musique qu'il est grand et c'est par elle qu'il demeurera.
Il a été malheureux, comme il convient à un romantique. Si son amitié avec Liszt fut extraordinaire, elle ne fut cependant pas toujours facile et la correspondance entre les deux amis montre un Wagner quelquefois bien déconcertant, pour ne pas dire autre chose. Il était tout le contraire de Liszt, qui lui a tout donné, même sa fille Cosima.
Le roi Louis II de Bavière, ami des arts et fervent du génie de Wagner, l'a aussi généreusement aidé à construire son théâtre de Bayreuth, suprême monument d'orgueil où se perpétue un culte musical en souvenir du grand génie allemand.