Un visage pour être aimé
Le temps est peut-être venu où tous les philosophes du Québec, du Canada, de l’Amérique ont le droit et le devoir de se reconnaître pour soutenir qu’ils sont profondément enfoncés dans la vie des autres, dans une vie commune comme dans la vie commune ou collective. On l’a dit et répété, assez longtemps le philosophe a eu un visage inutile, un corps d’amateur, un projet fictif. Il était une limette dans un cocktail d’hommes religieux ou d’affaires — il y a religion et religion — une lumière rayonnante dans certains salons mondains, outremontains, ultramontains. Aujourd’hui, le philosophe a un visage pour être aimé, une situation normalement heureuse. Il peut être libre et disponible, indépendant et respectueux, capable de s’offrir aux jugements des autres pour mieux se juger lui-même, capable de s’occuper de ses affaires parce que ses affaires l’occupent. Qui n’a pas ou n’a plus à répondre à la question impertinente « À quoi sert la philosophie ? » s’il a la pertinence de se poser à lui-même la question : à quoi je sers ? qui ai-je servi ? de qui suis-je le serviteur ? Qui n’a pas ou n’a plus à répondre à la question qu’est-ce que la philosophie, puisque tout ce que la société ou l’État peut et doit lui demander c’est de répondre de son être philosophe, d’assumer et de se rendre responsable de son langage philosophique, de sa découverte ou vérité propre.