Du vague des passions

François-René de Chateaubriand
Il reste à parler d'un état de l'âme qui, ce nous semble, n'a pas encore été bien observé; c'est celui qui précède le développement des passions, lorsque nos facultés, jeunes, actives, entières, mais renfermées, ne se sont exercées que sur elles-mêmes, sans but et sans objet. Plus les peuples avancent en civilisation, plus cet état du vague des passions augmente; car il arrive alors une chose fort triste: le grand nombre d'exemples qu'on a sous les yeux, la multitude de livres qui traitent de l'homme et de ses sentiments, rendent habile sans expérience. On est détrompé sans avoir joui;il reste encore des désirs, et l'on n'a plus d'illusions. L'imagination est riche, abondante et merveilleuse; l'existence pauvre, sèche et désenchantée. On habite, avec un coeur plein, un monde vide; et sans avoir usé de rien, on est désabusé de tout.

L'amertume que cet état de l'âme répand sur la vie est incroyable; le coeur se retourne et se replie en cent manières, pour employer des forces qu'il sent lui être inutiles.

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