La monarchie en Amérique
L'existence de cette monarchie en Amérique surprend d'autant plus que ni l'empire britannique, ni le Commonwealth, auxquels ce Dominion a appartenu, ne réussirent à conserver l'allégeance de colonies au Souverain britannique. Il suffit de voir comment la république a ébranlé les dominions de l'empire.
L'une des causes du succès de cette monarchie en Amérique est qu'on la recherche là où elle n'existe guère et qu'on néglige d'examiner les signes qui la manifestent. La monarchie constitutionnelle canadienne a ceci de particulier de laisser le trône à un souverain étranger, au contraire des monarchies européennes qui reposent sur une famille dynastique nationale. On cherchera en vain au Canada un diadème, des palais et des châteaux, des sceptres et des carrosses, des princesses adultères et des princes bâtards.
C'est plus dans la manière dont la monarchie constitutionnelle structure l'État canadien, organise et distribue les pouvoirs, définit les rapports entre gouvernants et gouvernés qu'il faut la rechercher. David. E. Smith, probablement l'un des seuls politologues au Canada (le Québec inclus) à avoir pris au sérieux la monarchie constitutionnelle, prétend qu'elle demeure encore aujourd'hui le premier principe de l'État canadiens. Qu'on considère les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, le gouvernement fédéral ou les provinces, le Canada anglais ou le Québec, la Couronne étend son empire partout. Mais c'est une Couronne invisible: c'est par les concepts que les élites politiques ont hérité et intériorisé d'elle qu'elle nous tient dans ses filets.