Trois caractères distinctifs du français
Dimanche le 06 janvier 2002
Passage tiré de: «Introduction aux images de la France», dans Regards sur le monde actuel, Paris, Librarie Stock, c 1931
Trois caractères distinguent nettement le français des autres langues occidentales: le français, bien parlé, ne chante presque pas. C’est un discours de registre peu étendu, une parole plus plane que les autres. Ensuite: les consonnes en français sont remarquablement adoucies; pas de figures rudes ou gutturales. Nulle consonne française n’est impossible à prononcer pour un Européen. Enfin, les voyelles françaises sont nombreuses et très nuancées, forment une rare et précieuse collection de timbres délicats qui offrent aux poètes dignes de ce nom des valeurs par le jeu desquelles ils peuvent compenser le registre tempéré et la modération générale des accents de leur langue. La variété des é et des è - les riches diphtongues, comme celles-ci: feuille, rouille, paille, pleure, toise, tien, etc. -, l’e muet qui tantôt existe, tantôt ne se fait presque point sentir s’il ne s’efface entièrement, et qui procure tant d’effets subtils de silences élémentaires, ou qui termine ou prolonge tant de mots par une sorte d’ombre que semble jeter après elle une syllabe accentuée – voilà des moyens dont on pourrait montrer l’efficacité par une infinité d’exemples.