Patience dans l'azur
Je ne vois pas quel livre peut valoir, quel auteur peut édifier en nous ces états de stupeur féconde, de contemplation et de communion que j'ai connus dans mes premières années. Mieux que toute lecture, mieux que les poètes, mieux que les philosophes, certains regards, sans pensée définie ni définissable, certains regards sur les purs éléments du jour, sur les objets les plus vastes, les plus simples, le plus puissamment simples et sensibles de notre sphère d'existence, l'habitude qu'ils nous imposent de rapporter inconsciemment, tout événement, tout être, toute expression, tout détail, -- aux plus grandes choses visibles et aux plus stables, -- nous façonnent, nous accoutument, nous induisent à ressentir sans effort et sans réflexion la véritable proportion de notre nature, à trouver en nous, sans difficulté, le passage à notre degré le plus élevé, qui est aussi le plus « humain ». Nous possédons, en quelque sorte, une mesure de toutes choses et de nous-mêmes. La parole de Protagoras, que l'homme est la mesure des choses est une parole caractéristique, essentiellement méditerranéenne.
Paul Valéry, extrait d'un conférence intitulée Inspirations méditerranéennes, prononcée le 24/11/1933 et publiée le 15/02/1934 dans Conferencia, Journal de l'Université des Annales, Ving-huitième année, Tome 1.
Et perdus pour l’univers
Ont des racines avides
Qui travaillent les déserts
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Patient, patience,
Patience dans l’azur!
Chaque atome de silence
Est la chance d’un fruit mûr!
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