Un manifeste
Nous sommes tributaires de la pensée grecque, de l’ordre romain et de la tradition judéo-chrétienne, comme le disait Paul Valéry. Nous nous situons dans le sillage de cette culture qui nous a guidés, et nous pensons faire œuvre utile en travaillant à la promouvoir. Ce qui nous unit au départ, c’est un même idéal de culture tel qu’incarné d’une façon exemplaire par Simone Weil, et un même souci de travailler à promouvoir les grands invariants : le Vrai, le Beau, le Bien.
Nous ne pouvons garder jalousement ce que nous avons reçu de meilleur. Tous, et davantage les éducateurs, nous avons le devoir impérieux de transmettre ce que nous avons reçu. Témoigner pour les valeurs transcendantes est une nécessité non seulement personnelle mais aussi sociale.
Comment discerner en nous ce qui est bien de ce qui est mal, ce qui est vrai de ce qui est faux, ce qui est beau de ce qui est laid ? Comment distinguer à l’intérieur même de notre temps ce que nous devons accueillir et ce que nous devons rejeter ? Quelles sont les étoiles fixes de notre être et de notre destinée qui pourraient nous fournir les critères pour nous guider ?
Dans cette incessante recherche, la mode du jour ou le conformisme idéologique ne peuvent nous servir de critères et de guides. Sénèque croyait que le goût de la foule est l’indice du pire. Si nous sommes de son avis, nous devons repenser les lieux communs, seul moyen, disait Unamuno, de se délivrer de leur maléfice.
Notre recherche doit être lucide. Il nous faut être conscients que notre monde souffre d’une allergie à la notion de fondement, de référence absolue, d’invariant. Le moderne, selon Stanislas Breton, préfère « errer dans le pluriel absolu », sans coordonnées. Il y a même une espèce d’hostilité à la vérité, au point que ce simple mot fait scandale puisqu’il semble l’expression d’un dogmatisme, d’une intolérance, de je ne sais quelle prétention ou mépris des autres. Pourtant nous croyons tous que le fait de garder l’esprit ouvert ne consiste pas à le laisser s’imprégner de toutes les sottises.
Nous persistons à croire qu’il existe quelque part de ces étoiles fixes qui peuvent orienter nos humaines boussoles et nous permettre de mettre le cap sur l’Infini. Nous pouvons les connaître assez pour leur donner des noms et apprendre à les repérer dans nos vies. Si l’on en croit Bergson, la nature a pris soin de nous indiquer quand notre destination est atteinte, et ce signe est la joie. Si nous interrogions les êtres les plus achevés que notre humanité ait produits, nous serions étonnés de voir que ce qui les a inspirés et nourris vient d’une source commune. En effet les mêmes intuitions fondamentales se retrouvent dans les termes et sous des éclairements différents chez les saints, les sages et les poètes de tous les temps. Avons-nous besoin d’autres critères pour inspirer, orienter et guider notre action ?