Art contemporain

L'adjectif contemporain est ici ambigu: il désigne à la fois une période dans l'histoire, grosso modo le 20e siècle et un type d'art particulier, l'art abstrait, dont on présume qu'il caractérise notre époque comme l'impressionnisme a caractérisé l'époque antérieure.

Dès lors de deux choses l'une: ou bien l'on croit que l'art est un phénomène essentiellement historique et alors on utilise le style du temps comme critère pour juger de la valeur des oeuvres de l'époque en cause. C'est ce qu'ont fait au vingtième siècle la critique officielle aussi bien que les musées, les fondations et les organismes subventionnaires gouvernementaux.

Ou bien l'on croit que l'art transcende les époques, qu'il existe, comme le pensait Pascal, «un modèle (universel) d'agrément et de beauté,» et alors l'exclusion pour cause de non conformité à l'esprit du temps apparaît comme une forme de terreur et peut être assimilée à ce que Karl Popper appelle l'historicisme, illusion totalitaire consistant à prétexter d'un prétendu sens de l'histoire pour exclure de l'histoire diverses catégories d'individus et d'oeuvres. (J.D.)

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Art

Jacques Dufresne

Première version de cet article en 2003.

Essentiel

Le XXe siècle aura été marqué par la querelle des abstraits et des figuratifs. Cette querelle n'est pas terminée. Elle se distingue de la querelle du siècle précédent, celle des anciens et des modernes, en ce qu'elle oppose deux conceptions irréconciliables de l'art, l'une qui le réduit à l'expression d'une conscience historique excluant jusqu'au souci de la beauté, l'autre qui reste fidèle à la recherche de la beauté. Dans la querelle des anciens et des modernes, le désaccord ne portait que sur les modalités d'accès à un même idéal de beauté. Victor Hugo, l'un des principaux protagonistes dans cette querelle ne croyait pas au progrès dans l'art. «Un chef-d'oeuvre existe une fois pour toutes. Le premier poète qui arrive, arrive au sommet. Vous monterez après lui, aussi haut, pas plus haut. Ah! tu t'appelles Dante, soit; mais celui-ci s'appelle Homère. Le progrès, but sans cesse déplacé, étape toujours renouvelée, a des changements d'horizon. L'idéal, point.» (J. D) Source et suite

Enjeux

L'art contemporain fait exception à toutes les lois, à commencer par celle du ridicule. Le ridicule n'y tue pas, il ennoblit. En dépit du succès de la pièce théâtrale de Yasmina Réza, Art, les tableaux monochromes continuent de trouver preneurs. Cette pièce met en scène trois amis, dont l'un vient d'acheter, pour 200,000 francs, somme considérable pour lui, un tableau blanc. L'un de ses amis est consterné et si l'autre ne l'est pas c'est parce que, en raison d'un indétermination qui rappelle celle du tableau blanc, il est incapable de prendre position. La pièce commence ainsi:
    Mon ami Serge a acheté un tableau. C'est une toile d'environ un mètre soixante sur un mètre vingt, peinte en blanc. Le fond est blanc et si on cligne des yeux, on peut apercevoir de fins liserés blancs transversaux.
Dans une anthologie de la critique d'art au XXe siècle on trouverait une multitude de passages semblables, où les dimensions du tableau en sont la dimension principale.

Au cours de l'été 1991, le Musée d'art contemporain de Montréal exposa les oeuvres d'un artiste canadien réputé du nom de Ron Martin. Voici comment, dans un article intitulé Être abstrait aujourd'hui, le non moins réputé critique d'art du Devoir, monsieur Jean Dumont a justifié le choix des tableaux tout rouges:

    Dans les grands monochromes rouges, par exemple, la hauteur et la largeur des châssis sont très exactement fixés pour correspondre à l'envergure physique du peintre. Les peintures sont de plus exécutées en un temps déterminé à l'avance. Autrement dit, les conditions physiques de l'exécution sont arrêtées avant l'exécution elle-même, permettant ainsi à l'artiste de laisser dans le cours de celle-ci, totale liberté à son désir d'expression. Le contenu de cette expression nous échappe bien sûr, mais non son cadre physique, auquel nous identifions notre propre corps.
Au Québec, de nombreux représentants de l'académisme d'avant-garde ignoraient et igorent toujours les techniques les plus élémentaires de la peinture. Leurs croûtes durent donc ce que durent celles du pain. Vingt ou trente ans après leur production, il faut les restaurer à grands frais.


N.B. Choqués par de tels excès, dont les naïfs contribuables paient la note, Jacques Dufresne, alors collaborateur du samedi au journal La Presse, consacra trois articles consécutifs aux divers aspects de l'académisme d'avant-garde qu'il appelait le conformisme de l'anticonformisme. Ces articles, qui suscitèrent des réactions nombreuses et passionnées, ont perdu une partie de leur intérê en s'éloignant du contexte où ils parurent, mais ils conserveront une certaine pertinence tant que durera le terrorisme esthétique associé à l'art contemporain. Le premier de la série s'intitulait: Les arts coïncés entre Duplessis et Borduas. Maurice Duplessis, Premier ministre du Québec de 1944 à 1959, qui fut aussi un amateur d'art, était appelé à devenir au Québec le symbole d'un conservatisme abhorré, en art comme en politique. Le peintre Paul-Émile Borduas, auteur du Refus global(1948), un pamphlet intéressant pour des raisons politiques et psychologiques, plus que pour des raisons philosophiques et littéraires, fut consacré libérateur du Québec. Après 1960, année qui marqua le début de la révolution tranquille, on courait plus de risques en s'attaquant au père de l'anticonformisme, que jadis, au temps de l'Église triomphante et du onservatisme politique, en s'attaquant au cardinal de Québec ou à Maurice Duplessis lui-même. (J. D)

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