Optimisez votre temps dès maintenant

François Gamonnet
On pourrait croire que c'est la vie moderne qui nous amène à courrir toute la journée pour joindre les deux bouts... mais la lecture de Sénèque nous rappelle que les gens pressés existent depuis longtemps.
Pourquoi optimiser votre temps?
Regardez autour de vous. Vous constaterez que les gens sont soit débordés, soit sans travail. Et ce phénomène de concentration ne fait que s’amplifier. Si vous faites partie de la première catégorie, optimiser votre temps n’est pas un luxe mais un exercice de survie. Se lever aux aurores pour éviter les embouteillages, déposer le petit à la garderie, boulot, courses rapides à l’heure du lunch ou sandwich avalé en vitesse pour finir un travail à temps, boulot suite, auto/métro, souper, travaux domestiques, détente télé et tomber dans son lit… hébété.
Cauchemar orwellien? Non, journée typique de nombreux urbains. Et dans le feu de l’action, on oublie que son temps, c’est sa vie!
Sénèque, philosophe romain, écrivait il y a plus de 2000 ans: «La vie des gens occupés est terriblement brève. Voilà ce que les gens trop occupés laissent perdre: ils ne prennent pas le temps de se retourner sur le passé, et le prennent-ils, le souvenir de ce qu’ils ont à se reprocher leur est désagréable…» (De la brièveté de la vie)

De quoi les gens se plaignent-ils le plus souvent?

D’être surchargés de travail; d’être fréquemment dérangés par le téléphone ou par d’autres personnes; d’interrompre des tâches importantes pour aller éteindre des feux; d’être convoqués à des réunions de dernière minute qui durent plus longtemps que prévu; de travailler selon des mandats peu clairs; de se faire imposer des échéanciers irréalistes et de n’avoir jamais le temps de réaliser un projet important dix fois reporté.

Pourquoi avons-nous des problèmes de gestion du temps?

La première raison est d’ordre personnel. C’est le manque de conscience de la valeur et de la brièveté de notre temps. «Vous vivez comme si vous alliez vivre toujours, jamais votre fragilité ne vous vient à l’esprit, vous n’observez pas combien de temps est déjà passé; vous le perdez comme si vous en aviez tant et plus…» (Sénèque)
Plus on est occupé, surchargé, débordé, moins on prend le temps de s’arrêter. On accélère le rythme, on rallonge ses heures, on s’acharne et on s’épuise. Alors que c’est le contraire qu’il faut faire. Analysez l’usage de votre temps, les problèmes rencontrés, leurs causes et les solutions à adopter. Démarche bien connue en Qualité.
La seconde est d’ordre organisationnel. C’est le dysfonctionnement de l’organisation du travail: objectifs nébuleux, priorités changeantes, échéanciers imposés, responsabilités imprécises, rationalisation aveugle, conflits de personnalité, outils de travail mal utilisés…

Peut-on vraiment gagner du temps?

Beaucoup plus que vous ne le pensez! Savez-vous combien de temps vous perdez chaque jour à faire du R: réparer, répéter, réagir, revenir, râler…? Pensez à tout le temps perdu à chercher des documents mal classés, à déranger plusieurs collègues pour obtenir des informations, à ronger votre frein dans des réunions improductives, à reprendre des mandats imprécis, à rédiger des rapports que personne ne lit… Avec un peu de discipline, vous pourriez déjà économiser facilement une demi heure par jour, soit trois semaines par année!
Vous voulez en gagner plus? Alors acceptez d’investir plus de temps dans le P pour en perdre moins dans le R. Mieux se préparer pour moins réparer; préciser plus pour moins répéter; planifier plus pour moins réagir; prévenir les urgences pour éviter qu’elles ne reviennent; proposer des solutions plutôt que râler sur les problèmes… Vous allez facilement économiser une autre demi heure par jour, soit trois autres semaines par année.
Vous voulez en gagner encore plus? Oui c’est possible. En réorganisant votre poste, vos méthodes et vos outils de travail. Ce que j’ai changé dans mon propre travail ne s’applique peut-être pas au vôtre, mais peut être une source d’inspiration. En installant mon bureau à domicile, j’économise une heure de transport par jour, soit l’équivalent de 30 jours par année. Combien de temps économiseriez-vous si vous négociiez avec votre patron une journée de télétravail par semaine?
J’ai pris le temps de maîtriser des outils de communication qui me font gagner un temps considérable: ordinateur, fax-modem, boîte vocale, renvoi d’appels, organisateur à reconnaissance vocale, téléphone cellulaire, transfert de fichiers par CompuServe… De plus, j’ose proposer à mes clients, fournisseurs et employés d’organiser certaines réunions à mon domicile pour leur épargner l’enfer de l’heure de pointe et pouvoir se concentrer sur le sujet de la réunion dans un environnement agréable.
La récompense d’un tel effort d’organisation? Plus de temps pour vous et moins de stress. «C’est le propre d’une conscience assurée et tranquille que de flâner dans n’importe quelle période de sa vie; les esprits préoccupés, comme s’ils étaient sous le joug, ne peuvent ni se retourner ni regarder en arrière. Leur vie va se perdre dans l’abîme.» (Sénèque)

Mais ça ne dépend pas que de moi?

À quoi ça sert de planifier mon temps si mon patron ne planifie pas le sien! Combien de centaines de fois ai-je entendu ce commentaire lors d’ateliers de formation.
Une bonne partie de votre temps est contrôlable. Agissez sur ce temps plutôt que de pleurer sur le pouvoir que vous n’avez pas. Soyez proactif. Proposez des règles du jeu plutôt que de subir celles des autres; négociez les mandats plutôt que de vous les faire imposer; exprimez vos attentes; pré-cisez le temps dont vous disposez… Vous serez surpris, ça marche! Et les autres n’en sont pas frustrés pour autant. Vous gagnerez du res-pect et de la liberté.

Comment arrêter de courir?

En marchant calmement et non précipitamment. La fébrilité provoque des erreurs qui obligent à refaire. Avancez en faisant des PAS: se Préparer, Agir et Suivre. Pour bien faire du premier coup, il faut se hâter tranquillement.
Avant de foncer tête baissée, posez-vous les questions suivantes:
· Courir pour aller où? Quel est le résultat à produire ou l’objectif à atteindre?
· Courir pour qui? Est-ce bien à vous de faire ce travail?
· Pourquoi courir? Bien souvent, ce n’est pas nécessaire. Proposez une échéance réaliste. Si vous êtes apprécié, votre patron ou votre client va l’accepter avec plaisir.
Pourquoi tant de gens courent-ils à un rythme effréné? Par effet d’entraînement; par manque de méthode; pour se donner l’illusion d’être importants; pour susciter de la valorisation ou de la pitié; par accoutumance à l’adrénaline générée par un état d’effervescence; pour ne pas être confronté à des émotions déstabilisantes ou à des choix personnels difficiles.

Comment ne pas être dérangé tout en étant disponible?

Par quoi êtes-vous le plus souvent dérangé? Vous pensez certainement au téléphone, aux autres (patron, collègues, visiteurs sans rendez-vous) et à votre environnement de travail (aire ouverte, bruit, chaleur, va-et-vient…)
Pour le téléphone: communiquez les heures et les lieux où l’on peut facilement vous joindre; faites filtrer vos communications; utilisez la boîte vocale pour mémoriser et communiquer des messages. Si vous disposez de ces équipements, planifiez les renvois d’appel entre votre bureau, le téléavertisseur, le téléphone cellulaire et votre domicile.
Pour les dérangements: pourquoi les autres vous dérangent-ils? Pour obtenir de l’information, de l’approbation ou du relationnel. Il n’est donc pas souhaitable d’éliminer les dérangements, répondre à ces besoins fait partie de votre travail, mais d’en réduire la fréquence et la durée. Faites filtrer les visiteurs; répondez par personne interposée: «Il(elle) est occupé(e), puis-je vous aider?»; faites connaître vos heures de disponibilité; déléguez des mandats clairs; accordez plus d’initiative; planifiez des suivis; isolez-vous quand vous avez besoin de concentration; rencontrez périodiquement vos collaborateurs pour faire le point et les écouter; établissez des règles de fonctionnement qui favorisent la concentration et la coopération. Respectez-les et faites-les respecter par les autres.
Pour l’environnement de travail: changez l’orientation de votre table de travail; affichez sur votre cloison «pour les renseignements, adressez-vous au local 295»; demandez gentiment à vos collègues de tenir leur réunion de couloir ailleurs que devant votre bureau ou de parler moins fort au téléphone.
Savez-vous quelle est la source de déconcentra-tion que la plupart des gens oublient de mentionner? Eux-mêmes! Notez ce qui vous vient à l’esprit plutôt que d’interrompre la tâche en cours; traitez un dossier à la fois; réunissez tous vos outils avant de démarrer; faites des pauses; replanifiez une tâche complexe quand vous êtes trop fatigué.

Comment «tout faire» quand il n’y a que 24 heures par jour?

Croire que l’on peut faire un nombre illimité de choses dans un temps limité est une illusion. Il y aura toujours plus de choses à faire que de temps disponible. Notre temps et notre énergie sont limités. Les demandes viennent des autres, vos limites doivent venir de vous.
L’important n’est pas de «tout faire» mais de faire ce qui est «le plus important». C’est un des secrets des personnes très efficaces: savoir se concentrer sur l’essentiel. Priorisez et négociez vos engagements en tenant compte de vos limites (comportement du proactif réaliste) et non selon le bon vouloir des autres (comportement du réactif naïf).

Comment dire «non» sans nuire aux bonnes relations?

Dans 80 % des cas, vous n’aurez pas besoin de dire «non». Proposez un «oui conditionnel» et votre interlocuteur sera satisfait:
a) Oui, je peux faire ce que vous me demandez… mais en partie seulement.
b) Oui… mais par un autre.
c) Oui… mais plus tard.
Vous voulez donner un bon service? Proposez deux options réalisables et laissez votre interlocuteur choisir celle qui lui convient le mieux.
Vous devez vraiment dire non? Dites oui à la personne: «j’aimerais bien pouvoir t’aider»; déclinez poliment sa demande en expliquant pourquoi: «mais je dois terminer ce dossier»; mais ne la laissez pas repartir les mains vides: «je te suggère... as-tu pensé à… la prochaine fois…»
Quel risque préférez-vous prendre: dire toujours oui au risque de perdre votre nom ou négocier vos oui pour faire respecter votre nom? Les autres sont comme vous. Ils respectent d’abord les gens qui se respectent.

Comment s’en tenir à ses priorités?

Le processus est simple: faites une liste, évaluez le temps requis; réservez-le dans votre agenda; commencez par la première priorité; une fois terminée, cochez-la sur votre liste et passez à la suivante… Il y en avait trop sur la liste? La prochaine fois, faites-en une plus réaliste.
Respecter ses priorités est difficile car cela oblige à faire des choix; se concentrer sur une seule chose à la fois; décliner les sollicitations des autres; négocier, voire renégocier, les nouvelles priorités avec son patron ou ses clients.
Prioriser, c’est faire des choix. Cela exige du courage. Pour s’en tenir aux priorités, il faut y tenir. Cela exige de la détermination.

Comment refuser d’éteindre les feux des autres?

Qu’est-ce qu’un feu? Bien souvent, c’est un vieux problème, connu de plusieurs, qui se reproduit périodiquement parce que personne n’a pris la responsabilité de le régler. Plus vous acceptez d’éteindre les feux des autres, plus vous devenez un pyromane. Pourquoi? Parce que vous délaissez des tâches importantes de votre fonction et que cela créera d’autres problèmes et urgences plus tard.
La première fois, acceptez d’éteindre le feu; la seconde fois, prévenez que c’est la dernière; suggérez à la personne concernée de mettre en place une mesure préventive. C’est sa priorité et non la vôtre. Jouer au pompier pour «rendre service», c’est inciter les autres à ne pas assumer leurs responsabilités. Vous êtes payé pour faire votre travail ou celui du voisin?

Comment réaliser les projets qu’on n’a jamais le temps de faire?

«Quand j’aurai terminé mes tâches courantes, réalisé les mandats qu’on m’a confiés et réglé les urgences, je démarrerai enfin le projet qui me tient à cœur.» Pauvre cœur! Il risque d’attendre longtemps.

Votre projet ne se réalisera que si vous en faites un véritable objectif; rédigez un plan d’action; priorisez les choses à faire au même titre que les autres priorités de votre travail; réservez le temps néces-saire dans votre agenda; et au moment de les faire, que vous ne décidiez pas de faire autre chose!

Comment obtenir des autres ce qu’on attend d’eux?

Il existe deux situations types:
· Vous déléguez une tâche. Vous voulez obtenir un travail de qualité et faire respecter l’échéance.
· Vous avez besoin du travail d’un autre pour faire le vôtre. Mais il ne relève pas de vous. Comment l’inciter à respecter son engagement?
Commencez par déléguer des mandats clairs. Pensez à RED (Résultat, Échéance, Directives):
· Quel résultat voulez-vous que l’autre produise?
· Pour quand en avez-vous besoin et pour quelle échéance est-il prêt s’engager?
· De quels informations, documents, ressources a-t-il besoin pour bien faire son travail?
Quand vous déléguez une tâche, vous obtenez, non pas ce que vous avez dit, mais ce que l’autre a compris. Vérifiez la compréhension de votre interlocuteur avant de le laisser partir. Convenez d’un suivi et notez-le dans votre agenda. Quand vous avez des doutes, faites un rappel quelques jours avant l’échéance. Cela vous évitera des surprises désagréables.

Comment se discipliner au quotidien?

Certaines personnes recherchent de nouveaux trucs plutôt que de mettre en application ceux qu’elles connaissent déjà. Pourquoi? Pour éviter l’effort et la peur que génère tout changement de comportement. Trois marches sont à gravir pour transformer un rêve en réalité: le désirer (imagination), le vouloir (détermination) et le faire (action).
Se discipliner, c’est faire preuve de rigueur, de ponctualité, de concentration et de flexibilité. Concentrez-vous sur un changement à la fois. Vous obtiendrez de grands résultats en faisant de petits changements quotidiennement. Respectez votre personnalité, votre rythme et vos besoins. Ce qui est bon pour votre voisin ne l’est pas forcément pour vous.
Récompensez vos progrès et ne vous obligez pas à produire des exploits. Il n’est pas obligatoire de souffrir pour réussir.
Organisez-vous. Rangez régulièrement vos papiers, vos dossiers et votre bureau. Apprenez à bien utiliser vos outils: agenda, téléphone, télécopieur, ordinateur… Vous gérez votre temps pour vous et non pour les autres. Votre temps, c’est votre vie. Ne vaut-elle pas ces petits efforts?

Comment en arriver à maîtriser sa vie?

La maîtrise de son temps, donc de soi, est le fruit d’une longue pratique. Il n’est jamais trop tard pour commencer. Ne comptez ni sur l’approbation des autres ni sur la promesse de Liberté 55.

Autres articles associés à ce dossier

Le lac

Alphonse Lamartine


Le temps homogénéisé

Stéphane Stapinsky

Qu’en est-il du temps libre aujourd’hui? Alors que dans les années 1960 et 1970, on anticipait la «civilisation des loisirs&r

L'horizon temporel d'après Kant et Heidegger

Josette Lanteigne

«Le temps n'est pas, Il y a temps.» (Martin Heidegger)

Le temps qu'on nous vole

Jean Robert

Jean Robert est un architecte qui s'est passionné toute sa vie pour l'histoire urbaine et qui s'est doté au fil des ans des

Conceptions du temps

Jacques Dufresne

On peut associer les conceptions dominantes du temps qui se sont succédées en Occident aux différents instruments de mesure du te

Mesure du temps

Jacques Dufresne


Le temps compressible

Jacques Dufresne


Elsa

Louis Aragon


Le temps linéaire

Gaétan Daoust

Voici le temps linéaire tel que les Occidentaux l'ont conçu. Ceertains auteurs l'appellent aussi le temps fléché.E

Quand la recherche se prend au sérieux

Jacques Dufresne

Mot attribué à un éminent professeur de L'Université McGill de Montréal.

Le temps comprimé

Jacques Dufresne


Laissez les bons temps rouler

Sylvie Escande

"Ces gens que le soleil regarde de travers", disait Rivarol en parlant des Nordiques...Mais quand le soleil vous regarde droit dans les yeux




Articles récents