Pline l'Ancien et l'histoire de la médecine
Mais là ne se borne pas encore le rôle de Pline; il en a un autre plus élevé et non moins important (car je tiens pour très-importante l’histoire de la médecine populaire). L’auteur de l’Histoire naturelle nous a conservé, au milieu des innombrables extraits qu’il a faits dans une multitude infinie d’ouvrages, une foule de textes empruntés à de très-anciens médecins, et nous a fait connaître leurs pratiques médicales, ou du moins l’emploi qu’ils faisaient des substances tirées des trois règnes de la nature.
Dans les trop fréquents passages anonymes, on distingue assez aisément l’origine médicale et l’origine populaire des recettes ou des prescriptions, quand des investigations attentives au milieu des débris de notre littérature ne nous font pas retrouver ces passages chez les auteurs conservés, chez Dioscoride, par exemple, chez Hippocrate, et aussi parmi les fragments des Alexandrins ou de leurs prédécesseurs immédiats. – Enlevez à Pline comme aux autres compilateurs tout ce qu’ils ont emprunté, il ne leur restera rien en propre; mais, en revanche, de quels trésors l’histoire ne se trouvera-t-elle pas enrichie aux dépens de leur érudition, et combien d’auteurs ne reprendront-ils pas ce qui leur appartient légitimement!
C’est là, Messieurs, une des premières règles et des plus essentielles de la critique historique. Avant de croire à ceux qui vous vantent l’originalité des compilateurs, des abréviateurs ou des encyclopédistes, originalité à laquelle souvent eux-mêmes n’ont pas prétendu, vérifiez les assertions, écoutez les échos de la tradition médicale, interrogez tous les textes conservés, et vous verrez les illusions d’un esprit prévenu ou mal informé s’évanouir à la lumière de ces recherches rétrospectives sur les sources originales des travaux de seconde main. »