Hippocrate

vers 460 av. J.-C.-vers 375 av. J.-C.

Considéré comme le plus grand médecin de l’Antiquité, il enseigna sa conception de la maladie à l’époque de Périclès. Il dégagea la médecine de son lourd manteau de traditions plus ou moins fantaisistes en pratiquant l’observation clinique systématique. Il est écrit dans le Corpus Hippocratique que «le médecin qui se double d’un sage est l’égal des dieux». Cette pensée, beaucoup l’ont appliquée à Hippocrate lui-même. Aristote le cite comme exemple de la grandeur humaine. Dans son histoire de la médecine, Charles Lichtenhaeler lui consacre deux chapitres sur vingt.

De nombreux disciples l’accompagnaient lors de ses fréquents voyages, au cours desquels il soignait sans distinction les esclaves et les citoyens. Le serment d’Hippocrate est encore aujourd’hui le fondement de l’éthique de la profession médicale. L’essentiel de sa théorie, c’est que la maladie est engendrée par les altérations des humeurs.

Pour expliquer une fièvre désormais, plutôt que de prescrire un examen de conscience, on fera d’abord porter la recherche sur le climat, l’alimentation ou les autres facteurs soupçonnés d’altérer l’équilibre des humeurs dans l’organisme. Les Grecs auraient pu pousser cette façon de voir tellement loin que plus personne parmi eux n’aurait vu de liens entre la conduite et la maladie. Ce qui aurait eu pour conséquence de faire disparaître le sentiment de responsabilité face à la santé. La chose ne s’est pas produite. Les Grecs se défiaient des excès de ce genre. Hippocrate lui-même donne l’exemple de la mesure dans de nombreux textes où le malade apparaît comme l’agent principal de sa propre guérison.

De nos jours, en mettant l’accent sur l’alimentation et l’exercice, sur l’art de vivre en général, on incite les gens à assumer la responsabilité de leur santé. Cette forme de prévention est dans la plus pure tradition hippocratique. Qu’on en juge: «Aliments et exercices ont des vertus opposées, mais qui collaborent à la santé. Par nature, les exercices dépensent l’énergie disponible, les aliments et les boissons, eux compensent les pertes. Il importe, à ce qu’il semble, de discerner la vertu des exercices naturels ou violents; il importe à ce qu’il semble de discerner lesquels d’entre eux développent les chairs, lesquels les diminuent et non seulement cela, mais encore la proportion des exercices à l’égard de la quantité d’aliments, de la nature du patient, de son âge, des saisons de l’année, des changements de vents, de la situation des lieux où il vit, de la constitution de l’année. Il faut connaître le lever et le coucher des astres, pour savoir prendre garde aux changements et excès des aliments, des boissons, des vents de l’univers entier: c’est de tout cela que proviennent les maladies».

Le message d’Hippocrate est clair: à chacun de trouver pour son propre compte la juste proportion entre l’exercice et l’alimentation.

Ce sens de la mesure apparaît encore plus manifestement dans la façon dont les Grecs se comparent à leurs dieux pour ce qui est de leur santé. Nous serons comme des dieux! Ils auraient pu se donner une telle maxime, eux qui attribuaient à leurs dieux une santé insolente. Même le boiteux Héphaïstos pouvait exercer son métier de forgeron en dépit de son infirmité! Les Grecs ont préféré la fragilité des humains, craignant même l’état de santé parfaite. On ne peut qu’en déchoir, disaient-ils!

La santé est à leurs yeux un équilibre fragile, sans cesse à reconquérir, entre des humeurs changeantes: le sang, le flegme, la bile et l’eau; entre l’âme et le corps; entre l’exercice et l’alimentation. Cette idée d’équilibre* a elle-même ses racines dans l’idée plus englobante d’harmonie, laquelle, selon la façon dont elle pénètre le réel, s’appelle tantôt santé, tantôt beauté, tantôt sagesse.

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