Paludisme: une percée dans le décryptage du génome du parasite responsable
La carte du génome de Plasmodium falciparum, le parasite responsable d'une forme mortelle de paludisme et de l'Anopheles gambiae, le moustique qui le transmet aux hommes, est maintenant terminée, ont annoncé aujourd'hui deux équipes de chercheurs internationaux. La publication simultanée dans Science du séquençage du génome de l'anophèle et dans Nature de celui du Plasmodium, s'est accompagnée de conférences de presse tenues à la fois à Washington et à Londres.
"Le séquençage à la fois de P. falciparum et de l'insecte qui est son vecteur marque le début d'une nouvelle ère en matière de lutte contre le paludisme. Lorsqu'on associe cette percée scientifique aux informations dont on dispose déjà à propos du génome humain, il est possible de mieux comprendre les mécanismes de cette maladie et sa transmission", a dit le docteur Anthony Fauci, directeur de l'Institut national des maladies allergiques et infectieuses (National Institut of Allergy and Infectious Diseases, NIAID). "Le NIAID est fier d'avoir contribué à cette extraordinaire percée scientifique qui donnera de l'élan aux initiatives visant à évaluer et mettre au point des stratégies de lutte contre cette maladie dévastatrice."
C'est en Afrique, où se produisent 90 % des quelque 2,7 millions de décès dans le monde dus au paludisme, que se font le plus sentir les ravages de cette affection aux plans médical, social et économique. La plupart des victimes sont des enfants âgés de moins de cinq ans. En moyenne, un enfant meurt du paludisme toutes les 30 secondes. Le paludisme cause des cycles de fièvre et de frissons qui sont liés à la destruction cyclique des globules rouges du sang infectés par le parasite. Les complications du paludisme, qui affaiblissent les malades et parfois mettent leur vie en danger, comprennent une grave anémie, une infection cérébrale par le parasite du paludisme, et des difficultés respiratoires. La maladie est causée par des parasites unicellulaires de type Plasmodium, qui sont transmis d'une personne à une autre lorsqu'un moustique infecté pique sa victime. Les souches de parasites résistant aux médicaments et les moustiques résistant aux insecticides se multipliant, la menace que constitue le paludisme augmente. Il n'y a pas de vaccin contre le paludisme.
Le séquençage de P. falciparum a découlé d'une collaboration internationale qui avait commencé en 1996. Plusieurs organismes outre le NIAID ont appuyé les recherches, notamment le "Wellcome Trust", le "Burroughs Wellcome Fund" et le ministère américain de la défense. Les chercheurs ont travaillé à l'Institut pour la recherche génomique (TIGR) situé à Rockville (Maryland), au Centre pour le génome de Stanford, à Palo Alto (Californie) et à l'Institut "Wellcome Trust Sanger", au Royaume-Uni. Le principal chercheur, le docteur Malcolm Gardner, du TIGR, est, avec d'autres chercheurs travaillant aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Australie, l'un des auteurs de l'article paru dans Nature.
Les chercheurs ont surmonté d'importants obstacles techniques avant de parvenir à leurs fins. A cause peut-être de sa composition peu ordinaire, le matériau génétique de Plasmodium ne peut être sectionné en morceaux de longueur différente (longs, moyens et courts). L'ADN du parasite se rompt seulement en de très petits morceaux. Replacer de si petits morceaux dans la séquence d'origine est très difficile ; c'est comme lorsqu'on essaye de réparer un vase brisé en des centaines de morceaux ; c'est plus difficile que de recoller quelques gros morceaux.
"Cette carte détaillée des 5 300 gènes du parasite et des fonctions qui y sont attachées est une véritable percée en matière de recherche sur le paludisme. Les informations qui en découlent permettront aux chercheurs de mettre au point des anti-paludéens ciblant précisément les faiblesses remarquées dans les gènes", a dit le docteur Michael Gottlieb, chef du département de la parasitologie et des programmes internationaux du NIAID.
En 1999, le NIAID s'est associé au Consortium sur le génome d'Anopheles gambiae (AGGC) afin d'accélérer le séquençage des 14.000 gènes de l'anophèle. Le séquençage a été fait au Génoscope et financé par le gouvernement français et le groupe "Celera Genomics", à Rockville (Maryland). D'autres institutions ont participé à l'initiative, notamment le Programme spécial de recherche sur les maladies tropicales de l'Organisation mondiale de la santé ; le Laboratoire européen de biologie moléculaire d'Allemagne ; l'Institut de biologie moléculaire et de biotechnologie de Crète ; l'Institut Pasteur de Paris, le TIGR, et plusieurs universités : Iowa, Rome, Notre-Dame et Texas A & M. En août 2001, le NIAID a accru son appui au projet de séquençage du génome de l'anophèle en faisant un don de 9 millions de dollars au Groupe Celera Genomics de Rockville. Le docteur Robert Holt, de Celera, figure en tête d'une liste de 123 auteurs ayant contribué au rapport scientifique soumis au nom de l'AGGC.
Avant la publication cette semaine des résultats des travaux, d'importantes quantités de données relatives au séquençage produites par les deux équipes avaient été disséminées par le truchement de banques de données accessibles au public. On avait par exemple identifié des gènes de P. falciparum qui permettaient au parasite d'éviter d'être détecté par les cellules de l'appareil immunitaire de l'homme. Les gènes impliqués dans le métabolisme du parasite n'ont aucun parallèle chez l'homme. Il pourrait être possible de développer des inhibiteurs de ces substances génétiques en des anti-paludéens.
Les informations offertes par la carte du génome d'Anopheles gambiae donnent aux chercheurs un meilleur aperçu de la physiologie et du comportement du moustique, notamment sa capacité à digérer le sang et son choix de l'homme en tant que source de sang. Les scientifiques peuvent désormais commencer à déterminer comment l'anophèle réagit, au niveau molléculaire, à l'infection par le parasite Plasmodium. Finalement, le fait de comprendre dans le détail l'interaction entre l'hôte et le parasite pourrait conduire à de meilleurs méthodes de contrôle des moustiques.
"Le séquençage des trois génomes étant désormais achevé, les chercheurs disposent de pratiquement toutes les informations nécessaires pour comprendre la complexité du cycle de vie du parasite chez le moustique et chez l'homme", a fait remarquer le docteur Gottlieb. "Nous espérons que cette mine d'informations se traduira en de nouveaux médicaments, de nouveaux vaccins et de nouveaux insecticides qui pourront mieux maîtriser le paludisme et, en fin de compte, atténuer la souffrance de millions de personnes."
Le vaste programme de recherche sur le paludisme du NIAID, qui a commencé il y a 50 ans, est exécuté dans ses laboratoires de Bethesda (Maryland), dans des dizaines d'institutions situées aux quatre coins des Etats-Unis et par le truchement d'une collaboration avec des scientifiques de pays où le paludisme est endémique, tels que le Mali, le Cameroun, le Ghana, la Thaïlande, l'Indonésie et le Brésil. L'Institut a été l'un des membres fondateurs de l'Initiative multilatérale sur le paludisme, qui met l'accent sur le renforcement de la capacité de recherche en Afrique.
Le NIAID fait partie de l'Institut national de la santé (NIH). Il appuie la recherche fondamentale et appliquée afin de prévenir, diagnostiquer, et soigner les maladies infectieuses et les maladies liées à l'appareil immunitaire, notamment le VIH/sida et autres maladies sexuellement transmissibles, les maladies dues à des agents potentiels du bioterrorisme, la tuberculose, le paludisme, les troubles autoimmunitaires, l'asthme et les allergies.