Le travail dans les monastères au Moyen Âge

Émile Levasseur
La loi du travail dans les monastères de l'Orient. — Les couvents de l'Occident. — La règle de Saint-Benoît de Nursie. — La propagation de la règle. — Les couvents de femmes. — Les arts et métiers conservés dans les couvents. — Le commerce des moines. — Les frères hospitaliers et les frères pontifes. — La transformation du travail dans les couvents et les frères convers.
La. loi du travail dans les monastères de l'Orient. — La Bible avait proclamé la déchéance de l'homme condamné par sa désobéissance à gagner son pain «à la sueur de son front». Le christianisme, qui dans le principe fut surtout la religion des pauvres, maintint cette obligation; il l'ennoblit en la représentant comme une épreuve et une vertu. «Celui qui ne veut pas travailler ne doit pas manger 1», disait saint Paul,. et les Pères répétaient après lui la même parole. Le travail devint une offrande du fidèle à Dieu, un moyen puissant et méritoire de dompter le corps et de prévenir les rébellions de la chair. Aussi fut-il recommandé non moins que la prière et le jeune par ceux qui quittèrent le monde pour préparer leur salut dans la retraite. Saint Antoine, contemporain de l'ermite Paul et fondateur des premiers couvents, s'exprimait ainsi dans la règle qu'il avait composée sur la demande de ses moines: «Lorsque vous êtes assis dans votre cellule, que ces trois choses vous occupent perpétuellement, à savoir: le travail manuel, la méditation des psaumes et l'oraison», et il ajoutait.: «Contraignez-vous à un travail manuel, et la crainte du Seigneur habitera en vous 2

Saint Macaire, saint Pacôme et saint Basile, les grands législateurs de la vie monastique en Orient; parlaient à peu près dans les mêmes termes. «Depuis la seconde heure du jour jusqu'à la neuvième, les moines doivent s'appliquer à leur travail et, comme l'a dit le saint apôtre, exécuter sans murmurer tout ce qui leur aura été ordonné. Pendant ce temps, ils ne doivent ni s'asseoir sans la permission du supérieur, ni parler des choses du monde, mais méditer sur l'Écriture, ou.du moins garder le silence; et, si quelque religieux vient interrompre ses frères au milieu de leurs occupations, il sera enfermé dans un lieu de correction et contraint lui-même à une tâche plus pénible que les autres 3

Dans les monastères de Saint Pacôme il y avait des moulins, des boulangeries, des forges, des tanneries; les moines faisaient des souliers, foulaient des draps, tressaient des paniers, copiaient des livres 4. Une partie de leurs produits servait aux besoins de la communauté; l'autre était vendue sur les marchés. La règle défendait aux cénobites de discuter sur les prix 5, mais la sainteté des personnages faisait souvent acheter fort cher les objets fabriqués de leurs mains 6. Quelque riche que fût une congrégation, elle ne donnait de nourriture à ses moines qu'autant qu'ils l'avaient gagnée par leur industrie; elle réglait leur tâche de chaque jour et obligeait le cellérier à rendre tous les mois un compte sévère au supérieur 7. Les ascètes de l'Égypte avaient imposé à leurs disciples cette salutaire contrainte du travail, parce qu'ils se défiaient avec raison de la nature humaine. Il est peu d'âmes trempées pour soutenir une méditation perpétuelle et ne vivre que par la prière. Le commun des hommes a besoin d'une activité matérielle; il faut qu'on tienne leur corps et leur esprit fortement appliqués à des travaux utiles, si l'on ne veut pas que l'oisiveté les conduise au mal.

En Orient il se produisit deux tendances diverses: celle de la méditation et celle de la soumission au travail. On vit des solitaires consacrer leur vie à la prière et à l'extase et édifier la foule par leur détachement absolu des choses de la terre; on vit, d'autre part, des cénobites obéissant à la loi du travail sous les ordres de leur abbé et s'occupant d'agriculture ou d'industrie.

Les couvents de l'Occident.En Occident, la tendance fut presque toute au travail. Les Pères de l'Église latine renforcèrent la règle. Ils comprirent que la vie purement contemplative convenait moins encore aux Européens qu'aux Orientaux et, à la fin du IVe siècle, les saint Jérôme et les saint Augustin entreprirent de faire dans leur pays ce que les saint Antoine et les saint Pacôme 8 avaient fait, plus de cent ans auparavant, pour l'Égypte et pour l'Asie.

C'était le temps où les barbares commençaient à ébranler le monde romain. Le bruit des invasions troublait les âmes et beaucoup de fidèles cherchaient dans l'Église et dans la solitude, un refuge contre les agitations du siècle. Riches et pauvres, patriciens et esclaves s'enfermaient dans les couvents, fondaient avec leur argent et souvent par leur seule piété de nouvelles communautés et parcouraient les campagnes, priant et vivant d'aumônes 9. Un très grand nombre de moines avaient adopté ce dernier genre de vie. Saint Augustin les poursuivit de ses sarcasmes et de ses anathèmes, parce que leur existence vagabonde et sans discipline était souvent une cause de désordres qui compromettaient l'œuvre de la foi 10. Puis, voulant ramener les religieux à la vie commune, il composa un traité pour leur prouver que le travail des mains était leur unique voie de salut: «Je ne sais qu'une chose, s'écriait-il, c'est que saint Paul ne volait pas, qu'il n'était ni brigand ni larron ni cocher ni chasseur ni histrion ni hornme à faire un métier infâme, mais qu'il gagnait les choses nécessaires à la vie par un travail légitime et honorable, semblable à celui des forgerons, des maçons, des cordonniers, des laboureurs et des autres artisans 11» Il proposait cet exemple à ceux qui prétendaient vivre dans l'oisiveté comme.les oiseaux du ciel auxquels Dieu donne la pâture, et il concluait en disant qu'il fallait que chaque jour, à certaines heures, le religieux travaillât de ses mains et qu'il consacrât le reste de son temps a la lecture et à l'oraison 12.

Saint Jérôme recommandait à une sainte femme qui avait fondé un couvent d'avoir toujours sa laine entre les mains, de filer, de surveiller ou de préparer la besogne de ses compagnes 13. Il écrivait au moine Rusticus: «Faites quelque ouvrage afin que le diable vous trouve toujours occupé 14.» Enfin il traduisait la règle de Saint Pacôme pour les monastères latins d'Égypte et il en prenait texte pour faire admirer aux Occidentaux l'ordre qui régnait dans les congrégations de l'Orient. «Les frères du même métier, disait-il, se réunissent dans une même maison sous l'autorité d'un préposé; si bien que ceux qui tissent le lin sont ensemble; ceux qui font des nattes forment un même groupe; les tailleurs, les charpentiers, les cordonniers sont à part, dirigés par autant de préposés, et chaque semaine il est rendu compte de leur travail au père du monastère 15

C'est dans cet esprit que fut rédigé par Jean Cassien, abbé de Marseille, dès le commencement du Ve siècle, le plus ancien des codes monastiques de l'Occident, et que travaillèrent saint Honorat de Lérins et Césaire à Arles, auteurs de deux; règles monastiques, l'une pour les hommes, l'autre pour les femmes. Ce ne fut toutefois qu'au siècle suivant que les communautés religieuses de la Gaule commencèrent à avoir une législation fixe et à se soumettre en quelque sorte à une direction commune.

La règle de saint Benoît de Nursie. — Saint Benoît de Nursie, «le patriarche des moines de l'Occident 16», qui, dès l'âge de seize ans, avait quitté le monde, et dont la piété exemplaire avait ensuite attiré au mont Cassin un nombre considérable de chrétiens désireux de vivre sous sa loi, leur donna, vers 528, une règle qui ne tarda.pas à se répandre en Italie, en Sicile et en Gaule, et qui devint le modèle de toutes les règles postérieures. Saint Benoît établit la perpétuité des vœux, l'autorité absolue de l'abbé, l'égalité de tous les moines, quelle que fût leur condition antérieure 17.

«L'oisiveté est l'ennemie de l'âme 18», disait-il, et il avait fait en sorte de la bannir des cloîtres. Un des chapitres de la règle de Saint-Benoît est intitulé de Opere manuum quotidiano.

Depuis Pâques jusqu'aux calendes d'octobre, le moine, au signal donné par le prieur, partait dès le matin pour travailler de la première à la quatrième heure (de 6 à 10 heures du matin). Le milieu de lajournée était consacré à la lecture, au dîner, au repos, à la méditation. À la neuvième heure (2 heures de l'après-midi), quand la chaleur était moins accablante, il sortait de nouveau pour continuer son ouvrage jusqu'à vêpres (12e heure). Des calendes d'octobre à la Quadragésime, le travail durait, sans interruption, de la troisième jusqu'à la neuvième heure (9 heures du matin à 2 heures) et même, pendant le carême, jusqu'à la dixième. Les plus faibles comme les plus robustes,étaient assujettis à ces six ou sept heures d'exercices manuels; il était seulement réservé à la sagesse du supérieur de mesurer le genre et la quantité de travail à la force de chacun 18. C'était, en somme, un travail modéré.

Ce travail était de deux espèces: celui des champs et celui des ateliers.

On sait que des étendues considérables de campagnes incultes, de marais, de bois ont été défrichées, du VIe au Xe siècle, par les moines qui allaient s'établir dans des contrées sauvages, au milieu des forêts, et qui portaient avec eux à la fois les lumières de la religion et là pratique de l'agriculture. Les religieux de l'ordre de Saint-Benoît avaient toujours à la ceinture une faucille pour se rappeler que leur premier devoir était de cultiver la terre. Leurs efforts persévérants durant les premiers siècles des temps modernes ont accru la richesse territoriale et hâté le développement de l'Europe centrale.

Le travail des métiers, pour n'avoir pas laissé des traces aussi profondes et des souvenirs aussi vivants dans la mémoire des hommes, n'en a pas moins eu une grande influence sur l'industrie du Moyen Âge. Le travail industriel, dans l'Antiquité, avait toujours eu, malgré les institutions de quelques empereurs, un caractère dégradant parce qu'il avait ses racines dans l'esclavage; après l'invasion, la grossièreté des barbares et l'abaissement des villes n'étaient pas de nature à le réhabiliter. Ce fut l'Église qui, en proclamant que Jésus-Christ étaitle fils d'un charpentier et que ses apôtres étaient de simples ouvriers, fit connaître au monde que le travail est honorable autant que.nécessaire. Les moines le prouvèrent par leur exemple et contribuèrent ainsi à donner aux artisans une certaine considération que les sociétés antiques leur avaient refusée.

Le travail des mains était, comme nous l'avons déjà dit, une sorte de sanctification, et les législateurs des ordres religieux ne le comprenaient pas indépendamment des autres vertus monastiques. L'humilité et l'obéissance en étaient les premières conditions: «S'il y a des artisans dans le monastère, qu'ils exercent leur métier en toute humilité, pourvu que l'abbé le permette. Si l'un d'eux s'enorgueillit de son talent, sous prétexte qu'il procure quelque avantage à la communauté, qu'on le prive de son métier et qu'il ne puisse le reprendre qu'après s'être humilié et en avoir reçu l'ordre de l'abbé 19.» Le moine ne choisit pas le genre d'occupation qui lui plait; il fait ce qui lui est prescrit et ne doit jamais se plaindre du fardeau qui lui est imposé. Il se met à son travail au premier signal du prieur; il le quitte de même, et son obéissance doit être si prompte, qu'il ne prend pas seulement le temps d'achever le jambage de la lettre qu'il a commencé d'écrire 20. Aucune fonction ne doit lui paraître rebutante; il peut être appelé à servir ses frères au cellier, à la boulangerie, à la cuisine, comme ses frères peuvent l'être à le servir. Mais il ne doit s'approprier aucun des fruits de son travail; rien ne lui appartient et son industrie ne lui donne droit à aucune jouissance particulière. «Un moine (chap. XXXIII de la règle de Saint-Benoît) ne doit rien avoir en propre, ni un livre ni des tablettes ni une plume... Il doit attendre tout de l'abbé.» Avant le travail il doit faire sa prière, et pendant le travail il doit penser sans cesse à Dieu 21. Dans l'atelier, où il passe six heures courbé sur son ouvrage, règne d'ordinaire le plus profond silence; s'il veut emprunter quelque outil, il le désigne du geste à un de ses frères qui le lui donne sans prononcer une parole; s'il a besoin de demander quelque renseignement indispensable, il le fait en peu de mots et à voix basse de manière à ne pas troubler le recueillement de ses voisins. Quand parfois ce silence est rompu, ce n'est pas par le murmure des conversations, c'est par le bruit des voix qui s'élèvent pour chanter en cadence des psaumes et des cantiques 22. Telle était la règle.; mais elle paraît avoir été très irrégulièrement observée aux IXe et Xe siècles, jusqu'à la réforme de Cluny.

Au commencement du XIIIe siècle, à une époque où cependant la règle du travail était de nouveau moins rigoureusement observée, on racontait la légende d'un abbé cistercien qui n'ayant presque jamais été au travail avec ses frères et ayant promis à un de ses moines de lui apparaître trente jours après sa mort, lui était apparu en effet, le haut du corps brillant de lumière, mais les jambes noires et ulcérées. Le moine lui ayant demandé la raison de ce stigmate: «C'est, répondit l'abbé, que j'ai été souvent, absent du travail sans nécessité 23.

La propagation de la règle.Telle était la vie austère imposée par saint Benoît aux travailleurs qui se consacraient à Dieu, et qu'un concile tenu en 788 à Aix-la-Chapelle imposa à tout l'empire franc. Saint Columban qui, élevé à Bangor, propagea sa règle en Gaule après la mort de saint Benoît, n'était pas moins sévère; il voulait que le moine, après avoir accompli sa tâche de chaque jour, «se couchât le soir fatigué pour se lever le matin avant d'être entièrement reposé 24». Saint Chrodegand donna aux chanoines la règle de Saint-Benoît 25. Isidore de Séville l'introduisit en Espagne; saint Maur, dit-on, la fit connaître en France au IXe siècle; saint Benoît d'Aniane la fit revivre et l'imposa à tous les monastères de la Gaule dans lesquels il ramena l'ordre avec le travail.

Les deux saint Benoît avaient donné des règles, mais n'avaient pas fondé des ordres. À proprement parler cette fondation a été l'œuvre des Cluniciens et des Cisterciens. La congrégation de Cluny, congregatio cluniacensis, dont l'origine remonte à l'an 910, mais qui ne fut organisée que par l'abbé Odon, constitue une organisation politique fortement liée, à la tête de laquelle était l'abbé de Cluny, abbé des abbés. Deux abbés, saint Hugues et Pierre le Vénérable (1049-1156) firent la fortune de l'ordre qui, au milieu du XIIe siècle, comptait plus de deux mille abbayes affiliées et subordonnées. C'est de 1098 que date l'abbaye de Cîteaux, et c'est au commencement du XIIe siècle que les quatre grandes filles de Cîteaux, la Ferté-sur-Grene, Pontigny, Clairvaux, Morimond, ont été fondées (1114-1115) et que fut confirmée par le pape (1119) la règle de l'ordre, la «Charte de charité». Cette charte établissait l'autorité suprême de la maison mère, mais donnait aux filles une certaine participation au gouvernement que d'ailleurs leur retirèrent des bulles pontificales postérieures.Cluniciens et Cisterciens se proposaient également de rétablir et même de rendre plus austère la discipline antérieure qui s'était relâchée et, en matière de travail, ils ne firent guère que reproduire les prescriptions de saint Benoît 26.

L'an 631, Dagobert donna à saint Eloi la terre de Solignac dans le Limousin. Saint Eloi y fonda un monastère dans lequel il fit entrer un grand nombre d'ouvriers qui avaient travaillé sous ses ordres. ll l'enrichit de tous les dons qu'il obtenait de la libéralité du roi, et lui-même songeait à s'y renfermer lorsque les suffrages du peuple l'appelèrent à l'évêché de Noyon. Des religieux de toutes les provinces y affluaient et la congrégation compta bientôt cent cinquante membres. Saint Ouen, archevêque de Rouen, qui visita le cloître quelques années après, le propose comme modèle à tous les couvents. «Là, dit-il, sont de nombreux artisans habiles dans des métiers de tout genre qui, formés sous la loi du Christ, sont toujours disposés à obéir 27

Les couvents de femmes.La même activité régnait, dans les couvents de femmes 28. Les religieuses fabriquaient de leurs mains tout ce qui était nécessaire à leur subsistance et à leur entretien, depuis le pain jusqu'à la chaussure et à l'étoile de leurs vêtements. Elles devaient nourrir les pauvres et leur faire de fréquentes aumônes avec le superflu de leur travail. Les semaines où elles n'étaient pas employées à la cuisine, à la blanchisserie, aux soins du ménage, elles filaient, teignaient la laine, tissaient, travaillaient à l'aiguille, en méditant ou en chantant, comme les moines, les louanges de Dieu. Une ancienne règle, antérieure au IXe siècle, leur ordonne de rester à l'ouvrage de la deuxième à la neuvième heure (7 heures du matin à 2 heures de l'après-midi) et permet, dans certains cas, à «l'abbesse de faire durer le travail jusqu'au soir, à condition de laisser aux sœurs quelque temps de repos vers la sixième heure 29.

Les arts et métiers conservés dans les couvents.Les maisons religieuses furent en même temps, sous les deux premières races, des lieux privilégiés où se conservaient mieux qu'ailleurs les traditions de l'art romain. À côté des cordonniers; des tailleurs, des tisserands et des autres métiers nécessaires à la vie commune, elles avaient des architectes qui dirigeaient la construction des basiliques, des peintres qui ornaient les murs du couvent de tableaux sacrés, des enlumineurs et des copistes qui transcrivaient sans cesse — et quelques-uns l'ont fait au Moyen Âge avec une grande perfection — les anciens manuscrits 30. Dans l'intérieur du cloître, ces travaux et d'autres du même genre étaient exécutés par les moines et par les frères convers qui étaient, à cette époque, presque confondus avec les premiers 31. Nous avons déjà cité l'abbaye de Saint-Pierre de Corbie où l'on voyait, en 822, des frères lais au travail dans une pièce, trois cordonniers, deux savetiers, un foulon dans une seconde pièce, dix-sept artisans, dont six forgerons, deux orfèvres, etc.; près de la porte, quatre charpentiers, quatre maçons, deux médecins. Tout le pain qu'on distribuait en aumône était fait par les boulangers du couvent, ainsi que la bière 32.

Hors des cloîtres, dans la campagne, certains travaux industriels étaient exécutés par ceux qui vouaient leur personne et leurs biens à une église, et qu'on désignait sous le nom de donati ou oblati, par les serfs volontaires, par les serfs attachés à la glèbe et par les tenanciers libres 33.

Tous les travaux de l'intérieur, à la cuisine, à l'infirmerie, etc., étaient exécutés par les moines eux-mêmes; c'étaient des convers qui faisaient l'office de maçons, de tanneurs, de boulangers, de foulons, de forgerons. Au XIIe et même pendant une partie du XIIIe siècle il n'y avait guère qu'à l'extérieur qu'on employât des mercenaires ou des corvéables; les convers étaient aussi laboureurs, bergers, vignerons. Les oblats, en se donnant à un monastère, ne devenaient pas des serfs; ils n'étaient pas non plus des religieux; ils avaient une condition intermédiaire, vivant dans le mariage, mais astreints à l'obéissance et à certaines autres obligations des moines 34.

Les serfs groupés autour du monastère même formaient quelquefois une population industrielle très nombreuse; beaucoup de villes n'ont pas d'autre origine. Au IXe siècle, la ville de Saint-Riquier, qui n'est plus aujourd'hui qu'une bourgade, comprenait, grâce à l'abbaye, 2 500 maisons et, suppose-t-on, 14 000 habitants 35. Les artisans y étaient groupés par rues ou quartiers: quartier des marchands, quartier des forgerons, quartier des armuriers, quartier des selliers, quartier des boulangers, quartier des cordonniers, quartier des tisserands de laine, quartier des foulons, quartier des pelletiers, quartier des vignerons, quartier des cabaretiers. Chaque quartier devait à l'abbaye une redevance annuelle en produits de la profession, indépendamment de la taxe qui était levée par maison 36.

Au commencement du XIIe siècle (1114) Bernard fonde dans la forêt de Tiron un monastère sous l'invocation du Saint-Sauveur 37. Bientôt la foule des fidèles y afflua; le fondateur les accueillit charitablement et les employa chacun suivant leur profession: ouvriers en fer, charpentiers, forgerons, sculpteurs, orfèvres, peintres, maçons, vignerons et cultivateurs 38.

Un voyageur a laissé une description d'une visite qu'il fit à l'abbaye de Citeaux: c'était au XIIIe siècle. Les moines avaient construit un canal de dérivation de l'Aube qui traversait le domaine de l'abbaye. Le courant faisait tourner la roue du moulin et mouvoir la meule et le blutoir, battre les maillets du fouloir et fournissait l'eau à la tannerie. Le voyageur admirait: «Que de chevaux s'épuiseraient, combien d'hommes se fatigueraient les bras dans des travaux que fait pour nous, sans aucun travail de notre part, ce fleuve si gracieux auquel nous devons nos vêtements et notre nourriture!» C'est peut-être le premier éloge de la machine que le Moyen Âge nous ait transmis; il nous semble qu'il est antérieur aux plaintes qu'elle devait exciter dans la classe ouvrière.

Le canal servait aussi à arroser les cultures. Il séparait les deux prairies du domaine. Chacune d'elles était une exploitation agricole, possédant une grange, c'est-à-dire un ensemble de bâtiments, avec réfectoire, dortoir, chapelle, quoique la messe ne fût dite que dans l'église du couvent. Les convers habitaient ces bâtiments et cultivaient la terre ou soignaient le bétail. Un étang fournissait le poisson pour la table des moines. À la fin du siècle le voyageur n'aurait probablement pas retrouvé la même organisation culturale, car les frères convers ne cultivaient plus autant et la plupart des granges avaient été transformées en fermes tenues par des tenanciers laïques 39.

Le commerce des moines. — Une partie des produits était consommée dans le monastère; une autre partie était portée sur les marchés. La congrégation choisissait parmi les laïcs un homme d'affaires, negocialor ecclesiæ, qui devait être, dit la règle, d'une foi et d'une probité reconnues; elle le chargeait de faire le commerce en son nom et lui recommandait de ne pas trop marchander et de vendre à bas prix 40. Souvent elle jouissait de l'exemption de tous les péages et de tous les impôts qui grevaient la marchandise; privilège qui lui permettait de faire facilement concurrence au commerce privé et grâce auquel elle pouvait étendre au loin ses relations d'affaires. Au IXe siècle, l'abbaye de Saint-Martin de Tours obtint de Louis le Débonnaire la faveur d'envoyer librement ses denrées en Austrasie, en Neustrie, en Bourgogne, en Provence, en Italie et dans toutes les parties de l'empire 41.

Sur la Seine, plusieurs abbayes, celles de Saint-Wandrille, de Jumièges et de Fécamp, possédaient le droit de faire passer en franchise les denrées et surtout les vins récoltés sur leurs terres. Ce droit, plusieurs fois contesté par les seigneurs qui possédaient des péages sur la rivière, fut toujours revendiqué et rétabli, grâce à la persévérance des moines. Ces derniers profitaient de ce privilège pour faire venir, sans payer de coutumes, non seulement tous les vins de Bourgogne nécessaires à leur consommation, mais des vins même dont ils paraissent avoir fait le commerce malgré les défenses. Or, au XIe siècle, il n'y avait pas moins de sept péages entre Paris et Rouen: la franchise était donc un privilège très important qui permettait aux moines de se procurer et de vendre les vins à des prix moindres que les autres négociants 42.

Les frères hospilaliers et les frères pontifes. — Le mauvais état des chemins était un des grands obstacles au commerce. Il se forma alors une congrégation particulière de frères hospitaliers qui eurent pour mission de recueillir et de protéger les voyageurs sur les routes. Leur premier monastère fut construit sur les bords de l'Arno, près d'un passage dangereux nommé Haut-Pas, où ils établirent un bac. D'Italie, les frères hospitaliers passèrent sans doute en Provence et en Dauphiné; car, au commencement du XIIe siècle, il y avait sur les bords de la Durance un couvent du même genre avec un bac et une auberge; le lieu s'était d'abord appelé Mau-Pas et avait ensuite, grâce aux soins des religieux, mérité le nom de Bon-Pas.

On raconte qu'en 1176 saint Benezet, prieur de ce couvent, se rendit à Avignon avec ses compagnons, entra dans l'église pendant l'office, émut le peuple par sa piété et par son aspect vénérable et décida les habitants à tenter la construction d'un pont que la rapidité du Rhône les avait jusque-là empêchés d'entreprendre. Saint Benezet et ses moines posèrent dans l'eau la première pierre en présence du peuple et le firent avec tant d'habileté que la foule cria au miracle et que de de toutes parts les aumônes et les travailleurs affluèrent pour concourir à cette sainte œuvre. D'autres traditions font de Benezet un jeune berger inspiré de Dieu. Quoi qu'il en soit, le pont fut construit sous ses auspices et lui-même devint le patron d'un nouvel ordre de frères hospitaliers qui se vouèrent à la construction des ponts et furent désignés sous le nom de frères pontifes (pontifices). Dès 1189, le bac de Bon-Pas fut remplacé par un pont; en 1265, des habitants de Saint-Saturnin-du-Port, réunis en congrégation laïque sous l'invocation de saint Benezet, construisirent en trente ans le pont du Saint-Esprit et fondèrent en même temps un hôpital. Les frères pontifes, protégés par les seigneurs du Midi, devinrent très riches au XIIIe siècle; mais ils ne formèrent pas un ordre régulièrement constitué. Il semble qu'ils ne se soient jamais établis dans le centre et dans le nord de la France 43. Dans le Midi, ils disparurent après qu'ils se furent abandonnés au luxe et qu'ils eurent cessé de travailler 44.

La transformation du travail dans les couvents et les frères convers.— Pendant les sept siècles de la période des invasions et de celle de la constitution du régime féodal, il y a eu un contraste et, pour ainsi dire, une lutte entre l'esprit d'autorité chrétienne qui animait les réformateurs et leurs fidèles disciples et le relâchement des mœurs dû soit à la grossièreté des hommes, soit à la richesse même des monastères. Le monde monacal était un organisme dont il fallait de temps en temps remonter le moral.

L'habitude salutaire du travail manuel s'affaiblit peu-à peu dans les monastères, comme parmi les frères pontifes, et pour, les mêmes causes. Les moines avaient donné un admirable exemple; mais ils se laissèrent amollir par la richesse. Au IXe siècle, saint Benoît d'Aniane avait déjà été obligé de les rappeler à l'observation rigoureuse de leurs devoirs. Au XIe siècle, saint Romuald transigeait en quelque sorte avec les coutumes nouvelles; car il disait dans son Conmmentaire de la règle bénédictine: «Comme de notre temps les moines sont beaucoup plus occupés qu'ils ne l'ont jamais été aux offices divins et aux autres exercices, il a paru difficile aux supérieurs de faire observer exactement l'article de la règle qui concerne le travail manuel, surtout en hiver où la journée suffit à peine aux prières et, aux actes indispensables de la vie religieuse 45.» Il ajoutait qu'ils devaient cependant, autant que possible, employer l'intervalle des offices à la lecture, à la peinture, à la transcription des manuscrits ou à la composition de quelque livre utile. Quant aux frères convers, une loi différente les régit: «C'est par le travail manuel qu'ils doivent toujours combattre l'oisiveté, comme le plus redoutable ennemi du genre humain 46

C'est qu'une révolution s'était accomplie dans la constitution intérieure des monastères. Les moines, ou religieux lettrés, et les frères convers, ou religieux illettrés, qui avaient été jusque-là soumis à une règle à peu près uniforme, formèrent depuis le XIe siècle deux ordres très distincts. Aux premier, les exercices pieux et les études libérales; aux seconds, les occupations pénibles des champs et des ateliers. Le travail manuel ne fut plus autant en honneur. Les convers, désignés plus souvent sous le nom de frères lais, furent exclus des dignités monastiques; ils eurent un costume différent de celui des moines, une place distincte à la chapelle et au réfectoire; relégués dans la boulangerie, dans la grange, dans les fabriques, ils furent réduits à une condition voisine de la domesticité 47. Eux-mêmes, à leur tour, comme nous l'avons vu pour les granges cisterciennes, cédèrent souvent à des tenanciers laïques la culture de la terre.

Les couvents continuèrent donc à avoir dans leurs murs des artisans soumis à tous les règlements de saint Benoît; mais ils cessèrent de proclamer manifestement par leur exemple l'égalité des hommes et la dignité du travail; dès lors ils cessent aussi d'exercer la même influence sur la classe des artisans, et il est inutile de les suivre plus loin dans l'histoire des classes ouvrières. Le foyer de l'industrie n'est plus dans les monastères, il est dans les villes.

Il existe un plan manuscrit de l'abbaye de Saint-Gall au XIe siècle. On y voit à l'entrée, près de la porte,de grands espaces occupés par les logements des bergers, palefreniers, etc., et par les étables et les écuries; au delà l'église; sur un côté de l'église, le logement des hôtes, l'école; de l'autre, la cuisine, le lavoir, la tonnellerie, l'habitation des bouviers, la boulangerie, les moulins à bras, les ateliers, la grange et le fruitier; derrière, une chapelle, le cimetière, etc.; tout cet aménagement respire le travail 48.Nous possédons, d'autre part,dans le Monasticum gallicanum de dom Germain, la vue perspective de cent soixante-neuf monastères de la congrégation de Saint-Maur, gravures du XVIIe siècle accompagnées de légendes. On y voit l'église, les dortoirs, le réfectoire, l'infirmerie, les greniers, les jardins, quelquefois un moulin ou un pressoir; nulle part d'atelier. La différence des images est un indice de la différence du genre de vie des moines aux deux époques.

Les communautés religieuses gagnèrent-elles à ce dernier changement ? Sans doute les loisirs studieux du cloître ont produit des monuments impérissables d'une patiente érudition; mais, à côté de quelques maisons qui se sont distinguées par leur amour pour l'étude, combien y en a-t-il d'autres que l'oisiveté a corrompues! Un des plus illustres réformateurs des ordres monastiques, l'abbé de Rancé, faisait observer à ce sujet que «pour quatre religieux qui liront avec fruit, il y en aura quatre cents qui le feront sans utilité 49». À la fin XVIIe siècle, éclairé par une sorte de pressentiment, il regrettait encore les anciens usages des premiers temps qu'il aurait voulu ramener comme seuls capables de sauver les monastères: «Soyez persuadés, mes frères, disait-il, qu'on ne remédiera jamais à l'inutilité des moines et à toutes les mauvaises suites qu'elle peut avoir, que par le rétablissement du travail régulier 50


Notes
1. Si quis non vult operari, non manducet. S. PAUL, Ep. ad Th., 3.
2. XL. Cum sederis in sella tua, sollicitus esto de tribus hisce rebus herpetuo nimirum de opere manuum tuarum, de meditatione tuorum psalmorum, et de oratione tua. — XXXVI..Coge te ipsum in opere manuum tuarum, et timor Domini habitabit in te. Reg. ac prœc. S. P. N. Antonii ad mon. suos. Codex reg. in sex tomos, t. 1, p. 5
3. Post horam vero secundam unusquisque ad opus suum paratus sit usque ad horam nonam, ut, quidquid injunctuni fuerit; sine murmuratione perficiat, sicut dicit sanctus apostolus. Reg. S. Macarii Alex., XI. — Operans non sedebit sine majoris imperio. Operantes nihil loquentur stuculare, sed aut meditabuntur ea quæ scripta sunt, aut certe silebunt. Reg. S. Pachomii, LXII et LX.
4. Pallad. Vila Patr., cité dans la Règle . de S. Benoît, Nouv. trad. et expliq. 1689, t. II, p. 212. .
5. Reg. Isaiæ abb. LIX.
6. ... Et quasi ars sit sancta, non vita, quidquid vendiderint, majoris est pretii: S. Hier. Ep. XVIII ad Eustochium. Ed. 1706, tom. IV, part. II, col. 45.
7. Ibid., et Ep. XCV ad Rust. mon. col. 774. Outre les cénobites, il y avait en Orient des religieux dits remoboth, qui demeuraient deux ou trois ensemble dans les villes ou dans des cellules isolées et qui vivaient de leur travail. Hier. Ep. X VIII ad Eustochium.
8. Saint Antoine, né en 251, mort en 356, s'est retiré dans la solitude en 270. Saint Pacôme, né en 292, est mort abbé de Tabenne en 348.
9. S. Aug., de Opere monach., § 25. .
10. S. Aug., de Opere monach., § 36
11. ... Unum scio, quia nec flirta faciebat (S. Paulus), nec effractor aut latro erat, nec auriga nut venator aut histrio, nec turpilucrus: sed innocenter et honeste que apta sunt humanis usibus operabatur, sicut sese habent opera fabrorum, structorum, sutorum, rusticorumn et his similia. S. Aug., de Opere mon., 14.
12. ... Multo mallem per singulos dies certis horis, quantum in bene moderatis monasteries constitutum est, aliquid manibus operari, et ceteras horns habere ad legendum et orandum... S. Aug., de Opere mon., 37.
13. S. Hier. E,p. XCVII ad.Demetriadem, t. IV, par. II, c. 773.
14. Facito aliquid opus ut te semper diabolus inveniat occupatum... S. Hier. Ep. XCV ad Rustic. mon., t. IV, par. ll, col. 773.
15. Fratres ejusdem antis in unam domum sub uno præposito congregantur: verbi gracia ut qui texunt lina sint pariter, qui mattas, in unam reputandur familiani; sarcinatores, carpentarii, fullones, gallicarii (cordonniers) seorsum a suis præpositis gubernantur; et per singulas hebdomadas ratiocinia operum suorum ad patrem monasterii referunt. Præf. S. Hier. ad reg. S. Pach. Codex reg., t. I, p. 25.
16. Saint Benoît de Nursie (dont la vie est connue par les Dialogues attribués à Grégoire le Grand), attristé par les désordres de ses compagnons d'étude à Rome,s'était retiré très jeune encore, dans une solitude des Apennins, à Subiaco où sa piété, son ascétisme et ses miracles lui firent une grande réputation. Il quitta Subiaco vers 530 pour une solitude plus sauvage encore, et il bâtit, avec ses moines, le monastère du Mont-Cassin. Il était né vers 480. Il mourut vers 540.
17. Institutiones Jo. Cassiani, cap. XII et 1IV. Cod. reg., t. II, p. 26.
18. Otiositas inimica est animes. Reg. S. Benedicti, c. XLVIII..
19. Reg. S. Bened., c. XLVIII, de Opere manuuni quolidiano.
20. Artifices, si sint in monasterio, cum omni humilitate faciant ipsas artes, si permiserit abbas. Quod si aliquis ex cis extollitur pro scientia artis suie, eo quod videatur aliquid conferre monasterio, hic talis evellatur ab ipsa apte et denuo per earn non-transeat, nisi forte humiliato ei iterum abbas jubeat. Reg. S. Ben.; cap. LVII.
21. Instit. Jo. Cassiani, cap. XII.
22. Laborandum est ergo corpore, animi fixa in Deum intentione ; sicque manes in opere implicanda est ut non avertatur a Deo. Reg. S. Isodori Hispal., c. VI.
23. Pervenientes auteur ad laborem, non multiplicentur inter se signa, nec presumant loqui, nisi de ipso labore breviter et necessario et silenter cum priore seorsuni a fratribus. Reg. de Monteforti, c. VIII. — Monachi operantes ineditari aut psallere debent, ut carminis verbique Dei delectatione consolentur ipsum laborem. Reg. S. Isodori Hispal., c. VI.
24. D'Arbois de Jubainville, Études sur l'intérieur des abhayes cisterciennes, p. 54.
25. Monachus.... non faciat quod vult.., operis sui pensum persolvat... Lassus ad stratum veniat, necdum expleto somno surgere compellatur. Reg. S. Cotumb. dePerfectione mon. Cod. reg., t. 1, p. 174,
26. Reg. S. Chrodogangi, c. IX, de Opera manuum quotidiana.
27. Reg. S. Isodori Hisp., c. VI, de Opere mon.
28. Ordo quidam mon. S. Benedicto attributus. Cod. Reg. II, p. 67. Saint Benoît d'Aniane, d'une famille noble de Languedoc, né vers 750, mort en 841 se fît moine à Saint-Seine en 774, puis ermite en Languedoc près du ruisseau d'Aniane; l'ermitage devint un grand couvent pour lequel saint Benoît revisa la règle bénédictine en la rendant plus austère. Vers 815, sur l'invitation de Louis le Débonnaire, il fonda près d'Aix-la-Chapelle le monastère d'Inda d'où sa réforme se répandit dans tout le Nord. La règle capitulare de vita et conversatione monachorum fut adoptée en 817 par une assemblée d'abbés tenue à Aix-la-Chapelle.
29. Statuta capituli gen. ordinis Cisterc. ann. MCLVII
30. ... Habentur ibi et artifices plurimii diversaruru artium, periti, qui Christi tenu pore perfecti, semper ad obedientiam sont parati. — Vit. S. Eligii, c. 16.
31. Entre les monastères d'hommes et les monastères de femmes, il ne devait avoir alors aucune communication directe. L'entrée du monastère de moines était interdite à toute femme. À plusieurs reprises, notamment en 1190, on voit des moines condamnés au jeûne pour avoir laissé pénétrer des femmes dans leur église. Ce n'est qu'à la fin du XVe siècle qu'on voit de grandes dames autorisées à entendre la messe dans la chapelle d'un monastère.Voir d'Arbois de Jubainville, Études sur l'intérieur des abbayes cisterciennes, p.7.
32. Reg. cujusdarn patris, cap. XII
33. Constit. cong. Camaldulensis, c. XVIII.
34. Mabille, Præf. in sæc. Benedict. sæc. III, 1, p. 110 ; sæc. VI, § XI, p. 498.
35. Cité par Guérard, Appendice du Polyptique de l'abbé Irminon. Voir plus haut, p. 169.
36. Ibid., p. 498.
37. Leur condition n'était d'ailleurs pas la même partout : elle a varié suivant les temps.
38. Mabille, Ann. S. Ben. II, 333.
39. Acta SS. Benedicti saes. IV, t. 1, p. 104
40. L'abbaye de la Trinité de Tiron (Eure-et-Loir) se trouve dans les planches du Monasticum Gallicanum de Peigné-Delacourt (n° 58) ; mais la construction est moderne.
41. Orderic Vital, III, p. 448
42. Les granges étaient des exploitations parfois très importantes. Morimond, abbaye cistercienne fondée au XIIe siècle, avait 15 granges dont plusieurs sont devenues des villages importants. Ces granges possédaient, dit-on, 200 chevaux l 200 bœufs de travail, Morimond avait en outre dans le voisinage de la forêt où l'abbaye jouissait du droit de gland et de faine, 20 porcheries renfermant chacune 300 porcs. (chiffres qui paraissent exagérés). Voir l'Abbaye de Morimond, par l'abbé Dubois, 1 vol. 1857, et Mémoire sur les industries exercées par les moines au moyen âge, par Chaven de Malan (dans l'Annuaire de l'Inst. des provinces et des congrès scientifiques, de 1853).
43. M. D'Arbois de Jubainville, op. cit., p. 331 et suiv.
44. Carra et samnatica negotiandi gracia in quoslibet mercatus imperil nostri aut in partes Austriar atque Neustriru aut Burgundiie, aut Aquitania, aut Provenciæ, aut Italiae,aut ceterarum partium loca imperii nostri direxerint, nullum teloniuni ab his neque ab horüinibus qui eis prwsunt, nec pontatiçum, nec portaticum, nec rotaticum, nec pulveraticum, nec cespitaticum, nec alias redhibitiones quisquam ex igere... — Ampliss. coll., t. I, p. 65, ann. 816. Voir (Ibid., p. 30. et 76) des concessions du même genre de Pépin et de Louis le Débonnaire, dans lesquelles sont mentionnés, entre autres impôts levés sur les marchands, le ripaticum, le salutaticum, le travaticum, le barganaticum, etc.
45. Mémoire sur le commerce maritime de Rouen, par Fréville, ch. IV.
46. Les hospitaliers de Saint-Jacques-du-Haut-Pas, établis à Paris en 1286, n'étaient pas des frères pontifes.
47. Héliot, Hist. des ordres relig., 2e partie, ch. 42.
48. Cum occupationes monachorum nostris hisse temporibus multo plures existant quam unquam fuerint, tum circa divina officia persolvenda, tum circa alia, difficile visum est patribus posse ad unguem monachos hoc capitulum (de Opere man. quot.) regule servare; præsertim cum in hyeme vix tempus ad ipsas haras canonisas persolvendas et alia necessaria peragenda sufficiat. Const. cong. Camaldulensis circa ann. 1023, cap. XLVIII.
49. Conversi vero manibus laborando otium veluti hostem perniciosissimum semper insectentur; Ibid.
50. Mabille, Præf in sec. VI Bened., § Xl, p. 498
51. Ce plan a été reproduit dans la Grande Encyclopédie, Va Abbaye.
52. Monasticum gallicanum, édité par Peigné-Delacourt, 2 vol.
53. La Régle de Saint-Benoît nouvellement traduite et expliquée, 1689, 2 vol. in-4°, t. II, p. 211.
54. Ibid., p. 309.

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