L'Encyclopédie sur la mort


Zweig Stefan

 

readme.ccNé à Vienne le 28 novembre 1881 de parents représentatifs de la grande bourgeoisie juive. Le 7 avril 1904, il présenta sa thèse sur la philosophie d’Hippolyte Taine et passa sa soutenance. Grand voyageur à travers l’Europe et l’Amérique, il a laissé une œuvre considérable. Essayiste et biographe, il a écrit des pages admirables sur la vie et l’œuvre d’Émile Verhaeren*, Balzac et Dickens, Hölderlin* et Nietzsche* Marceline Desbordes-Valmore, Romain Rolland*, Joseph Fouché, Érasme*, Kleist*, Tolstoï* et Stendhal, Magellan et Montaigne*. Il nous a conté la vie de Casanova, Marie-Antoinette, Marie Stuart. Stefan Zweig excelle dans la nouvelle, mais il est avant tout un maître de pensée, dont la sensibilité est capable de saisir en profondeur le drame de l’histoire contemporaine. À cet égard, Monde d’hier, Souvenirs d’un Européen (1948) demeure un chef-d’œuvre. Rédigée un peu avant sa mort, cette autobiographie nous plonge dans l'histoire politique et culturelle de l'Europe de la fin du XIX° et de la première moitié du XX° siècle, traversé par deux guerres mondiaux. Il y révèle son ardent amour de la culture européenne et son pacifisme convaincant. Il rencontre Freud* en 1908 et s'engage avec lui dans une longue correspondance épistolaire. En 1924, il lui présentera son ami Romain Rolland*.

Dans la préface de son livre Les très riches heures de l’humanité (1939), il écrit: «Aucun artiste n’est artiste de façon continue, tous les jours, vingt-quatre heures sur vingt-quatre; il ne parvient à produire quelque chose d’essentiel, de durable, que lors de quelques rares moments d’inspiration. Il en va de même pour l’Histoire. […] Un peuple doit toujours engendrer des millions d’hommes avant que ne naisse un génie, il faut toujours que des millions d’heures oisives s’écoulent dans le monde avant que n’apparaisse une heure d’une réelle importance historique. […] De telles heures, d’une grande concentration dramatique, porteuses de destin, où une décision capitale se condense en un seul jour, une seule heure, et souvent en une seule minute, sont rares dans la vie d’un individu, et elles sont rares tout au long de l’histoire» (Paris, Belfond, 1989, p. 9-10).

Dès 1934, Zweig s'installe en Angleterre après que les nazis brûlèrent ses oeuvres en 1933. Mais il demeure très attaché à la langue allemande qui lui permet d'exprimer les profondeurs de son âme. En 1940, il quitta Londres pour New York en compagnie de Lotte Altmann*, sa deuxième épouse de 25 ans plus jeune que lui, issue d'un famille de rabbins et qu'il avait mariée à Bath en Angleterre. «Des soldats de Hitler montent la garde devant l’Arc de triomphe. La vie n’est plus digne d’être vécue. J’ai presque 59 ans, et les années à venir vont être effroyables - à quoi bon se prêter encore à toutes ces humiliations ?», avait-il écrit dans son Journal du 15 juin 1940, quelques jours avant de partir pour le Brésil.

Il se donna la mort à Pétropolis le 22 février 1942 en compagnie de Lotte. Dans Les derniers jours de Stefan Zweig, Laurent Seksik tente d'établir un rapprochement entre le suicide du couple Zweig et Kleist suivi dans la mort Henriette Vogel (op. cit., p. 156-166), comme on pourrait trouver d'autres ressemblances, notamment du couple Zweig avec le couple Koestler*. Avant de mourir, Zweig laissa un message, écrit en allemand, mais précédé d’une déclaration en portugais: «Avant de quitter la vie, de ma propre volonté et avec toute ma raison, il me faut remplir un dernier devoir: remercier sincèrement le Brésil, ce merveilleux pays, de m’avoir offert à moi et à mon travail une halte si agréable et si hospitalière. De jour en jour, j’ai appris à l’aimer davantage et nulle part ailleurs je n’aurais voulu reconstruire ma vie de fond en comble, puisque le monde de ma propre langue est perdu pour moi et que ma patrie spirituelle, l’Europe, s’est anéantie elle-même. Mais il fallait à soixante ans des forces exceptionnelles pour tout recommencer à nouveau et les miennes sont épuisées par des années d’errance sans patrie. Aussi je juge préférable de mettre fin, à temps et la tête haute, à une vie pour laquelle le travail intellectuel a toujours représenté la joie la plus pure et la liberté* individuelle le bien suprême sur cette terre. Je salue tous mes amis! Puissent-ils voir encore les lueurs de l’aube après la longue nuit! Moi, je suis trop impatient, je les précède.» À Friedrike von Winternitz, sa première femme, avec qui il entretint, avant et au-delà de leur brève vie commune, leur séparation et leur divorce, une longue correspondance de trente ans (1912-1942), il laisse une dernière lettre: «Je suis certain que tu verras des temps meilleurs et tu me donneras raison de n’avoir pu attendre plus longtemps avec ma bile noire. J’écris ces lignes dans les dernières heures, tu ne peux t’imaginer comme je me sens heureux depuis que j’ai pris cette décision. […] Tu sais bien que je suis apaisé et heureux.»

Son biographe, Donald Prater, rapporte les détails des derniers instants du couple Zweig-Altmann: «Il signa, data et laissa sa lettre en évidence sur son bureau. Ils étaient prêts. Dans l’après-midi, entre midi et quatre heures, ils absorbèrent des doses massives de véronal et s’allongèrent l’un à côté de l’autre pour leur dernier sommeil, Zweig en chemise, cravate et pantalon, Lotte dans un kimono fleuri revêtu après un bain. La bouteille d’eau minérale qu’ils avaient bue portait la mention Salutaris. Pucky, le petit terrier, s’était couché à la porte de leur chambre et attendait patiemment que son maître se réveille et l’emmène faire sa promenade du soir. Un vase sur le buffet contenait un trèfle à quatre feuilles» (Stefan Zweig, Paris et Montréal, La Table Ronde et Lacombe, 1988, p. 342). André Maurois écrit: «Beaucoup d’hommes de cœur dans le monde entier ont dû méditer, le jour où ils ont appris ce double suicide, sur la responsabilité qui est celle de tous et sur la honte qu’il y a, pour une civilisation, à créer un monde où un Stefan Zweig ne peut vivre.» À Los Angeles, Franz Werfel consacra à Stefan Zweig un discours commémoratif dans lequel il déclara: «Nous ne sommes pas des pacifistes. Et la lutte que l’homme mène contre le mal est grande et sacrée. Mais même cette lutte sacrée ne peut accompagner l’homme jusqu’au seuil de sa chambre mortuaire, il ne peut le franchir. Les affaires du monde — et quand bien même dépendît d’elles le salut du siècle — n’ont pas le droit de s’immiscer dans la décision ultime, dans l’ultime solitude entre l’individu et Dieu» (H. E.Jacob, «En feuilletant les archives de la police de Petrópolis», dans F. et S. Zweig, L’amour inquiet. Correspondance, Paris, Des Femmes, 1987, p. 439)

Stefan Zweig en français sur Internet :
Stefan Zweig, romans et nouvelles:
http://pedagogie2.ac-reunion.fr/lettres/tl/Vero_Zweig/sommaire.html
• Stefan Zweig ou le cosmopolitisme humaniste: http://www.karimbitar.org/stefanzweig
• Stefan Zweig, le grand voyageur pacifique: http://www.senat.fr/evenement/stefan_sweig.html
• Stefan Zweig, site du fan club: http://www.stefanzweig.org/
• Biographie de Stefan Zweig sur Wikipedia: http://www.stefanzweig.org/

Oeuvres biographiques sur Stefan Zweig
Seksik, Laurent, Les derniers jours de Stefan Zweig, Paris, Flammarion, 2010.
Sauvat, Catherine, Stefan Zweig, Paris, Gallimard, 2006.
Matuschek, Oliver, Stefan Zweig: drei Leben-eine, Frankfurt, S. Fischer, 2006.
Cels, Jacques, Stefan Zweig, un écrivain dans la cité, Tournai, La renaissance du livre, 2003.
Kerschbaumer, Gert, Stefan Zweig: der fliegende Salzburger, Salzburg, Residez, 2003.
Ferrigaud, Jean-Louis, Premières leçons sur Le joueur d'échecs de Stefan Zweig, Paris, PUF, 2001.
Sauvat Catherine, Stefan Zweig, Paris, Éditions du Chène, 2000.
Lafaye, Jean-Jacques, Stefan Zweig, un aristocrate juif au coeur de l'Europe, Paris, Kiron, 1999.
Lafaye, Jean-Jacques, L'avenir d'une nostalgie: une vie de Stefan Zweig, Paris, Éditions du Félin, 1989.
Stefan Zweig: instants d'une vie, Images, textes, document rassemblés par Klemens Renolder, Hildemar Holl, Peter Karlhuber, Paris, Stock, 1994.
Kiser, John, La mort de Stefan Zweig: mort d'un homme moderne. Préface d'Elie Wiesel, traduit de l'américain par Sylvie et Olivier Gouchet, 1998.
Bona, Dominique, Stefan Zweig: l'ami blessé, Paris, Plon, 1996.
Prater, Donald, Stefan Zweig, Paris, Lacombe, «Table ronde», 1988.
Arens, Hanns, Stefan Zweig: sein Leben, sein Werk, Esslingen, Bechtle, 1949.
Souza, Claudio de, Les derniers jours de Stefan Zweig, Préface 'André Maurois, Mexico, Ed. Quetzal, 1944.

Date de création:-1-11-30 | Date de modification:2012-04-18

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