C’est le théologien français Jean-Charlier de Gerson qui, en 1408, proposa l’expression ars moriendi et en donna la définition dans son Opusculum tripertitum de praeceptis decalogii, de confessione et de arte moriendi. (probablement écrit à Constance). Il témoignait ainsi d’un nouveau souci du clergé pour les malades et les mourants ainsi que pour le sens à donner à la mort, à travers les cérémonies. Peu après, Johannes Nider obéit à la même préoccupation avec Nobilissimus liber de arte moriendi. L’ouvrage de Gerson était abondamment illustré de bois, illustration considérée comme un des chefs-d’œuvre de l’art graphique flamand, qu’on a pu attribuer à Rogier van der Weyden.
[...] le livre de Gerson a inspiré, dès le début du XVe siècle, deux petits ouvrages de piété, publiés anonymement mais qui obtinrent une grande diffusion et suscitèrent des traductions dans toute l’Europe jusqu’en 1538 : un Ars moriendi et un Tractatus artis bene moriendi. Une des traductions françaises fut attribuée à Guillaume Tardif. Dans ces deux textes, les auteurs relient l’art de bien mourir à un art de bien vivre, en fonction de la mort et du salut dans l’au-delà : on y reconnaît les [thèmes] ascétiques traditionnels. [...]
L’Ars moriendi (dont l’édition princeps illustrée date de 1450 et a été publiée à Londres en 1881 par W. H. Rylands), présente à travers le texte et la gravure située en regard, la situation du mourant comme un drame durant lequel Satan et un ange se disputent son âme, l’un lui offrant des « tentations » et l’autre de « bonnes inspirations ». Le texte mêle à ces aspects des réflexions extraites des Evangiles, des citations des pères de l’Eglise, d’Augustin* et de Gerson lui-même.
Gerson influença davantage encore le Tractatus… d’abord attribué à plusieurs auteurs du XVe siècle, mais selon le chercheur autrichien du XXe siècle, Rainer Rudolf, probablement attribuable au seul Nikolaus von Dinkelsbühl, professeur de théologie de l’Université de Vienne. [...] Le Tractatus s’adresse à tous, mais également aux ecclésiastiques. Il perdit de son influence lorsque Erasme* bouleversa cette vision cruelle et ascétique de la vie et de la mort, en présentant celle-ci comme seulement le dernier moment de la vie chrétienne.
[...]
Le Miroir de la bonne mort (1683) du Français G. de la Vigne, avec des illustrations baroques de Romeyn de Hooghe et l’Ars bene et christianae moriendi (av. 1688) du dominicain flamand K. Myleman (de Bruges) prolongent la tradition des artes moriendi. Et toujours au XVIIe siècle et au XVIIIe siècle, les artes moriendi ont plus ou moins survécu dans des exhortations aux malades et aux mourants.
BIBLIOGRAPHIE
Bascetta, Carlo: « Art de bien vivre et de bien mourir », in : Grente, Georges. – Dictionnaire des littératures françaises. Le Moyen Age.- Paris : Fayard, 1964, pp.73-75.
Chartier, A. « Les arts de mourir », in : Annales E.S.C., janvier -février 1976.
[...]
Mâle, E. – L’art religieux de la fin du Moyen Age en France, Paris : A. Colin, 1922.
[...]