De l'homo faber à l'homo sapiens

Jean Proulx
Critique de la technique et de ses recettes faciles pour oublier la condition humaine.
« Certains croient que la technique résoudra d'elle-même les problèmes qu'elle pose à l'humanité. C'est lui faire trop d'honneur ! C'est croire que le destin, et non la liberté responsable, se chargera du destin. L'illusion est grande, comme est profond le culte idolâtrique voué au progrès technologique. Et l'homme moderne se livre tout entier à cette forme de la croissance, à la manière de Faust livrant son âme au diable. Bien sûr, le progrès technologique n'est pas en lui-même diabolique. Il le devient par l'espérance illusoire de ceux qui placent en lui leur salut. Ceux-là font de l'absolu avec du relatif, de l'infini avec du fini, de l'inconditionné avec du conditionné. Là résident le diabolique et l'idolâtrie. Bergson disait de notre civilisation qu'elle était aphrodisiaque. Il faudrait peut-être aller plus loin et affirmer que notre civilisation (sécularisée) est idolâtrique. C'est une merveilleuse machine à fabriquer des idoles. Le progrès technologique, comme le sexe, n'est que l'une d'entre elles, cherchant à s'approprier pour lui seul tout l'espace culturel.

Non, les problèmes soulevés par la technique ne trouveront pas immédiatement de solutions dans leur ordre propre. Aux problèmes du progrès technologique, il faut proposer d'abord des solutions de progrès humain; aux inquiétudes soulevées par la puissance, on répond par la sagesse en premier lieu; aux soucis que nous apporte l'homo faber, on oppose avant tout l'attitude de l'homo sapiens, tourné vers les fins et les valeurs; à la crise de la croissance (de l'ordre de la quantité), on répond par le développement (de l'ordre de la qualité); en d'autres termes, au destin, il faut opposer la liberté, capable de le juger, de l'assumer et de l'orienter.
Le progrès humain, la sagesse, le développement et la liberté ne sont pas de vagues utopies. Tout cela indique un monde de valeurs et des tâches particulières pour notre "âge technique". La crise actuelle du progrès technologique nous offre certaines chances de progrès humain. Elle est un appel lancé par le destin à la liberté, pour que celle-ci propose des valeurs et des fins, indique des tâches particulières, tente d'établir des structures plus humaines en ce temps-ci et à ce moment-ci.

J'ai cherché, pour ma part, auprès de quelques philosophes et scientifiques, à mieux comprendre la crise du progrès technique que nous traversons; à mieux saisir les chances d'un progrès humain, d'abord au niveau des valeurs et des fins, ensuite à celui des stratégies et des structures. Mon seul but, ici, est de transmettre au lecteur les observations qui m'ont frappé et les réflexions qui m'ont nourri. Pour le reste, je le renvoie à ces quelques lectures à la fois angoissantes et réconfortantes, puisqu'elles nous révèlent, d'une part, une crise profonde et nous proposent, d'autre part, des éléments de solution.


Notre destin ou la crise du progrès technique

Prométhée ne semble plus contrôler le feu qu'il a ravi aux dieux jaloux. Assurément le feu est affranchi du contrôle divin. Mais il semble échapper du même coup au contrôle humain. Le feu a pris aujourd'hui le visage de la croissance démesurée. On l'appelle la croissance exponentielle (1) et, de prime abord, elle paraît échapper à l'apprenti-sorcier humain, aussi bien dans les ordres démographique et économique, que dans les domaines écologique et industriel. La croissance exponentielle ressemble au feu poussé par le vent. Il se répand à vive allure et double sa superficie en peu de temps. Bientôt, on ne sait ni d'où il vient ni où il va. Ainsi, on ne sait plus si c'est la croissance démographique qui provoque l'industrialisation accélérée ou l'inverse, ni lequel des deux est la cause principale de la pollution croissante. Il faut voir là, sans aucun doute, quelques-uns des signes de ce que Friedmann appelle "un milieu technique non dominé".

L'explosion démographique n'est pas la moindre des angoisses de l'apprenti-sorcier (2). Malthus s'était déjà fait son prophète de malheur, en insistant sur le déséquilibre grandissant entre l'augmentation de la population mondiale et les ressources alimentaires. On s'en est bien moqué. On lui reproche encore de n'avoir pas prévu les progrès fulgurants de la technologie. Le même argument sert aujourd'hui les optimistes. Pour eux, la technique résoudra les problèmes posés par la technique. Leur foi dans le progrès est inconditionnelle. Ils ne se rendent pas compte qu'ils ne font que reculer le temps des crises aiguës et le moment des choix fondamentaux. L'explosion démographique démesurée n'est pas la mère de tous les vices, mais, comme le montre Lorenz, elle porte avec elle un cortège de phénomènes de décadence, dont la dévastation de l'environnement, l'indifférence généralisée et le déracinement ne sont que quelques exemples. Certains purs s'offusquent à la seule idée d'une "halte à la croissance" démographique, qu'ils considèrent comme un manque de respect à l'égard de l'homme. Ils oublient que ce peut être au nom même du respect dû à l'homme qu'il faille mettre un frein à la croissance démographique. Ce peut être pour lui offrir de meilleures "conditions de vie" (en société) et un meilleur "milieu de vie" (dans la nature); ce peut être pour lui offrir de meilleures chances d'accéder à la grandeur et l'empêcher de sombrer dans les phénomènes de décadence vitale; ce peut être au service d'une humanisation, purement et simplement. Nous voilà confrontés à des univers de valeurs. Si nous ne choisissons pas, le destin le fera à notre place (3).

La foi inconditionnelle au progrès technologique comporte ses dogmes. L'un de ses principaux est celui de l'urbanisation. De plus en plus, aujourd'hui, les observateurs de ce phénomène parlent de "sururbanisation" comme pour en indiquer le caractère démesuré et démoniaque. Certains, comme le groupe de la revue The Ecologist, parlent d'urbanisation sauvage, dont le coût est lourd, non seulement en argent mais aussi en bien-être. Ils constatent avec désarroi que la mégapole augmente sans cesse ses taux de criminalité, d'alcoolisme, de maladies mentales, de suicides. Ils constatent chez l'homme urbain une résistance vitale affaiblie, ce que Friedmann appelle "le déclin des instincts". Tout cela, lié à une incroyable détérioration du "milieu naturel".

L'entassement des masses humaines en espace restreint conduit de plus, de l'avis de Lorenz, à la disparition de tout sentiment fraternel. Dans la grande ville, il n'y a plus de prochain, et l'un des principes essentiels de la vie urbaine est "not to get involved". A cela, s'ajoute une accentuation des comportements agressifs. On songe à l'entassement des rats de Ratopolis. Trop nombreux dans un espace trop restreint, ils donnent tous les signes du déclin des instincts, de la délinquance, de l'agressivité démesurée, de la perte du "sentiment fraternel". Selon Philippe St-Marc, la concentration urbaine excessive à laquelle nous assistons constitue la plus aberrante répartition des hommes sur le territoire (4). Cet encombrement massif des populations dégrade de façon évidente le milieu de vie (naturel). De plus, l'une des fonctions civilisatrices de la ville, - l'échange intellectuel, commercial et politique, - est en train d'être étouffée par l'hypertrophie urbaine avec son développement excessif des fonctions de production et d'administration.

La mégapole, le milieu technique, avec son nivellement de la sensibilité et son déracinement, ne permet plus l'appartenance profonde ni la reconnaissance des personnes, c'est-à-dire la véritable vie communautaire. Lieu du déclin des instincts, c'est aussi celui du "monde désenchanté" dont partait Max Weber. Là, la fraternité, la simplicité de vie, la rêverie créatrice, la contemplation, le recueillement ont presque disparu. Ce haut lieu de la "culture automobile" (Friedmann) et de "la foule solitaire" (Riesmann) apparaît de plus en plus comme une erreur d'aiguillage du progrès technologique. Le dogme de l'urbanisation rejoint la folie de Babel. La démesure et l'idolâtrie se paient très cher en déception, en désenchantement et parfois même en déshumanisation.

Le déracinement est l'un des aspects les plus tragiques de cette déshumanisation. Dans les sociétés industrielles modernes, l'homme est de plus en plus coupé, non seulement des éléments et des rythmes de la nature, mais même de sa propre vitalité ("le déclin des instincts" dont parle Friedmann et qu'avait bien entrevu Nietzsche) et, qui plus est, des grandes traditions morales et religieuses de l'humanité (5). Ainsi, l'homme se voit appauvri dans ses rapports à la matière, à la vie et à l'esprit.

En effet, la mégapole est devenue un véritable "milieu technique", selon l'expression de Friedmann, par opposition au "milieu naturel", où l'homme vivait une profonde intégration à la Nature. Philippe Saint-Marc parle même de "la mort urbaine de la nature" et de -la paupérisation du milieu de vie" (physique). La maîtrise technique de la nature n'est aucunement un mal en soi. Mais la manière, les formes et l'orientation données à cette domination ont conduit à l'aliénation de l'homme par rapport à la nature. De la même manière, l'homme a rompu avec ses propres lois biologiques et, comme le signale Marcuse, on assiste, dans la société industrielle avancée, à une atrophie des instincts humains, due à une hypertrophie de la "rationalité" du principe de rendement. Enfin, l'homme y est aussi devenu étranger, pour une bonne part, à l'immense patrimoine de sagesse contenu dans les grandes traditions culturelles et religieuses de l'humanité. Lorenz parle, en ce sens, d'une "rupture de la tradition" et Jaspers nous montre que, dans la civilisation technicienne, il n'y a pas que la perte de la continuité historique. Il y a aussi, jusque dans les relations interpersonnelles, une envahissante discontinuité, et jusque dans le centre personnel, une vie vécue sans mémoire. Mais là où les racines de la tradition sont mortes, la place est occupée par l'opinion commune, la publicité et la propagande. Ce n'est pas par hasard que "la contagion de l'endoctrinement " est l'un des huit péchés capitaux de notre civilisation, dénoncés par Lorenz.

Un autre "péché capital" de notre société industrielle, bien épaulée en cela par ce que Tillich appelle "l'esprit du capitalisme", est assurément le gaspillage frénétique des ressources, et particulièrement des richesses naturelles non renouvelables. L'Organisation mondiale pour l'alimentation et l'agriculture (F.A.O.) ne cesse de nous le rappeler. En ce qui a trait à la crise alimentaire, avant même les inquiétudes soulevées par le Club de Rome - "combien d'hommes la terre peut-elle nourrir? jusqu'où le progrès technologique pourra-t-il reculer l'échéance de la famine? quand prendrons-nous conscience de la contradiction entre la croissance exponentielle (de la population, de l'industrialisation, de la pollution, de la consommation) et les possibilités limitées de notre univers?" - René Dumont nous invitait à une telle prise de conscience dans son livre inquiétant Nous allons à la famine, publié en 1966. Ce dernier nous rappelle que les potentialités agricoles sont limitées, qu'il n'y a pas de terres cultivables à l'infini, que l'eau douce manquera bientôt dans plusieurs pays, puisque les besoins doublent tous les 15 ans, etc.
Des "techniciens optimistes" refusent ces données pessimistes ne se rendant pas compte qu'ils ne font, pour leur part, que reculer l'échéance et la catastrophe (6). Ils répondent à la technique par la technique, de façon inconditionnelle. Leur dogme est celui du progrès indéfini de la technologie, auquel, d'ailleurs, ils tendent parfois à réduire le progrès humain.

C'est ce dogme qu'il faut critiquer et ce mythe qu'il faut briser. La tâche n'est pas facile, puisque "la mentalité industrielle" et "l'esprit du capitalisme", comme le signale Tillich, se sont alliés pour les enraciner au plus profond de la conscience moderne et les fonder sur la certitude d'une suffisance absolue de notre Univers, sur l'assurance naïve de l'infinitude du fini. Tout ce qui rappelle la finitude et l'aliénation, tout ce qui a trait au mal et à la souffrance, cette société industrielle capitaliste s'empresse de le masquer, puisque ses dogmes et ses mythes pourraient en être ébranlés (7). Elle est bien servie en cela par ses "techniciens optimistes", qui prophétisent le bonheur à consommer, du haut de leur chaire économique, politique ou industrielle. Cette fausse rationalité, combien irrationnelle et mensongère, a été parfaitement stigmatisée par Marcuse dans L'homme unidimensionnel.

À la croissance exponentielle de la consommation et du gaspillage s'ajoute la croissance tout autant exponentielle de la pollution. La civilisation du gaspillage, c'est bien connu, est aussi une civilisation des déchets. C'est Jean Dorst qui nous rappelle, avant même les constatations inquiétantes du Club de Rome à ce sujet, le prix immense à payer pour chaque parcelle de "progrès": empoisonnement de l'univers par les insecticides et les diverses "luttes chimiques"; destruction des milieux terrestres et aquatiques; assaut de la planète par les déchets de la civilisation industrielle, sous forme de pollution des eaux douces, des mers et de l'atmosphère. Tout cela prend l'allure d'une impitoyable guerre d'usure contre la Nature, au sein de la civilisation industrielle et capitaliste. On n'a pas à s'en étonner, puisque, depuis le siècle des lumières, une foi inconditionnelle au progrès scientifico-technique s'est installée jusque dans les profondeurs de notre "inconscient collectif" (le plus récent représentant de cette foi naïve et inconditionnelle est Alvin Toffler dans le Choc du futur). Aujourd'hui, nous vivons de la religion hautement institutionnelle du Produit national brut (PNB). C'est elle qui nous conduit à sacrifier, sur l'autel du "niveau de vie", ce que Philippe Saint-Marc appelle les "conditions de vie" (sociales) et le "milieu de vie" (naturel), qui forment l'ensemble des biens immatériels, auxquels on juge finalement d'une civilisation. Le PNB de la nation et le niveau de vie des individus sont devenus les grands symboles de la réussite et du bonheur dans notre civilisation. Peu importent alors la paupérisation du milieu de vie et l'accroissement des "sept grandes nuisances" dont parle Philippe Saint-Marc; peu importent les pénuries éventuelles de terre, d'eau et d'air que nous rappelle René Dumont; peu importent le gaspillage et la "perversion des outils" (médiations, institutions) contre lesquels Illich nous met en garde; peu importent le pillage de la planète et la destruction du milieu naturel auxquels nous sensibilise Friedmann; peu importe, enfin, la montée des fléaux urbains et, particulièrement, de l'agressivité brutale décrite par Lorenz. Tous cela compte si peu en regard de la religion du PNB et du niveau de vie (8).

Nous voilà donc placés au coeur d'un "grand déséquilibre" dont nous avons donné quelques signes. Ce désordre et cette démesure de la civilisation technicienne, nous les exprimons finalement en termes d'inversion de l'avoir et de l'être, d'une parte, de brisure entre la puissance et la sagesse, d'autre part.

Il ne s'agit aucunement de renier les formes de l'avoir et de la possession. Elles font partie, comme nous le rappelle Mounier, de la nécessaire incarnation de la personne humaine. Il est impossible d'être sans avoir , l'avoir et l'être constituant les deux pôles entre lesquels oscille "l'existence incorporée". Mais l'avoir est frappé d'ambiguïté. Il peut se situer dans le nécessaire processus d'incarnation de l'être humain, s'intégrer à ses engagements et à ses entreprises de transformation du monde, et, à ce titre, il en exprime la densité et la consistance. Il peut cependant s'engager dans un processus d'objectivation, par lequel l'être humain se perd dans l'anonymat des choses, y installe sa préoccupation ultime, participe à la convoitise et à la puissance ostentatoire qu'elles suscitent et, à ce titre, s'aliène de son être et de sa liberté. Berdiaeff, de même, nous exposait, dans les Cinq méditations sur l'existence, comment nous étions placés, en ce monde, au coeur même d'une lutte entre les processus d'objectivation et l'extériorisation, d'un côté, et les processus de personnalisation et d'intériorisation, de l'autre.
Or placer son centre dans l'avoir, c'est s'engager dans les processus d'objectivation, c'est réduire son être profond à l'état d'objet. La société dite d'abondance et de consommation, fondée sur la propriété privée, la course au profit, la concurrence, la publicité, la mode et le crédit, est à proprement parler une civilisation de l'avoir, dont les symboles par excellence sont, au plan de la nation, celui du P.N.B., et au plan de l'individu, celui du niveau de vie. L'un des grands déséquilibres de cette civilisation réside dans son inversion de l'être et de l'avoir, ou plutôt, dans sa dégradation de l'être en avoir, de l'épanouissement en croissance, du bonheur en consommation, de la qualité de la vie en niveau de vie et du "mieux" en "plus".

Mais là ne s'arrête pas le déséquilibre. On peut aussi l'exprimer, comme le fait Friedmann dans son admirable livre déjà cité, en termes de brisure entre la puissance et la sagesse. Pour Friedmann, en effet, la puissance matérielle de l'homme, conduite à son apothéose dans l'aventure technique, a dépassé la sagesse spirituelle. L'hypercroissance de l'homo faber s'accompagne d'un sous-développement de l'homo sapiens, tout comme l'hypertrophie de l'entendement (pensée calculatrice et efficace, centrée sur les moyens) s'ac compagne d'une atrophie de la raison (pensée intuitive, centrée sur les fins et les valeurs). Il en résulte un grand déséquilibre entre le corps technique de l'humanité et son âme (9).

Notre civilisation est matériellement puissante mais moralement faible, tel est le diagnostic posé. En conséquence, nous vivons dans "un milieu technique non dominé", où, comme le signale Berdiaeff, la force et le pouvoir dont témoigne la technique, ne savent plus quelles fins, ni quelles valeurs, ni quels dieux servir.


Les chances du progrès humain et de la sagesse

L'inquiétude fondamentale n'est certes plus celle de savoir si l'homme est capable de maîtriser, par sa science et sa technique, le monde de la matière. Ce n'est pas non plus celle de savoir si l'homme peut affirmer sa puissance sur la Nature. Tout cela, nous en sommes maintenant certains. Mais, une autre inquiétude a surgi, qui creuse un grand vide au c?ur de la civilisation technicienne: quel sens donnerons-nous au progrès et à la croissance technologique et économique? au service de quelles valeurs les placerons-nous, puisque, laissés à eux mêmes, la croissance et le progrès mènent au "grand déséquilibre" et à la démesure? quel appel l'âge technologique lance-t-il à la conscience humaine? à quelles possibilités de progrès humain, le progrès technologique nous convie-t-il? à quelle sagesse la puissance nous invite-t-elle?
C'est bien de sagesse et de valeurs qu'il s'agit. Car la technologie et la croissance laissées à elles-mêmes tombent dans la folie et l'idolâtrie. Ce que Tillich disait de la nation comme "pouvoir" et "vocation", il nous faut le redire de la technologie. Une nation qui s'affirme comme un pouvoir sans conscience de sa vocation prend le visage du démoniaque, de même qu'une technologie qui s'affirme comme une puissance sans sagesse, pour reprendre les expression de Friedmann, introduit la démesure et l'idolâtrie.

Notre civilisation est fondée, pour une bonne part, sur l'hypertrophie de ce que Bergson appelait l'intelligence fabricatrice ou de ce que d'autres, comme Kant déjà et Jaspers plus près de nous, nommaient l'entendement, c'est-à-dire la pensée discursive, calculatrice et finalement centrée sur l'ordre des moyens efficaces. Mais les moyens ne sont pas plus des fins que l'homo faber n'est l'homo sapiens ou que la puissance n'est la sagesse.

Si l'on s'en tient à la loi de dichotomie et de double frénésie énoncée par Bergson dans Les deux sources de la morale et de la religion à la phase d'entendement succéderait une phase nouvelle (et intégratrice) de la raison; à la période dominée par l'efficacité succéderait une période nouvelle (et intégratrice) de la gratuité esthétique; à l'étape d'un pouvoir sans vocation ou d'une Puissance sans sagesse succéderait l'étape d'une vocation intégratrice du pouvoir ou d'une sagesse éthique englobant la puissance matérielle. C'est dans cette direction qu'il semble possible d'évoquer maintenant les chances d'un rétablissement de la raison, d'une redécouverte de l'éthique et d'un retour à l'esthétique. Ces fonctions fondamentales de l'esprit humain - cognitive, éthique et esthétique - n'ont pas à se nier l'une l'autre, mais, bien au contraire, à s'harmoniser comme sources de significations et de valeurs, d'abord, et comme indications de tâches et de stratégies, ensuite. De leur développement et de leur harmonie dépend la qualité d'une civilisation.


Significations et valeurs

La fonction cognitive de l'esprit humain, au dire de Kant, repose sur les intuitions de la sensibilité, sur les concepts de l'entendement et sur les idées de la Raison. Alors que la sensibilité recoupe le monde de l'expérience et fournit à la pensée ses données diversifiées, l'entendement recoupe le monde de l'analyse et de la première synthèse conceptuelle de ces données. La "raison", pour sa part, nous oriente vers l'unité supérieure apportée par les idées du Monde, de l'Ame et de Dieu, cherchant ainsi à atteindre l'Inconditionné ou l'Absolu, empêchant l'entendement de se satisfaire dans ses propres concepts ou catégories.
À la lumière de cette approche kantienne de la fonction cognitive de l'esprit, nous dirons de notre civilisation qu'elle est fondée sur un développement particulier de la sensibilité et de l'entendement. En effet, la connaissance sensible et l'entendement empruntent aujourd'hui les voies de la méthode expérimentale et celles des mathématiques. Les connaissances expérimentale et mathématique ont pris un essor fantastique et se situent au fondement de la science et de la technologie. Elles sont à la base du progrès scientifico-technique, la source d'une connaissance objective de l'univers et de l'homme, ainsi que d'une maîtrise des forces de la Nature. En ce sens, Friedmann, à la suite de Jaspers et de Kant, distingue la raison de l'entendement, et montre comment ce dernier est au fondement même de notre civilisation.
Mais le monde de l'entendement, laissé à lui-même, conduit aux déséquilibres dont nous avons parlé. Son développement grandiose dans les domaines de la science et de la technologie exige maintenant un développement parallèle de la raison. En effet, l'entendement appelle la raison, comme l'analyse demande la synthèse, comme l'ordre des moyens exige l'ordre des fins, comme la recherche du "comment" (description de processus et formulation de loi) requiert celle du pourquoi (sens de l'univers et de l'existence humaine), comme l'homo faber a besoin de l'homo sapiens. C'est le message même de Friedmann quand il nous parle d'une puissance en recherche de sagesse. Le développement frénétique de l'entendement impose un retour à la raison, un nouveau "combat de la raison" au coeur de notre civilisation, Que cette raison nous replace devant l'origine et le but de notre être, qu'elle nous impose la question du sens de l'existence, qu'elle nous révèle les possibilités de l'essence humaine, qu'elle nous indique la limite et la grandeur de l'entendement (10)!

Bergson nous a montré cette grandeur et cette limite dans ses réflexions sur l'intelligence et l'intuition, sur la mécanique et la mystique. En effet, pour lui, l'intelligence est cette puissance de conceptualisation, d'analyse et de fabrication. Elle permet à l'homme de construire les moyens de son adaptation au monde. Elle s'achève dans la science et la technologie. Si puissante qu'elle soit, elle a pourtant besoin de l'intuition qui la dépasse. L'intuition part de l'unité, rejoint la continuité, se pose comme création. Elle seule peut finalement éclairer l'intérieur de l'élan vital, son sens et sa destination. C'est dire qu'elle seule peut, par delà l'ordre des moyens, atteindre l'ordre des fins. L'intelligence fabricatrice d'aujourd'hui a besoin d'intuition, tout comme "la mécanique" actuelle appelle une "mystique".

Telle est, du moins l'affirmation de Bergson, en regard de ce qu'on peut appeler la fonction éthique de l'esprit humain. Pour lui, le corps, agrandi par le progrès technologique, attend un supplément d'âme. La mécanique, c'est-à-dire le progrès dans la maîtrise humaine de la matière, appelle une mystique, c'est-à-dire un développement parallèle des forces religieuses et morales de l'humanité, fondées sur le sentiment, pour chacun, d'être l'instrument d'un Dieu qui aime tous les hommes et les appelle à l'amour fraternel. Un tel mysticisme, d'inspiration principalement chrétienne, pourra s'accompagner d'ascétisme. D'autant plus, qu'à la frénésie du bien-être et du plaisir, de l'avoir et de l'hédonisme, succédera, selon Bergson, un retour nécessaire à la vie simple et dépouillée (11).

À la transformation de la mécanique par la mystique, il faut ajouter la maîtrise de la puissance par la sagesse dont nous parle Friedmann. Selon lui, l'humanité se doit maintenant de mettre l'accent sur le développement de ses forces morales afin d'équilibrer la croissance de sa propre puissance matérielle, Friedmann n'hésite pas à parier de conversion intérieure, de révolution spirituelle, d'effort moral. Il s'agit bien là, en effet, d'un combat éthique pour retrouver les finalités et les valeurs, d'une lutte morale pour réinventer les raisons de vivre dans une civilisation technicienne. Il est désormais nécessaire de développer la sagesse qui nous permettra d'orienter et de maîtriser la puissance contenue dans le progrès technologique. Il s'agit d'humaniser ce progrès tout en gardant, à son égard, la loyauté dont parlait Jaspers. Humanisation, maîtrise, sagesse: c'est convier l'homme de la civilisation technicienne à s'interroger sur ses choix, à prendre conscience des fins qu'il poursuit, à chercher et de son devenir, dans une "conscience critique des possibles offerts par le progrès technologique". N'est-ce pas là une tâche philosophique essentielle, à laquelle se sont dérobés, d'ailleurs, la plupart des philosophes de métier contemporains?

Dans le domaine éthique, il existe une autre polarité sur laquelle se sont penchés G. Marcel et E. Mounier tout particulièrement: c'est celle de l'avoir et de l'être (12). Ils ne nous conviaient pas à rejeter l'avoir au nom de l'être, mais bien à subordonner le premier au second. La civilisation industrielle, avec ses dogmes du PNB et du niveau de vie, de la production des biens et de la consommation, de l'efficacité et du succès économique, a largement contribué à "inverser" la subordination de l'avoir à t'être. Mais la "conversion" demeure possible. C'est en ce sens que Philippe St-Marc nous convie à l'établissement d'une nouvelle économie fondée sur l'épanouissement physique et psychique de l'homme, plutôt qu'à une économie reposant sur la possession pure et simple des biens matériels; en ce sens, aussi, qu'il nous invite au dépassement plutôt qu'à l'enrichissement; au souci de la qualité du milieu de vie (naturel) et des conditions de vie (sociale) plutôt qu'à la seule préoccupation du niveau de vie; à la recherche de la participation plus qu'à celle de l'appropriation des biens, à la poursuite d'une économie des biens immatériels par delà les biens matériels; à un désir d'être ou de bien-être plus qu'à un désir d'avoir et de consommation. C'est donc à un réexamen des finalités du progrès technologique et économique que nous sommes ici conviés. La civilisation technicienne appelle ce Supplément d'âme, ce dépassement éthique, ce progrès humain, ici et maintenant.

La civilisation technicienne et industrielle a aussi développé en son sein une multitude de processus d'objectivation de l'homme: du travail en miettes à la publicité, en passant par l'uniformisation du produit (la production en série) et l'uniformisation du comportement social et politique (la mode et la propagande) l'objectivation de l'homme est à l'oeuvre. Ce processus d'objectivation et d'extériorisation de l'homme semble avoir atteint, aujourd'hui, la limite qui appelle un retournement et une conversion aux processus de personnalisation dont parle Berdiaeff, Cette personnalisation s'effectuera par l'intermédiaire de tout acte ou de toute structure favorisant la liberté contre la soumission à la nécessité, la responsabilité contre la passivité, la création contre l'adaptation pure et simple, la communion et la collaboration contre les relations anonymes, la participation contre la possession égoïste. À la réduction de l'homme à l'état d'objet intégré aux mécanismes de la production, de la consommation et de l'usage, l'entreprise de personnalisation substitue le courage d'être soi dans la communion avec autrui et la collaboration avec une communauté à l'échelle humaine, favorisant l'appartenance et la reconnaissance de chacun. La personnalisation implique cependant que ces fins soient reconnues comme prioritaires et que tout l'ordre des moyens leur soit subordonné. Elle exige ce que Jaspers et Friedmann appellent une "révolution spirituelle" éthique.

Ivan Illich prolonge cette réflexion dans son livre sur la convivialité (13). Il oppose ainsi la convivialité - dans laquelle l'outil s'harmonise avec la personne, elle-même intégrée à la communauté - à l'idéologie de la croissance illimitée et de la productivité industrielle de notre société. Pour Illich, l'outil, c'est tout moyen, instrument, institution productrice de biens ou de services, employé comme médiation dans l'action humaine. L'outil convivial, opposé à l'outil industriel, favorise le savoir-faire et le pouvoir-faire de chacun, laisse la place ouverte pour la création culturelle dans tous les champs de l'activité humaine. L'outil convivial respecte ses propres limites de moyen ordonné à une fin. Cette fin ultime réside dans la personne autonome et créatrice, capable de communion, de collaboration et de justice à l'intérieur de la communauté. L'outil industriel surefficient ne respecte plus l'équilibre des moyens et des fins, cultive la passivité contre la créativité, s'oppose à l'autonomie de la personne: ainsi en est-il dans les domaines de la médecine, des transports, de la construction et de l'éducation, pour ne reprendre que quelques exemples donnés par Illich. La société post-industrielle dans laquelle il nous faut entrer devra, par conséquent, développer un nouveau système de production et de consommation au service des valeurs essentielles -autonomie, créativité, communion, justice - de la personne intégrée à une communauté vivante.

Enfin, le réveil des "forces morales" de l'homme ne se fera pas sans un rejet de l'hédonisme facile, allié à la course au bien-être. La recherche du plaisir sans effort ne peut contribuer à la grandeur morale de l'homme. Il n'est peut-être pas nécessaire de revenir à l'exigeante morale du devoir de Kant, à sa rigoureuse subordination du bonheur à la vertu (devoir). Mais il y a là une indication en direction de la grandeur humaine. Pour reprendre la formule de Tillich, nous dirions plutôt que c'est à une éthique du courage d'être qu'il faut convier l'homme contemporain. Le bonheur authentique, en effet, ne peut être que la conséquence de l'affirmation par chacun de son être essentiel, ce en quoi consiste le courage d'être ou ce que Kant appelle "la vertu". En regard d'un tel courage, la morale du plaisir sans effort, qui triomphe au coeur de la civilisation du bien-être et du niveau de vie, n'est qu'un sous-produit de la croissance illimitée et se range dans la catégorie du "divertissement" dont parlait Pascal.

Ainsi, c'est à une "révolution" dans l'ordre des significations et des valeurs éthiques que nous sommes ici conviés: intégrer la puissance à la sagesse; placer la mécanique au service de la mystique; subordonner l'avoir à l'être; opposer la personnalisation à l'objectivation; favoriser la convivialité aux dépens de la croissance illimitée et de la productivité industrielle; subordonner le bonheur au courage d'être.

Mais là ne s'arrêtera pas la "révolution spirituelle". Elle se poursuivra au coeur de la fonction esthétique de l'esprit humain. L'éducation à la création et à la contemplation esthétiques, dans la mesure même de son expansion universelle, contribuera au recul de la société unidimensionnelle, enfermée dans le principe de rendement, soumise à la productivité destructive, à la consommation exhibitionniste et au gaspillage généralisé. L'art, en effet, peut rétablir dans leurs droits la sensibilité et l'imagination, largement domestiquées, à l'heure présente, par les mass media, la publicité et la mode. Il peut contribuer à une réhabilitation du symbole et du geste rituel, par lesquels l'homme atteint à des niveaux de réalité autrement inaccessibles.

La beauté naturelle et artistique n'est rien moins que la signification rendue visible, le sens devenu manifeste. Elle est la réconciliation de l'être et de l'apparaître, de l'essence et de l'existence, de l'universel et du particulier. La beauté transcende, par le fait même, l'ordre des moyens et nous plonge dans l'ordre des fins, des valeurs et des significations. Si, comme nous le pensons, l'expérience de la beauté est celle d'une "perfection sensible", on peut d'ores et déjà comprendre quelle force de protestation elle porte en elle contre toute actualisation historique de l'homme. En ce sens, elle ne tolère pas le réel, comme disait Nietzsche. Elle représente une "force spirituelle" de contestation et de dépassement, par delà les compromis de l'adaptation et les avatars de la croissance. Elle refuse de considérer "ce qui est réalisé ici et maintenant" comme la seule possibilité de l'homme. Elle nous ouvre sur un monde de possibles, nous indique "ce qui peut être" encore. Elle nous montre, comme le signale Marcuse, qu'une forme historique de civilisation (fut-elle celle du rendement, de la croissance, du PNB et du niveau de vie!) n'est pas l'essence même de la civilisation. Par le refus qu'elle porte en elle, l'expérience de la beauté nous enseigne que la direction du "progrès" peut être changée. Ainsi, l'éducation à la création et à la contemplation esthétiques peut jouer un rôle décisif, comme l'ont déjà signalé Schiller, Marcuse, Dufrenne et bien d'autres, dans la reconstruction d'une civilisation. Il nous faut procéder à une "réhabilitation de l'art et de l'artiste" écrivait Mounier en 1934 ...


Tâches et stratégies

La crise du progrès technique nous a lancé sur les voies d'un éventuel progrès humain. La nouvelle puissance, selon Friedmann, appelait une nouvelle sagesse. Cette sagesse, nous avons tenté d'en indiquer quelques chemins au coeur même des univers de significations et de valeurs créés par les fonctions cognitive, éthique et esthétique de l'esprit humain. Il nous reste maintenant à évoquer quelques-unes des tâches et des stratégies qui peuvent contribuer à la mise en oeuvre de ces significations et de ces valeurs. A son tour, la sagesse appelle maintenant une nouvelle puissance pour S'incarner et les "forces spirituelles" ont besoin de stratégies adéquates pour s'actualiser. Telle est la tension "tragique" de l'action humaine dont parlait Mounier: elle est constamment déchirée entre un pôle prophétique (valeurs) et un pôle politique (tâches et stratégies).

La première de ces tâches consiste à réintégrer dans la sphère de l'économie un au-delà du PNB et du niveau de vie, que Philippe Saint-Marc situe dans l'ordre des biens immatériels, "c'est-à-dire (dans le domaine) des satisfactions collectives à l'égard de l'environnement, sous le double aspect des conditions de vie qui expriment l'environnement social et du milieu de vie qui traduit l'environnement physique d'une population". (op. cit., p. 12). Le bien-être s'élargirait bien au-delà du niveau de vie pour inclure, dans les visées et les plans économiques, ces composantes majeures que sont les conditions de vie et le milieu de vie. Cela implique, il va sans dire, une révolution dans les objectifs mêmes de la croissance. Philippe Saint-Marc analyse surtout les conditions de vie sous l'angle de la santé, de la sécurité et de la promotion sociale et culturelle pour tous et s'intéresse au milieu de vie pour autant qu'il est constitué par l'air, l'eau et le sol, à la source de multiples services biologiques, esthétiques et scientifiques rendus à l'humanité. Dans cette ligne, nous tenterons d'évoquer quelques tâches et stratégies supplémentaires en fonction d'abord des conditions de vie, ensuite du milieu de vie.

L'une des tâches majeures en regard des conditions de vie est sans doute d'imposer un frein à la sururbanlisation actuelle, comme le signale René Dumont. L'analyse qu'il en fait pour les "pays dominés" vaut tout aussi bien pour les pays d'Occident. La sururbanisation crée le surchômage urbain, résultant d'abord d'un afflux massif d'actifs rejetés par le milieu rural. L'insuffisance d'emploi à la campagne aboutit à une faiblesse de la production agricole, imposant la multiplication des importations alimentaires. Il faut donc freiner l'urbanisation démesurée, avec son cortège de maux sociaux, moraux et écologiques; favoriser les communes et les coopératives rurales; animer les villes petites et moyennes aux plans économique et culturel; préserver les surfaces disponibles pour la production agricole et les lieux de loisirs collectifs; créer, par le biais par exemple des campus universitaires, des pôles de développement intellectuel au coeur des campagnes et des petites villes. Voilà quelques-uns des moyens de pallier à "l'entassement des masses humaines dans les grandes villes modernes" (Lorenz). Saint-Marc lui-même ne craint pas de critiquer "le dogme de l'urbanisation" et de proposer d'accentuer le mouvement de ruralisation qu'il voit se dessiner à l'horizon (14).

Une autre des tâches majeures pour transformer les conditions de vie réside dans le développement systématique et graduel des transports collectifs. Lewis Mumford assignait à la déchéance des grandes cités deux causes principales: "l'éclatement du site urbain par la prolifération anarchique de l'habitat; l'invasion, à la fois effrénée et encouragée, de l'automobile". Friedmann, à son tour, nous propose une excellente analyse de la "culture automobile" avec son univers de gadgets raffinés, de confort maladif, d'abstraction (autoroutes), de destruction des villes, d'agressivité, de conformisme et de narcissisme (15). Nombreux alors sont ceux qui prônent l'établissement progressif d'un système de transports collectifs le moins polluant possible, "comme les troleybus, tramways à vole réservée et trains électriques", par opposition aux voitures privées. Nombreux aussi sont ceux qui proposent (comme Illich) de multiplier les sentiers de piétons et les pistes cyclables, comme aux Pays-Bas. Mais ce qu'on gagne en qualité de vie, on risque de le perdre en PNB et en niveau de vie: nous voilà reportés aux choix fondamentaux qui font le style d'une civilisation.

Ces choix ne s'effectueront d'une façon éclairée que grâce à une éducation toujours plus poussée et toujours plus répandue. Cette éducation - en premier lieu du sens moral -est à la base de la "société bonne" dont parle constamment Friedmann. Il appartient assurément à la famille, aux petits groupes, laïcs ou religieux, et à l'enseignement, de favoriser une telle éducation. Mais que dire des "mass media" s'ils en venaient à servir, un jour, les véritables intérêts de l'éducation et de la culture, au lieu de s'asservir aux impératifs de la publicité, de la propagande, de l'amusement et de la cote d'écoute? Quel admirable travail ne pourraient-ils pas accomplir, de même, dans le domaine de l'éducation esthétique, que nous évoquions plus haut? Leur service ultime se trouve là où s'harmonise le développement des diverses fonctions de la signification - cognitive, éthique et esthétique - afin de produire un style particulier de civilisation.

Mais les "mass media" ne remplacent pas le travail primordial des petits groupes au coeur de la société. C'est Friedmann, encore une fois, qui nous rappelle la nécessité de développer ce réseau de "petits groupes d'hommes de raison", où s'inventent et d'où se répandent de nouvelles forces morales; où s'amorce le combat pour les significations et les valeurs qui servent la grandeur humaine, où se définit la nouvelle sagesse (puisant pourtant aux grandes traditions religieuses et morales de l'humanité) capable de maîtriser la puissance issue des progrès de la science et de la technologie. Les "mass media" demeurent nécessaires aux tâches nouvelles de l'éducation; le combat politique s'avère essentiel pour incarner, ici et maintenant, quelques traits de la "société bonne", mais le réseau des petits groupes exemplaires est irremplaçable dans la lutte pour une civilisation fondée sur la sagesse, c'est-à-dire sur les valeurs qui accomplissent l'être essentiel de l'homme (16).

Une autre des stratégies majeures pour la transformation des conditions de vie consiste dans le fait de n'accepter et de ne promouvoir que ce que Illich appelle l'outil convivial. L'outil, nous l'avons signalé, c'est tout moyen, instrument ou institution productrice de biens et de services. L'outil convivial est mesuré par les valeurs de la personne (autonomie, créativité) intégrée à une communauté vivante (collaboration, équité). L'établissement de structures conviviales ou encore la reconstruction conviviale de la civilisation, voilà un autre aspect essentiel du retour de la qualité dans les conditions de vie.

De façon tout aussi globale, le groupe ("le petit groupe") The Ecologist nous propose d'opposer à une société expansionniste (aux points de vue économique, démographique et écologique) une société stable. Pour parvenir à une société stable, quatre conditions sont à leur avis nécessaires: premièrement, une minimisation des perturbations dans la Nature (mesure écologique); deuxièmement, une conservation maxima des matières premières et de l'énergie (mesure économique); troisièmement, une population stabilisée à son taux de remplacement (mesure démographique); quatrièmement, un système social décentralisé tel que chacun puisse voir dans les trois premières conditions des sources de satisfaction, plutôt que de contraintes. Nous sommes ici conviés à changer non seulement certains de nos modes de vie mais, plus profondément, notre style de vie lui-même ou notre mentalité, c'est-à-dire nos significations, nos valeurs et, donc, nos satisfactions (17).

Toutes ces tâches et stratégies convergent vers une structure politique fondamentale: le socialisme démocratique. La plupart des auteurs que nous avons consultés - Mounier, Saint-Marc, Illich, Friedmann, le groupe de la revue The Ecologist, Dumont, Tillich, etc. . . . - s'entendent sur un point: la société capitaliste, axée sur la propriété privée des moyens de production, la libre concurrence aboutissant finalement aux grands monopoles, le profit comme moteur de l'économie, ne peut trouver elle-même ni les moyens d'une nécessaire maîtrise de la croissance ni les fins qui assureraient l'urgente "transmutation des valeurs". Seules, la planification à long terme, la maîtrise collective des moyens de production (des biens et des services), la juste distribution des revenus, en accord avec le souci constant d'éviter la bureaucratisation et de favoriser la participation des communautés ou des régions, seules, ces mesures constituent les conditions de possibilité de la "révolution spirituelle" à venir. Or ces mesures se résument généralement dans ce qu'on appelle le socialisme démocratique. Nous croyons, cependant, que le socialisme démocratique, pour opérer la "révolution spirituelle", devra lui-même retrouver, dans les grandes traditions religieuses, morales et philosophiques de l'humanité, ses racines profondes et, pour tout dire, ses significations et ses valeurs premières (18).

En terminant, signalons quelques-unes des stratégies nécessaires à la reprise en charge du milieu de vie. D'abord, il importe, comme le signale Sir Frank Fraser Darling, de mettre de l'avant, plus que jamais, les divers projets de conservation de la Nature. La conservation du milieu naturel, et tout particulièrement de la vie sauvage, ne sert pas seulement la Nature; elle sert l'être humain dans son habitat, assure sa survie dans un environnement sain, lui rappelle ses racines physiques et vitales, maintient, par la pureté du milieu et la beauté du paysage, son intérêt pour la recherche scientifique et son sens de la beauté. Darling en arrive même à parler d'une éthique de la terre ...

Philippe Saint-Marc affirme, pour sa part, que "l'Occident n'est pas en marche vers la société d'abondance, mais vers une ère de grande pénurie". Ce dont l'occidental sera privé, c'est d'eau, d'air, de forêt, d'espace. Seule, à son avis, une nouvelle organisation du développement peut contrer cette grandissante "pénurie de nature". La planification est nécessaire en fonction du bien commun, mettant ainsi en cause, une fois de plus, les grands moteurs du libéralisme économique: la propriété privée, le profit, le laissez-faire. A la limite, il faut en arriver à une socialisation de la Nature, seul moyen de planifier sa conservation et son développement et seule manière de la rendre accessible à tous en sauvegardant la qualité de la vie. Il faut donc reconnaître que la Nature est un "bien commun universel" et que "son maintien est une mission de service public", qui doit être assumée aussi bien par l'État que par les régions concernées et responsables. Tels sont quelques-uns des éléments d'une "socialisation humaniste" de la Nature.

C'est dans une perspective identique que Jean Dorst entrevoit la nécessité d'un aménagement rationnel de la terre. Cet aménagement rationnel se fera par l'intermédiaire de la conservation intégrale de nombreux habitats primitifs (création d'un réseau de réserves naturelles intégrales); par la gestion rationnelle des terres de culture (convertir en champs et en pâturages seulement les terres à nette vocation agricole; procéder à une sage gestion des sols mis en culture); par l'aménagement et l'exploitation rationnelle des zones marginales (ces terres impropres à la culture peuvent être conservées pour la vie sauvage, exploitées rationnellement dans leurs ressources ou, dans certains cas, "urbanisées"), enfin, par une bonne utilisation touristique des milieux naturels (aménagement de parcs nationaux, réserves touristiques, etc...). Ce serait là, pour l'homme occidental du moins, signer un "nouveau pacte avec la Nature", fondé sur l'harmonie et le respect.


Grandeur et misère de l'homme

L'action humaine se joue à la fois dans le destin et dans la liberté. Refuser d'assumer librement le destin, afin de le transformer et de le diriger selon ses propres finalités et ses propres valeurs, constituerait le plus grave des délits de fuite. L'homme occidental semble avoir commis ce crime à l'égard du progrès technologique. Croyant posséder l'un des biens les plus prometteurs, il s'est laissé posséder par lui. S'en croyant le démiurge, il n'est devenu à son égard qu'un apprenti-sorcier. Il n'a pas pensé qu'une telle puissance requérait une aussi grande sagesse. Tel est le "grand déséquilibre" que plusieurs nomment "la crise du progrès" en Occident: le destin et la puissance n'ont pas été suffisamment assumés par la liberté et la sagesse.
L'homme est aussi une union indissoluble de fini et d'infini. Plongé dans la finitude, il aspire pourtant à l'infinitude, au divin. Sa tentation est constamment celle de diviniser sa grandeur, d'immortaliser ses ?uvres, de donner une signification infinie à ses créations culturelles, de rendre éternel et ultime ce qui est temporel et transitoire. Cela constitue la démesure la plus profonde. Et l'homme occidental n'y a pas échappé à l'égard du progrès technologique. Il en a fait une idole qu'il vénère inconditionnellement et à laquelle il sacrifie même sa liberté.
Mais, comme nous l'avons signalé, avec l'aide de nombreux philosophes et scientifiques, les chances de la liberté et de la sagesse, les possibilités du progrès humain demeurent. "L'avenir peut être libéré" par l'incarnation de significations et de valeurs post-industrielles et par l'implantation de structures adéquates. Mais cela demeure toujours à la merci des libertés personnelles et collectives. Là se manifeste souvent la misère de l'homme. Mais là aussi réside toujours sa grandeur. »


Notes

1. « Une quantité croît "exponentiellement" si elle augmente d'un pourcentage constant au cours d'un intervalle de temps donné. L'exemple classique est celui d'un placement d'argent à intérêts composés ...

L'application des lois exponentielles peut donner des résultats surprenants. il faut environ 7 ans pour doubler un capital placé à 10% et un peu plus de 25 ans pour le multiplier par 10.

Une population qui croît de 2% par en double en 35 ans. Si le taux est de 3%, le doublement demande moins de 24 ans, et seulement 17 ans et demi si le taux est porté à 4%.

Le temps de doublement s'obtient en première approximation en divisant 70 par le taux de croissance. »
Meadows, D.L. et al., Halte à la croissance? Paris, Fayard, 1972, p. 150-151.

2. « La croissance de la population humaine obéit à une loi exponentielle. En 1650, la population s'élevait à quelque cinq cent millions d'habitants et augmentait à raison d'environ 0,3% par an, ce qui correspondait à un temps de doublement de 250 ans. En 1970 la population du globe atteint trois milliards six cent millions, et le taux de croissance de 2,1% par an. A ce rythme, le temps de doublement n'est plus que de 32 ans. »
Meadows, D. L. et al., op. cit., p. 154-155.

3. « Êtres humains doués de raison, proportionnant leur expansion aux moyens de subsistance, ou créatures proliférantes, dégradant leur propre habitat, il nous appartient de choisir ce que nous voulons être. »
Dorst, Jean, La nature dénaturée, Paris, Delachaux et Niestlé 1965, p. 21.

4. « Le milieu urbain devient pour l'homme de plus en plus difficile à supporter. Les habitants des grandes agglomérations sont les nouveaux prolétaires du monde moderne. »
Saint-Marc, Philippe, Socialisation de la nature, Paris, Éditions Stock, 1971, p. 82.

« Certes, l'entassement de masses humaines, dans les grandes villes modernes, est en grande partie responsable du fait que nous ne soyons plus capables de distinguer le visage de notre prochain ... »
Lorenz, Konrad, Les huit péchés capitaux de notre civilisation, Paris, Flammarion, 1973, p. 27.

« La vie des citadins a donc cessé de devenir une vie communautaire, ce qu'elle fut pendant des siècles, pour devenir une vie en commun, puis une existence concentrationnaire. »
Dorst, Jean, op. cit., p. 38.

5. « Une fois perdue la continuité historique, la conscience de l'Occident, la patrie, l'origine, la famille se perdent dans l'indifférence. Jusque dans les amitiés, il semble absurde de vouloir compter sur quelqu'un pour toujours. La vie individuelle même est vécue sans mémoire. La tradition fait défaut, l'éducation se borne aux choses utiles, les conceptions générales obéissent aux schémas façonnés par la propagande. Dès lors, c'est comme si le fil de l'histoire se rompait. »
Jaspers, Karl, Bilan et perspectives, Belgique, Desclée de Brouwer, 1956, p. 75.

6. « Étant donné le taux actuel de consommation des ressources naturelles et l'augmentation probable de ce taux, la grande majorité des ressources naturelles non renouvelables les plus importantes auront atteint des prix prohibitifs avant qu'un siècle ne se soit écoulé. »
Meadows, D.L. et al., op. cit., p. 182.

7. « Aggravés par une civilisation matérialiste, libérale et urbanisée à l'excès, l'encombrement de la terre et la nocivité des déchets infligent à l'homme sept grandes nuisances: la pollution de l'eau, le bruit, l'accumulation des déchets solides, la disparition des espaces verts, l'entassement, l'éloignement de la Nature, la pollution de l'air. »
Saint-Marc, Philippe, op. cit., p. 101.

« Ne parlons pas, pour le moment, de la pollution par les ordures, à raison d'une tonne par habitant et par an à New-York, et dont on ne sait plus que faire. »
Dumont, René, L'utopie ou la mort, Paris, Éditions du Seuil, 1973, p. 42.

8. « Le débat économique le plus décisif ne porte plus sur ta technique de la croissance mais sur sa philosophie : sur le but du progrès, sur l'idée du bonheur. »
Saint-Marc, op. cit., p. 13.

« L'avoir est un substitut dégradé de l'être. On a ce qu'on ne peut âtre, mais on ne l'a d'une possession humaine que dans la mesure où on tâche à être avec lui, c'est-à-dire à l'aimer. Le mal bourgeois est de vouloir avoir pour éviter d'être. »
Mounier, E., Révolution personnaliste et communautaire dans Oeuvres de Mounier, Paris, Editions du Seuil, 1961. Tome I, p. 284.

9. « Le déséquilibre entre la puissance de l'homme et les forces morales dont il dispose pour en user raisonnablement est devenu tel que, bien souvent, en le regardant vivre, dans les sociétés industrielles, ses comportements paraissent démentiels ... L'homme fou de technique ... De tous côtés, dans le nouveau milieu: la démesure. »
Friedmann, Georges, La puissance et la sagesse, Paris, Gallimard, pp. 346-347.

10. « La raison est donc bien distincte de l'entendement, fondement de la civilisation technique- elle en est même l'antithèse et, à certains égards, l'antidote. »
Friedmann, G., op. cit., p. 368.

« Sans y prendre garde, en renonçant à la raison, nous avons renoncé aussi à la liberté. Nous sommes mûrs pour n'importe quel totalitarisme... »
Jaspers, K., Raison et déraison de notre temps, Paris, Desclée de Brouwer, 1953, p. 68.

11. « ... le corps agrandi attend un supplément d'âme et la mécanique exigerait une mystique. »
Bergson, H., Les deux sources de la morale et de la religion, Paris, P.U.F., 1972, p. 330.

« De quel côté, dans quelle religion, quelle doctrine, quel mouvement social l'homme peut-il aujourd'hui puiser les forces morales qui l'aident à équilibrer la puissance matérielle dont il s'est doté, à la dominer en se conquérant lui-même? »
Friedmann, op. cit., p. 181.

12. « Le clivage fondamental entre l'économie des biens matériels et celle des biens immatériels, qui en explique les différences dans la valeur, la consommation et la production, est que l'une est fondée sur la possession, "l'avoir", et l'autre sur l'état, "l'être". »
Saint-Marc, P., op. cit., p. 21.

13. « J'appelle société conviviale une société où l'outil Moderne est au service de la personne intégrée à la collectivité, et non au service d'un corps de spécialistes. Conviviale est la société où l'homme contrôle l'outil. »
Illich, I., La convivialité, Paris, Editions du Seuil, 1973, p. 13.

« L'homme ne se nourrît pas seulement de biens et de services mais de la liberté de façonner les objets qui l'entourent, de leur donner forme à son goût, de s'en servir avec et pour les autres. »
Ibidem, p. 27.

14. « Déjà, l'apogée de la civilisation urbaine est derrière nous. En effet, sous-jacent au mouvement d'urbanisation, se développe, en sens Inverse, avec une force croissante, un mouvement de ruralisation ... Non ! L'abandon des campagnes n'est pas Inscrit dans le cours inéluctable de l'histoire. Non ! l'exode rural ne tient pas à la supériorité de la civilisation urbaine. La poussée d'agglomérations gigantesques porte en elle son propre déclin. »
Saint-Marc, P., op. cit., p. 75.

15. « Le monstre automobile ne pourrait être maîtrisé que par l'état. Celui-ci ménage l'opinion publique ... et cède aux groupes de pression des constructeurs. Un des symboles du Progrès et de la prospérité d'une nation les plus profondément ancrés et largement répandus dans les foules est la poussée automobile, le nombre d'automobiles dont disposent ses habitants. Les constructeurs font tout ce qu'il faut pour répandre et entretenir ce mythe. »
Friedmann, G., op. cit., p. 62.

16. « ... le combat ne peut sans doute être commencé que par des Isolés, des solitaires ou, peut-être, par de tout petits groupes d'hommes. »
Friedmann, G., op. cit., 147.

17. « Il y a tout lieu de penser qu'une société stable nous apporterait des satisfactions qui feraient plus que de compenser celles que l'état industriel, en se dégradant, nous refusera de plus en plus. »
Groupe de la revue The Ecologist, Changer ou disparaître, Paris, Fayard, 1972, p. 63.

18. « Considérer la terre comme une communauté est le principe fondamental de l'écologie; l'éthique, elle, appelle l'amour et le respect de la terre ... »
Aldo Léopold, cité dans Darling F.F., L'abondance dévastatrice, Paris, Fayard, 1971, p. 102.

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