Communisme et grande culture dans la France des années 1950 et 1960
Parlez-nous de votre parcours existentiel. Comment êtes vous venu à l’engagement dans la philosophie?
Je suis né dans une famille communiste. Parents communistes, grands-parents communistes. Avant 1920, toute la dynastie appartenait à ce qu’on appelait « les Rouges ». En sorte que je fais partie de ces gens qui sont révolutionnaires, si le mot a un sens, « par tradition », par tradition familiale, et non pas par révolte oedipienne, contre le père et la mère. Alors, ça peut expliquer la sensibilité que j’ai à certaines formes de l’esprit conservateur, tout en restant par ailleurs un radical. Parce que quand on est né dans une famille communiste – le communisme des années 1950, des années 1960, ce n’est pas simplement le stalinisme des dirigeants, c’est une contre-société populaire absolument extraordinaire. Ma vision de l’homme, elle vient en grande partie des trésors de générosité que j’ai vus autour de moi parmi les ouvriers communistes, avec lesquels je vivais. D’une certaine manière, les études de philosophie étaient dans le prolongement naturel de cette éducation. Quand j’ai annoncé à mes parents, à quinze ou seize ans, que je voulais devenir professeur de philosophie, ce n’était pas pour eux quelque chose qui les terrorisait, en disant c’est pas une bonne situation. Ça faisait partie, pour des communistes qui avaient le respect extraordinaire des humanités, de la culture et de la philosophie… c’était le prolongement tout à fait naturel de l’engagement politique.
Transcription verbatim d'un extrait d'entrevue, par Stéphane Stapinsky. Source : "La cause du peuple". Rencontre avec Jean-Claude Michéa. Animateur : Jean Cornil (Centre Laïque de l'Audiovisuel, 2013) - YouTube