L'écologiste des balbuzards

Hélène Laberge
Un écologiste crée une fondation, la Fondation du Lac Villiers, grâce à laquelle avec sa compagne - et bientôt avec ses deux fils - il se livre entre autres à une action inédite de réhabilitation des balbuzards, une espèce en voie d'extinction.
Les économistes et les écologistes qui ont, jusqu'à ce jour, collaboré à L'Agora, nous ont presque tous invités, chacun à sa manière, à vivre mieux avec moins. Certains d'entre eux vont jusqu'à soutenir que ce n'est pas une récession mais une mutation que vivent nos sociétés.
Au sommet de l'échelle des revenus, il y aura encore longtemps une petite troupe de spécialistes surmenés. Est-ce utopique de croire qu'à un autre niveau pourront se retrouver un nombre accru de personnes qui gagneront moins d'argent, bien évidemment, mais consacreront leur temps à des activités comme la création artistique, la recherche, la protection de la nature? Activités qui ont de tout temps passionné certains êtres créateurs qui déploraient de ne pouvoir y consacrer que leurs loisirs.
Beaucoup plus de gens qu'on ne le croit ont amorcé cette mutation et appris à vivre mieux avec moins. Au nombre de ces gens, Danielle Asselin et Claude Arbour. Le destin de cette famille est depuis longtemps lié à celui de L'Agora. Claude Arbour, un écologiste coureur des bois autodidacte a participé au colloque L'homme et l'animal que L'Agora organisait en 1985. Il y a fait des rencontres déterminantes pour son avenir. C'est aussi L'Agora qui l'a aidé à former le groupe de collaborateurs qui le soutient et à mettre ainsi au point une formule originale de mécénat collectif. L'Agora continuera de le soutenir. Nous espérons que notre magazine nous permettra de le faire encore plus efficacement.

Adolescent, Claude se passionne pour l'ornithologie au point de préférer bientôt l'école de la nature à celle de la commission scolaire de sa ville natale, Joliette. C'est ainsi qu'il devient gardien d'un club de chasse et de pêche, au nord de St-Michel des Saints. Entre deux excursions, il observe les oiseaux et les plantes.

Il y a une dizaine d'années, Claude quitte son emploi de gardien et revient à Joliette gagner sa vie dans l'intention d'économiser suffisamment pour pouvoir se livrer uniquement à sa passion écologique. C'est alors que le mécénat collectif s'organise autour de lui et lui permet de retourner vivre dans la nature...

Claude s'installe dans un chalet, situé au lac Villiers, que lui prête sa famille. C'est là qu'il amorce tous ses travaux: tout en continuant de réhabiliter les balbuzards blessés que lui fournit son ami le vétérinaire Guy Fitzgerald, président de l'Union du Québec des oiseaux de proie (UQROP), il construit de multiples aires de nidification qu'il fixe sur des pins morts à 30 mètres de hauteur. Il surveille ensuite la prise de possession de ces nids par les balbuzards, le nombre d'oeufs, le taux de survie des oisillons, leur alimentation etc. Le taux impressionnant de résultats positifs intéresse un grand spécialiste américain des balbuzards qui se rend au lac Villiers pour discuter avec Claude de ses méthodes et de ses résultats.

Le destin a mis sur la route de Claude une compagne infirmière et ornithologue, aussi passionnée que lui de la nature, et qui partage sa vie et ses travaux depuis quelques années: Danielle Asselin. Le couple a maintenant deux fils. Le chalet familial étant devenu inappoprié, les Arbour se retrouvent dans une impasse financière. C'est alors que se manifeste la solidarité de tous les amis de Claude Arbour. L'un d'entre eux lui offre de devenir co-propriétaire d'un chalet qui pourrait éventuellement être transformé en maison. Les amis et voisins de Claude (des voisins qui ont leur chalet à plusieurs kilomètres du sien) fournissent une partie des matériaux, donnent un coup de main à l'occasion, et en l'espace d'un été, Claude transforme à moindres frais le petit chalet d'une pièce en une confortable et chaude maison pouvant nicher, non seulement la famille Arbour, mais les amis qui viennent la visiter.

Claude se déplace l'hiver, autant que la chose est possible, en traîneau à chiens. Il a donc de merveilleux huskies, ses compagnons depuis plusieurs années, dont la présence dans des cabanes à proximité est l'un des charmes de sa vie retirée.

À l'heure actuelle, les réalisations de Claude ne se comptent plus: en haussant le niveau du lac Villiers grâce à la remise en état d'une ancienne digue, il a permis aux brochets en voie de disparition d'avoir des frayères suffisamment immergées pour que survivent leurs oeufs. Petit à petit, les balbuzards viennent nicher dans les nids qu'il a construits, à une distance suffisamment proche de sa maison pour qu'il puisse les observer. Plusieurs balbuzards blessés ont été sauvés ainsi que d'innombrables autres petits animaux: les ratons laveurs en particulier. Claude s'intéresse aux huarts, dont il a vu diminuer de façon sensible la colonie, effrayée par les moteurs des bateaux. Ses observations débouchent toujours sur des actions concrètes et pédagogiques. Si nécessaire, il fait appel à la collaboration de ses voisins, les quelques propriétaires qui ont un chalet de pêche et de chasse sur ce vaste territoire. L'exploration de la flore est aussi une constante dans ses recherches sur son environnement.

Comment aider Claude et Danielle?

Les temps sont durs pour eux aussi, on le devine. À cause surtout des deux enfants, leur minimum vital est passé de 10,000$ à 13,000$, mais leurs revenus tendent plutôt vers 8,000$. On peut les aider en devenant leur collaborateur, c'est-à-dire en payant une cotisation annuelle de 100$ à la Fondation du Lac Villiers. Vous pouvez vous regrouper pour offrir cette collaboration. Votre nom sera inscrit sur le grand tableau affiché dans leur cuisine. Vous ne ferez pas ainsi la charité... Vous soutiendrez des gens dont le travail, nécessaire et novateur, coûterait au moins dix fois plus cher s'il était sous la responsabilité de l'État.

Claude et Danielle mettent les collaborateurs au courant de leurs projets et de leurs réalisations au moyen d'une Lettre qu'ils expédient régulièrement.

Vous pouvez, si vous le voulez, transformer cet acte de civisme en un échange, aussi avantageux pour vous que pour Claude et Danielle. Dans la mesure où le temps et l'espace dont ils disposent le leur permettent, ils s'engagent à recevoir leurs collaborateurs, à partager avec eux leur paysage et leurs connaissances. Un séjour analogue dans une pourvoirie coûte trois ou quatre fois plus que la cotisation annuelle. Le collaborateur peut profiter de son passage au lac Villiers pour vérifier l'usage qui a été fait de sa contribution... Si les contribuables pouvaient eux aussi connaître le rendement des impôts qu'ils versent à l'État! Voilà enfin un mécénat où la protection d'un bien commun, la nature, est compatible avec l'intérêt personnel. Ce à quoi rêvent actuellement tous les économistes qui sont aussi... écologistes.

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