La récupération de la pensée moderne
Samedi le 13 janvier 2001
Extrait d'une entrevue accordée à Christian Authier (
Benoît Duteurtre: un romancier hors des sentiers battus,
L'Opinion indépendante, Toulouse, Fr.)
Mais ce nouveau monde — que je n’aime pas beaucoup — est pour moi un détournement négatif d’un mouvement riche et prometteur qui avait commencé au début du siècle. Je ne suis pas partisan de l’ancien monde au sens où le romantisme et la culture classique ne m’intéressent pas vraiment. C’est la modernité qui m’intéresse dans l’aspect vital, imaginatif, qu’elle pouvait avoir dans la première moitié du siècle avec Apollinaire, Gombrowicz, Proust, Céline ou encore le cinéma de Méliès à Fellini, Picasso, Léger, Picabia… J’ai l’impression qu’il y a dans la deuxième moitié du siècle une espèce de récupération de la pensée moderne par le marché, le pouvoir politique et intellectuel. Ils ont transformé cette effervescence en un dogme qui a remplacé la prolifération inventive par l’exploitation industrielle et la surproduction. On est passé de la modernité ludique à la modernité formaliste et ennuyeuse. Il y avait — il y a toujours — quelque chose de fascinant dans le nouveau monde. Je suis pour la liberté de l’esprit, des moeurs, pour l’exploration dans le domaine de l’art. Ce sont, d’une certaine façon, les valeurs du nouveau monde mais elles ont été détournées…