Réflexions sur la guérison
Nous allons essayer d'exposer d'abord une conception traditionnelle de la guérison, conception axée sur les notions de nature et d'anti-nature (Physis et Antiphysis), c'est-à-dire la vision d'une nature saine et curative s'opposant à une anti-nature pathogène. Puis nous élargirons cette vue trop unilatérale en montrant que la nature, loin d'être toujours curative, est quelquefois elle-même pathogène (c'est la Paraphysis), d'où il résulte aussi que l'art médical, en surmontant cette Paraphysis, est amené à instaurer une sorte de nouvelle nature (ou Néophysis). Nous esquisserons ensuite une typologie des diverses formes de guérison, et nous terminerons par quelques considérations sur les problèmes anthropologiques soulevés par les phénomènes de la guérison.
CONCEPTION TRADITIONNELLE DE LA GUÉRISON (Physis et Antiphysis)
Dans la conception traditionnelle à laquelle s'attache symboliquement le nom d'Hippocrate, la nature est à la fois l'état de santé normal et la force curative (la vis medicatrix naturae) qui tend à ramener l'organisme malade à la santé. La maladie est causée par des agents nocifs qui s'opposent au bon fonctionnement de la nature, et elle est aggravée par des interventions inappropriées ou intempestives. La tâche essentielle du médecin consiste à aider la nature à accomplir sa tâche curative en écartant les éléments nocifs émanant de l'Antiphysis.
On peut se demander tout d'abord si la guérison est une ou multiple, en d'autres termes, s'il existe un processus fondamental de guérison ou plusieurs. En supposant qu'il existe un processus fondamental, ce processus est-il autonome, ou bien se rattache-t-il à un processus plus général? Allendy déclare que la guérison est "un aspect particulier de la propriété qu'a la vie de s'adapter aux circonstances et aux milieux".1 Il nous semble que le modèle primordial de la guérison doit être cherché plutôt dans les processus d'autorégulation qui se manifestent dans l'embryogenèse (ce que certains philosophes ont appelé l'instinct formatif). Mais à mesure que l'on remonte dans l'échelle des êtres vivants, et à mesure que l'être vivant individuel poursuit sa croissance, le processus de guérison se diversifie, ainsi que les maladies qu'il a à affronter.
Nous sommes amenés ainsi à distinguer plusieurs formes de guérison: la guérison spontanée, la guérison de soi par soi et la guérison de soi par autrui. Ces trois formes de guérison correspondent aux trois formes que peut prendre le verbe guérir: intransitive (je guéris), réfléchie (je me guéris), transitive (on me guérit). Rappelons que la maladie existe non seulement chez tous les animaux, mais chez les végétaux et chez les bactéries. Dans la plus grande partie du monde vivant, nous ne rencontrons que la guérison spontanée (souvent sous des formes inconnues chez l'homme); en revanche, la guérison indirecte (de soi par autrui) est presque entièrement propre à l'homme.
Guérison spontanée
Le modèle primordial de la guérison, avons-nous dit, est manifesté par le pouvoir d'auto-régulation de l'embryon. La tératologie expérimentale (Spemann, Caullery, E. Wolff, etc.) en a fourni de nombreux exemples. Jusqu'à un certain stade du développement embryonnaire, des lésions infligées expérimentalement sont corrigées par un processus d'auto-régulation qui aboutit à une restitution intégrale. Des parties d'ébauches des membres sont excisées, mais les membres correspondants se développent normalement. Une ébauche de membre est greffée sur l'ébauche correspondante d'un embryon, mais un membre unique et bien proportionné se développera. Spemann échange les ébauches embryonnaires d'un membre et d'un oeil dans un embryon de batracien, et un animal normal se développe.
Néanmoins ces potentialités sont limitées et il arrive un moment où l'organisme ne peut plus réparer la malformation. Entre la restitution intégrale et la malformation irrémédiable, existent de nombreux intermédiaires. Ils ont été étudiés et classés avec une grande abondance de détails, dans un énorme ouvrage, par Korschelt.2 Pour simplifier, on peut distinguer schématiquement la restitution intégrale, la régénération (reconstruction plus ou moins imparfaite) et la réparation locale (cicatrisation des blessures, par exemple).
Chez les animaux inférieurs, les processus d'auto-régulation peuvent atteindre un degré extraordinaire. On connaît les célèbres expériences de H. V. Wilson3 sur certaines espèces d'éponges. Une éponge étant broyée et filtrée de telle façon qu'il n'en subsiste plus qu'un amas de cellules isolées mises dans une solution saline, on voit les cellules se déplacer à la façon d'amibes, se rapprocher les unes des autres et finir par reconstituer une éponge complète. Ces expériences ont été répétées par plusieurs expérimentateurs.4
C'est par un autre processus d'auto-régulation que certains animaux inférieurs, coupés en morceaux, peuvent reconstituer, non plus un seul animal complet, mais plusieurs. Les premières expériences de ce genre, faites en 1740 Par Abraham Tremblay5 sur les hydres ou polypes d'eau douce, suscitèrent de nombreuses recherches semblables qui furent effectuées sur divers animaux.
Les processus d'auto-régulation se manifestent à des degrés très différents suivant les espèces animales et l'on observe ici des différences paradoxales. Ainsi les salamandres à qui on sectionne les membres antérieurs (jusque et y compris la ceinture scapulaire) sont capables de les régénérer entièrement; de même pour les membres postérieurs et la partie antérieure du museau (avec l'appareil olfactif). Par contre, la grenouille - elle aussi un batracien - ne peut aller plus loin que de régénérer imparfaitement un doigt mutilé.6
Chez les animaux supérieurs, la restitution intégrale ne se produit qu'aux tout premiers stades de la vie embryonnaire, la régénération est très limitée et la cicatrisation elle-même se fait de plus en plus lentement à mesure que l'individu vieillit.7 Il en est ainsi, notamment, dans l'espèce humaine" Un auteur allemand, Max Mikorey,8 a supposé que le symptôme du "membre fantôme des amputés", ainsi que les phénomènes d'héautoscopie et de la vision du "double" seraient un aboutissement psychologique7 dématérialisé du processus biologique de régénération.
Guérison de soi par soi
Chez les animaux supérieurs, la guérison spontanée est prolongée par un comportement instinctif. L'animal blessé ou malade est à la merci de ses ennemis naturels et de ses compagnons, il ne peut habituellement compter que sur lui-même. Sa première réaction est de s'isoler en un lieu sûr, pour se coucher, lécher ses blessures et se rétablir par le repos et le jeûne. David Katz10 a insisté sur les phénomènes d'auto-régulation diététique chez les animaux. Le manque d'une certaine catégorie d'aliments provoque chez l'animal une faim spécifique qui le porte à se procurer instinctivement des aliments propres à apaiser cette faim. Des poules privées de calcium à qui l'on présente des morceaux de macaroni d'apparence semblable, les uns enrichis de calcium et les autres pas, choisiront instinctivement le macaroni au calcium; les poules soumises à un régime normal préféreront le macaroni sans calcium. Divers exemples montrent comment les souris et les rats savent corriger instinctivement, d'une façon comparable, des régimes inadéquats.
On cite encore maints exemples d'animaux capables de se guérir par le moyen d'herbes ou de plantes appropriées. Le zoologiste russe Mannteufel(11) raconte que les vers intestinaux sont un grand danger pour les perdrix et les coqs de bruyère. Ces oiseaux, en automne, se débarrassent en quelques jours de leurs parasites en absorbant de grandes quantités d'aiguilles de pin. Les herbivores, les élans, les chevreuils, infestés de vers intestinaux, recourent également à des vermifuges, c'est-à-dire à des plantes variant d'une espèce à l'autre. On a supposé qu'un instinct semblable existait chez l'homme à l'origine et Artelt12 a soutenu que l'origine de la pharmacopée ne devait être cherchée ni dans l'empirisme, ni dans la magie, mais dans la fonction animale de l'instinct. Allendy pense également qu'il existe chez l'homme un instinct autonome d'auto-régulation:
Il est des hommes qui n'ont dû leur salut qu'à l'abandon de la médecine et l'obéissance à leur instinct. J'ai connu une tuberculeuse Inculte qui, après s'être aggravée régulièrement -avec la viande crue, les pointes de feu et la créosote des médecins, décida de supprimer ces derniers, se mit au lit pendant des semaines, n'absorba plus que du lait et se releva en voie de guérison très avancée.13
Malheureusement, ajoute Allendy, le plus souvent "l'homme n'est pas assez purement animal pour suivre un instinct authentique".
Guérison de soi par autrui
Une des caractéristiques de l'espèce humaine est que le malade ne se contente pas de la guérison spontanée ni de l'instinct autonome d'autoguérison, qui est très faible chez lui, mais qu'il cherche à se faire guérir par un autre être humain en qui il place sa confiance et son espoir.
Il est vrai que la guérison par autrui existe, à un degré très élémentaire, chez quelques animaux. Darwin mentionnait les vaches qui se léchaient les unes les autres aux endroits qui les démangeaient et les singes qui s'épouillaient mutuellement.14 Lorenz précise que le "grooming" des singes est plus qu'un simple épouillage; il sert, par exemple, à enlever adroitement des épines entrées dans la peau, ou même de petits furoncles.15 Chose plus étonnante, Yerkes parle d'une mère chimpanzé qui souffla dans la bouche de son petit qui asphyxiait, jusqu'à ce qu'il commençât à respirer; une autre mère chimpanzé utilisa ses lèvres pour tirer en dehors la langue du petit et lui souffla dedans jusqu'à ce que la respiration lui revînt.16 Pour intéressants que soient ces faits (d'ailleurs encore mal connus), leur portée est très limitée. La guérison de soi en faisant appel à un guérisseur spécialisé n'existe chez aucune espèce animale, mais se rencontre chez toutes les populations humaines connues.
Ici, nous sommes frappés d'emblée par un fait fondamental: il existe partout, et peut-être dès les origines les plus lointaines de l'humanité, deux types de guérisseurs. Nous pouvons les appeler respectivement le guérisseur charismatique et le guérisseur rationnel.
Le guérisseur charismatique est un homme qui est supposé posséder le don de guérison et dont le pouvoir thérapeutique réside en sa propre personne. Le malade, en appelant le guérisseur, croit que celui-ci le guérira. D'autre part, le guérisseur croit en son propre pouvoir et est animé du désir de se guérir le malade. Quant aux procédés utilisés par le guérisseur, ils sont innombrables; leur seul caractère commun est d'être irrationnels. Le succès thérapeutique est accru dans la mesure où la méthode employée par le guérisseur est approuvée par la communauté.
Le guérisseur rationnel est un technicien de la guérison, c'est-à-dire un homme qui, ayant étudié la nature et les causes des maladies ainsi que l'effet des remèdes, cherche à diagnostiquer (a maladie pour lui appliquer des remèdes spécifiques.
Chez les peuples primitifs, la guérison charismatique est pratiquée de façon souvent spectaculaire par les medicinemen ou chamans, mais il existe également des guérisseurs empiriques qui réduisent les fractures, emploient le massage, les fumigations, les herbes. Chez les anciens Grecs, les deux sortes de traitements existaient côte à côte: la guérison charismatique dans les sanctuaires d'Esculape, la guérison rationnelle dans les Iatreia des médecins. De nos jours, la médecine rationnelle est devenue scientifique depuis qu'elle s'est fondée sur l'expérimentation, et le médecin est devenu un technicien hautement spécialisé. Mais la guérison charismatique n'a pas disparu: à preuve les pèlerinages de Lourdes, la Christian Science et les nombreux guérisseurs non-médecins. Nous reviendrons sur ces faits à propos de la typologie des guérisons. Mais nous devons traiter tout d'abord des processus de contre-guérison.
PROCESSUS DE CONTRE-GUÉRISON
(Paraphysis et Néophysis)
Jusqu'ici nous avons suivi la vieille tradition hippocratique, qui attribue la guérison à la "force curative de la nature, ou à la "sagesse du corps" (suivant l'expression de Cannon). La nature guérit, il faut lui laisser ce soin et ne pas l'en empêcher. Malheureusement, les choses ne sont pas si simples et les processus de guérison se heurtent à des forces antagonistes à tous les niveaux.
La nature pathogène ou Paraphysis
Si la bonne mère Nature nous guérit souvent, elle peut aussi se montrer apte à commettre de singulières "erreurs". on parle couramment aujourd'hui des "erreurs du développement génétique", des "erreurs de la différenciation sexuelle", des "erreurs du métabolisme", erreurs qu'il revient au médecin de détecter et de corriger quand il le peut. Ces "erreurs" trouvent leur prolongement dans certaines perturbations innées de la vie instinctive, notamment certaines déviations sexuelles qui se retrouvent dans le règne animal, ainsi ques les toxicomanies auxquelles nous reviendrons plus loin.
On sait qu'une agression microbienne détermine ce qu'on a appelé (sans doute sous l'influence de la doctrine hippocratique) des "réactions de défense". Telles sont les réactions locales d'inflammation et les réactions générales: fièvre, formation d'anticorps, intervention du c?ur et du système nerveux, etc. Mais il est bien connu que ces réactions sont souvent excessives et peuvent devenir plus dangereuses que la maladie initiale. La tâche principale du médecin devient alors de combattre ces réactions néfastes de l'hôte.
Mais il est des maladies où la défense de l'organisme semble extraordinairement faible sinon inexistante et où, au contraire, l'organisme semble se mettre au service de l'agresseur. Jores17 a insisté sur un phénomène que les biologistes allemands ont appelé fremddienliche Zweckmässigkeit (efficacité au profit de l'étranger). Dans la syphilis, la localisation des lésions secondaires hautement contagieuses, leur caractère indolore, les périodes de latence semblent calculées pour assurer à la maladie un maximum de contagiosité et un "caractère démoniaque". Jores cite encore l'exemple de la rage, maladie où le virus se multiplie sans aucune résistance de l'organisme, en détruisant les cellules nerveuses, et peut ainsi se propager impunément jusqu'à la mort du sujet. L'organisme se comporte parfois comme un directeur de banque qui mettrait sur la porte de son établissement un écriteau: "MM. les cambrioleurs sont priés d'entrer" et laisserait ensuite ouvertes les portes des chambres et des coffres.
Les réactions nuisibles de la nature se manifestent encore par divers phénomènes tels que l'habituation à la maladie, les décompensations brusques survenant après de longues compensations,18 l'anaphylaxie et les cercles vicieux.19 Pour ne citer qu'un seul de ces derniers, les psychiatres ont noté depuis longtemps le caractère auto-aggravant de la neurasthénie: l'insomnie épuise le malade et le rend encore plus faible, l'irritabilité gaspille son énergie et le rend encore plus irritable, l'anxiété le déprime et le rend encore plus suggestible à de nouvelles causes d'anxiété, etc.
Contre-guérison de soi par soi
Nous avons vu précédemment qu'il existe un instinct d'auto-guérison dont on connaît des exemples précis chez beaucoup d'animaux et que l'on retrouve parfois, plus ou moins atrophié, chez l'homme. L'animal malade trouve instinctivement le genre de diète et les remèdes végétaux qui le guériront. Mais l'inverse existe aussi. Il est des cas où l'animal bien portant recherche les plantes qui le rendront malade. Le pharmacologue Reko20 rapporte que dans les plaines du nord du Mexique, les éleveurs connaissent. trois plantes qu'ils appellent hierbas locas (herbes qui rendent fou). Les boeufs, les chevaux, les moutons qui en ont goûté les recherchent avidement et s'intoxiquent jusqu'au point de tomber dans un état de narcose. D'après Reko, on ne connaît pas de toxicomanies chez l'homme avec ces trois plantes. On connaît aussi des exemples de vaches s'intoxiquant dans des champs de pavot, de chèvres avec des feuilles de tabac, etc. On voit que le problème des toxicomanies n'est pas seulement un problème humain, quoiqu'il soit naturellement infiniment plus complexe et diversifié chez l'homme.
En raison du développement du psychisme humain et des caractères particuliers que prend la maladie chez l'homme, on voit apparaître chez lui de multiples autres manifestations de complaisance envers la maladie et de résistance à la guérison. La psychiatrie moderne a analysé dans le plus grand détail les bénéfices secondaires que le malade retire de sa maladie et ses tendances à se rendre malade par autopunition, "masochisme moral", etc. Le médecin n'a pas seulement à lutter contre la maladie, mais contre la complicité plus ou moins consciente du malade avec elle.
Contre-guérison de soi par autrui
C'est le propre de l'espèce humaine que le malade cherche à se faire guérir par un homme qui possède, soit le don de guérison, soit la science de la guérison. Mais ici aussi surgissent des obstacles à la guérison. Le guérisseur ou le médecin peuvent, au lieu de guérir, rendre plus malade ou même créer la maladie de toutes pièces. C'est ce qu'on appelle la iatrogénie.
Il est probable que la iatrogénie est aussi ancienne que la thérapeutique elle-même. L'aphorisme primum non nocere montre qu'elle était un grand souci des anciens médecins. Au cours des âges, de nombreux auteurs en ont parlé et, s'il faut en croire certains historiens, elle aurait causé la mort de plusieurs personnages célèbres.21 Au cours des deux ou trois dernières décennies, des études importantes ont été consacrées à la iatrogénie. Citons les articles de Péquignot,22 de Samuel-Lajeunesse et Guelfi,23 et l'excellente monographie de Schipkowensky.24 Mais sous le nom de iatrogénie on désigne plusieurs choses assez différentes.
Il y a d'abord le groupe des "maladies thérapeutiques". Le nombre des médicaments et des méthodes de traitement efficaces a augmenté énormément, mais, par ce fait même, le nombre des accidents dus à des "effets secondaires" s'est multiplié. Ces effets sont souvent imprévisibles et différés, Comme l'a montré l'exemple des malformations causées chez le nouveau-né par l'absorption de la thalidomide par la mère au début de la grossesse. Une autre forme de iatrogénie est constituée par ces maladies qui sont pour ainsi dire imposées à un individu par suite d'une erreur de diagnostic ou d'un "surdiagnostic". Tantôt il s'agit d'une maladie réelle diagnostiquée inexactement: tumeur bénigne diagnostiquée cancer et provoquant une dépression profonde chez le patient. Tantôt il s'agit d'un "surdiagnostic": chez un individu bien portant, on diagnostique et on traite une maladie qu'il n'a pas.
Le domaine de prédilection de la latrogénie semble être la psychiatrie et particulièrement la psychothérapie. Baruk avait déjà dénoncé les "diagnostics destructeurs", notamment les redoutables suites psychologiques et psychosociales d'un diagnostic de schizophrénie, même justifié.
Schipkowensky a décrit en détail comment un médecin, sans s'en rendre compte, crée la latrogénie par son attitude, par la façon dont il interroge le malade et formule ses prescriptions. Mais le maximum de danger est atteint dans les psychothérapies intensives et à long terme. Nous en citerons un seul exemple emprunté à Melitta Schmideberg.
Une demoiselle d'une trentaine d'années entre en psychothérapie avec l'espoir que cela l'aidera à se marier. Le thérapeute s'efforce de la guérir de ses "inhibitions" en "libérant son agressivité". Résultat: elle se querelle avec sa soeur avec qui elle vivait. Le thérapeute persuade la soeur d'entrer elle aussi en psychothérapie avec un de ses collègues qui, lui aussi, lui fait "libérer son agressivité". Les deux soeurs se querellent de plus en plus violemment. Le thérapeute persuade sa cliente d'abandonner ses inhibitions sexuelles, de sorte qu'elle commence à mener une vie déréglée. En outre, il lui dit de ne plus tolérer que son patron l'exploite, de sorte qu'elle ne tarde pas à perdre la place qu'elle occupait depuis plus de dix ans. Elle devient agressive, déprimée, anxieuse, agitée, au point que le psychothérapeute ne peut plus rien faire et qu'on est obligé de la faire interner. Après six mois d'hôpital avec traitement de choc, elle est congédiée, mais elle a grossi de vingt livres sous 'l'effet de l'insuline, perdant ainsi toute possibilité de se marier, incapable de gagner sa vie et n'ayant pour subvenir à ses besoins qu'une petite allocation fournie par son frère.25
La Néophysis
Le thérapeute, qu'il soit guérisseur ou médecin, double lutte. D'une part, il doit combattre les agents nocifs venus de l'extérieur et dont l'ensemble constitue l'Antiphysis. D'autre part, il doit combattre les influences Pathogènes émanant de la nature elle-même, en d'autres termes, de la Paraphysis et de ses dérivés. En traitant ainsi le malade, son action thérapeutique peut aller plus loin que ne le ferait la Physis, laquelle se contente généralement d'un retour à l'état antérieur. Il crée ainsi un état de santé nouveau et inconnu dans la nature, que l'on peut désigner sous le nom de Néophysis.
Pendant de nombreux siècles, la médecine rationnelle ne fut qu'un mélange d'empirisme et de dogmatisme. Descartes annonça que l'application de la méthode scientifique en médecine aurait pour effet de prolonger la durée de la vie humaine. Mais ce n'est guère avant le début du lige siècle que la médecine devint une science fondée sur l'expérimentation, et ses progrès ne firent que s'accélérer depuis lors. Aujourd'hui, l'homme arrive souvent au terme d'une longue vie après avoir surmonté maintes maladies dont chacune, naguère, aurait été mortelle. Des interventions de plus en plus audacieuses telles que les greffes, les transplantations d'organes, la correction de certaines "erreurs du métabolisme", témoignent d'une transformation du sens même de la médecine: son but n'est plus simplement d'aider la nature à guérir le malade, mais de créer un état artificiel de santé et de longévité inconnu dans la nature, que nous appelons la Néophysis.
Mais l'avènement de la Néophysis ne va pas sans produire des perturbations psychologiques et sociales profondes. Nul ne les a dénoncées plus énergiquement qu'Ivan Illich dans son livre, Némésis médicale.26 Illich déclare qu'en se développant la médecine moderne est devenue une puissante institution qui s'est liguée avec l'Etat pour opprimer l'individu; l'individu est tombé ainsi dans un état de dépendance par rapport à la médecine. C'est ce qu'Illich appelle la "médicalisation de la société". La médecine crée les maladies iatrogènes (par abus des médicaments, par surdiagnostics, par les méfaits de la bureaucratie médicale, etc.). Mais, même lorsque le diagnostic et le traitement sont corrects, ils exercent des effets secondaires nuisibles. En effet, la médecine moderne inhibe, dit Illich, la capacité d'auto-guérison du malade, elle le prive des bienfaits de la maladie, elle .médicalise" sa vieillesse et sa mort. Illich ne prétend pas qu'il faille fermer les hôpitaux et supprimer les médecins ; il demande que l'on "déprofessionnalise" la médecine et que l'on rende à l'individu le sens de sa responsabilité personnelle quant à la façon d'assumer sa maladie.
Les critiques d'Illich amènent tout naturellement à se poser cette question: une société saine, sans maladie, serait-elle possible en dehors de la Néophysis? C'est ici qu'il faut mentionner la controverse qui a surgi à propos des Hounza. Il s'agit d'une population évaluée généralement à 10,000 âmes, vivant dans une vallée isolée entre de hautes montagnes et difficilement accessible, à la frontière du Pakistan (auquel elle est rattachée politiquement) et de l'Afghanistan. Les premiers voyageurs qui visitèrent les Hounza affirmèrent que la maladie était complètement inconnue parmi eux.
Cette nouvelle fut accueillie avec enthousiasme dans les milieux naturistes, surtout après la publication du livre de Ralph Bircher.27 Au témoignage de plusieurs voyageurs, les Hounza jouiraient d'une santé étonnante; leur endurance, leur agilité, leur absence de vertige les rendraient capables d'effectuer des marches extraordinaires à travers les montagnes en portant de lourds fardeaux. A 70 ou 80 ans, ils en paraîtraient 50 ou 60, la maladie et la criminalité n'existeraient pas chez eux.
Cherchant une explication, on a invoqué les faits suivants: les Hounza vivent dans un pays de climat très sain, ils n'ont pas de villes, pas d'industrie, pas de pollution, pas d'engrais chimiques, leur eau provient des glaciers et contient des sels minéraux, ils travaillent dur et mènent une vie frugale, leur alimentation est à base de fruits, avec du fromage au lait et presque jamais de viande, ils subissent un jeûne relatif au début du printemps. On peut supposer aussi qu'ils sont issus d'une population génétiquement saine et que l'isolement prolongé pendant des siècles et les intermariages ont renforcé leurs supériorités héréditaires. En réalité, il semble que la maladie n'ait jamais été aussi rare chez les Hounza que certains observateurs l'avaient cru et que les maladies nouvelles se soient introduites récemment parmi eux .28
Malgré l'enthousiasme soulevé par le livre de Ralph Bircher et par certains articles de magazines chez les naturistes, on peut se demander combien parmi eux accepteraient d'acquérir la santé et la longévité au prix d'un genre de vie aussi rude que celui des Hounza. Toute l'évolution de la civilisation occidentale tend à diriger la médecine dans la direction de la Néophysis. Il est bon, cependant, qu'un Ivan Illich vienne sonner l'alarme sur les dangers qu'elle peut entraîner et qu'un Ralph Bircher vienne nous rappeler qu'un très haut niveau de santé peut être réalisé, dans des conditions favorables, par une stricte obéissance aux lois de la Physis.
TYPOLOGIE DES GUÉRISONS
On peut classer les types de guérison d'après deux principes. Nous avons déjà distingué les guérisons spontanées, de soi par soi, et de soi par autrui, et dans ce dernier groupe les guérisons charismatiques et les guérisons rationnelles. D'autre part, il faut faire une distinction importante entre les guérisons ordinaires, qui rentrent dans le cadre de ce que la pratique médicale a démontré comme étant guérissable, et les guérisons extraordinaires qui sortent de ce cadre. Vu la grande importance théorique de ces dernières, nous Commencerons par elles.
Guérisons spontanées extraordinaires
Certaines maladies qui, d'après les critères de la médecine scientifique, sont considérées comme incurables, peuvent parfois être l'objet d'une guérison spontanée complètement inattendue et mystérieuse.
Le célèbre chirurgien Ferdinand Sauerbruch écrivit en 1922 un article retentissant sur la guérison spontanée de cancers graves et avancés;29 outre un certain nombre de cas tirés de la littérature, il apportait trois exemples personnels. parfois, la guérison avait succédé à une infection ou une hémorragie de la tumeur; parfois, à une infection générale intercurrente (érysipèle, typhoïde). Dans deux cas, le patient avait reçu de fortes doses de morphine pour calmer ses douleurs; après un long sommeil (de 10 jours chez l'un, de 14 chez l'autre), il avait subitement déclaré qu'il se sentait bien et la guérison avait suivi. Chez la plupart des malades, on ne pouvait trouver aucune explication à la guérison. Diverses publications plus récentes ont apporté des cas nouveaux. Everson et Cole, en Amérique, en ont relevé plusieurs centaines dans la littérature depuis 1900 dont lis ont retenu 112 comme bien documentés.30 Fauvet et coll., en France, en ont retenu 163 auxquels lis ont ajouté deux cas personnels.31 Dans 58
cas, la guérison avait suivi un érysipèle; parfois on pouvait invoquer le choc opératoire; souvent la guérison semblait avoir été entièrement spontanée. Les auteurs évaluent la fréquence des guérisons spontanées à 1 pour 80,000 à 100,000 cancers.
Carl Hamburger a écrit une petite monographie relatant une douzaine de cas de maladies des yeux qui ne laissaient plus aucun espoir et que des ophtalmologistes compétents avaient considérées comme incurables, mais qui avaient guéri à la suite de maladies intercurrentes (malaria, scarlatine, érysipèle, ou apparition d'une autre maladie oculaire).32 Citons encore un article de Turnowsky rapportant quatre observations de guérison spontanée d'une épilepsie grave; dans deux cas à la suite d'une pneumonie, dans les deux autres à la suite d'une scarlatine. Chez les quatre malades, la guérison s'était maintenue après de longues années.33
On a cherché à expliquer de tels cas en invoquant la théorie de l'incompatibilité de maladies entre elles; c'est ainsi que l'érysipèle ferait disparaître le cancer. Malheureusement comme l'indiquent Fauvet et coll., tous les essais d'inoculation thérapeutique d'érysipèle à des cancéreux ont abouti à des échecs. Par ailleurs, dans nombre de cas, on ne trouve absolument aucune explication à la guérison spontanée. On est obligé d'admettre qu'il existe, à l'état virtuel, des mécanismes inconnus de guérison qui, chez un petit nombre de malades, peuvent être activés de façon quasi accidentelles; mais cela ne fait que reculer le mystère.
Les comptes rendus de guérisons spontanées extraordinaires, que nous avons cités jusqu'ici, ne font aucune mention de l'état d'esprit du malade. Se savait-il perdu? Avait-il accepté son sort ou le refusait-il?
Le rôle joué par le psychisme du malade n'a été pris en considération que dans un très petit nombre d'observations. Le Dr Paul Tournier a publié l'histoire d'une fillette, Mireille, envoyée dans un sanatorium d'enfants pour tuberculose grave.34 Elle entend le médecin dire qu'elle est perdue. Dans sa première nuit de sanatorium, son lit est devant la fenêtre, c'est une nuit de pleine lune, Mireille contemple la lune toute ronde au centre de la fenêtre. Une conviction souveraine l'envahit: "Tu guériras". Effectivement, elle guérit en quelques mois. Il n'y avait eu ni guérisseur, ni prédicateur, ni imposition des mains. Néanmoins, nous notons que l'enfant avait quitté sa tante détestée et avait été bien accueillie par une assistante sociale. Faut-il supposer que l'amour éprouvé pour cette assistante sociale aurait été le moteur de la guérison? En réalité, dans un cas de ce genre, il faudrait savoir beaucoup plus de choses sur la malade que les quelques indications données par l'auteur.
Tout à l'opposé, le psychanalyste Heinrich Meng a publié l'observation, elle aussi très résumée, d'une malade qui guérit rapidement d'un ulcère grave de la cornée sous l'effet d'une haine intense dont elle était animée.35 Nous sommes ici dans un des domaines les plus mystérieux de la thérapeutique. On ne peut distinguer aucune règle précise. La pratique médicale montre que la volonté de vivre échoue souvent, tandis que des malades qui s'abandonnent guérissent contre tout espoir.
Guérisons charismatiques extraordinaires
Parmi les nombreuses guérisons attribuées à des guérisseurs charismatiques, quelques-unes dépassent les limites de ce que la médecine considère comme étant guérissable. Rappelons tout d'abord les caractéristiques générales des guérisons charismatiques relativement au malade, au thérapeute, à la méthode de guérison et à l'entourage socioculturel.
Le malade appelle un guérisseur, moins comme un technicien que comme un sauveur. Suivant l'expression de Maeder, il projette "l'archétype du sauveur" sur quelqu'un qui pourra le guérir, croit-il.36 D'autres facteurs psychologiques sont à prendre en considération: le malade considère sa situation comme désespérée, mais n'a pas complètement perdu tout espoir de salut; il éprouve souvent un sentiment d'exaltation à l'idée de devenir un "miraculé", avec le prestige que cela lui conférera.
Le guérisseur, quant à lui, est bien différent du médecin rationnel. Son pouvoir curatif réside, non dans sa science et sa technique, mais dans sa personne. C'est un "don" ou une -force". Il existe de nombreuses variétés de guérisseurs. Chez beaucoup de peuples primitifs, ils sont hautement différenciés, souvent ils ont subi une longue et pénible initiation qui prend fréquemment la forme d'une maladie initiatique.37 Parfois, le guérisseur est l'objet d'une "élection", ou bien il découvre ses talents par hasard. Qaselid, chaman d'une tribu de l'Alaska, disait avoir fait sa première guérison sur un jeune homme qui avait rêvé qu'il était guéri par lui.38 Une histoire semblable figure dans la biographie d'un guérisseur français qui eut son heure de célébrité, Jean Béziat.39 Un inconnu lui amène sa fille atteinte d'une psychose grave, l'assurant qu'il peut la guérir. Béziat met les mains sur la tête de la malade et prie le Ciel de lui rendre la raison, cependant que la malade se débat en Poussant des cris terribles. Peu après, Béziat apprend que la jeune fille est guérie. Les malades affluent vers lui, qui est lui. même stupéfait par l'efficacité de ses cures.
Nous manquons malheureusement d'études réellement objectives et approfondies sur la personnalité des guérisseurs. Leurs procédés thérapeutiques sont très variés, tantôt très compliqués, tantôt très simples, et leurs théories fumeuses et inconsistantes. Maurice Igert conclut son étude par ces mots:
En résumé, nous ne trouvons rien, dans la psychologie des guérisseurs, qui puisse expliquer leur extraordinaire succès. Leur esprit est débile, leur personnalité reste insaisissable. On adorait un surhomme, on trouve un fantoche. C'est la foule elle-même qui forge l'instrument du miracle ardemment désiré.
Dans quelques cas, il s'agit nettement d'un délire systématisé: le début se fait par une illumination soudaine, intensément reconnue comme personnelle, le sujet acquiert la conviction de posséder le pouvoir de guérir les maladies et il se lance dans une carrière de guérisseur désintéressé." Naturellement, il ne faut pas confondre ces illuminés avec les charlatans qui délibérément trompent leurs malades bien qu'ils arrivent parfois à en guérir quelques-uns. Quelques guérisseurs ont écrit des ouvrages dans lesquels ils font part de leurs expériences et de leurs théories. Un des plus intéressants est sans doute le guérisseur italien Racanelli,41 qui fit sa médecine afin de se mettre à l'abri des poursuites. Dans ses ouvrages, la médecine tient fort peu de place, tandis qu'il décrit en détail comment les ondes "bioradiantes- qui émanent de sa personne guérissent les malades.
Toutes les études sur les guérisseurs montrent que la communauté joue un rôle essentiel dans leurs guérisons. Chez les peuples primitifs, c'est elle qui confère leur statut privilégié aux medicinemen et aux chamans et souvent participe à l'acte de guérison. Dans les pays civilisés, le guérisseur est soutenu par un climat de confiance constitué par la foule qui se presse dans sa salle d'attente et par tous ceux qui de près ou de loin croient en ses pouvoirs merveilleux.
Mais l'archétype du Sauveur (pour reprendre l'expression de Maeder) est souvent projeté, non sur un individu réel, mais sur un saint, un dieu, un personnage mythique ou un sanctuaire. Nous savons peu de choses sur les cures effectuées dans les temples de l'Egypte ancienne, mais nous sommes un peu mieux renseignés sur celles des temples d'Esculape dans l'antiquité gréco-romaine.42 Il paraît certain qu'il s'y produisait beaucoup de guérisons. Emma et Ludwig Edelstein ont cherché une explication de ces cures dans les conditions socioculturelles de la médecine à cette époque. Les connaissances des médecins et l'aide qu'ils pouvaient donner étaient infiniment plus restreintes qu'aujourd'hui; le nombre des cas supposément désespérés était donc beaucoup plus grand. Les médecins ne se chargeaient pas des cas qu'ils considéraient comme incurables et il est probable que parmi ceux-ci certains pouvaient guérir spontanément. D'autre part, faute d'institutions sociales, le sort des malades graves était effroyable. Or, Esculape était le dieu qui soignait les pauvres et ne repoussait pas les cas désespérés. Il y avait à côté des sanctuaires des bâtiments spéciaux où l'on hébergeait les malades pauvres et qui servirent peut-être de modèle pour les hôpitaux chrétiens.
Il est probable que les processus de guérison étaient fort différents dans les temples d'Esculape de ce qu'ils sont dans les sanctuaires modernes comme Lourdes. Nous manquons malheureusement d'une étude comparative sur les sanctuaires thérapeutiques à travers les époques et les pays. En ce qui concerne l'époque actuelle, le sanctuaire le plus connu est certainement celui de Lourdes, qui a donné naissance à une littérature assez considérable. L'illustre neurologue Jean-Martin Charcot écrivit, vers la fin de sa vie, un curieux article dans lequel il exprimait sa perplexité devant ce genre de guérison.
J'ai vu revenir de sanctuaires en vogue des malades qui y avaient été envoyés avec mon consentement ( ... ) J'ai examiné leurs membres atteints quelques jours auparavant de paralysies ou de contractures, et j'ai assisté à la disparition graduelle des stigmates sensitifs locaux qui persistaient presque toujours quelque temps encore après la guérison de l'élément paralysie ou contracture.43
Charcot refusait de penser qu'il S'agissait de guérisons surnaturelles; il croyait que c'était un phénomène naturel qui avait son déterminisme et ses lois que nous n'avons pas encore découverts. Ce domaine avait aussi ses limites: on n'avait jamais vu repousser un membre amputé; en revanche, on avait vu guérir des paralysies, des tumeurs et des ulcères.
D'innombrables controverses ont été suscitées par les guérisons de Lourdes, parmi les médecins, les théologiens et même les hommes de lettres. Parmi les guérisons les plus célèbres, nous nous bornerons à citer celle de Marie Ferrand, atteinte d'une péritonite tuberculeuse inopérable. Alexis Carrel, jeune médecin et athée convaincu, qui accompagna un train de pèlerins, vit la malade en route, puis à l'hôpital de Lourdes où elle semblait agonisante. Le même jour, il la revit devant la grotte et assista à une transformation rapide et prodigieuse de son état. Un côté intéressant de cette histoire fut le choc que cette guérison inexplicable exerça sur Carrel, dont elle bouleversa la carrière.44
Remarques sur les guérisons extraordinaires
Qu'elles soient spontanées ou charismatiques, les guérisons extraordinaires constituent un domaine spécial dont l'exploration est peu avancée, mais serait d'une importance capitale. Néanmoins, il faut noter que le domaine du "miracle" n'a cessé de reculer à mesure que celui de la médecine scientifique progressait. Il est très probable que beaucoup de guérisons dans les temples d'Esculape nous paraîtraient tout à fait banales aujourd'hui: il s'agissait de cas que les médecins de l'époque ne savaient pas ou ne voulaient pas traiter. A Lourdes, on voyait guérir naguère des tuberculeux ou d'autres maladies contre lesquelles la médecine de l'époque était désarmée, mais ne le serait plus aujourd'hui. Toutefois, il subsiste encore une zone mystérieuse que nous révèlent par exemple les guérisons spontanées de cancers inopérables ou de malades tels que Marie Ferrand à Lourdes. A ce Propos, André de Robert écrit ce qui suit:
Il semble qu'au-delà de ce qui nous est donné avec l'existence, c'est-à-dire au-delà de ce dont nous disposons, se trouve une zone de ce qui n'est pas donné, mais qui est pourtant possible, c'est-à-dire à laquelle on peut avoir recours . ( ... ) un domaine qui n'est pas assuré et qui pourtant n'est pas illusoire, un secteur qui est au-delà du raisonnement sans tomber dans l'absurde, au-delà de la sagesse selon ce monde, sans tomber dans la folie (..) une zone en général ignorée, la zone du possible de Dieu.45
Néanmoins, cette "zone du miracle" est bien limitée. D'une part, comme nous l'avons vu, elle se rétrécit constamment en raison des progrès de la médecine; d'autre part, il y a des limites qu'elle ne peut franchir, du moins dans l'espèce humaine. Faire repousser un membre amputé serait un miracle inouï chez l'homme, alors que c'est un phénomène normal chez les salamandres.
Guérisons spontanées ordinaires
Un des pièges les plus subtils de la pratique médicale consiste dans le fait que les guérisons spontanées sont beaucoup plus fréquentes qu'il ne paraît, mais leur existence est masquée par l'application de médicaments qui ou bien agissent comme placebo, ou bien exercent un effet iatrogène en retardant la guérison. Il y eut dans l'histoire de la médecine des phases où le progrès consista surtout à éliminer les traitements inutiles ou nuisibles.
C'est ainsi que Josef Skoda, une des gloires de la faculté de médecine de Vienne au XIXe siècle, se rendit célèbre par sa méthode du "nihilisme thérapeutique", c'est-à-dire qu'il interdisait l'usage de la saignée, des ventouses scarifiées, des moxas, et la prescription de médicaments dangereux à une époque Où la Pharmacologie expérimentale n'existait pas encore. En fait, Skoda n'était pas un nihiliste, mais un sceptique qui ne prescrivait que des médicaments dont l'efficacité était démontrée. Le célèbre psychiatre Eugen Bleuler, sans aller aussi loin que Skoda, pratiqua souvent ce qu'il appelait l'"oudénothérapie": il préférait n'administrer aucun médicament d'efficacité incertaine.46 Plus récemment encore, Brun et Pozzetto ont affirmé que la suppression totale de tout médicament est parfois le seul moyen de venir à bout de certaines manifestations trompeuses qui, en fait, ne sont que des effets secondaires de thérapeutiques pourtant bien conduites .41
Le phénomène de la guérison spontanée est particulièrement fréquent en psychiatrie. De nombreuses névroses, même graves, guérissent spontanément. Il existe à ce sujet une ample littérature. Plusieurs auteurs ont essayé d'analyser les facteurs qui déterminent ces guérisons spontanées. W. E. Gregory déclare que " la vie est thérapeutique": des circonstances extérieures favorables, un changement de métier, peuvent suffire à faire disparaître certaines névroses.48 Wolberg, analysant le mécanisme de plusieurs guérisons spontanées, trouve que le moteur principal en avait été un contact interpersonnel favorable au névrosé et un rehaussement de son estime de Soi.41 Nous pourrions multiplier des exemples de ce genre. Il est d'ailleurs bien connu que dans les cliniques psychothérapiques qui ont une longue liste d'attente beaucoup de névrosés guérissent spontanément avant que n'arrive leur tour.
Guérisons ordinaires charismatiques et rationnelles
Nous avons vu qu'aussi foin que nous pouvons remonter dans l'histoire, nous trouvons la coexistence de deux sortes de traitements et de deux sortes de guérisseurs. Au début, comme aujourd'hui encore chez certains peuples primitifs, le guérisseur charismatique domine, sous la forme du medicine-man ou chaman, personnage très important de la communauté; à côté de lui, le guérisseur rationnel joue un rôle secondaire. Dans la Grèce antique, la médecine rationnelle se développe, mais à peu près sur le même plan que la médecine des prêtres guérisseurs des temples d'Esculape. Aujourd'hui, la médecine rationnelle, devenue scientifique, domine entièrement la scène, refoulant dans l'ombre l'activité devenue illégale des guérisseurs, Même chez les peuples que l'on appelait récemment encore "non-civilisés", la médecine scientifique occidentale s'impose progressivement et selon toute apparence finira tôt ou tard par devenir dominante comme chez nous.
Rappelons une dernière fois les caractéristiques différentielles des deux sortes de guérison. Dans le cas du guérisseur charismatique, le malade a foi dans un homme qu'il appelle comme un sauveur. Le guérisseur est un homme différent des autres; il possède un "don", une "force", ou tout autre mystérieux pouvoir; son efficacité réside dans sa personne. Sa formation est variable, parfois très différenciée (chez les medicine-men ou chamans), parfois nulle ou presque; ses théories sont généralement inconsistantes ou fumeuses, ses méthodes thérapeutiques sont irrationnelles.
Dans le cas du guérisseur rationnel, et notamment du médecin moderne, le malade l'appelle en tant que technicien de la santé. Son efficacité réside dans sa connaissance de la médecine scientifique. Il a subi une formation technique rigoureuse. il se conforme, non à de vagues idées personnelles, mais aux théories de la médecine scientifique. Ses méthodes sont rationnelles puisqu'elles consistent dans l'application de mesures rigoureuses déduites de prémisses scientifiques. Ce n'est pas pour dire que le guérisseur charismatique ne puisse connaître de succès thérapeutique, ni le médecin moderne d'insuccès. L'efficacité du médecin moderne dépend surtout de l'état présent de la science. L'efficacité du guérisseur charismatique dépend de trois conditions: 1. que le malade croie que le guérisseur le sauvera; 2. que le guérisseur croie qu'il peut guérir son malade; 3. que la méthode soit acceptée par le milieu social où vivent le patient et le thérapeute. Partout où ces trois conditions se trouvent réunies, on obtiendra un certain pourcentage de succès,
Rappelons, pour conclure, la remarque d'Ackerknecht: le guérisseur "joue son rôle comme l'homme le plus irrationnel, selon un modèle parfaitement irrationnel", tandis que le médecin moderne "rationalise même l'irrationnel".50
PROBLÈMES ANTHROPOLOGIQUES
Il nous reste à nous demander en quoi la connaissance de la maladie et de fa guérison peut nous aider à la constitution d'une anthropologie (au sens d'une connaissance philosophique de l'homme). Il s'agit là d'une question peu actuelle aujourd'hui, mais qui fut soulevée et débattue par les Romantiques allemands. Rappelons que le Romantisme allemand ne se bornait pas à s'exprimer dans la littérature, l'art et la musique, mais qu'il pénétra également la philosophie, la science et la médecine. Dans son livre sur la médecine romantique, Leibbrand relate que plusieurs dizaines de théories ingénieuses surgirent quant à l'essence de la maladie.51 Novalis déclarait que les maladies devraient être la préoccupation essentielle de l'homme; elles représentent peut-être, disait-il, le stimulant et l'aliment les plus intéressants de notre pensée et de nos actions, mais nous ne savons que fort peu de choses sur l'art de les utiliser.52
Imaginons ce que serait l'humanité s'il n'existait aucune maladie, surtout au cas où la longévité humaine serait beaucoup prolongée. La mort revêtirait sans doute un aspect tout différent et nous paraîtrait peut-être beaucoup plus horrible. Peut-être serait-elle escamotée, les mourants subissant l'euthanasie dans un lieu caché, comme dans le roman d'Aldous Huxley, le Meilleur des mondes. Imaginons d'autre part ce que serait l'humanité s'il y avait des maladies, mais pas de guérison; toute maladie passerait à la chronicité et l'individu se dégraderait de maladie en maladie. Ce serait un monde de désespoir.
On peut en conclure que la maladie et la guérison jouent un rôle essentiel. D'une part, elles nous préparent graduellement à nous acheminer vers la mort. D'autre part, elles nous aident à lutter contre la mort et à tirer le plus grand parti possible, à tout moment, de ce qu'il nous reste à vivre. A un autre niveau, la maladie est intimement liée à l'histoire de l'humanité, comme le montre le rôle des grandes épidémies dans l'histoire ainsi que les pathographies des grands personnages.
Au niveau individuel, la maladie peut être acceptée, refusée ou demandée; on se heurte ici à des cas paradoxaux. Novalis avait déjà reconnu qu'il existe une hypocondrie banale et une "hypocondrie sublime". Un individu peut manifester extérieurement les symptômes d'une dépression, d'une névrose ou même d'une psychose plus ou moins graves parce qu'il traverse le processus mystérieux de la maladie créatrice.53 D'autres fois, il s'agit d'un secret pathogène54 ou d'une culpabilité existentielle.
D'autre part, la maladie peut être refoulée. L'Erewhon de Samuel Butler, pays utopique où les malades étaient punis sévèrement et les êtres antisociaux traités avec bonté, est une vision caricaturale de faits que l'on peut effectivement observer dans les sociétés humaines. Parfois, le refoulement de la maladie procède de l'instinct de conservation: de nombreux témoignages nous montrent que dans les camps d'extermination on voyait disparaître névroses et psychoses. Un psychanalyste allemand, Mülier-Eckhard, a publié quelques cas fort curieux d'individus "malades de ne pouvoir être malades".55 Novalis avait déjà parlé d'une fausse énergie due à la maladie. Beaucoup de psychothérapeutes, aujourd'hui, acceptent l'idée qu'il peut exister une fausse santé due à un refoulement intensif de la maladie, Il existe encore des cas où la maladie est simplement reniée, comme dans ces curieux cas d'anosognosie où le malade hémiplégique refuse de comprendre qu'il est paralysé.
Maladie et guérison du point de vue du monde des valeurs
La religion judéo-chrétienne met beaucoup l'accent sur la valeur spirituelle de la maladie comme sur celle de la guérison du prochain. Cette vision des choses est directement opposée à la philosophie qui a cours actuellement, qu'est une philosophie hédoniste, pragmatique et utilitaire pour laquelle la maladie est une nuisance pure et simple et la guérison un simple problème technique. Il fut une époque où l'on respectait la maladie, non parce qu'on la considérait comme bonne en elle-même, mais parce que l'on pouvait en faire un instrument de perfection. C'est ainsi que Pascal parlait du "bon usage des maladies". Aujourd'hui, tout ce qui n'est pas hédonisme moral (recherche du plaisir et refus de la douleur érigés en principe moral) ne peut être que masochisme moral (complaisance névrotique dans la souffrance). Mais à côté de cette attitude, il y a aussi le dolorisme (croyance à l'utilité possible de la souffrance et de la maladie). L'idée de la valeur morale et expiatoire de la souffrance pénètre la philosophie, la théologie et une partie de la littérature russes, mais semble avoir été singulièrement négligée par la pensée occidentale depuis le Romantisme allemand.
Un autre aspect du problème moral de la maladie se rapporte à la valeur de la guérison des autres et par les autres. Dans la perspective du christianisme primitif, la guérison était à la fois une fonction charismatique (exercée tout d'abord par le Christ, puis par les apôtres et les saints guérisseurs, prolongée par le sacrement d'extrême-onction, les exorcismes et plus tard la "cure d'âmes") et un devoir de charité (d'où le développement considérable des hôpitaux). Mais la situation a bien changé aujourd'hui. D'un côté, l'avènement de la médecine scientifique a fait reculer la portée des guérisons charismatiques, d'autre part, la généralisation de la sécurité sociale a limité énormément le rôle de la charité d'inspiration religieuse. Il y a là aussi un problème offert à la sagacité des penseurs religieux.
Une dernière question se rapporte aux relations entre la guérison et le salut. Malgré certaines similitudes, il n'existe pas de vrai parallèle entre le couple péché-salut et le couple maladie-guérison. L'affirmation suivant laquelle la maladie serait une conséquence du péché originel doit être entendue à un niveau très général et très abstrait. La maladie s'étend sur tout le monde vivant. Elle est très loin d'être le propre de l'homme, puisqu'elle afflige l'ensemble des animaux, des végétaux et des êtres unicellulaires. Le problème anthropologique de la maladie nous renvoie en dernière analyse au problème de la solidarité de l'homme avec l'ensemble du monde vivant.
Notes :
1 René Allendy, Essai sur la guérison. Paris, Denoel et Steele, 1934.
2 E. Korschelt, Regeneration und Transplantation. Berlin, Borntrâger, 3 vol., 1927 et 1931.
3 H.V. Wilson, "On Sorne Phenornena of Coalescence and Regeneration in SPonges". Journal of Experimental Zoology, vol. 5, 1907, pp. 245-258.
4 Paul S. Galtsoff, "Regeneration After Dissociation (An Experimental Study on Sponges)". Journal of Experimentai Zoology, vol. 42, 1925, PP. 183-251.
5 Abraham Tremblay, Mémoires pour servir à l'histoire d'un genre de polypes d'eau douce à bras en forme de cornes. Leide, Verbeek, 1744.
6 E. Korschelt, Regeneration und Transplantation, vol. 11, p. 136.
7 Les lois mathématiques de la durée de là cicatrisation en fonction de l'âge ont été étudiées par Lecomte du Noüy, Le Temps et la vie. Paris, Gallimard, 1936.
8 Max Mikorey, Fantômes et doubles. Paris, Doin, 1960.
9 E. Korscheit, op. cit., t. 1, P. 651.
10 David Katz, Mensch und Tier. Zurich, Conzett und Huber, 1948, p. 200.
11 Piotr Mannteufel, Tales of a Naturalist. Moscou, Foreign Languages Publishing House, s.d., p. 65-66.
12 W. Artelt, Studien zur Geschichte der Begriffe Helimittel und Gift. Leipzig, 1937, P. 7; cité par Erwin Ackerknecht, "Problems of Primitive Medicine". Bulletin of the History of Medicine, vol. 11, 1942, pp. 503-521,
13 R. Allendy, op. cit., P. 2l6.
14 Charles Darwin, The Descent of Man, revised. ed., New York, Appleton, 1897, p. 101.
15 Konrad Lorenz, King Solomon's Ring. New York, Croweil, 1952, P. 190.
16 Robert M. Yerkes; cité par H. Hediger, "Brutpflege bei Säugetieren". Ciba-Zeitschrift, no 129, pp. 4749-4758.
17 Arthur Jores, Der Mensch und seine Krankheit. Stuttgart, Klett, 1956, pp. 118-123.
18 Voir à ce sujet le livre de F. Llavero, Symptom und Kausalität. Stuttgart, Thieme, 1953.
19De nombreux exemples de cercles vicieux empruntés à tous les domaines de la médecine ont été collectionnés par Jamieson B. Hurry, Vicious Circles in Disease, 3e éd. augmentée. Londres, Churchill, 1919.
20Viktor Reko, Magische Gifte. Stuttgart, Euke, 1936.
21 Erwin H. Ackerknecht, "Zur Geschichte der iatrogenen Krankheiten". Gesnerus, vol. 27, 1970, pp. 57-63.
22 H. Péquignot, "Les maladies thérapeutiques". La Revue du Praticien, vol. 15, 1965, pp. 1307 ss.
23 Samuel-Lajeunesse et J.D. Gueffi, "Réflexions sur la iatrogénie". Annales médico-psychologiques, vol. 130 (1). pp. 51-60.
24 Nikola Schipkowensky, Iatrogenie oder befreiende Psychotherapie. Leipzig, Hirzel, 1965.
25 Melitta Schmideberg, "latrogenic Disturbance". American Journal of Psychiatry, 1963, p. 899.
26 Ivan Illich, Medical Nemesis., the Expropriation of Health. Londres, Calder and Boyars, Voir aussi Ivan Illich, "Medical Nemesis, The Lancet, 11 mai 1974, pp. 918-921.
27 Ralph Bircher, Hunsa. Das Volk, das keine Krankheit kennt. Berne, Hans Huber, 1942.
28Voir l'article de Mme Hélène Laberge-Dufresne, "La Vallée des immortels", dans Critère, no 13, La Santé 1, juin 1976.
29 erdinand Sauerbruch et M. Lebsche, "Die behandiung der bösartigen Geschwülste". Deutsche medizinische Wochenschrift, vol. 48, 1922, pp. 149-151.
30 Tilden C. Everson and Warren C. Cole, "Spontaneous Regression of Malignant Disease". Journal of the American Medical Association,1959. pp. 1758-1759.
31 J. Fauvet, J. Campagne, A. Chavy et G. Plat, "Guérisons spontanées des cancers". Revue du praticien, 1960, pp. 2349-2384.
32 Carl Hamburger, Selbsthellung Hoffnungsloser Krankheiten. lena, Gustav Fischer, 1928.
33M. Turnowsky "interferenz von Krankheiten". Wiener medizinische Wochenschrift, vol. 77, 1927, pp. 674-678.
34 Paul Tournier, dans J. Ellul et al., Dynamique de la guérison. Neuchâtel, Delachaux et Niestlé, 1967, pp. 118-138.
35 Heinrich Meng, "Hassreaktion als Therapeuticurn". Schweizerische Medizinische Wochenschrlft, vol. 79, 1949, pp. 863-865.
36 Alphonse Maeder, De la psychanalyse à la psychothérapie appellative. PariS, Payot, 1970.
37 Henri F. Ellenberger, "La Maladie créatrice-. Dialogue, Canadian Philosophical Review, vol. 3, 1964, pp. 25-41.
38 Henri F. Ellenberger, La découverte de l'inconscient. Villeurbanne, Sirnep-Edition, 1974, p. 10.
39 Maurice igert, Les Guérisseurs mystiques. Etude psychopathologique et médico-légale. Thèse méd., Toulouse, 1928-1929.
40 Uszer Fundia, Le délire d'invention médicale et d'action curatrice. Thèse méd., Paris, 1934.
41 R. Racanelli, Le Don de guérison. Neuchâtel, Delachaux et Niestlé, 1951; La Souffrance vaincue. Neuchâtel, Delachaux et Niestlé, 1954.
42 Emma J. Edelstein and Ludwig Edelstein, Ascieplus. A Collection and interpretation of the Testimonies. Baltimore, The John Hopkins Press, 2 vol., 1945.
43 Jean-Martin, Charcot, "La Foi qui guérit". Archives de Neurologie, vol. 25, 1893, pp. 72-87.
44AIexis Carrel, Le Voyage de Lourdes, suivi de fragments de Journal et de Méditations. Paris, Pion, 1949.
45 André de Robert, "Guérison dans les Evangiles", dans J. Ellul et al., Dynamique de la guérison, op. cit., pp. 23-36.
46 Eugen Bleuler, Das autistisch-undisziplinierte Denken in der Medizin und seine Ueberwindung. Berlin, Springer, 1919.
47 J. Brun et H. Pozzetto, "La Paix thérapeutique". Revue du Praticien, 1961, pp. 2243-2249.
48W. Edgar Gregory, "Life is Therapeutic". Mental Hygiene, vol. 37, 1953, pp259-264.
49Lewis R. Wolberg, "The "Spontaneous" Mental Ctire". Psychiatric Quarterly, vol. 18, 1944, pp. 10,5-117.
50 Erwin Ackerknecht "Problems of Primitive Medicine". Bulletin of the History of Medicine, vol. 11, 1942, pp. 503-521.
51 Werner Leibbrand, Romantische Medizin. Hambourg et Leipzig, Goverts, 1937.
52 Novalis, "Fragmente über Ethisches, Philosophisches und Wjssenschaftliches". Sammtliche Werke, Cari Meissner, vol. 3, 1898.
53 Voir H.F. Ellenberger, "La maladie créatrice", op. cit.
54 H.F. Ellenberger, "The Pathogenic Secret and its Therapeutics". Journal of the Nistory of the Behavioral Sciences, vol. 2, 1966, pp. 29-42.
55 H. Müller-Eckhard, "Die Krankheit, nicht krank sein zu können". Psyche, vol. 5, 1951-1952, pp. 290-309.