Rapport annuel au Congrès sur la traite des personnes dans le monde en 2001 - Introduction
L'année dernière, au moins 700 000 personnes, et peut-être même jusqu'à 4 millions d'hommes, de femmes et d'enfants ont été vendus, achetés, transportés, et involontairement privés de leur liberté, virtuellement obligés de vivre en esclavage. Pour cette forme moderne d'esclavage, connue sous le terme de « traite, ou trafic, des personnes », ceux qui s'y livrent ont recours aux menaces, à l'intimidation et à la violence afin d'obliger leurs victimes à avoir des relations sexuelles ou à travailler dans des conditions apparentées à celle de l'esclavage pour le compte du trafiquant et son gain personnel. Des femmes, des hommes et des enfants sont impliqués contre leur volonté dans le commerce international du sexe, qui comprend la prostitution, le tourisme sexuel et d'autres formes commerciales d'exploitation sexuelle. Ils sont aussi forcés de travailler dans des ateliers clandestins, dans la construction et dans l'agriculture. La traite des personnes peut aussi revêtir d'autres formes, notamment l'enlèvement d'enfants et leur conscription dans les forces gouvernementales ou dans les armées rebelles, la vente de femmes et d'enfants assujettis à une servitude en tant que domestiques, et l'utilisation d'enfants en tant que mendiants ou de jockeys pour chameau.
Souvent, les trafiquants déménagent les victimes de leur communauté pour les envoyer dans d'autres régions, soit dans leur pays même, soit à l'étranger, où elles sont isolées, peut-être incapables de parler la langue et peu familières avec la culture locale. Dans beaucoup de cas, les victimes n'ont pas les documents officiels autorisant leur immigration, ou alors ils ont de faux papiers que leur ont donnés les trafiquants. Ce qui est plus important encore, les victimes perdent le réseau de soutien que constituent la famille et les amis, ce qui les rend encore plus vulnérables aux exigences des trafiquants et à leurs menaces. Elles peuvent aussi exposer leur santé à tout un éventail de menaces, notamment à la violence conjugale, à l'alcoolisme, à des problèmes psychologiques, au VIH ou au sida, et à d'autres maladies vénériennes. Les personnes qui se retrouvent dans cette situation ne savent pas comment échapper à la violence et où aller pour obtenir de l'aide. Elles décident parfois de ne pas contacter les autorités parce qu'elles craignent d'être jetées en prison ou d'être déportées, d'autant plus que les gouvernements de certains pays apparentent ces victimes à des criminels. Dans d'autres pays, les victimes qui consentent à aider les autorités à poursuivre en justice les trafiquants ne bénéficient d'aucune protection.
Les trafiquants recrutent et trouvent des victimes potentielles de diverses façons. Ils placent des annonces dans les journaux locaux offrant des emplois bien rémunérés dans des villes séduisantes. Ils ont aussi recours à de fausses agences de l'emploi, agences de voyages, agences de mannequins, agences matrimoniales pour duper dans leurs réseaux de jeunes hommes et de jeunes femmes naïfs. Dans un village, un trafiquant peut se présenter comme « un ami d'un ami » pour rencontrer des familles et convaincre des parents que leurs enfants seraient plus en sécurité et mieux soignés si cet « ami » s'en occupait. Les trafiquants trompent souvent les parents en leur faisant croire que leurs enfants apprendraient un métier ou acquerraient des compétences utiles, mais les enfants se retrouvent en état de servitude dans de petits magasins, dans des exploitations agricoles, ou comme serviteurs. Les trafiquants promettent aussi aux parents qu'ils vont marier leurs filles, mais celles-ci sont obligées de se prostituer. Parfois les trafiquants recourent à la violence et kidnappent les victimes.
Les causes de la traite de personnes
L'instabilité économique et politique accroît fortement la probabilité qu'un pays deviendra une source de victimes potentielles d'un trafic de personnes. Dans les pays où sévissent un chômage chronique et la pauvreté et où les possibilités économiques font défaut, les trafiquants font miroiter des promesses de salaires plus élevés et de bonnes conditions de travail dans des pays étrangers afin de duper les gens dans leurs réseaux. Les victimes, qui souhaitent améliorer personnellement leur sort et celui de leur famille, sont facilement convaincues par les promesses des trafiquants. Les guerres civiles, les conflits internes armés et les catastrophes naturelles déstabilisent et déplacent les populations et accroissent en outre leur vulnérabilité face à l'exploitation et aux sévices. Dans certains pays, les pratiques sociales ou culturelles facilitent la traite de personnes. Le peu de cas qui est par exemple fait de la vie des femmes et des filles dans certaines sociétés par rapport à celle des hommes contribue à alimenter l'industrie en expansion qu'est la traite des personnes. Dans d'autres sociétés, la pratique qui consiste à confier à des amis ou à des membres plus aisés de la famille les enfants de familles pauvres peut conduire à des situations dans lesquelles ces enfants subissent des sévices ou sont exploités.
Dans nombre de pays de destination, l'exploitation sexuelle à des fins commerciales et la demande de main-d'œuvre bon marché ont augmenté depuis plusieurs dizaines d'années. Nombreux sont les trafiquants qui font partie de réseaux criminels impliqués dans d'autres crimes transnationaux qui ont compris qu'ils pouvaient tirer de gros bénéfices en fournissant les gens qui répondront à ces demandes. La traite de personnes n'exige pas un gros investissement de capitaux et elle s'accompagne en général d'un minimum de risques d'être pris par les services policiers. Par ailleurs, contrairement à la drogue, les victimes de la traite de personnes peuvent être revendues et utilisées à plusieurs reprises par les trafiquants. Dans certains pays, la corruption attise le problème lorsque les responsables locaux sont complices de la traite des personnes ou ferment les yeux à son sujet.
Avant d'arriver dans leur pays de destination, les victimes de la traite des personnes passent souvent par des pays de transit. Les trafiquants ont parfois recours à de faux papiers pour passer les frontières. Des contrôles de frontières poreux et la corruption des responsables de l'immigration facilitent aussi le transit des victimes.
Ampleur du problème
Étant donné la nature de la traite des personnes et son caractère souvent clandestin, il est extrêmement difficile d'établir des statistiques exactes sur l'étendue du problème. Selon une estimation du gouvernement des États-Unis reposant sur des données de 1997, chaque année 700 000 personnes, principalement des femmes et des enfants, sont victimes d'un trafic international. D'autres chiffres font état d'un trafic atteignant de un à quatre millions de personnes. Selon les statistiques de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) pour l'année 1997, le nombre total de personnes qui sont victimes d'un trafic de personnes dans leur pays ou d'un trafic international, s'élève à quatre millions. Les États-Unis sont principalement un pays de transit et de destination pour les victimes de la traite des personnes. Selon une estimation de 1997, quelque 50 000 femmes et enfants sont envoyés chaque année aux États-Unis dans le cadre d'un trafic de personnes à des fins d'exploitation sexuelle.
La Loi de 2000 sur la protection des victimes de la traite des personnes et d'actes de violence (Partie A de la Loi publique 106-386) a été promulguée afin de lutter contre la traite des personnes, de garantir une punition appropriée et efficace des trafiquants et de protéger les victimes. Plus de délits sont couverts par cette loi qui renforce les peines criminelles déjà en vigueur, offre de nouvelles protections aux victimes d'un trafic de personnes et accorde certains avantages et services aux victimes d'une forme grave d'exploitation dans le cadre d'un trafic de personnes. En vertu de cette approche générale pour lutter contre le problème, la loi de 2000 a créé des mandats importants pour plusieurs agences du gouvernement fédéral, notamment pour le département d'État, les ministères de la justice, du travail, de la santé et des affaires sociales, ainsi que l'Agence des États-Unis pour le développement international. L'une des responsabilités du département d'État est la soumission annuelle au Congrès d'un rapport faisant le point de plusieurs graves formes de traite des personnes. Ce rapport est le deuxième.
Les mesures prises par les États-Unis
Le gouvernement des États-Unis condamne la traite des personnes et demeure résolu à combattre ce fléau et à protéger les victimes qui tombent sous la coupe des trafiquants. Il a pris de nombreuses mesures, dont la publication annuelle du présent rapport, en vue d'intensifier ses efforts de surveillance et de lutte.
En application de la loi, le président Bush a créé le Groupe de travail interministériel du président chargé de surveiller et de combattre la traite des personnes. Présidé par le secrétaire d'État, ce groupe de travail est composé des ministres de la justice, du travail, de la santé et des services sociaux, ainsi que des directeurs du renseignement central, du Bureau de la gestion et du budget et de l'Agence des États-Unis pour le développement international. Au nombre de ses tâches figurent notamment la coordination de l'application de la loi et la fourniture d'une assistance au secrétaire d'État aux fins de la préparation du présent rapport. Le Groupe de travail a tenu sa première réunion, sous la présidence de M. Colin Powell, en février 2002.
Ainsi que le prévoyait la loi, le département d'État a créé en octobre 2001 le Bureau de la surveillance et de la répression de la traite des personnes, chargé de diriger l'élaboration et l'exécution de notre engagement international en matière de traite des personnes et de prêter main-forte au Groupe de travail. Il prépare en outre des rapports et des analyses sur la traite, coordonne des programmes internationaux de prévention de la traite et d'aide aux victimes, et assure la liaison avec des organisations non gouvernementales (ONG) et internationales. De plus, les autres organismes fédéraux représentés au sein du Groupe de travail détache du personnel auprès du Bureau afin de renforcer la coordination interorganismes et de seconder les activités du Groupe de travail. On trouvera un complément d'information (en anglais) sur le Bureau sur son site d'Internet : www.state.gov/g/tip.
Le Bureau de la surveillance et de la répression de la traite des personnes fonde son action sur la responsabilité législative qui lui est donnée de combattre et d'éradiquer la traite des personnes. Vu l'ampleur et l'urgence de cette tâche, le Bureau s'est fixé les priorités suivantes :
- - aider les pays à éliminer la traite,
- promouvoir la coopération régionale et bilatérale en matière d'éradication,
- appuyer l'action des fournisseurs de services et des ONG visant à la prévention de la traite et à la protection des victimes.
Afin de maximiser l'effet produit par son rapport, le département d'État multiplie ses contacts avec les pouvoirs publics à l'étranger de façon à stimuler la coopération et à renforcer les campagnes de lutte contre la traite des personnes sur une base tant régionale que nationale. Il a également augmenté sa couverture de la traite des personnes dans son Rapport annuel sur les droits de l'homme dans le monde.
Le Bureau de la surveillance et de la répression de la traite des personnes collabore avec d'autres organismes officiels des États-Unis qui ont mis en œuvre des programmes énergiques de prévention de la traite, de poursuite en justice des trafiquants et de protection des victimes tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays. Divers organismes gouvernementaux se sont concertés pour publier, à l'intention des victimes, des ONG et des forces de l'ordre, des brochures d'information sur la traite des personnes, pour administrer des programmes de formation à l'intention des fonctionnaires, pour diffuser la réglementation et établir des directives concernant la protection et l'assistance des victimes de la traite des personnes, et pour financer des activités diverses de lutte tant aux États-Unis qu'à l'étranger. Une récapitulation des mesures d'application de la loi figure dans le site d'Internet du Bureau, dans un document (en anglais) intitulé « Overview of the Administration's Implementation of the Trafficking Victims Protection Act ».
Durant l'année budgétaire 2001, le gouvernement des États-Unis a appuyé plus de 110 programmes de lutte contre la traite des personnes entrepris dans une cinquantaine de pays. Cette assistance a pris les formes suivantes : programmes économiques de substitution pour les groupes vulnérables ; programmes d'éducation ; formation de fonctionnaires et de personnel médical ; élaboration ou amélioration des lois de répression de la traite ; fourniture de matériel aux forces de l'ordre ; création ou rénovation de gîtes et de centres d'accueil d'urgence des victimes ; programmes de rapatriement volontaire et de réinsertion des victimes ; aide aux programmes de conseils psychologiques, juridiques et médicaux administrés par les ONG, les organisations internationales et les gouvernements. La priorité du département d'État consiste à aider les gouvernements des catégories 2 et 3 qui peuvent prétendre à une assistance et qui sont décidés à lutter contre la traite des personnes.
Le département d'État a activement recherché la coopération des ONG, qui est cruciale en raison de leur expérience pratique. Il serait difficile d'engager une campagne internationale de lutte contre la traite des personnes dans leur collaboration. Au cours de l'année écoulée, le Bureau a tenu de nombreuses réunions et conférences avec les ONG afin de bénéficier des fruits de leur expertise et de leurs recommandations. Qui plus est, en préparant le présent rapport, le Bureau a sollicité des informations auprès de plus de 140 ONG sur les pratiques et programmes en matière de traite des personnes dans le monde. Conformément à l'obligation que lui fait la loi de recourir à l'aide des ONG, le Bureau sollicite de nouvelles suggestions sur les manières possibles de renforcer la coopération des ONG.
L'engagement à l'échelle internationale
La traite des personnes a atteint une ampleur atterrante dans le monde. La solution de ce problème et l'assistance en faveur de ses nombreuses victimes ne seront possibles qu'au prix d'efforts coopératifs. Ceux-ci doivent se déployer dans un contexte tant bilatéral que multilatéral entre les divers gouvernements, mais aussi entre les gouvernements et la société civile, dont les ONG. Ils doivent impliquer la coordination gouvernementale des stratégies nationales de lutte ainsi que la coordination à l'échelle locale. Les pays de destination doivent conjuguer leurs efforts avec ceux des pays d'origine et de transit en vue d'enrayer la traite ; les pays d'origine doivent travailler non seulement à prévenir la traite, mais aussi à assurer la réintégration des victimes dans leur société d'origine. L'engagement des États-Unis à l'échelle internationale vise à renforcer à l'étranger la volonté politique de combattre la traite, à accroître le dialogue entre les pays en vue de dégager des moyens d'élargir encore les programmes nationaux, régionaux et internationaux de lutte, et à soutenir les efforts que déploient les pays en vue d'éradiquer la traite des personnes.
Le Protocole des Nations unies visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, qui s'adjoint à la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée et qui a été adopté par l'Assemblée générale de l'ONU en novembre 2000, est un nouvel outil important destiné à faciliter la coopération internationale. Les États qui signent et ratifient ce protocole s'engagent à criminaliser la traite des personnes, à protéger ses nombreuses victimes et à prévenir la traite à l'avenir. À ce jour, les États-Unis et 104 autres pays ont signé le protocole.
Deux autres instruments internationaux qui portent sur la vente et la traite des enfants ont été également adoptés : la Convention 182 de l'Organisation internationale du travail (OIT) concernant l'interdiction et l'élimination des pires formes du travail des enfants (que les États-Unis ont ratifiée en décembre 1999) et le Protocole à la Convention sur les droits de l'enfant, concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (que les États-Unis ont signé en juillet 2000). Aux termes de la Convention 182 de l'OIT, les États doivent prendre des mesures afin de fournir une éducation de base gratuite aux enfants que l'on a délivrés des pires formes de travail, telles que la prostitution et la pornographie. Le protocole exige que les États criminalisent la prostitution et la pornographie relatives aux enfants de moins de 18 ans. Le gouvernement des États-Unis œuvre de concert avec les autres signataires de la Convention 182 de l'OIT afin de garantir que les mesures officielles prises contre l'exploitation des enfants demeurent soutenues et significatives.