Nation mûre, qui du moins devrait l’être, nous nous instituons orgueilleusement ‘une démocratie’, et nous ne sommes guère qu’une cohue de démocrates inconséquents, prétendant tous – le croira-t-on ? – à l’aristocratie de l’épée – d’une épée qu’on ne porte plus ! Spectacle unique dans le démantibulement universel. Avec nos théories insensées, nous voulons briser en quarante morceaux la grande épée militaire et sociale de la France; mais, blagueurs éternels, nous en voulons garder un bout pour nous, un petit bout qui brille et derrière lequel nous mettons notre chétive et morne personnalité. (…) Car un duel distingue. C’est une
distinction. Un duel
fait bien puisqu’il fait du bruit. Si, quand il s’en produit un quelque part, on s’en taisait; s’il était défendu aux journaux d’en parler; si ce n’était les défis, les témoins, les rédactions, toutes les cérémonies de mamamouchi qu’on fait maintenant pour se donner un coup d’épée, qu’autrefois on se donnait très bien tout de suite, sous un réverbère; si ce n’était pas là une pièce à plusieurs actes à laquelle tout le monde fait galerie, vous verriez le duel diminuer et bientôt disparaître.