Pour Claude Bernard, la maladie est un écart quantitatif et non un changement qualitatif.
Quand Dubos déclare que l'organisme ne se contente pas de rétablir la fixité du milieu interne, il critique une conception de la normalité qui remonte à Claude Bernard. C'est à l'occasion de ses travaux sur le diabète que Claude Bernard avait énoncé sa célèbre théorie de la fixité du milieu intérieur qui est, selon ses propres mots, la condition de la vie libre et indépendante. Le grand physiologiste français avait observé que les symptômes du diabète apparaissent quand le taux de sucre dans l'organisme tend à s'éloigner de la norme qu'il situait à 3 p. 1000 (on la situe plutôt aujourd'hui entre 1.3 et 1.8 p. 1000). Le physiologiste américain Walter B. Cannon proposa ensuite le mot
homéostasie pour désigner la tendance de l'organisme à rétablir l'équilibre du milieu intérieur lorsque ce dernier a été rompu.
Pour Claude Bernard, il y a continuité entre le normal et le pathologique. La maladie n'est pas un état nouveau, qualitativement différent de l'état normal, mais une variation quantitative d'un processus normal, un simple écart par rapport à une norme. Fuite de l'âme ou au contraire invasion de l'âme par un esprit maléfique, toutes ces explications archaïques de la maladie se trouvent ainsi écartées. On est en plein positivisme, mais du même coup un terrible soupçon s'abat sur l'humanité: si la maladie n'est pas un état qualitatif nouveau dont le sujet fait l'expérience, alors la personne en santé doit toujours présumer qu'elle est un malade qui s'ignore. Dans la logique d'une telle conception, seul le recours aux tests peuvent la rassurer sur son état.