Modernité







«Le mot moderne, cette notion nouvelle, suppose un temps "vectoriel", un temps qui se déroule, qui avance, qui dessine une sorte de flèche vers l'avenir; et il suppose aussi que l'on compare de manière positive le proche et que l'on porte un jugement moins favorable sur le plus ancien. Or cela, cette notion - sur laquelle nous reviendrons plus loin - et les mots pour la porter, comme le mot de progrès, au sens que lui donnera plus tard le 18ème siècle, on ne la trouve que dans la Bible, dans l'Ancien Testament, dans la pensée de l'ancien Israël. Partout ailleurs, c'est-à-dire dans toutes les autres cultures, une telle notion et les mots pour la dire sont empruntés et sont le résultat d'une acculturation. » Tiré d'une conférence de l'historien Pierre Chaunu, La modernité, qu'est-ce que c'est?

Essentiel

Apprendre à vivre la modernité
«Apprendre à vivre n'est peut-être pas autre chose, pour certains hommes et certaines femmes de la modernité, que renoncer à en fournir les raisons et à en fuir ainsi le terme. Il faut d'ordinaire, pour y parvenir, beaucoup de temps, et un certain nombre de désillusions. Longtemps la pente paraît irrésistible, qui conduit l'esprit du présent qui lui est offert au futur de l'espoir et du rêve ou au passé des remords ou des regrets, de la complaisance ou des nostalgies. Nous faisons comme si, de ce que nous apporte l'instant chaque fois nouveau, la vraie vie était absente et qu'il fallait la chercher ailleurs et dans un autre temps. Comme il nous faut des déboires pour consentir à l'évidence que nous ne sommes jamais ailleurs que là où nous sommes, ni dans un autre temps que le présent. Vouloir corriger ou récupérer son passé est une tâche stérile; s'enchanter d'un futur qui n'est pas encore et qui ne sera peut-être jamais n'est pas moins futile. Par l'une ou l'autre fuite, on manque à vivre la seule vie qui soit donnée et qui n'est jamais que là où l'on est, et dans l'instant où l'on y est. Il faut sans doute avoir vécu du grand rêve métaphysique et religieux, et en avoir un jour désespéré, pour s'avouer que l'on n'a pas d'autre vie que là où on est, au moment même où on y est que l'instant fugitif qui est offert n'est pas suspendu à l'éternité immobile et que l'on n'a pas à chercher dans l'ailleurs d'un ciel ou d'un rêve une vie qui n'est jamais qu'ici. La vraie vie n'est pas absente; on manque seulement à l'accueillir là où elle est, dans le vierge, le vivace et le bel aujourd'hui, selon le vers admirable du poète. Si le vierge aujourd'hui qui m'est seul donné m'accable, hier ou demain m'en paraissent plus beaux. Mais, par un juste retour des choses, ce vivace aujourd'hui m'accable d'autant plus que je cherche à m'en évader, dans l'hier ou le lendemain. Comme ces touristes pressés, partagés entre la saturation de trop de choses rapidement entrevues et le désir d'en voir d'autres encore: c'est toujours à la prochaine étape que les attend le véritable plaisir, et le goût de s'y attarder. Toujours là où, précisément, ils ne sont pas.»

GAÉTAN DAOUST,"Entre la mort de Dieu et le triomphe de la science: un homme
en quête d'identité"
, L'Agora, vol 1, no 3, décembre 1993

Enjeux

Modernité et politique
«La notion de modernité en politique est bien l’une des plus creuses que l’on puisse imaginer. Elle est même pitoyable car elle n’exprime que la fièvre des modes et l’errance d’une classe politique tellement fière de son vide programmatique que ce vide devient même son seul programme. À défaut d’agir sur les réalités, on brasse des mots et des slogans en se laissant porter par la vague. »

CHRISTIAN AUTHIER, "Les anciens et les modernes", L'Opinion indépentante (Toulouse), date non précisée, 1999.


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« Aujourd'hui, le diagnostic postmoderne de la faillite de la modernité ne nous satisfait plus. Nous pressentons que l'enjeu présent est bien plutôt de réaliser de nos jours ce qui était déjà l'enjeu de la modernité: soumettre la nature externe du monde et la nature interne de l'homme à la raison humaine, au jugement de vérité, et produire ainsi la révolution copernicienne non seulement dans la science et la technique, mais d'abord et avant tout, dans le domaine de l'action et du désir. La perception de cet enjeu nous permet de reconnaître que les difficultés de la modernité n'étaient pas seulement sociales et éthico-politiques, mais qu'elles sont d'ordre cognitif et peuvent être surmontées par une théorie anthropologique du langage et la reconnaissance de sa dynamique effective. »

JACQUES POULAIN, résumé d'une intervention au colloque «Le moderne après le post-moderne», Tokyo, 1996.

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