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Essentiel

«Il y a des hommes océans en effet.

Ces ondes, ce flux et ce reflux, ce va-et-vient terrible, ce bruit de tous les souffles, ces noirceurs et ces transparences, ces végétations propres au gouffre, cette démagogie des nuées en plein ouragan, ces aigles dans l'écume, ces merveilleux levers d'astres répercutés dans on ne sait quel mystérieux tumulte par des millions de cimes lumineuses, têtes confuses de l'innombrable, ces grandes foudres errantes qui semblent guetter, ces sanglots énormes, ces monstres entrevus, ces nuits de ténèbres coupées de rugissements, ces furies, ces frénésies, ces tourmentes, ces roches, ces naufrages, ces flottes qui se heurtent, ces tonnerres humains mêlés aux tonnerres divins, ce sang dans l'abîme; puis ces grâces, ces douceurs, ces fêtes, ces gaies voiles blanches, ces bateaux de pêche, ces chants dans le fracas, ces ports splendides, ces fumées de la terre, ces villes à l'horizon, ce bleu profond de l'eau et du ciel, cette âcreté utile, cette amertume qui fait l'assainissement, de l'univers, cet âpre sel sans lequel tout pourrirait; ces colères et ces apaisements, ce tout dans un, cet inattendu dans l'immuable, ce vaste prodige de la monotonie inépuisablement variée, ce niveau après ce bouleversement, ces enfers et ces paradis de l'immensité éternellement émue, cet infini, cet insondable, tout cela peut être dans un esprit, et alors cet esprit s'appelle génie, et vous avez Eschyle, vous avez Isaïe, vous avez Juvénal, vous avez Dante, vous avez Michel-Ange, vous avez Shakespeare, et c'est la même chose de regarder ces âmes ou de regarder l'océan.»

VICTOR HUGO, "William Shakespeare", in Œuvres complètes: Philosophie, Paris, éd. J. Hetzel & A. Quantin, 1882, p. 14


«Mais l'homme plus qu'homme, d'où vient-il? La suprême intelligence, qui est ici-bas le grand homme, quelle est la force qui l'évoque, l'incorpore et la réduit à la condition humaine? Quelle est la part de la chair et du sang dans ce prodige? Pourquoi certaines étincelles terrestres vont-elles chercher certaines molécules célestes? Où plongent ces étincelles? Où vont-elles? Comment s'y prennent-elles? Quel est ce don de l'homme de mettre le feu à l'inconnu? Cette mine, l'infini, cette extraction, un génie, quoi de plus formidable! D'où cela sort-il? Pourquoi, à un moment donné, celui-ci et non celui-là? Ici, comme partout, l'incalculable loi des affinités apparaît, et échappe. On entrevoit, mais on ne voit pas. O forgeron du gouffre, où es-tu?» (Victor Hugo)

Enjeux

«C’est un lieu commun qu’il y a des talents et même des génies inconnus. Il y en a sans doute assez peu, s’il s’agit d’une obscurité absolue; il y en a beaucoup, s’il ne s’agit que d’une obscurité relative. On citerait aujourd’hui plus d’un nom qui n’est pas à sa vraie place dans l’admiration des hommes et qui, hélas, n’y sera peut-être jamais. L’on dira plus tard, dans les manuels de littérature : leur réputation n’a pas égalé leur talent – et l’on passera. Cela vaut peut-être mieux, après tout, que de se préparer cette autre mention, qui n’est pas plus rare : la réputation qu’ils eurent de leur vivant est devenue inexplicable, car leur talent est vraiment des plus médiocres. »

REMY DE GOURMONT, "Le Bonheur littéraire: M. Edmond Rostand", dans Promenades littéraires (1ère série), p. 59-60

* * *


«Toujours soumis à l'influence lointaine du romantisme, il semble qu'on ne puisse plus aujourd'hui "concevoir que le génie littéraire soit incarné dans un homme qui se livre en toute simplicité au métier dans lequel il est tombé, mais qui le fait supérieurement, dont les plaisirs sont sans éclat et les douleurs intérieures, qui n'envie rien parce que son imagination possède tout, pour qui la vie n'est qu'un espace de temps que les amours et la taverne remplissent mal, auquel un hasard révèle les possibilités magnifiques d'un esprit qu'il n'avait jamais songé à interroger directement, qui se lasse un jour d'organiser la vanité des rêves et s'en va mourir là où il était né.»

REMY DE GOURMONT, "Shakespeare", dans Promenades littéraires. Cinquième série. Reproduit à partir de la 4e édition (Paris, Mercure de France, 1913, p. 184).

Articles


Sur le génie

Denis Diderot

Les Génies

Victor Hugo

Sainteté

Jacques Dufresne

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